dimanche 17 avril 2016




Keboemen

2 juin 1935
A sa maman

C’est dimanche, et déjà le soir. Je n’ai rien écrit pendant toute la journée. Ce matin j’ai fait de l’ordre dans notre salon et cela m’a pris toute la matinée, ne l’ayant plus eu fait depuis au moins trois semaines. Cet après midi j’ai dormi et à 4 heures au lieu de jouer au tennis comme c’était notre intention, Oscar a eu la visite d’un chinois ou peut être d’un Indo, je n’en sais rien, car il est encore ici et je ne puis pas définir sa race. En tout cas, il est très poli et a du savoir vivre, tu devrais voir cela. Ma petite baboe n’est pas venue cet après midi, donnant comme excuse qu’elle est malade. Il est vrai que depuis quelques jours elle a eu un peu de toux, mais  il me semblait que ce n’était pas assez pour justifier son absence. Je m’attendais donc à devoir en chercher une autre car avec ces javanais on ne sait jamais à quoi l’on en est. J’ai envoyé le djongos demander quand elle comptait revenir, je voulais en avoir le cœur net et pouvoir en chercher une autre tout de suite. Elle a répondu qu’elle reviendrait demain matin. Heureusement, car cela m’aurait diablement embêtée de devoir recommencer avec une autre, surtout maintenant juste avant notre départ (juillet à Soerabaya 2 semaines).
Merci, merci de tout cœur pour ta bonne lettre 88. J’en ai eu un plaisir fou, car elle était plus satisfaisante que les dernières. Je ne sais pas pourquoi c’est peut être que tu étais un peu moins fatiguée, ou la distraction que t’a apporté la visite des Stern. Tu as de nouveau eu un bout de monde, de grand souffle du dehors, c’est toujours quelque chose qui rend élastique, qui donne du Schwung. Ah oui, tu as raison il n’y a rien de tel que ces changements là, pour interrompre la monotonie des jours, de la vie quotidienne.
Avant tout, merci, merci pour le deuxième soulier que j’ai donc reçu en bon état, avec un bas clair dans chacun d’eux. Ils me vont comme un gant. J’ai également reçu les paires de bas que tu mentionnes dans ta lettre. J’ai maintenant 2 paires de bas beiges, des chers, et deux paires de clairs, qui me rendent grand service aussi. Si tu peux m’en acheter encore une paire de gris clairs. Mais achète les seulement si tu as l’occasion d’en trouver des bon marché, car je ne veux pas que tu m’en achètes des chers. Dis-moi aussi à quel prix reviennent les deux robes, le prix des bas et celui des souliers.  Bien que je puisse pas encore te donner l’argent, j’aimerais tout de même savoir le prix des choses que tu m’envoies, pour comparer avec ce qui se vend ici. Tu comprends si je puis acheter bon marché ici, je ne vais pas le faire venir de Suisse. N’oublie pas de me répondre sur ces questions stpl.
Merci mille fois pour les belles robes. Oh, je me réjouis tant de les avoir, merci mille fois. Oui je suis contente que tu aies retiré la commande de cette toilette kimono. Ce genre est bien joli, il me va aussi très bien, mais pfui, c’est si désagréable à porter. Te rappelles-tu ma belle robe beige, ce que j’ai souvent juré à cause des manches qui ne me permettaient aucune liberté de mouvement.

Oui tu profiteras de Sutz. Pourvu que cela aille bien avec ces gens. Et surtout, pourvu que tu ne te laisses pas aller à blaguer de nouveau et à te laisser marcher dessus comme cela t’est sûrement aussi arrivé de le faire avec les Brero. Qu’est-ce que les Haury (Tata St Gall) ont dit de ce nouvel état de choses ? J’aurais voulu voir leur binette quand ils ont entendu la nouvelle.
Non, sur cette belle photo de St Gall, tu n’as pas vieilli du tout et j’espère de tout cœur qu’elle corresponde à la vérité et que le photographe n’a pas trop retouché ! C’est sûr que tu es la plus belle, nous l’avons aussi pensé immédiatement, et tout le monde le trouve.


Oui, je comprends que Hedy te fasse ses confidences, écoute-les toujours mais sois prudente avec ce que tu dis. Oui, je sais, Hedy est toujours absente quand on lui parle, et si tu ne trouves plus d’occasion de parler de ce mannequin, ne le fais pas, je ne veux pas que tu sois embêtée par mes mille et un désirs.
Avez-vous peut être eu des nouvelles de papa Woldringh ? il y a déjà 5 semaines que nous n’avons plus reçu de lettre ni le plus petit signe de vie, et bien qu’il nous avait averti qu’il n’écrirait pas pour quelque temps, nous commençons de nous inquiéter.
Quant à Lölö (Louis), je crois qu’il est définitivement sorti du nid maintenant. Je souhaite de tout mon cœur qu’il aille bien, qu’il réussisse, aussi pour papa. Qu’il soit déjà franc maçon m’a d’abord choquée un peu. Il est encore si jeune ! Mais Buby a plutôt trouvé que Lölö avait bien fait. Buby dit qu’il le deviendra probablement aussi un jour, quand l’occasion se présentera. Oh, oui, je peux me représenter que tu ne veuilles rien dire à St Gall. Bon sang, cela soulèverait des remarques !
Je pense que tu as lu la lettre que Charlot m’a écrite, puisque c’est toi qui l’a envoyée. J’ai dû rire il les critique un peu, et au bas de la lettre, la Tata aussi écrit des salutations !!! Je me demande si elle a lu la lettre ?
Lundi soir.
Hier soir nous sommes allés nous coucher parce que j’avais tellement sommeil et aujourd’hui, j’ai voulu me mettre à écrire toute la journée, sans jamais y arriver. C’est le commencement du mois, les fournisseurs venaient à tout bout de champs avec leurs factures. Ma caisse ne joue pas, il me manque Fl. 1.14, mais j’ai tout de même fait un bénéfice de Fl. 11.-, ce dont nous sommes bien contents. Ce mois nous avons eu Fl. 55.- de coprah geld. Nous les avons immédiatement mis sur le carnet. Visser l’a vu dans les livres, il paraît qu’il est toujours étonné de ce que nous puissions encore épargner. Il me vient à l’idée, si le franc tombe, abandonne l’étalon or, il faudrait être prudent avec les quelques sous qui restent encore. Il faut que Papali soit malin. S’il y aura des avantages d’acheter des marchandises, tu pourras m’acheter quelques chemises et pantalons ainsi que des culottes en tricot de coton. C’est quelque chose que je pourrai toujours employer. C’est par ta lettre que j’ai appris cette nouvelle. Oscar l’avait lue il y a quelques jours dans un article de journal, mais n’y avait pas attaché beaucoup d’importance. C’est seulement ce soir, en recevant une lettre d’Elout où celui-ci dit vouloir spéculer sur le Florin, que la chose a pris plus d’importance à nos yeux. Oui, où allons-nous. Moi je ne lis jamais de journaux, sauf le Journal du Jura pour les nouvelles de Bienne, mais je ne jette jamais un coup d’œil sur la politique.
Je ne t’écris pas plus long cette fois, je vais envoyer la lettre de famille à St Gall, d’où tu pourras lire d’autres nouvelles encore.


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