mercredi 13 avril 2016





Keboemen

20 mai 1935

A sa maman

Nous avons reçu ta lettre 86 hier seulement, car l’avion en partant de Bagdad a rencontré une tempête de sable qui l’a fait retourner à Bagdad, de sorte qu’il a eu un jour de retard.
Maintenant, vite, avant que je l’oublie : J’aimerais que tu demandes à Dr Rummel qu’il écrive ce que j’ai eu comme maladie, cette certaine fois. (encéphalite, mortelle habituellement en 1922) Il y a déjà longtemps que je voulais toujours te demander cela, mais chaque fois j’y pensais quand la lettre venait de partir. Rummel est maintenant le seul dr. qui me connaisse encore de ce temps là. Je n’ai aucune raison spéciale de te demander cela, mais c’est seulement une précaution, car souvent encore, les médecins ne veulent pas croire que j’ai eu cela et un écrit pareil, où Rummel explique ma maladie pour un médecin (nous n’avons pas besoin d’y comprendre quelque chose, nous le savons bien) pourra peut être m’être utile plus d’une fois s’il me fallait consulter un spécialiste etc. Tu comprends, moi je ne peux pas expliquer cela si bien, et encore chaque fois que j’en ai parlé ici à un dr. il me regarde avec un air incrédule, et en dedans de lui, je suis sûre qu’il pense que j’exagère. Je te dis encore une fois, je n’ai aucune raison spéciale pour te demander cela maintenant, mais Rummel est déjà vieux et je voudrais avoir cette attestation avant qu’il soit trop tard. On ne sait jamais. Tu peux très bien demander cela à Rummel, il comprendra très bien. Je leur ai une fois écrit une carte, donc tu n’as pas besoin de te gêner.

Alors c’est fait ! Le Chalet est loué ! Je ne savais pas trop bien ce qui m’arrivait en lisant cela dans ta lettre, cela m’a donné un mal du pays fou pendant toute la journée, mais comprends-moi bien, je trouve que vous avez tout à fait raison de l’avoir fait. Surtout, ainsi tu n’auras plus tant de visites et tu pourras vivre pour toi cet été, si tu t’y prends intelligemment, c’est à dire si tu peux t’empêcher de trop t’occuper de ces gens et de leur vie, comme c’est l’habitude à mynes Mamms qui doit toujours gâter quelqu’un. Mais peut être, c’est presque sûr, les expériences Brero etc, t’ont changée et que tu penseras un peu plus à toi-même. Je suis si contente que tu aies gardé les deux chambres au soleil, et ma chère galerie. Ah, ce que j’ai rêvé là-haut, tous mes rêves de jeunesse de jeune fille, ensuite à  Buby, et tu sais le reste ! Et ce que j’en ai joui de ma chaise longue, de la vue sur le lac, des belles après midi, les belles soirées, oh ce que j’en ai joui…Et nous deux, last but not least, nous en avons aussi passé de belles après midi là-haut, seules les deux. 
vue ouest

Bah, je ne veux pas trop y penser. Je te raconte cela, mais dis toi bien que pour rien au monde je voudrais encore être à Bienne sans mon Buby. Ah, non, je suis bien trop heureuse ici, mais tu comprends, j’ai aussi été complètement heureuse à la maison, alors le souvenir, de temps en temps, revient très fort. D’ailleurs, quand j’étais encore à Bienne, j’avais aussi de ces moments-là, auxquels je ne pensais et ne rêvais qu’à Buby. Tu t’en rappelles bien, pas ?  Bah, la nature humaine est ainsi faite.
Comme il faut encore faire une photo pour terminer le film, Buby est justement en train de me prendre, et j’espère que les photos seront prêtes assez tôt pour pouvoir encore les joindre à ma lettre. Ainsi j’aurai une excuse de ne pas écrire la lettre circulaire famille et n’écrirai que celle-ci. Si je n’ai pas de photos, je vais écrire une lettre, car il faut toujours sauver les apparences pour St Gall.
Ce sont eux (Tata et Max Haury) qui vont faire des binettes quand ils ne pourront plus venir se prélasser à Sutz ! Oh, tu sais, je te l’accorde que tu n’aies plus de household à Sutz et plus de visites, du moins plus autant. Oscar aussi trouve que vous avez eu parfaitement raison de louer, mais nous trouvons les deux que le prix est trop bas pour un parc pareil. Mais n’est-ce pas, les Locataires n’osent rien changer au jardin, ne pas abattre des arbres ou quoi que ce soit sauf l’entretenir ? Ecris-moi sur ce point stpl.
vue est

 C’est vrai, si vous l’aviez loué au type de la General Motors (de 1935-1975 grande fabrique à Bienne), le chalet serait resté une propriété distinguée, mais je pense que vous n‘auriez pas pu y demeurer en même temps, tandis que maintenant c’est devenu un peu un manoir paysan. C’est dommage pour le parc, mais tant pis, tu peux en jouir, c’est donc le principal. Comment peux-tu penser que je ne sais plus ce que c’est qu’un Stöckli ! (petite dépendance d’une ferme). Je suis bien loin de la Suisse, pour longtemps, mais je n’oublie pas ce qui est essentiellement suisse, penses-tu, je n’y ai pas vécu 25 ans pour ensuite l’oublier en deux ans !
Cette noce d’Irma a dû être rudement moche, bon sang ! malgré toutes les belles toilettes. Oui, c’est cette Emmy dans la voiture avec Irma, mais est-ce qu’ils n’ont pas décidé avant ce jour, pour savoir qui se mettrait ensemble dans les voitures ?
Flock n’a pas écrit non plus pendant très longtemps. Il n’y a que la semaine passée que j’ai reçu une courte lettre d’elle. Je ne crois pas qu’elle ne t’a pas écrit à cause de cela, d’ailleurs elle ne pouvait pas s’attendre à ce que tu lui fasses encore un cadeau, mais il ne faut pas oublier qu’elle aussi maintenant doit d’abord s’adapter à un nouveau milieu.

Maintenant écoute :
J’ai donc donné aux Voskuil
1. un petit panier en écaille, avec un bord en argent ciselé, 2 pieds, tu le garderas pour toi si cela te fait grand plaisir, autrement tu en feras cadeau à Tata.
2. une grande broche en argent ciselé, mat, oxydé, motif de la ciselure : poupée de wajong. Cette broche est  pour toi.
3. une broche idem, mais plus petite, motif de la ciselure : paons du kraton. Tu peux en faire cadeau à Fanny, Guggige ou Hedy Aberlin.
4. un bracelet en argent, formé de 9 boutons travaillé en filigrane, genre Makassar, chainette de sûreté à la fermeture. Cadeau pour Flock, tu l’enverras à ses parents à Hauterive.
5. Un pendentif en filigrane, une fleur ronde, doré
une broche idem mais de forme ovale, doré, les deux pièces pour toi
6.un pendentif en argent, filigrane, fleur ovale. Je l’ai spécialement fait faire pour toi, mamali, pour qu’il accorde avec la broche ovale, dorée. Il est pour toi.
7. un pendentif filigrane, fleur carrée, coins arrondis, argent oxydé, à Tata, Fanny ou Hedy
une broche en argent filigrane, forme assortie aux pendentif, mais pas oxydé, tu peux soit donner les deux pièces ensemble, soit les donner séparément à Tata, Fanny ou Hedy.
8. un petit pendentif arg. en filigrane, forme ovale. Pour Fanny ou Giggerli.
9. 2 boutons de manchettes argent, filigrane, fleurs carrées. Pour qui ??? Réfléchis, il n’y en a pas 4 pièces, il n’y en a que deux, donc une paire !!!

Si tu donnes le petit panier à Tata, tu ne lui donneras rien d’autre, si non tu pourrais lui offrir les No. 7, donc le pendentif et la broche. Enfin, ne te presse pas de distribuer les choses. Garde-les un peu vers toi, et décide-toi lentement. Ne les leur donne pas à choisir, car alors tu n’en finiras plus et elles ne seront pas contentes avec ce qu’elles auront. C’est des femmes, je connais cela ! Je te laisse distribuer ces choses, cela te fera sûrement aussi plaisir de le faire et d’avoir quelque chose à donner, seulement les choses que j’ai indiquées comme étant pour toi, seront pour toi, et tu ne les donneras pas. Ces pendentifs en filigrane ne se font qu’en argent, sans quoi je les aurais achetés en or pour toi, mais au lieu de cela, je les ai fait dorer ici. Madame Voskuil en avait aussi un quand elle est venue nous rendre visite, c’était si joli. Le sien était aussi doré ainsi. Papali pourra très bien les donner à dorer de nouveau. Les boutons de manchettes aussi, il faut les dorer, c’est plus joli. Il n’y a que les choses oxydées qu’il faut laisser comme elles sont. Si tu trouves nécessaire, tu pourras aussi donner quelque chose à Mina. Enfin, arrange-toi et fais comme tu le juges bon. Si tu trouves que je devrais encore donner de ces choses à quelqu’un d’autre, alors écris-le moi. Tu n’oublieras pas de m’écrire à qui tu as donné telle et telle pièce. Cela m’intéresse. J’espère que ces choses seront de votre goût et qu’elles vous feront plaisir. Les Voskuil sont donc partis jeudi passé, le 15 mai, et débarqueront en Europe dans les premiers jours de juin. Je ne sais pas où ils débarquent, mais ils nous ont dit qu’ils passaient par la Suisse cherche Itje (leur fille) avant de rentrer en Hollande. Peut être qu’ils ne feront que passer à Bienne entre deux trains, de sorte que tu devras aller à la gare, ou je ne sais pas. Enfin, tu seras sûrement renseignée, soit par Itje, soit par eux-mêmes. Concernant la Mexolie, tu hurleras avec les loups, chez les Voskuil, mais tu ne diras pas ce que nous pensons d’Elout etc. Cela ne regarde plus Voskuil, il est dehors maintenant et nous, nous devons nous adapter aux nouveaux venus. Naturellement tu leur laisseras sentir que nous regrettons notre ancien directeur, ce qui est vrai d’ailleurs, mais entre parenthèses nous sommes aussi contents du nouveau vent qui souffle. Voskuil ne semble pas avoir été sans tort maintenant que nous avons entendu l’autre cloche aussi ! Enfin c’est un méli-melo.
J’ai eu beaucoup à faire par la présence d’Elout, mais je suis bien contente qu’il ait été ici cela donne du changement. Une chose qui m’a fait bien plaisir c’est qu’il ne pouvait pas sentir la Rickschaw. Il prétend qu’on ne pouvait pas appeler cela une femme ! Il ne voulait pas aller leur faire de visite mais enfin le dernier soir il y est allé, pour me faire plaisir, m’a-t-il dit, et surtout pour ne pas nous causer des ennuis, après, une fois qu’il serait loin, car je lui ai un peu raconté. Une fois là, chez les Röhwer, ils l’ont retenu à souper, alors voilà notre Elout qui nous écrit un billet, avec une bonne excuse, et il nous écrit : They want to keep me here for super ! Say the word ! Il voulait que nous lui donnions une excuse pour revenir mais nous ne l’avons pas fait, parce que nous n’avions rien d’assez bon pour faire cela, et nous ne voulions pas faire enrager les Röhwer. Quand Elout est revenu, il était furieux contre nous, par ce que nous l’avions laissé chez les Röhwer toute la soirée. La fin de l’histoire, c’est que nous avons été nous promener au clair de lune, les trois, avec Tipsy, laissant la maison grande ouverte !!! Le djongos étant déjà rentré. Nous avons chanté et bien ri. Elout a quelque chose de NöggNögg, un tête calée enfin, il me rappelle un peu mes Nöggi, et cela suffi pour que je ne le trouve pas antipathique.  D’ailleurs il a été très correct, très agréable pendant tout le temps, et nous sommes maintenant de bons camarades. Je crois que lui m’estime aussi assez. Il semble beaucoup apprécier Oscar, en tous cas il lui a montré une confiance énorme. Les Röhwer en ont de nouveau été bien jaloux et le vieux a cherché à faire du tort à Buby en allant raconter à Visser que Buby n’avait pas agi correctement avec un chinois qui avait à faire  Röhwer. Heureusement que Buby a pu prouver les contrare. Visser connaît bien Buby aussi et ne se laisse pas influencer par ce vieux gaga de Röhwer, mais ce sont de sales gens. Elout a aussi donné raison à Buby. Par devant je suis toujours gentille avec eux, ne t’en fais pas, j’ai bien appris à être fausse, d’ailleurs nous ne nous fâchons plus du tout à cause d’eux, au contraire on en rit. On rit surtout de leur immense jalousie. Avec cela nous continuons d’être heureux les deux.
Voilà Buby qui revient pour finir la lettre à papa W. ce sera de nouveau une chasse ce matin jusqu’à ce que le courrier soit loin ! Maintenant tschau!



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