mercredi 30 septembre 2015





8 avril 1934

Keboemen

Une chic semaine, mes chers chéris ! Bonjour et merci mille fois pour votre bonne lettre du 26 mars, soit No 28. C’est dimanche soir, Oscar écrit à Laren, et moi je profite de vous lancer quelques lignes qui sont dues à l’attente d’un appel de M. Visser qui écoute ce soir le radio-reportage du match Hollande- Irlande (FIFA World Cup 1934, en Italie et l’Italie gagnante). Nous espérons qu’il nous appellera, surtout Oscar, en attendant c’est vous qui profitez, autrement on aurait été se coucher.
D’abord, mardi passé Mme Röhwer m’a fait demander si j’allais avec elle payer les impôts. C’était une bonne occasion de payer les miens aussi (cela se paye ici par mois) et comme il était 8 heures j’ai profité de prendre avec moi ma lettre pour vous que je venais de cacheter. Nous ne sommes rentrées qu’après 9 heures, départ du train pour Batavia. Oscar pendant ce temps, rentré de la fabrique, a terminé sa lettre de Laren, et voyant les doubles de la mienne sur son bureau, il n’a pas pensé longtemps avant de les fourrer dans une enveloppe. Voilà l’explication de la lettre double que vous avez dû recevoir. Vous me feriez plaisir en me renvoyant le double par bateau à l’occasion, parce que je les conserve comme une sorte de journal.
Mercredi le 4 avril (quelle sale date si peu importante !) m’a porté bonheur, Garçons. Le matin après déjeuner Oscar est retourné à la fabrique comme d’habitude et moi je me suis mise à couper ma robe. J’étais bien en train, cela marchait et j’avais l’impression que c’était un bon jour, je pensais constamment à vous tous et vraiment j’avais le cœur en fête. Je venais justement de me dire que j’irais faire une tourte car il fallait que ce soit un jour spécial, encore à part le menu de fête. Voilà Buby qui s’amène à grands pas. Aha ! cela lui fend le front que j’ai pensé, mais oha baby, Monsieur venait m’annoncer à toute allure qu’il partait pour Semarang (côte nord de Java, voir cartes), avec l’auto de la fabrique que si je voulais je pouvais l’accompagner, mais qu’il partait dans 10 minutes.
Hei ! je n’ai pas hésité pour m’habiller, je vous assure. Avant de partir j’ai vite été au cabinet et de là j’ai donné les ordres à la baboe pour la journée. Ensuite, brrr ! en route avec Jussuf, le chauffeur de la Mexolie, qui a filé comme un diable. Semarang est à 4 heures d’auto de Keboemen, nous y sommes arrivés à 12 heures, après une course folle mais magnifique, à travers une chaine de montagnes splendide. Pour la première fois j’ai vu des plantations de café c’est magnifique.
café, 1934 Java


plantation de café, Java
 Une fois de plus Java est maître de mon cœur, si seulement j’avais pu vous faire profiter de ces beautés, mes chers petits frères auxquels je pensais tout le long. Il a fait si beau et nous étions si heureux  tous les deux dans cette voiture, filant à travers le beau pays par une matinée magnifique. Nous étions jeunes, nous nous sentions riches et heureux, Oscar dans un de ses beaux habits, moi dans ma belle robe brodée de Max, celle de Flock à la noce avec mon tout grand chapeau, mes souliers blancs (pour une fois de nouveau, avec des bas !) des gants, ma belle sacoche en serpent. Voilà le but de la journée :
La Mexolie projette d’acheter des camions diesel pour le transport de son huile et des noix de coco. Il s’agissait d’aller faire l’essai d’un de ces camions qui sont spécialement pour la fabrique de Keboemen. M. Visser ne pouvait pas aller, le vieux Röhwer ne voulait pas, je ne sais pas pourquoi, alors ils ont jugé bon d’envoyer Buby. Vous pensez bien que nous ne nous sommes pas fait prier. A Semarang, en arrivant, nous avons été luncher, ensuite au rendez-vous avec ces messieurs. Le camion devait être chargé au maximum et avec cette charge faire une montée connue ici, environ comme notre ancien Pierre-Pertuis, mais longue de 3 km. Ils avaient eu de la peine à trouver du sable convenable pour cette charge et voulaient renvoyer la chose au lendemain. Buby n’a pas voulu, car qu’est-ce que nous aurions fait à Semarang, et surtout M. V. devait avoir l’auto le lendemain. Cette montée était à environ 150 km de Semarang, dans la direction de Keboemen. A 4 heures de l’après midi enfin, 2 heures de retard sur le plan convenu, nous sommes repartis de Semarang, le camion ayant une heure d’avance. Je n’ai pas pu profiter de faire quoi que ce soit à S. ne voulant pas faire attendre ces messieurs, sauf que j’ai vite sauté chez un coiffeur qui se trouvait vis à vis du lieu de rendez-vous, et en dix minutes il m’a refait une tête, j’en avais besoin, car c’est Oscar qui se mêlait de me couper les cheveux ces derniers temps, et il n’est pas encore un artiste ! Ce coiffeur est un français, il a eu du plaisir à parler français et moi aussi, de sorte que j’ai été aussi bien servie que chez Marcel, pour une fois. Nous avons rejoint le camion, nous l’avons regardé gravir une côte, dépassé, attendu de nouveau à Magelang. De là il a repris de l’avance, et à 7 heures du soir nous l’avons enfin rejoint au bas de la côte. Là, ils se sont aperçus que sa boîte à vitesse était chauffée à rouge, il a fallu la démonter, elle était presque vide, les bœufs, ils n’avaient pas rempli d’huile. Cela a pris 2 heures pour le remettre en état, pendant lesquelles il pleuvait toujours. Monsieur Doorn était avec nous, c’est l’agent des Mercedes ici. Enfin à 9 heures la côte a pu être gravie, c’est bien allé, mais une fois en haut, le camion ne pouvait pas tourner. C’est un immense char, dont le moteur est sur 4 roues et la remorque sur deux. Tu connaîtras bien ce que j’entends, Charlot, pas ? Ils ne voulaient pas tourner dans l’herbe, car ils craignaient de s’enfoncer par cette pluie et alors cela aurait été toute une histoire. Enfin, Jussuf dit qu’il fallait chercher un tournant, nous avons traversé toute la chaine jusqu’à Poerworedjo pour trouver un chemin pas trop mou, après environ une heure de route à du 40 à l’heure. Là nous l’avons quitté et sommes enfin rentrés à 11 ½ h, non sans que M. V. ait été inquiet un peu. Pour l’essai, Oscar était sur le camion même, tandis que moi je suivais avec Jussuf dans la Nash. Une aventure, je vous dis, on était fatigués, mais le lendemain à 5 ¼ heures, on nous réveille, car Oscar devait se charger de la caisse de la fabrique, M. V. devant partir en tournée et le comptable étant en vacances pour quelques jours.
D’ici peu, Buby ira travailler au bureau, ce qui sera son deuxième stage. M. V. lui a dit qu’il avait l’ordre de faire de lui un all sider  man. De même ce n’est pas la fabrique qui le paye, mais la direction, un signe qu’ils ont l’intention de le pousser, nous en sommes bien contents. Ce jour-là, mercredi, nous devions aller chez le médecin, nous y sommes donc allés vendredi. Il ne nous a pas ausculté spécialement, je dois y retourner cette après midi à 5 heures, avec l’urine. J’ai été plus qu’agréablement surprise de vois l’hôpital, je vous le décrirai une autre fois, mais c’est vraiment parfait. Et la salle d’opération peut sans peine concourir avec n’importe laquelle en Europe. Le Dr. m’est extrêmement sympathique, rien du Bibu par exemple, comme je le croyais d’abord, si ce n’est la petite moustache. Vraiment il ne faut jamais vous en faire pour nous, pour être soignés nous sommes ici aux pommes, aux fines herbes. Les sœurs et les hommes-gardes sont des indigènes protestants, il y a une ou deux sœurs européennes. Encore une surprise que le système colonial hollandais me réserve, vraiment je n’arrive pas à être déçue de Java, en aucune manière, et mon respect pour les Hollandais va s’augmentant, sans vouloir prêcher pour ma paroisse.
Hier soir donc, nous avons écouté le match:  5-2 pour les Hollandais, Buby et V. dansaient comme des fous à chaque goal, pendant que Mme et moi on bavardait, nous sommes restés jusqu’à minuit. 
Hollande - Irlande 1934
Mme V. m’a raconté que la petite Röhwer avait du fil à retordre avec son vieux, ces jours-ci. Il ne la respecte pas, et lui fait sentir qu’elle est bête et indigène à moitié. Ayant été marin il a naturellement fait la vie avec des femmes de rien du tout et maintenant il les fiche toutes dans la même marmite, et ne respecte aucunement sa femme, qui, elle, est assez comme il faut sur ce terrain là. A la fabrique aussi, il laisse percer son humeur et traite Buby comme un ouvrier. Il est très lunatique et semble, ces derniers temps, avoir une saute d’humeur très forte. Bah ! il n’a pas un meilleur caractère que sa femme, ils s’accordent bien les deux, malgré qu’ils soient en guerre en ce moment, non , plutôt, ils se valent, voilà ce que je voulais dire. Enfin, j’ai quand même pitié d’elle, elle est jeune et n’a eu personne pour l’éclairer et la préparer à la vie comme moi ma mamali, aussi ce n’est pas tout à fait de sa faute qu’elle soit si ignorante. Je ne l’aime pas, elle n’a pas ma sympathie, mais il faut être juste, et tout à l’heure je vais aller lui faire une petite visite. A moi, elle ne me dit rien de tous ses chagrins, je ne ferai non plus les semblants que Mme V. me l’a raconté, une fois de plus il faut être diplomatique. Enfin je trouverai bien le bon chemin.
Hier dimanche, j’ai fini ma robe, donc, elle est en soie artificielle saumon. J’ai d’abord eu peur que la couleur serait trop criarde, mais non, elle me va même assez bien. 
Oscar doit prendre une photo que je vous enverrai. Nom d’une pipe, je n’ai pas encore fini mon résumé de comptes, ni envoyé ce paquet annoncé depuis longtemps. Voyez-vous je ne comprends plus comme les jours filent, cela commence à me faire peur, je vous assure.
Ce soir nous avons la visite des Hartong, donc pas l’occasion de liquider du courrier. Oh ! mes chers, cette première année de mariage ne sera qu’un rêve, et pourtant nous menons une vie tranquille comparée à celle de bien d’autres jeunes ménages en Europe.
Chez le docteur, je lui ai dit qu’Oscar fumait beaucoup et que ce n’était pas bon, il m’a répondu, bah ! vous êtes encore jeune mariée, madame, et de fumer ne lui fait pas de mal. Diable, se tournant vers Oscar, diable, vous n’avez pas la mine d’un homme malade, vous. Cela m’a fait plaisir malgré tout.
Hier j’ai fait acheter deux nouveaux canetons d’environ 2 mois, pour 15 cents, papi, encore un mois de fourrage et vive la joie ! quant au plumage, je m’en balance, ce n’est pas moi qui le fait, et le kebon, qu’il s’arrange ! En attendant tes instructions, je lui ai fait une liste de fourrage. Le lundi les canetons reçoivent des flocons d’avoine, le mardi du son avec des herbettes, les mercredi du pain avec du lait, les autres jours dito, etc. Mes petits se portent à merveille, je n’en ai que deux de tous les œufs que j’ai fait incuber. Je ne recommence plus, c’est trop cher, je pourrai aussi me procurer des petits de 2-3 jours au marché. Les deux qui sont sortis nous ne les mangerons pas, ils sont trop chou et nous en avons toujours un plaisir fou, ce sont nos Romeo et Juliette. Quand ils donneront des œufs je les ferai peut être de nouveau incuber. Mes semences prennent bien, surtout le cerfeuil est déjà grand. Merci, merci pour le vinaigre, il est bien arrivé, sans que j’aie à payer quoi que ce soit, j’en suis contente.
Ce mois-ci je serre encore fortement la vis, alors nous seront libérés des impôts et de l’assurance. Tout ce que nous mettrons de côté pendant le reste de l’année sera nos économies personnelles, mon administration n’est pas trop mauvaise, hein ? Sitôt qu’on pourra  on va s’acheter deux vélos japonais. Oscar ira au mont de piété voir s’il trouve une bonne occasion pour 10 frs. Et moi j’en achèterai un neuf pour 30 frs. environ, un très bon pour ce prix. Alors nous pourrons faire quelques sorties, surtout pour aller au bord de la mer les jours de congé. Ah ! il faut être économe, il est question de nous faire payer le docteur nous-mêmes, ce ne sera plus compris dans les conditions de la fabrique. Ils doivent aussi faire des économies où ils peuvent, la concurrence chinoise est formidable.
Nous avons eu beaucoup de plaisir à notre courrier, hier. Oui, mamali chérie, tu « gondle » (vadrouille) j’en suis contente. Est-ce que je t’ai une fois remerciée pour ta recette de nouilles ? pour le moment, je ne vais pas en faire, je n’arrive plus à mettre les pieds à la cuisine, je te dis. Tu comprend, je n’ai que les matins pour travailler, l’après-midi je dors jusqu’à 4-5 heures, ensuite Buby rentre et je ne fiche plus rien. Aussi il fait trop chaud pour être à la cuisine, bah ! je ne veux pas forcer, mais envoie-moi toujours toutes tes recettes, je les copie dans un cahier exprès pour cela. J’ai fait les concombres, ils sont excellents. Toutes tes nouvelles m’intéressent et m’amusent.
Je suis si contente que vous ayez eu un bon dimanche avec Flock, mamali, je t’en serai toujours spécialement reconnaissante pour tout ce que tu feras pour elle, parce que vois-tu, elle m’a aussi énormément aidée dans bien de mes problèmes de jeune fille, et puis, enfin, je l’aime et cela ne date pas de hier seulement. Oui, la Raball est une vache comme elle s’est conduite vis à vis de Flock, elle y perd plus qu’elle n’y gagne.
Non tu n’écris pas trop petit, mamali, cela va bien un peu long pour lire tes lettres, mais cela ne gêne pas, c’est le plaisir qui dure ainsi.
Mes chers, mes chers, à demain, encore quelques mots, maintenant je vous quitte.
Ge….



dimanche 27 septembre 2015




2 avril 1934

Keboemen

J’espère que vous avez passé de bonnes et heureuses Pâques. Il en a été de même avec nous, quoique nous soyons restés très tranquillement à la maison.

Merci mes chers pour votre lettre no 27 du 18 mars et toutes les nouvelles que vous m’y donnez.
Dans toutes vos nouvelles, vous ne me dites rien des fêtes de Pâques, comment les avez-vous passées. N’aviez-vous pas de plans ? Loulou n’est-il pas rentré pour Pâques, puisqu’il doit de toute façon rentrer pour le service (militaire) ?

Ces derniers jours j’ai vivement senti que nous étions aux Indes, car la nature si étroitement liée à la fête de Pâques, le printemps, s’est absolument tenue hors de la fête. Ici pas de printemps, jeune et timide, mais toujours le bel été mûr et riche. J’ai vraiment maintenant un peu de peine à m’habituer, mais je pense que cela passera aussi. Au moins comprenez-moi bien et n’en faites pas un éléphant de Heimweh. Mais non, ce n’est qu’un tout petit sentiment au fond de nous-mêmes et qui passera bien aussi.

Samedi nous avons eu la courte visite de John et Jans allant à Bandoeng. Comme Keboemen est à un tiers du chemin, ils se sont arrêtés ici pour diner. A 2 heures ils sont repartis, mais ils vont revenir bientôt. Il est possible que nous passions nos vacances ensemble. Jans pèse maintenant 105 kg. C’est fantastique ce que ces deux sont gros.
 
mission protestante
Hier soir nous avons été à l’église. Vous savez que nous avons une mission protestante ici, sous laquelle est aussi l’hôpital. J’en suis très contente, je croyais toujours qu’elle serait catholique. Le sermon n’était pas mauvais, mais le pasteur étant missionnaire, il fait ses sermons pour les indigènes, très simples, presque comme une leçon de catéchisme, toutefois il m’a été très sympathique. Le docteur Vonk était aussi là, un grand et bel homme, une petite moustache noire, comme le Bibu.

Depuis quelques jours nous nous avons très chaud, je n’arrive pas à faire beaucoup plus que de m’asseoir dans un fauteuil puis dans un autre, lire un peu et surtout dormir. Oscar lui n’en souffre pas autrement non plus, bien qu’étant dans cette fabrique bruyante. Nous entrons dans la saison chaude qui dure jusqu’en juin. Aujourd’hui il fait meilleur, bon frais, avec la brise de la mer qui souffle. Dommage que nous ne puissions pas jouer au tennis avec mon genou hibou joujou pou.

Flûte, voilà un chinois qui vient avec de la soie… bon j’ai acheté de l’étoffe, la même que ma robe de Scheidegger, j’en ai acheté 12 m pour Fl. 3.- soit environ Frs. 6.- pour une couverture de lit que je vais broder suivant un motif inventé par Buby. Il dessine beaucoup ces temps et a réussi un beau petit tableau au pastel représentant un coin près d’ici au coucher du soleil. Nous l’avons encadré et il pend au-dessus de ma table à écrire. Cet après midi il m’a dessinée pendant que je dormais, on ne me voit pas la figure, heureusement.

rizières et train
Voyant un beau coucher de soleil, nous voulions faire quelques pas. Une fois en route nous avons pris un chemin pour un autre, nous nous sommes trompés et avons marché longtemps, longtemps sans pouvoir sortir du labyrinthe des kampongs. A chaque tournant nous pensions enfin sortir de cette forêt de palmier, et à chaque tournant on semblait s’y enfoncer encore plus. 

Avec cela la nuit venait à grands pas, c’était grandiose, mais j’étais contente d’avoir Buby avec moi. A la fin nous sommes quand même sortis sur des rizières que nous connaissions et sommes rentrés, il était 7 heures. Les jours raccourcissent, alors que ces derniers mois il a fait jour jusqu’à 7 heures, maintenant la nuit tombe de nouveau à 6 heures.

Mamali, n’oublie pas de demander pour ce buste, il me tarde d’en avoir un pour faire de l’avance avec mes habits. Les robes que Hedy m’avait faites sont très bien, mais je n’en avais pas assez. Ce que j’ai emporté, c’est très bien pour tout un été, alors c’était une belle garde-robe, mais quand on doit les mettre tout le temps, toujours, toujours, il n’en reste plus grand chose. C’est surtout pour le tennis que je dois m’en faire tout un bataillon, parce qu’il faut se changer chaque fois des pieds à la tête. Heureusement que les étoffes ne sont pas chères ici, ce n’est que le temps qui coûte.
Oh ! j’allais presque oublier, lundi passé, après avoir expédié mon courrier, nous avons trouvé un petit caneton vers la poule. Trop joli. Je l’ai fait mettre dans une caisse et l’ai tenu près de moi au jardin, moitié au soleil, moitié à l’ombre, il a bien séché. Après 24 heures nous lui avons donné du riz trempé dans l’eau. Le jour suivant il a reçu un petit frère, j’ai donc la paire maintenant, car le premier, c’est une dame à ce que m’a dit le kebon. Depuis il n’en est plus sorti, la poule couve encore, mais je ne crois pas qu’il en sortira encore. Mes deux se portent bien. Depuis j’ai appris par le kebon qu’on pouvait acheter des jeunes canetons mâles au marché pour très peu. Hier je l’ai envoyé et il me rapporte un caneton d’environ deux mois, qu’il a payé 8 cents, donc environ 20 centimes. Cela ne vaut pas la peine de faire couver des œufs dans ces conditions. J’aimerais bien que tu me donnes une liste ou une formule de nourriture pour les canetons destinés à la table. Je veux faire les choses en ordre pour avoir de la bonne chaire, ainsi je n’aurai plus besoin de vous envier le dimanche, sales gens que vous êtes. Haha. Nous qui boufferons de bons canetons à Java, qu’est-ce qu’on veut de plus. Donne-moi un tas de détails, Fatherli, je peux me procurer du riz, c’est naturellement le meilleur marché, 12 centimes le kg. Du maïs aussi bon marché, des flocons d’avoine aussi, mais ceux-là sont chers parce qu’il faut les acheter en boîte. J’ai toujours beaucoup de restes de pain, quoique je prenne la plus petite portion qui existe, un pain à 5 cents.
L’autre jour, j’ai été avec Madame Visser (c’était Vendredi Saint, le matin) à Gombong chez le chinois qui nous fournit le pain et qui en même temps livre des cocos à la fabrique et achète de l’huile. C’est un type immensément riche, vous devriez voir le monsieur qu’il est, il parle hollandais, il a des dents magnifiques, un parfait beau type. Une villa chic, et la boulangerie très propre, quoique très primitive. Ce chinois fait aussi l’élevage de coqs de combat. Vous devriez voir les belles bêtes, elles sont lavées deux fois par jour, et leurs cuisses massées comme celles d’un boxeur, et quels éperons ! J’aimerais bien voir un combat une fois, mais ici c’est défendu dans Middle Java.
J’ai teint 1 ½ douzaine d’œufs (et mes doigts avec !), des verts, rouges, jaunes, bleus avec des couleurs que les indigènes emploient pour colorer leurs pâtisseries, donc pas de poison. J’ai fait 2 nids avec. Hier soir nous avons mangé le reste. Vite, mon menu de Pâques : soupe aux radis, 3 boîtes d’asperges à la hollandaise, 1 poulet avec du riz à la manière de chez nous, salade de légumes, 1 boîte de framboises Lenzburg avec 1 boîte de crème Nestlé. Un menu qui a coûté 8 francs à cause des boîtes de conserves. Pour une fois on voulait être gourmands.

Ge…..


jeudi 24 septembre 2015




Le 26 mars 1934

Keboemen

De nouveau une semaine de passé, et il me semble que je viens seulement de terminer mon dernier courrier. Rien de spécial cette semaine, j’ai cousu, mais ma robe ne me réussit pas, j’ai fait du gâchis. Par contre, j’ai recouvert une de mes malles avec une sorte de natte que les indigènes emploient beaucoup ici et qui est très bon marché. J’en ai fait un charmant petit banc, nous en sommes très contents. Pendant ce temps Oscar a encadré presque tous nos portraits et petits tableaux que j’avais emmenés, de sorte que notre salon a encore augmenté son aspect heimelig.
Madame Röhwer est aussi tombée malade. Un soir elle est venue chez nous pour un petit moment et elle a mangé énormément de pistaches rôties, ce que je sers toujours avec la bière ou le sirop. Le lendemain matin nous avons vu le docteur arriver chez eux, et j’ai eu peur que ce soit ces pistaches qui en soient la cause, mais quand j’ai été voir ce qu’elle avait, elle me dit qu’elle avait eu des crampes d’estomac affreuses et une fantastique diarrhée, mais que le médecin ne s’était pas encore prononcé. Le lendemain, enfin, il a dit qu’elle avait une attaque de dysenterie et qu’elle devait garder le lit pour 8 jours au moins. J’ai passé beaucoup de temps près d’elle, je prenais un ouvrage et le matin je le passais avec elle, donc une fois de plus je ne suis pas arrivée à faire le travail que je m’étais promis. Enfin, cela lui a fait plaisir. Cette dysenterie vient de ce qu’elle mange très assaisonné, beaucoup de poivre rouge, trop de rysttafel et de conserves en boîtes. Toi, Mamali chérie, à ma place, tu lui donnerais peut être force conseils et avis de changer de système, mais pas moi, vois-tu cela ne sert à rien de vouloir instruire les gens, c’est une peine inutile, et ma foi, chacun ses expériences. Bah ! la vie ici nous apprend à nous taire bien souvent et à ne pas s’en faire pour ce qui ne nous concerne pas directement. Maintenant elle va beaucoup mieux et pourra se lever aujourd’hui ou demain.
Depuis samedi la fabrique est arrêtée, nous avons donc eu le samedi après-midi libre, hier dimanche et encore aujourd’hui lundi. Nous avons passé un beau et bon dimanche. Le matin nous avons fait les paresseux, puis nous sommes allés nous asseoir sous l’arbre dans le jardin. C’était joli, un si beau jour de printemps. J’ai mon sureau qui fleurit, j’en ai un plaisir fou. Nous avons joué au tennis et les Visser sont aussi venus. Quand il a fait nuit, ils sont venus chez nous, j’avais fait préparer un ice cream que nous avons dégusté, Mme Visser, la petite Nicki et moi, pendant que les messieurs buvaient leur verre de bière. Mme Visser a dû rentrer pour nourrir la petite et moi j’ai fait une courte visite à Madame Röhwer, son mari ayant été à l’église. J’aurais bien voulu y aller aussi, mais je ne pouvais pas chasser monsieur Visser qui était resté chez Oscar. Ce sera pour un autre dimanche. Vous savez que nous avons une mission protestante ici et aussi une catholique. La Röhwertje est catholique, il lui manquait encore cela ! C’est donc fou ce que ma sympathie a augmenté !
La soirée nous l’avons passée tranquillement à faire de l’ordre, moi à faire ma caisse qui ne joue de nouveau pas, il me manque environ 30 cents.
Les deux jeunes gens si aimables avec Oscar ( !) commencent à nous faire des avances et à vouloir être gentils avec nous.… mais cette fois nous les laisserons danser un peu, sans quoi ils croiront trop facilement qu’ils peuvent faire avec nous ce qu’ils veulent, non, ils en prendront pour leur rhume. Toutefois nous sommes corrects avec eux, nous leur avons prêté notre garage parce qu’ils ont des visites avec une auto. Moi je sais bien par où le vent souffle, ils ont vu que Buby entraînait bien au tennis, et je crois qu’ils meurent d’envie d’aussi profiter de ses leçons, mais oha ils peuvent attendre.
Bah ! vois-tu il y a beaucoup de fausseté par le monde, d’un côté je suis très contente de pouvoir passer nos jeunes années ici, loin de tout, seulement pour nous deux. Il y a bien aussi de la fausseté autour de nous, mais sur une échelle plus petite que si nous vivions parmi beaucoup de monde, et quand nous la rencontrons ici, nous pouvons bien la combattre, car à nous deux nous nous sentons forts l’un par l’autre.



Demain on enterre la Reine Emma de Hollande, ici tout est arrêté, même la poste, c’est grand jour de deuil, uniforme de gala blanc avec brassard noir jusqu’au mois de juin. Il se pourra que ce courrier ait du retard, je n’en sais rien, mais ne vous étonnez donc pas.

Nous nous sommes maintenant décidés pour le genre de rideaux que nous voulons pour le salon : des rideaux clairs et légers, donc je vais m’occuper de recevoir des échantillons, ensuite j’aurai beaucoup à coudre.
Vous devriez voir mes tomates comme elles croissent, dans environ deux semaines j’en aurai beaucoup. Les plates bandes pour tes graines, Papali, sont préparées maintenant avec du bon fumier de vache, ainsi que des pots, j’en ai acheté 6 pièces encore exprès dans lesquels nous sèmerons et seulement les plantons seront mis en pleine terre. Les pluies se font de plus en plus rares, la saison sèche commence, alors c’est mieux d’avoir les jeunes plantes dans les pots, on peut mieux les contrôler et les déplacer à l’ombre.

Il me semble que Hedy se fait, hein ? Je suis contente pour elle. Elle doit avoir reçu ma lettre maintenant, dans laquelle je lui demande une moulure. Oh ! oui, si seulement elle m’envoyait des Jardins des Modes, même des vieux des étés passés, mais j’en aurais un rude plaisir vu que je tiens à conserver mon coup d’œil pour les jolies choses de la mode.

Mamali, j’aimerais bien que tu t’informes chez Hedy du prix d’un « buste »  en 44, moderne, selon ma taille, et alors Papali ou monsieur Mottet s’informeront des frais de port et d’expédition. J’aimerais savoir cela avant d’aller en acheter un ici, car il m’en faut un, je ne peux pas travailler avec succès sans cela. Il faut penser, je n’ai personne pour m’essayer et c’est ce qui me fait rater mes robes. Aussi je n’arrive pas à bien couper, ce à quoi j’ai pourtant le plus de plaisir. Svp informez-vous et donnez moi tous les détails nécessaires, après quoi je verrai ce qui est le plus avantageux. De mon côté je vais aussi demander ce que pourront être les frais de douane pour l’entrée ici, et si c’est meilleur marché, vous m’en enverrez un. 


Mais n’achetez rien ou ne faites aucune demande sans mon consentement, je veux bien calculer les choses.


Quant à mon Charlot, merci beaucoup pour ta lettre. Tu sais, tu n’as pas besoin de répondre à la mienne. Je comprends très bien que tu n’as pas toujours le temps et personne ne sait mieux que moi le temps que cela prend d’écrire des lettres. Mon vieux ! J’en sais quelque chose !
Voilà mes chers, je vais vous quitter pour ce soir, car demain matin, mardi, nous allons jouer au tennis, pas le temps d’écrire, ma foi, flûte pour ceux qui attendent des lettres. Ils attendront encore un peu, mais moi je ne vais pas me rendre la vie désagréable pour cela. Mes chers chéris, Bonsoir. Beaucoup de muntschis à chacun, aussi d’Oscar qui est déjà au pieu, le veinard. C’est un vieux paresseux, il s’amuse à me faire enrager en composant des discordances affreuses dues à certains gaz que l’être humain a dans les intestins par suite d’un emploi immodéré d’oignons. Ou bien il rotte, ou il p…te, ils sont bien tous les même, les hommes ! Ah ! si j’avais su !
And all the best, mes chers,
Votre Ge….






Le 19 mars 1934

Keboemen

Mes chers petits frères

les jumeaux Louis (gauche) et Charles  (droite)

Une fois de plus nous sommes au 4 avril, date magique et toute spéciale pour la famille entière. Le 4 avril, la date d’un printemps, 21 ans, le printemps de votre vie. Garçons, profitez-en, jouissez de chaque minute, remplissez-la de toute votre activité, vivez le présent.
……..
privé 

Garçons, je suis en train de vous envoyer le plus beau sermon du monde, non tout de même, je ne veux pas que vous puissiez traiter votre sœur de vieille sermonneuse, elle n’en est pas encore là tout de même. Si je me suis laissée glisser sur cette pente, c’est seulement parce que je vous aime et que je vous souhaite tout le meilleur possible.
Et maintenant, chers petits frères, encore nos meilleurs vœux pour un beau jour ensemble un jour gai plein de soleil et de chaleur, un jour pour maman aussi à laquelle revient tout le mérite après tout.

Il y a encore un million de choses que j’aurais à vous dire, mais peut être que mes pensées envoyées vers vous sans cesse, vous les feront sentir. Ciao mes vieux et vive le Quatre Avril !



mardi 22 septembre 2015




Le 19 mars 1934 même lettre

Deuxième partie



Hier j’ai été avec Mme Visser vite à Krakal, c’est un petit endroit à environ une demi-heure d’auto d’ici, situé dans les montagnes, et là se trouve une source, quelque chose comme Worben. 

bains de Krakal
Il y a un établissement de bains et on boit l’eau aussi. C’est bon pour les rhumatismes. Nous avons décidé d’y aller, elle et moi, 1-2 fois par semaine, car le docteur d’ici dit que c’est très bon et sain. Mais auparavant je veux qu’il me voie et m’ausculte, je veux lui raconter toute l’histoire, et s’il dit encore que ces bains seraient bons pour moi, eh !bien j’irai avec Mme Visser.


Tu me demandes des nouvelles de Mme Visser, Mamali, en voici.
Elle est de Sumatra, légèrement Indisch, peut être au 2-3 rang, mais elle a passé 9 ans en Hollande pour son éducation. Elle est charmante, c’est une dame, aussi de caractère. Elle a fait des études de piano, elle sait faire de beaux ouvrages, mais maintenant elle n’en a plus le temps avec les enfants. Elle est éduquée, mais je ne crois pas qu’elle soit excessivement intelligente, en tout cas elle a des fois de drôles d’idées, desquelles elle ne démord pas. Cela me fait rire et je ne la contredis pas, à quoi bon ? C’est surtout en ce qui concerne les choses du ménage, oh !lala, cela vient de ce qu’elle n’est pas bonne ménagère oh ! pas du tout, ayant passé son enfance aux Indes avec toutes les servantes autour d’elle, les parents doivent avoir été riches, alors au commencement de son mariage elle n’a pas pu s’habituer à un ménage plus restreint et elle ne comptait pas, elle a été volée tant et plus par ses baboes. Depuis elle pense que tous les domestiques volent où ils peuvent, elle tient toujours tout sous clefs, sa koki (cuisinière) doit demander chaque morceau de beurre, chaque poignée de riz, presque chaque pincée de sel. Vous pouvez penser que ce n’est pas ainsi qu’on peut faire de bons dîners. Elle est capable de jeter tout un pudding parce qu’il n’y a pas assez de jus de citron dedans, des choses de ce style. C’est à se tordre parfois. Pour ses enfants c’est presque la même chose, la petite Nicki n’ose jamais mettre les pieds au soleil parce qu’elle se couvrirait de taches de rousseur, alors que cette enfant gagnerait tellement à vivre au plus grand air et au soleil. Avec la petite Hanny, donc celle qui est née au mois de décembre, elle devient un peut plus intelligente grâce au livre que je lui ai prêté et que j’ai reçu de papa Woldringh, et qui est écrit par le plus fameux médecin pour femmes d’Amsterdam. Juste ce qu’il faut pour une jeune femme qui attend un poupon et ensuite pour les soins à donner aux petits poupons.  Maintenant la petite Hanny est promenée tous les matins et tous les soirs au bon air. Oui, je sais bien, elle a aussi des raisons d’être aussi anxieuse, car la petite Nicki, qui aura 6 ans, a eu la poliomyélite, et le petit garçon, son premier né, est mort le mois de mai passé à l’âge de 10 ans. De la malaria tropica, du moins c’est ce que l’on dit. Les causes de la maladie n’ont pas pu être bien définies, on croit aussi qu’il a mangé quelque chose de nocif car, à l’entendre raconter, ce gosse devait manger 2 fois plus que notre Nöggi (Louis). Il était aussi très gros, et gras. Une chose, ils s’entendent très bien entre eux, c’est une bonne famille. Il fait beau aller chez eux.  Elle, madame, est très sage dans ses idées sur le mariage. Lui est grand, blond, très myope, il a une belle voix, mais je ne sais pas à qui je pourrais le comparer pour vous en donner une idée exacte.

La petite Röhwer est exactement la Mariutsch mais avec des cheveux noirs, noirs, le teint très brun parce que sa mère doit avoir été une javanaise pure et son père blanc ou mi-blanc, je ne sais pas. En tout cas elle se prend pour une blanche quand cela lui chante ou comme Indisch lorsqu’elle y voit plus d’intérêt. Lui, Ole Röhwer, comme nous l’appelons, a passé toute sa vie sur la mer, depuis tout jeune, il a fait carrière comme officier mécanicien de bateau. Il a navigué par le monde entier jusqu’à la guerre (14-18 !), il a été blessé ou malade ici près de Java. On l’a transporté à un hôpital et on l’a laissé ici, ou plutôt c’est lui qui n’est plus retourné dans la marine mais a trouvé la place de premier machiniste dans les fabriques de la Mexolie. Il y a 18 ans qu’il est à Java sans jamais être retourné en Allemagne, aussi il est devenu Hollandais. De vivre si longtemps tout seul ici l’a un peu, comment dirai-je, presque dégénéré. C’est aussi la raison pour laquelle il a épousé une femme de couleur pareille. Elle, elle est surtout bête et très superstitieuse, elle croit au mauvais œil, et ma foi, je ne serais pas étonnée qu’elle puisse le donner. Elle a bon cœur quant aux choses à donner, toujours prête à t’aider, mais à part cela, mince, il ne faut pas trop s’y frotter. Ach, je sais bien, elle n’en peut rien qu’elle soit si bête et ignorante, mais avec cela elle peut être mauvaise et elle ment comme elle respire. Enfin, je vous dis, j’en viens bien à bout, nous nous entendons très bien par devant, mais par derrière on se tient chacune sur ses gardes. 
Fabrique de l'extérieur

L’autre jour elle a voulu insinuer que Oscar n’allait pas travailler assez tôt. Pour cela, elle me raconte toujours comme son mari se lève tôt et comme il reste longtemps à la fabrique, qu’il venait toujours dîner tard, parce que les hommes attendaient tour à tour l’un l’autre pour se remplacer à la fabrique. Enfin quoi, de tout cela il en sortait clairement une petite insinuation comme quoi c’était la faute à Oscar etc etc. Moi, j’ai immédiatement questionné à fond Oscar pour savoir comment cela se déroulait. Une fois qu’il m’a tout bien expliqué, je lui ai raconté les potins de la Röhwertje, il s’est fâché et vraiment il y avait de quoi, parce que les choses ne sont absolument pas  comme elle le dit. Vous pouvez penser que je n’ai pas attendu longtemps pour la remettre en place gentiment. Et pour en avoir plus vite l’occasion j’ai accepté une petite promenade en auto, pendant laquelle, gentiment dans la conversation, habilement ramenée à ce sujet, j’ai remis les choses en place clairement, mais d’une façon gentille et douce. Dorénavant elle y regardera à deux fois avant d’enfiler ses petites méchancetés. Oh ! vous savez, elle a amplement trouvé son maître en moi, il ne faut jamais vous en faire pour cela. La Näggeli n’est pas aussi bête qu’elle veut en avoir l’air ! Une chose que les deux dames savent de moi, c’est que je ne redis jamais rien, bien que la R. voulait me tendre quelques petits pièges, mais bon sang, elle l’a fait tellement bêtement que je m’y suis amusée royalement. Enfin, les deux dames en profitent et viennent chacune me raconter leurs histoires. Nelly est un entonnoir à fond perdu, j’écoute et je sympathise. La sympathie ne me coûte pas beaucoup et en les écoutant c’est moi qui ne parle pas…. Le silence est d’or. Un qui en subit le contre coup alors, c’est Buby. Le pauvre garçon en reçoit plein les oreilles, il écoute avec une patience d’ange. Cela nous amuse et voilà tout.
Et maintenant, mes chers chéris, Joyeuses Pâques, profitez des beaux jours. Nous allons bien, tant au moral qu’au physique, donc vous ne pouvez que vous en réjouir.
Mille muntschi à tous
Votre  Ge….
A la main :
Je vous envoie le double, on peut mieux le lire que l’original





Le 18/19 mars 1934

Première partie

Keboemen

Merci de tout cœur pour votre bonne lettre et aussi pour les graines que j’ai reçues ce matin, soit  de la marjolaine, du cerfeuil, du cresson frisé, du persil, du celeri à pomme, et à branches, des ciboulettes, des tournesols, des pensées et des myosotis. Merci beaucoup beaucoup, demain on se met au travail, le kebon et moi. J’en ai un immense plaisir, mon Fatherli, si avec les graines de salade et de laitue tu pouvais encore m’envoyer des graines de zinias. Madame Hartong me dit qu’elle en a et qu’ils prennent bien ici, et moi je les aime tellement. Tu vas dire que je suis une charrette de tireuse de carottes, mais tant pis.

Hier soir dimanche nous avons une fois de plus apporté des changements à notre salle à manger et au salon. Il est beau maintenant, quand il sera prêt nous en recevrez des photos détaillées. Nous nous dépêchons de tout bien arranger parce que nous devons recevoir des visites. 

Dans ma lettre précédente, je vous ai écrit que nous allions faire notre visite de courtoisie aux Hartong. Nous avons donc été lundi passé, et c’était bien. Lui nous est très sympathique, il aime beaucoup la nature et comme ils sont aux Indes depuis 15 ans, ils en connaissent quelque chose, de sorte que nous pouvons toujours apprendre. Elle a paru plus à son avantage pendant cette visite que à notre rencontre précédente. Elle est bonne maîtresse de maison, ils ont 4 jolis enfants, ils s’entendent bien, et last but not least ils sont hollandais pur sang, cela veut dire qu’ils sont blancs pur. Vous avez beau dire, cela fait tout de même une différence, on a plus de points sur lesquels on peut sympathiser. Elle a aussi une maman en Hollande, qui est toute seule, avec un autre fils marié qui voyage de par le monde. Ils ont un beau jardin dans lequel elle plante des légumes hollandais, nous nous sommes aussi prêté nos livres de cuisine, etc, etc. La semaine prochaine je pense, ils nous rendront notre visite, alors il faut que notre salon soit tiptop jusque là. Pour cela il faut encore que je fasse de l’ordre dans tous les coins, c’est fou le désordre qu’on a toujours, nous deux, le bureau de Buby est tellement plein de paperasse que tu cherches en vain une petite place pour écrire. Tandis que ma chambre de travail, celle dans laquelle je n’ai qu’une chaise longue, les deux grands buffets achetés à Solo, une table sur laquelle j’ai ma machine à coudre, eh !bien cette chambre on ne peut presque plus y marcher, tellement il y a de fourbi partout, des étoffes, des livres, etc.

L’autre jour est venu voltiger autour de nos lampes un merveilleux papillon, immense. Nous l’avons fait mourir avec quelques gouttes d’éther et maintenant nous le conservons dans de la naphtaline. J’ai bien envie de commencer une collection, seulement  avec ceux qui viennent ainsi mourir chez nous. Je vous dis, il est merveilleux, des couleurs splendides dans toutes les gammes du brun-orange. Il se nomme Atlas, regardez dans les Meyer’s Lexikon. Il y a plusieurs sortes d’Atlas ici à Java.

Ce mois-ci finit à nouveau en queue du diable à tirer, car Oscar a dû se commander trois paires de pantalons blancs, une bonne somme à mettre de côté pour les impôts et un tas de petites choses que j’ai achetées font disparaître l’argent comme par enchantement.
Hier est venu un chinois avec un tas de jolies choses, des vases, des statuettes, des sculptures sur bois. Nous avons acheté une jolie bonbonnière et une petite statuette bien réussie en porcelaine blanche. Il en demandait Fl. 10.- et nous avons marchandé pour Fl. 3.- les deux choses. Il n’a pas voulu et s’en est allé. Oscar me dit : tout de même c’est dommage que nous l’ayons laissé partir, ces deux choses en valaient la peine. Moi j’étais sûre qu’il reviendrait tout de même, j’avais presque perdu confiance, quand après longtemps il revient pour me dire qu’il ne pouvait pas me les donner à ce prix-là, que c’était impossible. J’ai fait semblant de le croire et j’ai dit que je le regrettais terriblement, mais que moi non plus je ne pouvais pas les acheter à un prix plus haut. En dedans de moi, je savais que je les aurais mes choses. Je l’ai poliment laissé planté là devant la maison, ne m’occupant plus de lui. Après un moment il me dit de nouveau que son dernier prix était Fl. 5.-. Tout doux mon vieux, tu vas bien démordre et en fin de compte il me dit de faire mon prix, mais que trois florins c’était impossible. Ne voulant pas gâter la situation avec lui, car il vient souvent par ici et il a de belles choses parfois, je suis montée à Fl. 3.20, et le marché a été conclu à la satisfaction mutuelle. Il était déjà venu une fois et madame Röhwer avait marchandé pour moi une belle sculpture sur bois, une petite bonbonnière et un beau grand vase bleu, le tout pour Fl. 5.- que j’ai achetés. N’ayez pas peur que je me laisse entraîner à acheter un tas de fourbi, non, seulement le nécessaire pour garnir un peu nos meubles et faire heimelig. En même temps, ce seront de petits cadeaux que nous prendrons avec nous quand nous reviendrons.
Oh ! je viens d’aller faire mon tour de la maison, dire ce qu’il faut faire à dîner, voir mes poules, fourrer mon nez  un peu partout quoi, et savez-vous  ce que j’ai vu ? la montre de mon djongos, une grosse Roskopf avec l’image de Harold Lloyd sur le cadran, cette patate était gentiment posée sur un bout de papier propre, par terre, au grand soleil. J’ai éclaté de rire en voyant cette montre qui prenait un bain de soleil, j’ai demandé au djongos pourquoi il faisait cela ? Il me répond : oh ! quand elle est froide elle retarde. Il faut vous dire qu’il l’avait ouverte et soigneusement exposé le spiral au soleil. Qu’en penses-tu Fatherli, l’idée n’est pas si mauvaise que cela, hein ? Tout de même il l’avait exposée près du poulailler, à tout moment une poule pouvait surgir et marcher dessus. Oh ! mais cela ne fait rien, un coup de torchon et la montre est de nouveau propre et prête à marcher.

Bon, j’ai vendu des journaux ce matin, des vieux journaux pour 50 centimes les 200 feuilles, c’est assez avantageux. C’est ma baboe qui fait les transactions et qui tâche de vendre aussi cher que possible, parce qu’elle sait qu’elle recevra une petite commission. En effet, je viens de lui glisser 2 ½ cents, soit 5 centimes, dans la main, cela lui paye son dîner aujourd’hui. Je fais toujours ainsi, je leur donne une petite commission et alors je suis sûre qu’ils sauvegardent bien mes intérêts, car c’est aussi leur avantage. Voyez-vous c’est ainsi qu’il faut faire au jour d’aujourd’hui, savoir lâcher un centime à la bonne place en sauve bien d’autres.

Nous nous sommes aperçus que dans deux semaines c’était Pâques. Non, comme le temps passe, c’est à peine croyable. Si Buby doit travailler, eh bien nous passerons un jour de Pâques tranquille et heureux ici chez nous avec des œufs durs et de la bière. J’aurai beaucoup à faire cette semaine, car fidèle à la tradition je veux avoir une robe neuve pour Pâques, pour me montrer à Buby dans une toilette fraîche. Toilette !!!

Je me demande si Chuggou (Louis) rentre pour le 4 avril (anniversaire des jumeaux), oui, d’un côté je le pense puisque Pâques est juste avant, le 1er avril. Donc vous serez tous réunis et je vous souhaite de tout coeur de joyeuses Pâques, quelques beaux et bons jours de printemps. Jouissez-en du beau printemps nouveau avec toutes les petites fleurs, c’est quand même joli. Oh ! vous savez, il ne faut pas vous en faire pour moi, le Heimweh je ne l’ai pas comme vous  croyez, c’est seulement par moments, dont maman aura l’explication.




lundi 21 septembre 2015



Le 11 mars 1934

Keboemen

Mes bien chers chéris

Il est dimanche après-midi, vos lettres, maman, papa, Charlot, Tata, sont toutes arrivées en même temps, à midi, au moment où je tournais un quatre-quart. Je ne vais pas dormir et me mets immédiatement à la machine, à côté de Buby qui écrit à Laren. Nous avons un dimanche ordinaire, c’est à dire que Buby a dû travailler tout le matin à la fabrique. Pendant ce temps j’étais à la cuisine avec la baboe et j’apprenais à cuire la rysttafel. Vous devriez voir comme elle est fière de m’apprendre à cuire, elle montre tout son piano, excusez, mais je ne trouve pas d’autre expression pour qualifier son sourire !
Mes chers, comme nous vous remercions de vos lettres, nous les avons lues avec un plaisir sans mélange. Charlot, merci pour ton exposé, tu n’as aucune idée comme je l’ai trouvé intéressant. J’ai bien le Journal du Jura, mais n’ayant jamais lu les articles politiques (en vraie femme) je n’y vois que du feu et paille de fer. Nous avons aussi notre journal ici, pas à Keboemen, mais il vient de Semarang tous les soirs, c’est une immense feuille comme le Daily Mail à Londres, seulement c’est en hollandais, et moi cela m’embête de le lire. Oscar y tient toujours son nez fourré le soir avant de s’endormir, mais le lendemain il n’a pas le temps de m’en faire un résumé et ainsi les jours passent et moi je reste bête. Maintenant au moins j’y vois un peu plus clair et c’est à toi, mon « grand » frère, que je le dois. En écrivant cela tu m’as aussi donné envie de m’occuper un peu plus de ces choses là, mais cela d’une manière tout à fait personnelle, c’est à dire seulement pour conserver mes idées larges et ouvertes à ce qui se passe autour de moi. Ainsi quand on parlera de politique, je pourrai suivre la discussion, ce que je ne faisais jamais jusqu’à présent. Tu vois, mon frère, que tu es d’une grande aide à ta sœur lointaine, et du moment que cela t’est aussi de quelque utilité de faire ces résumés, continue. Oscar trouve que tu sais lire les journaux d’une façon intelligente et juste. Lui aussi a lu ta lettre avec intérêt et j’ai eu du plaisir de la bonne opinion qu’il en a.

Father, merci pour l’envoi des graines, mais tu sais, ne t’en fais pas trop, vois-tu aujourd’hui même je me suis aperçue une fois de plus que je suis bête à ce sujet. Il y a longtemps que j’aimerais avoir de la ciboulette et je crois que je t’ai écrit pour demander des graines. Il y a quelques jours j’ai vu ma baboe planter trois petits oignons, de ceux qu’elle achète toujours au marché pour nous. Elle les a plantés dans un pot, à côté d’un de mes rosiers et chaque fois en passant par là je regardais ces oignons pousser sans y prêter grande attention. Ce matin, je la vois qui va en couper de la verdure pour sa rysttafel et je m’aperçois que je peux très bien prendre cela pour de la ciboulette. Ainsi j’apprends toujours quelque chose et me voilà avec des ciboulettes. Vous savez que nous ‘avons pas les gros oignons ici, ces derniers sont importés des Indes anglaises. Ici ne poussent que les petites échalotes, mais qui sont très bonnes aussi. Ne te donnes pas trop de peine pour les dents-de-lion, j’aimerais plutôt des la graine de salade verte, de la pommée, et des laitues. Mon kebon en a planté chez ses anciens maîtres et il sait y faire, seulement il ne peut pas me procurer de graines. De même mes tomates poussent merveilleusement, elles sont en fleur, ce que je me réjouis de pouvoir y mordre sans que cela me dégoûte, car je serai sûre qu’elles seront propres. Mon kebon m’a fait cadeau d’une plante de violettes qu’il avait dans son jardin à lui. Des grandes violettes de Parme qui sentent bon. C’est dommage on ne peut pas les avoir dans le jardin, mais il faut les planter dans des pots. Ma poule couve toujours, le kebon dit qu’il faut attendre 34 jours, il est fou, mais enfin je le laisse faire, on verra toujours. Merci pour tout ce que tu me dis pour les canetons, je serais contente que ma nichée réussisse.

L’autre jour il m’a demandé une avance pour acheter un vélo, ainsi il pourrait faire mes commissions beaucoup plus vite, qu’il dit pour m’allécher. J’en ai parlé à Oscar, qui a demandé à voir le vélo. Il est encore presque neuf, c’est un vélo japonais de bonne marque, qui neuf a coûté Fl. 15.- soit un peu plus de Frs. 30.- Mon kebon l’a acheté du kebon des Röhwer pour Fl. 5.- que je lui ai avancé. Il se charge de me rembourser en deux mois, pendant lesquels le vélo reste comme notre propriété, il peut l’employer le jour pour moi, mais rien de plus. On verra s’il tient parole, si non eh !bien il me reste toujours le vélo, ce qui ne sera pas sans nous rendre service.
Sans cela ne vous en faites au moins pas pour nous, nous mangeons plus de légumes et de verdure qu’en Suisse. Ma baboe, maintenant qu’elle a vu que je ne traitais pas les javanais et tout ce qui les concerne avec dédain comme beaucoup de blancs le font, a du plaisir à me faire connaître un tas de petites choses et des légumes très appréciés des indigènes mais dédaignés des Européens, qui préfèrent les boîtes de conserves. C’est ainsi qu’elle m’a apporté un thé qu’elle-même boit tous les matins et qui est très bon, l’effet des fruits quoi.

Des fleurs, papa, il y a longtemps que j’ai acheté des orchidées en vue de les envoyer à Mr. Sossich, elles croissent mais je dois d’abord apprendre à les soigner ; ce sont des fleurs tellement spéciales, mais magnifiques. Il y en a une sorte que l’on peut très bien envoyer, elles supportent le voyage, selon Mme Visser, et c’est de celles-là que j’ai. Mais patience. Quant à des fleurs, à vrai dire il y en a pas beaucoup ici, ce sont plutôt des arbres fleuris, qu’on ne voit pas en Europe. J’ai à côté de ma véranda un immense buisson donnant des fleurs rouges, ressemblant un peu à de grands pavots, mais avec un très long pistil (je crois que c’est bien l’expression) (hibiscus ?). Ces fleurs sont ravissantes, mais ne durent qu’un jour, pourtant le bosquet est fleuri toute l’année.
Tu rirais si tu voyais comment mon kebon fait son jardin, dans ta lettre tu m’as parlé de râteau, ah ! oui, je ne demanderais pas mieux que d’en avoir un, mais il ne saurait pas s’en servir. Le gravier dans les chemins, il le place avec ses mains, oui, il fait de magnifiques mosaïques avec ces pierres, en les plaçant une après une avec ses mains. De même que le gazon, il le coupe avec un couteau ressemblant au Fuchsenschwanz (égoïne, petite scie pour bois sec et grosses herbes) de chez nous, pour cela il doit s’accroupir pendant des jours entiers, mais être accroupis est pour eux comme de s’asseoir pour nous. De même il ne bêche pas, je ne peux pas te dire comment il creuse, suffit que c’est bien fait et approprié à la nature d’ici. Je me garde bien de vouloir lui faire changer d’habitude du moment que cela donne de bons résultats. De même, dans un jardin chaque plante, chaque arbuste est dans une petite montagne, c’est à dire planté surélevé avec un fossé tout autour. Je me disais, en voilà une manière de planter, ils n’ont pas de goût pour leur jardin, ces gens. Mais je me suis vite rendue compte de l’utilité de cette manière de faire. C’est à cause de la pluie, aussi il n’y a jamais de broussaille dans un jardin, tous les buissons sont toujours  éclaircis dans le bas, ceci à cause des serpents qui ne manqueraient pas de s’y tenir cachés. Il y en a beaucoup ici, nous en rencontrons souvent au cours de nos promenades, mais il ne faut pas s’en faire, on les évite tout simplement.

Quant à l’inventaire (contrat), il nous faudra en faire un nouveau, quelle barbe, mais enfin là non plus il ne faut pas s’en faire. Ici on apprend tant de fois à prendre les choses plus aisément qu’en Europe.

Dans sa lettre de ce jour, papa Woldringh nous exhorte à l’économie car il se pourrait bien que nous ayons une baisse de salaire. Ce ne sera pas gai, mais bien que je pleure dans les trous de nez de tout le monde qui veut l’entendre dans mon voisinage, nous pourrons encore y parvenir avec un peu moins. Nous venons de recevoir notre feuille d’impôts, Fl. 284.-- par an, soit plus d’un mois de salaire, c’est beaucoup, mais flûte, il n’y a rien à y changer. Cela fait Fl. 30.- que j’irai porter chaque mois dorénavant, car tu penses bien que nous n’allons pas payer le tout en une fois, bien que nous ayons la somme sur notre carnet de compte de chèque. Nous n’en recevons que  2 ½% d’intérêt, mais c’est sûr et pratique. Je vous dis cela parce que je sais que cela vous intéresse, mais ne pensez pas que j’aie envie de me plaindre. Pas le moins du monde ! Il faut toujours être content d’avoir encore du travail et que la paye arrive régulièrement. Nous vivons retirés, loin des cinémas etc, mais nous avons la meilleure vie du monde, nous sommes servis, nous avons une jolie petite villa, une agréable vie de campagne, saine et simple.
Mamms, j’ai une bonne idée : apprends donc à écrire à la machine, ainsi tu pourras faire des copies de tes lettres. Maintenant tu peux apprendre tout tranquillement sur une des machines du bureau. Fais-le donc.
Demain soir, lundi, nous sommes invités chez les Hartong, l’administrateur de la fabrique de sucre d’ici qui ne fonctionne pas. Monsieur est venu à la Mexolie quelques fois et Buby a parlé avec lui et l’a trouvé intéressant, par conséquent nous avons demandé si nous pouvions leur faire une visite de courtoisie. On verra quelle sorte de gens ce sont, mais si Buby a du plaisir avec Monsieur, c’est bien sûr que je trouverai Madame à mon goût, penses-tu. 
Sans cela je n’ai rien de neuf à vous raconter, les jours passent trop vite. J’ai commencé à me faire une jupe blanche, peut être que cela donnera une robe, je ne sais pas encore au juste. Il faut absolument que je me fasse des robes car celles de Hedy commencent déjà à s’user et pourtant je veux les garder aussi longtemps que possible et plutôt porter ma propre fabrication ici à Keboemen, c’est encore assez bon.
Rose Marchand



Röteli, ce que j’ai du plaisir à ta photo, c’est inouï, c’est tout à fait comme si tu étais dans la chambre et me parles, tu me donnes des conseils. Chaque fois que je te regarde tu as quelque chose à me dire.