dimanche 30 juillet 2017



Bandoeng

13 novembre 1940
221

A sa maman
Je viens par cette lettre te souhaiter une bonne et heureuse fête pour le 19 décembre. Nous ne vivons pas dans des conditions idéales pour fêter un anniversaire, mais tu sauras toujours en faire « the best of it » n’est-ce pas Rötteli, sous tous les rapports. Petite Maman de mon cœur, c’est ton 60ième et qui de nous aurait imaginé que tu doives le fêter dans des conditions pareilles, combien j’aimerais être près de toi, surtout à cette occasion, je pense bien que vous pouvez vous l’imaginer sans que j’aie besoin de vous le dire. D’ailleurs, cela ne sert à rien de se perdre en lamentations, cela n’avance pas les choses. Les circonstances dans ce vilain monde sont plus fortes que nous, il ne nous reste qu’à apprendre à les accepter.
…je te souhaite tant, tant et tant de bonnes choses, et je le souhaite de tout mon coeur. J’espère que tu seras entourée des garçons en ce jour de fête et que leur présence réjouisse ton cher cœur et sache combler la place laissée vide par les circonstances. J’ai par moment beaucoup de peine à accepter que les choses soient ainsi et je sais bien que chez vous cela ne va pas tout seul non plus. Il ne reste qu’à dire : l’homme propose et Dieu dispose ! Sachons nous soumettre et c’est dans cette soumission que se trouve la force nécessaire. Je sais que tu en fais l’expérience aussi, et cela me réconforte beaucoup. Ayons confiance, n’est-ce pas ?
Tu vas te demander ce que cela veut dire que ma lettre est datée de Bandoeng. Boili est au service ici et comme c’est pour un certain temps, nous avons loué une petite maison meublée et ainsi nous pouvons être ensemble, tout en jouissant d’un climat de montagne, ce qui fait beaucoup de bien à chacun, mais surtout à notre Schnucksibol. Fin septembre je rentrais de nos deux mois de vacances à la montagne, et mi octobre Oscar a été commandé ici. J’ai donc passé tout juste un mois à Batavia, puis j’ai vite refait nos malles pour venir ici, car Oscar ne peut presque plus vivre sans son Schnucksi. Ici nous vivons très tranquillement, pour nous, et sommes heureux tous les trois. Nous avons revus John et Jans qui habitent ici tout près. Le matin je vais souvent me promener avec Conradli jusque vers Jans qui est toujours la même bonne pâte. C’est par l’entremise de Ir que j’ai pu louer cette petite maison. Ir et Bernard (Baalde, médecin, voir who is who) aussi sont toujours très bons pour nous. Ir surtout me gâte terriblement. C’est elle qui a tout arrangé la maison, ensemble avec ma koki que j’avais envoyée ici un jour avant, elle a tout mis en ordre de sorte que je n’avais rien à faire en arrivant qu’à m’occuper de Schnucksi.
Conradli et moi avec la baboe sommes venus ici en train, et Boili en auto. C’est Oscar qui a voulu cela, car en auto on ne sait jamais s’il n’arrive pas une panne en route, et alors cela était trop long pour Schnucksi. Ainsi en train cela nous a pris 2 ½ heures et à l’arrivée Ir était à la gare pour s’occuper des bagages et de tout. Pour le voyage j’ai fait un amour de petit cape pour Conradli, en piqué blanc. Tout le monde s’arrêtait pour admirer cette frimousse qui sortait du capuchon pendant que nous attendions le train. Une fois dans le wagon j’ai installé Conradli sur le banc à côté de moi et il a dormi presque immédiatement, pendant une petite heure, ensuite à son réveil je lui ai donné son jus d’orange et sa banane comme d’habitude et il ne s’est pas senti dépaysé du tout. La baboe était dans le wagon avec moi et portait un seau pour tout le nécessaire !!!
Conradli a fait l’admiration de tout le wagon, tant par sa gentillesse que par sa bonne humeur, ce qui ne sera pas sans réjouir ton cœur de grand-maman, hein ? D’ailleurs c’est un fait, chacun s’étonne de l’enfant gentil et facile à manier qu’est Conradli, alias Schnucksibol.
Ah, si je n’avais pas mon Conradli. Je ne sais pas bien ce que je deviendrais. Il forme en quelque sorte un contre poids. C’est lui qui m’empêche d’être découragée par moments, c’est lui qui me fait garder confiance, c’est pour lui que je suis remplie de courage et d’espoir. Et pour Oscar c’est tout à fait la même chose, Conradli est le ressort de notre vie, car il empêche que toutes nos pensées, tous nos intérêts soient tournés uniquement vers l’Europe. Sa présence exige beaucoup de nous.
A propos, tes belles couvertures rouges, nous les employons de nouveau avec beaucoup de plaisir et de reconnaissance. Elles sont encore très jolies car j’en ai grand soin et sitôt que nous serons à Batavia, je les fais nettoyer et les enferme dans mon coffre de camphre jusqu’à la prochaine occasion.
L’autre jour j’ai été voir défiler Boili et j’ai beaucoup pensé à toi, car tu aurais eu du plaisir aussi autant qu’on peut en avoir dans les circonstances actuelles !
Dans ta dernière lettre, tu me demandes quand nous pourrons venir en Suisse. Tant que dure la guerre Oscar ne peut pas quitter le pays, mais sitôt que les hostilités auront pris fin, nous viendrons. Je sais bien que tu n’as plus l’ennui de nous maintenant, c’est seulement ton petit fils qui t’intéresse !
Pour le bon ordre, je te confirme avoir reçu ta lettre 244 du 16 août, contenant ta photo. Je puis m’imaginer que tu as passé bien des heures ainsi, écrivant sur tes genoux et les petits chiens à côté de toi. Oui, le Chalet est toujours unique avec notre beau lac sans son paysage modeste et si paisible.

J’ai également reçu ta carte du Gurten (Berne), non pardon, du Gurnigel (Préalpes bernoises) ainsi que celle du Chasseral (Jura). La correspondance arrive très irrégulièrement, il ne faut donc pas te faire de souci si pendant longtemps tu n’entends rien de nous. Il se peut aussi que je n’écrive pas à intervalles très réguliers, des fois j’en suis empêchée. En feuilletant mon agenda, je m’aperçois avec étonnement qu’il y a de nouveau plus d’un mois de passé depuis ma dernière lettre. C’est fou ce que le temps file. C’est aussi que je travaille beaucoup, car à part mes soins à Conradli, je couds tout moi-même, mes robes, la garde-robe de Conradli et les raccommodages du ménage. Conradli grandit si vite qu’à peine j’ai fini une série de petites chemises ou quoi que ce soit, elles commencent déjà à devenir trop petites et il faut recommencer.
Papali aimerait savoir si nous avons l’occasion de garder notre situation ici, même si nous venons en congé. Mais oui, mes chers. Nous sommes indépendants ici, nous formons un état indépendant et la vie ici continue comme par le passé. Nous sommes donc bien décidés de revenir ici après notre congé en Europe, car Oscar n’a aucune raison de vouloir changer de situation et vu les années que nous avons déjà derrière le dos, c’est ici qu’Oscar a le plus de chances d’avancer. Ici Oscar est dans son pays et je ne crois pas qu’il aurait plus de chances de trouver une bonne situation en Suisse, comme étranger. Quant à travailler ensemble avec Padre et mes fratelli, je ne crois pas que ce serait sage et bon, surtout pour les liens de famille, à la longue surtout. Est-ce que ce commerce de fabrication de plumes est tombé à l’eau ? car tu m’écris que Charlot voyage pour des produits chimiques maintenant. Il y a tant de ces affaires qui promettaient de devenir des réussites merveilleuses et puis après un certain temps on n’en entend plus parler. Je sais bien que la guerre doit avoir changé beaucoup pour vous en Suisse, mais je me rappelle aussi les enthousiasmes de Padre !!! Je sais bien que ce serait le ciel sur la terre si nous pouvions rester en Suisse près de vous, et si nous pouvions le faire en restant indépendants de vous, nous ne perdrions pas de temps, crois-moi. Malheureusement nous devons gagner notre vie, et dans les conditions actuelles, nous ne pouvons pas mettre de côté quoi que ce soit, c’est donc qu ‘Oscar doit continuer à travailler dur et c’est en restant ici qu’il a le plus de chance de parvenir à quelque chose de solide. N’oublie pas que j’ai fait mes expériences au bureau entre papa et Oswald, papa et l’oncle Charly et tant d’autres. Je sais bien que c’est Padre qui a eu le moins de faute dans tout cela, tout de même j’en ai pris une leçon et puis pour nous, il vaut mieux avoir un œuf dans la main qu’une poule sur le toit.
Tu me dis dans ta lettre que madame Koningsberger t’a écrit et demandé d’écrire à Koo. Jusqu’à présent il n’a encore rien reçu et ta lettre serait la première nouvelle qu’il ait de sa mère. Comprends-tu combien c’est important pour lui ? Mamali, je te l’ai déjà écrit, quand vous recevez des lettres de Hollande, transmets-les moi donc, transcris-les mots pour mots. Vous ne pouvez pas vous figurer combien nous sommes assoiffés de nouvelles ici et combien de fois je suis littéralement assiégée par des amis qui demandent des nouvelles. Quand quelqu’un a reçu une nouvelle ici, on la téléphone directement é tous nos amis et tes lettres sont un événement quand elles arrivent ! En lisant cela de madame Koningsberger, j’ai immédiatement téléphoné aux beaux parents de Koo qui sont à Batavia et ils sont venus sur le champs chez nous pour en savoir plus, malheureusement je n’avais pas grand chose de plus à leur donner. Donc une fois pour toutes, Mamali, si tu reçois une lettre ou une carte de Hollande, de qui que ce soit (car beaucoup de gens ont ton adresse) écris-moi immédiatement tout au long les nouvelles qu’elle contient. Nous sommes tous anxieux ici de savoir comment se portent nos familles en Hollande. Dans le cas de Koo, tu aurais dû lui écrire et copier la lettre de sa maman ou la lui envoyer et à moi tu aurais dû la copier, ainsi on serait sûr qu’un des deux recevrait la nouvelle. Pour le moment, Koo est bien content que sa maman ait pu t’écrire. Tu pourrais aussi écrire à madame Koningsberger pour lui dire que son fils est marié maintenant et très heureux. Oscar a été témoin au mariage, je te l’ai déjà écrit dans une de mes lettres précédentes. En écrivant en Hollande, il vaut mieux ne pas mentionner de noms de personnes, ni de lieu, emploie les pronoms seulement.
Si jamais tu as des nouvelles de Kitty et de Ryk, l’amie de Kitty dont la maman a été ici l’année passée, tu me les transmettras stpl. Nous aimerions tant savoir si Kitty a son enfant maintenant et si tout est bien allé.
Voilà une lettre de Conradli ! Pendant que j’étais en train d’écrire, il s’est réveillé et je l’ai laissé s’amuser avec la machine un peu, j’espère bien que la censure ne prendra pas ces quelques lettres pour des signes dangereux !
Je ne fais pas de double de cette lettre car j’ai oublié notre papier carbone à la maison, et je ne veux pas en acheter ici de nouveau. Il se pourra donc que je vous écris deux fois la même chose.
Jusqu’à présent je n’ai donc pas reçu ta lettre du 28 juillet, mais bien celle du 16 août, la 244 donc.
Papa m’a écrit ne pas recevoir de nouvelles de papa W. Nous aussi en sommes étonnés mais papa W. doit bien savoir ce qu’il fait et pourquoi il n’écrit pas, donc n’insistez pas. Pourtant dans votre télégramme vous nous dites qu’il se porte bien, j’espère bien que c’est la vérité ?
Cela semble bien tôt de vous souhaiter à tous et chacun un bon Noël, mes bien chers, mais avec le temps que mettent les lettres maintenant, il faut s’y prendre à temps. Quant à nous, nous rentrons vers le 15 décembre et serons juste à la maison pour préparer un simple mais bon Noël, pensez donc avec notre Conradli !!! Mes chers chers grand-papa et grand-maman, comme je voudrais pouvoir vous donner ce plaisir d’observer les grands yeux  brillants de Conradli quand il regardera dans les bougies ! Nous n’avons pas les moyens et ce n’est aussi pas le moment de faire beaucoup d’extra pour Noël, de sorte que nous ne ferons qu’un arbre, mais un beau. Après Noël nous chercherons à déménager, car notre maison à la Palmenlaan est trop chère pour ce qu’elle offre Nous prendrons probablement une maison encore plus petite, mais avec un peu de jardin autour, ce qui est indispensable pour Conradli. Vous comprenez, maintenant nous pouvons chercher à notre aise et j’espère bien que nous trouverons quelque chose de convenable. Continuez toutefois d’adresser vos lettres à la Palmenlaan jusqu’à ce que vous receviez des nouvelles et une nouvelle adresse précise. Il ferait beau pouvoir rester ici à Bandoeng, l’air y est si bon mais voilà il faut vivre où Boili gagne notre pain.
Voilà, vous êtes de nouveau un peu au courant de notre vie d’ici, simple, tranquille et heureuse par la présence de notre Conradli. Nous nous portons bien, Oscar aussi. Il a de temps en temps des démêlés avec son ami E. (Elout) mais pour le reste cela va bien au bureau, seulement ces derniers temps il n’y est pas trop souvent. C’est comme les Charlou ! (service militaire). Enfin, nous aurons eu de jolies 6 semaines ensemble ici, c’est toujours cela.
Au moins, n’oublie plus de bien écrire en détail et de copier les lettres que tu reçois de nos amis de Hollande stpl. Il te faut les copier textuellement et je ne crois pas que tu as besoin d’avoir peur de la censure. Cela va sans dire qu’ils n’écriront pas des choses que la censure ne peut pas laisser passer.
……..un bon Noël et que la nouvelle année vous soit prospère et nous apporte à tous ce que nous souhaitons le plus : la paix.
Pensez à nous comme nous pensons à vous ; avec espoir, patience et affection et surtout avec confiance. Toujours toutes nos bonnes pensées et tout mon cœur.
Votre Ge…




jeudi 27 juillet 2017



Batavia

15 octobre 1940
220


dans son box
Je profite de nouveau d’un avion qui part demain pour vous donner de nos nouvelles. Je n’ai rien reçu de vous entre temps, depuis votre télégramme et ta lettre 241. Je ne me fais pas de souci, sachant le temps que la correspondance met pour nous parvenir. Je vous confirme ma lettre 219 du 1er octobre avec toutes les photos de Conradli. C’était une lettre très lourde avec toute une série de photos, et quelles photos !!! J’espère tant que vous la recevrez cette lettre, car cette fois-ci je n‘ai aucune nouvelle photo à joindre.
Comme nouvelles je n’ai pas grand’chose à vous raconter. Nous vivons pour nous et pour Conradli. Mille fois par jour au moins je regrette que vous ne puissiez pas en jouir en ce moment, tous les jours il a quelque chose de nouveau à nous montrer. Il est si drôle ! Vraiment je ne me serais jamais imaginé qu’un petit enfant puisse rendre pareillement heureux. 

Oui, mes chers, malgré tout, tout ce que je souffre par moments en pensant à vous, je dois avouer que je jouis pourtant d’un bonheur immense. Et c’est la même chose pour Oscarli.
J’ai encore réussi à acheter une passoire très pratique pour les légumes spécialement. C’est un article français. Pour cela je suis bien comme toi, Mamali, mon plus grand plaisir c’est d’aller fouiller les magasins d’articles de ménage pour tomber sur l’une ou l’autre nouveauté. Est-ce que je t’ai une fois écrit que j’ai même trouvé une passoire à chnöpfli? (voir glossaire). Il y a un magasin chinois ici qui fait venir toutes ces choses comme échantillon, et si cela « prend », il passe des commandes. Je ne pense pas qu’il aura beaucoup de succès avec sa passoire à chnöpfli, à moins qu’il y ait une autre femme suisse qui aille tomber dessus !
J’ai beaucoup pensé à toi ces derniers jours, car j’ai reprisé des bas et des chaussettes, et j’ai employé ces petits crochets que tu m’avais une fois envoyés. D’abord je me suis demandée comment au monde on pouvait se servir de ces crochets, cela n’allait pas du tout, mais après un moment j’ai trouvé le filon et maintenant je remonte des mailles pour mon plaisir. J’en suis si contente que je te dis encore une fois un grand merci.
Je sais bien que je vous en chante plein le dos de Conradli, mais il faut vite encore que je te raconte cela : j’ai maintenant une poussette et nous allons nous promener tous les matins quand pappie est parti pour le bureau et tous les après midi de 4 ½ à 5 ½ heures, juste avant que pappie revienne. Une fois que pappie est à la maison et qu’il a fini de lire son journal, Conradli n’est plus à moi !!! Et il le sait, le petit diable, tous les soirs vers 6 heures il commence à pleurer quand on le laisse dans son box, car alors c’est l’heure de pappie. Ils sont bons amis ces deux, et j’en suis si contente.
Ce soir j’ai vu qu’il y avait une maison à louer dans le journal, et j’ai vite été voir, en marchant pour mon plaisir et zut, je suis juste arrivée trop tard, elle venait d’être louée à des gens qui étaient encore là et qui avaient pris un taxi ! Cela m’apprendra la prochaine fois de faire plus vite.
Nous ne sortons plus beaucoup, de sorte que je n’ai rien d’intéressant à vous raconter. Nous voyons de temps en temps les van Mastwyck, ils sont toujours très aimables, mais une fois qu’on a un enfant, on a de tout autres intérêts. Elle, surtout, mène maintenant une vie toute mondaine, ils sortent beaucoup etc. Je crois que c’est surtout elle qui jouit de cette sorte de vie, et c’est compréhensible, quand on n’a pas d’enfant, il faut combler le vide ! Il faut aussi prendre en considération que j’ai été absente pendant deux mois, c’est un bon bout de temps.
Il se peut que le mois prochain nous allions à Bandoeng, Oscar doit faire du service, alors je vais avec et nous louons un bungalow meublé. Cela ne reviendra pas beaucoup plus cher que si Oscar va seul à l’hôtel, et ainsi nous jouirons encore un mois d’un climat plus frais. Il fait très, très chaud en ce moment ici. Conradli transpire jusqu’à en avoir la peau pleine de boutons, pauvre gosse. Je dois souvent penser à cette poésie que tu m’as envoyée dans une de tes dernières lettres sur les joies maternelles. Oh, j’en jouis tellement de mon Conradli.
Padreli, la couronne de la montre de Boili est tombée. Il n’y aurait pas moyen d’envoyer une nouvelle couronne, une tige et peut être une tirette avec les vis nécessaires ? Stöcker n’a pas ce qu’il faut pour la réparer. 
cervelas sur le feu
Boili est en train de jouer du piano. Il joue presque tous les soirs maintenant pendant que moi je couds. J’ai toujours beaucoup à faire, les chemises de Conradli semblent toujours être trop petites ! Je suis en train de lui tricoter des petits vêtements en coton everlasting qui lui vont très bien et qu’il pourra porter pendant longtemps. Je l’habille surtout de blanc, je trouve que c’est le plus joli. Je lui fais de très jolies petites jaquettes en piqué blanc, des restes d’une vieille robe que j’avais ratée. Il est à croquer en blanc avec ses grands yeux noirs et sa frimousse brunie. Je le mords toujours dans ses mollets, ils sont durs comme des cervelas !!! (petite saucisse nationale suisse).

Mes chers, vous allez penser que je suis folle de mon gosse et que je ne suis pas capable de penser à autre chose ! Mais ce n’est qu’à vous que j’ouvre ainsi mon cœur et je vous assure que je pense encore bien assez à tout ce qui se passe en Europe.
Je me demande souvent ce que vous faites de tous ces internés en Suisse ? Au moins ne te fends pas en quatre jusqu’à te rendre malade. C’est drôle que vous deviez justement avoir des Arabes à Sutz, il doit en survenir des malentendus de part et d’autre sans le savoir ! J’y pense souvent ! et je me demande si je saurais m’adapter, car tout aura tellement changé quand nous pourrons une fois revenir en Europe. Enfin, on ne sait pas ce qui nous attend ici non plus, de sorte que je vis aussi sagement que possible selon mes moyens, en me disant : à chaque jour suffit sa peine. Nous pensons à faire baptiser Conradli ici maintenant, d’abord nous voulions attendre d’être en Suisse pour le faire, mais je crains que cela soit trop long. Toutefois, nous nous reverrons bien un jour, sachons avoir de la patience, et que Dieu vous protège et vous bénisse, mes bien chers tous.
Ne vous faites aucun souci pour nous, nous vivons au pays de l’abondance. Si possible transmettez-nous tout ce que vous pouvez de papa W. Il paraît que Kitty attend son second enfant. Si vous entendez quelque chose de ce côté-là, faites le nous savoir, car les Baalde (Ir et Bernard, Bandoeng) sont anxieux.



dimanche 23 juillet 2017




Batavia

1er octobre 1940
219


Je viens de lire dans le journal qu’un avion poste part demain et qu’on peut donner des lettres pour l’Europe, entre autre aussi pour la Suisse, alors je m’empresse de vous taper une lettre. Il y a si longtemps que je n’ai plus écrit de vraie lettre, car de ne pas savoir si elle vous parviendrait vraiment m’ôtait toute envie d’écrire. Pourtant je sais que c’était égoïste de ma part, car Rötteli doit être anxieuse d’avoir de nos nouvelles.
Il y a 3 jours j’ai reçu ta lettre 241. Quelle joie, quel immense plaisir ! J’ai aussi reçu une carte de Charlot il y a quelques semaines, elle était tellement bien venue aussi. Et merci de votre télégramme ainsi conçu : tout va bien, tous bonne santé et chez vous, lettre 245 partie dernière lettre reçue datée 9 juin ; auquel Oscar a répondu : trio santé excellente, vacances montagne avons écrit juillet à tous, bonne fête.
Je regrette qu’il n’ait pas mentionné la 245 que nous n’avons pas encore reçue. Peut être qu’elle viendra encore. Je vous ai donc écrit assez régulièrement, mais seulement des cartes postales, parce que pendant un certain temps on ne semblait plus pouvoir correspondre avec l’Europe. Maintenant il semble qu’un nouvelle route ait été arrangée, mais je ne sais pas combien de temps les lettres vont mettre pour vous arriver, si elles arrivent, car elles doivent passer tant de censure.
Nous avons donc passé deux mois à la montagne, cela nous a fait un bien énorme, surtout à Conrad. Il est bronzé comme un petit nègre et il a fait des progrès fantastiques. Cette madame Hausermann avec qui j’avais loué la maison était toute jalouse de voir Conrad tellement plus vif et plus intéressé dans son entourage que son propre baby qui a déjà 10 mois et qui ne veut pas encore s’asseoir. Conrad essaie de marcher, chaque fois qu’il est sur mes genoux il se hisse sur ses jambes en se cramponnant à mon nez la plupart du temps. C’est fou ce qu’il est gai et vif. Il touche tout, il regarde tout, c’est une surveillance de tous les instants. Il pèse maintenant 7.6 kg. Il a donc amplement doublé son poids à 6 mois. Depuis deux jours quand il pleure il dit toujours mamamamama, et quand il voit quelque chose d’intéressant c’est tatata-tetete-tatata. Oh, c’est fou le bonheur que cela donne un petit enfant ! 
Oscar et son fils

Oscar aussi en est tout fou. Je crois qu’il a eu bien l’ennui pendant ces deux mois que nous étions loin. Il venait toujours pour les week end, mais c’était bien court. Enfin, c’est passé maintenant et je vous dis que j’ai été aussi contente de rentrer que de partir. Oscar nous a souhaité la bienvenue à la maison avec un immense bol de roses merveilleuses, il est si content de nous avoir de nouveau. Si j’avais été seule je ne serais jamais partie aussi longtemps, mais maintenant avec Conrad, je vais aller à la montagne au moins une fois par année et si possible deux mois.
Je vous envoie une série de 26 photos qui vous raconteront mieux notre vie que la plus longue lettre. J’espère que vous les recevrez toutes, car je ne sais pas ce que la censure pourrait retenir.
Il ne faut pas vous faire de souci pour nous ici, la vie est encore tout à fait normale, nous ne manquons de rien. Il y a seulement les impôts qui ont augmenté, mais voilà il ne faut pas se plaindre.
Si c’est possible d’envoyer une ou deux photos en Hollande, tu le feras, n’est-ce pas? Nous aimerions tellement que tu nous transmettes ce que Ans vous a écrit, et aussi la lettre de Kitty. Pendant que nous étions à la montagne Ir et Bernard sont venus un dimanche matin nous rendre visite. Ir a dit qu’elle voulait aussi t’écrire, je crois que ce sera surtout pour te demander une copie de la lettre de Kitty. Sais-tu que Kitty attend son deuxième enfant ? Si c’est possible, tu nous feras parvenir la nouvelle stpl. Ir et Bernard vous sont tellement reconnaissants de tout ce que vous ferez à ce sujet, car vous êtes les seuls intermédiaires entre eux et Kitty. Quand ils sont venus nous rendre visite, Ir a apporté un immense Teddy Bear à Conradli, son premier !
Si j’ai l’air d’une souris mouillée sur toutes ces photos, il ne faut pas t’en faire Mamali, c’est que j’ai perdu presque tous mes cheveux. On m’a dit que cela venait toujours après la naissance d’un garçon. A un certain moment, j’étais absolument chauve aux tempes, mais maintenant c’est plein de jeunes cheveux, comme dans le temps après ma maladie. C’est seulement dommage que les jeunes cheveux qui repoussent soient aussi gris, j’espérais tant qu’ils repoussent dans la couleur originale, mais voilà on devient vieille ! J’ai maintenant tout à fait ma taille d’avant la naissance de Conradli, j’en suis bien contente. Oh, mais cela m’a tellement fait du bien cette vie saine là-haut. Tous les matins j’allais faire ma promenade avec notre chien dans les plantations de thé. Je me levais très tôt et quand Conradli se réveillait, à peu près vers 6 ¼ heures, j’étais prête et n’avais plus qu’à lui donner sa bouteille et le changer. Je le mettais dans son box dans la chambre, car dehors le soleil était encore caché par les montagnes, et je partais dans mes gros souliers, pour une bonne heure de marche. Une fois j’ai rencontré un sanglier, il a passé à environ 6 mètres de moi. J’ai eu une belle frousse. Une autre fois j’ai perdu mon chemin et j’ai dû traverser toute une plantation en friche, alors en rentrant j’ai eu des sangsues aux bras et aux jambes, Brrr ! c’était dégoûtant à enlever, mais à part cela j’ai immensément joui de cette belle nature.
Maintenant que nous sommes de nouveau ensemble à Batavia, Boily et moi allons chercher une autre maison, car celle-ci est vraiment trop petite. Ce n’est pas précisément la maison même qui est trop petite, mais les alentours. Il n’y a pas de jardin et cela me manque beaucoup, aussi pour Conradli. Nous allons donc nous mettre à chercher une maison qui nous convienne et nous chercherons jusqu’à ce que nous aurons trouvé, car nous ne nous attendons pas à pouvoir aller en Europe de sitôt. 

Batavia vie mondaine
Batavia/Jakarta 1940

Du moins je n’ose pas trop y penser l’envie de vous revoir est trop forte en moi. Des fois, j’ai des souvenirs tellement vivants de personnes, de choses ou de places qui me viennent que je n’y tiens presque plus, mais ce sont simplement des moments, et puis cela passe et heureusement que mon Conradli ne me laisse pas beaucoup de temps pour penser. C’est un immense bonheur de l’avoir, notre vie qui était déjà heureuse avant est devenue encore plus riche, plus intense. Vraiment, Conradli est le poids qui nous tient en équilibre ici d’avec nos pensées pour vous tous. J’ai été si contente d’avoir votre télégramme. J’espère que tu as passé une bonne fête, Padreli. Alors tu t’es remis à la jauge ? (terme technique horloger : instrument de mesure pour calibres, mouvements, etc) Tu as bien raison. Je me le suis demandé déjà souvent, mais je ne voulais pas vous le demander.
Ach, mes chers, mes chers, au moins ayez bien soin de vous et toi, ne te fatigue pas et surtout ne te fends pas en quatre avec toute la charité que tu exerces. Je sais bien que quand on voit tant de misère, on ne peut pas faire autrement, surtout toi qui a si bon  cœur, mais pense que tu as encore quelque part, une girlie pour laquelle tu dois te garder en bonne santé ! Je sais bien que la girlie ne comptera pas quand elle reviendra, il n’y aura  de la place dans ton cœur que pour un Conradli !!! J’espère qu’il vous fera bien plaisir, déjà maintenant je fais la prière avec lui tous les soirs, et nous demandons à Dieu de protéger les grands parents afin qu’il puisse faire leur joie une fois.
Si possible vous nous donnerez des nouvelles de Fatherli W et vous lui en donnerez des nôtres. Je ne sais naturellement pas si vous pouvez correspondre et je m’en remets tout à fait à vous, mais vous prie de nous donner autant de nouvelles que possible. Maintenant que nous sommes de nouveau en ville et que je vais reprendre notre vie normale, je vais vous écrire plus souvent de nouveau. Mon minimum c’est une lettre ou carte postale par mois. Sur cela vous pouvez toujours compter, mais à partir de maintenant je vais écrire tous les 15 jours. Seulement il ne faut pas vous faire de souci si les lettres n’arrivent pas régulièrement et peut être pas du tout. Et si jamais il arrivait quelque chose à l’un de nous, vous auriez toujours un télégramme, mais si nous sommes longtemps sans avoir de vos nouvelles, nous allons aussi télégraphier, donc il ne faut pas vous effrayer si vous recevez des télégrammes, hein ?
Je vais vous quitter pour ce soir, il est déjà tard, car entre temps nous avons eu des visites et je n’ai donc pas pu écrire autant que je le voulais.
Toutefois vous savez que vous n’avez pas à vous faire de souci pour nous et les photos parlent pour elles-mêmes des progrès que fait Conradli. Tu n’as pas besoin d’avoir peur, nous ne le forçons pas, en rien. Nous avons beaucoup de très bons livres concernant les enfants et je demande aussi toujours l’avis du docteur pourquoi que ce soit.
Mon affection toute spéciale à mes frères. Donne aussi mon affection à Banely, et pour vous, tout mon cœur mes pensées et mes prières.
Votre Ge…




jeudi 20 juillet 2017









Carte postale
(par Knelm/TransTasman/P.A.A to USA and onward air transmission)

Le 5 août 1940
Ma bien chère Mamali et mes chers tous
Je viens de recevoir ta carte postale du 18 juin (240)  (carte postale ci-dessus) ce qui nous a fait grand plaisir. Je l’ai immédiatement envoyée à Ir (et Bernard Baalde, Bandoeng) pour qu’elle aussi ait du plaisir à la lire. Nous sommes si heureux de savoir que vous vous portiez bien tous. Nous aussi nous nous portons bien. En ce moment je suis à la montagne avec Conradli. Nous avons loué une jolie maison pour deux mois, ensemble avec les Hausermann. Ce n’est pas trop loin de Batavia, ainsi Oscar peut monter tous les week end, et chaque fois il s’étonne de voir son fils. Conradli grandit comme un jeune chien, il est bronzé vu qu’il est tout le jour au soleil sur une grande terrasse dominant la vallée et les montagnes alentour. Il est gai il essaie de parler, tatata, bababa, et il veut toujours essayer de s’asseoir. Il est gai comme un pinson et ne pleure que quand c’est l’heure de sa bouteille. Il a toujours faim, c’est un vrai Marchand (sa famille en Suisse) pour cela. Nous avons fêté ma fête ici, surtout en pensant beaucoup à vous tous. Oscar est venu me surprendre déjà le samedi matin et m’a bien gâtée. Les v.M. (van Mastwyck, de la Banque) ont leur maison de weekend tout près d’ici et le dimanche matin Oscar va marcher avec eux. Je ne peux pas bien quitter Conradli, ne voulant pas le laisser aux soins de la baboe. Moi aussi je me porte bien, nous nous soignons bien et je mange beaucoup des bons légumes qu’on a ici. Je n’ai pas reçu ta carte 239 Mamali. Je vous confirme ma lettre du 12 juillet. Tous les soirs Conradli prie pour ses grands parents et pendant que je dis la prière, il me regarde avec ses grands yeux comme s’il comprenait. C’est un si beau baby, et intelligent. Mes chers nous sommes toujours en pensées avec vous. Dieu vous bénisse et vous protège, c’est ma prière. Ne te fais pas de soucis pour Boili, il se porte bien vu qu’il fait du service.
Ge…
Exp : Woldringh, Palmenlaan 54, Batavia C.
Sceau rouge : Censured 5
Selon sceau postal et timbres suisses Fr. -.30, reçue par la poste suisse le 18.10.1940







Carte postale
(par Knelm/TransTasman/P.A.A to USA and onward air transmission)
à la main
8.9.40 (le 8 septembre 1940)
Mes bien chers
J’ai reçu la carte de Charlot qui m’a fait un immense plaisir, et je la garde précieusement. Nous sommes à la montagne jusqu’à la fin de ce mois. Elle nous fait un bien énorme, surtout à Conradli qui est brun comme un nègre. Il fit tout le jour, il rampe sur ses mains et ses genoux et d’un coin du lit  l’autre et quand il est sur mes genoux il essaye toujours de se planter sur ses petites jambes. Il n’a pas encore de dents mais on les devine dans les gencives. Il est gai et toujours content. Une fois par jour il boit sa soupe au riz hors de son gobelet comme un petit chien. Je vais vous envoyer des photos sitôt à la maison. Oscar a toujours un immense plaisir quand il vient. J’ai rêvé de Padre la nuit passée. Je penserai spécialement à toi le 23 de ce mois (septembre) et aussi à Minna le 25. Je sais que tu penseras aussi à nous Mamali, le 16.8 il y a 7 ans que nous avons quitté l’Europe. Je prie qu’il nous soit permis de nous revoir bientôt tous et de vous retrouver en bonne santé. Ici tout et tous vont bien, ainsi que moi-même. J’ai eu une petite crise de foie il y a 3 semaines ce qui m’a remis au régime que j’avais bel et bien abandonné et maintenant je suis tout à fait remise. Ce séjour à la montagne m’a fait un bien énorme, j’ai tout à fait ma taille d’avant la naissance de Conradli mais très bonne mine. J’espère tant et tant qu’il en soit de même pour vous tous. Est-ce que Loulou pourrait aussi m’écrire un petit mot ? Et Padreli ? A toi, mon cher, iront mes meilleurs vœux and many, many returns of the day but really happy ones ! Tous nos vœux et  nos prières pour chacun de vous et bien des amitiés à tous eux qui pensent encore à moi. Votre Ge…

Mes chers
Heartiest greetings and best wishes to all from Oscar
P.S. Have you had any news from father ?

Exp : Woldringh, Palmenlaan 54, Batavia C
Sceau rouge : censured 5
Selon sceau postal et timbres suisses Fr. -.30, reçue par la poste suisse le 18.10.1940 ( !!!)




lundi 17 juillet 2017




Batavia

12 juillet 1940
216


Il y a longtemps que je ne vous ai plus écrit et il est temps que je vous raconte de nouveau quelque chose de Conradli.
Merci infiniment pour tes lettres 236 et 237. Comme toujours elles ont été reçues et lues avec joie et reconnaissance. Je vous accuse aussi réception de votre télégramme qui nous a bien soulagés, et surtout aussi les Baalde (Ir et Bernard, Bandoeng). Vous aurez bien compris que nous avons envoyé le nôtre avec frais partagés, et si cela avait été possible, nous aurions voulu payer la réponse aussi, pour vous éviter des frais. Quoi qu’il en soit, Ir n’oublie pas, ni nous non plus, et à la prochaine occasion nous vous revaudrons cela. C’est seulement dommage que vous n’ayez pas mentionné le nom de Kitty (sœur de Ir) aussi dans le télégramme, afin que nous soyons sûrs que les nouvelles se rapportent à elle et sa famille et pas seulement à la mère de Bernard. Enfin, nous ne pouvons pas bien nous représenter comment vont les choses. Si jamais il arrive que vous deviez nous télégraphier de nouveau, n’oubliez pas qu’ici nous ne savons rien ou presque et qu’il faut que vos télégrammes soient clairs et ne puissent pas prêter à confusion. Il va sans dire que nous vous rembourserons les frais sitôt possible.
De tous côtés il me vient des demandes de vous télégraphier pour demander des nouvelles, mais je refuse, car cela vous mènerait à de trop gros frais. Encore ce matin tante Engel m’a demandé de vous écrire pour demander des novelles de Boy. L’incertitude dans laquelle elle vit lui pèse terriblement, la pauvre âme. L’adresse de l’oncle de Boy est : Mr. C.B. van Blommestein, Jan-Steenlaan 1, Heemstede, Holland. C’est donc un frère de tante Engel. Voyez ce que vous pouvez faire, peut être leur écrire et demander des nouvelles, ou peut être par l’intermédiaire de la Croix Rouge.  Je n’en sais rien, mais en tous cas il ne faut pas que cela vous attire des ennuis. D’un autre côté, cette pauvre tante Engel devient presque folle de ne pas savoir ce qui est arrivé à Boy, s’il vit encore ou pas, vu que c’était son enfant préféré.
Je ne peux pas vous dire combien ce télégramme nous a fait du bien, surtout que j’avais bien peur pour papa W. Je ne sais pas pourquoi, mais je me faisais beaucoup de souci. Si vous avez d’autres nouvelles, écrivez-les donc. Sachez que nous sommes absolument coupés de la mère patrie, de sorte que toutes les nouvelles que vous pouvez nous donner sans danger pour vous-mêmes, seront plus que bien venues ici. Quant à vous, mes bien chers, je prie, je prie pour que le pire et tant d’autres misères vous restent épargnés. Conradli aussi prie chaque soir pour ses grand-parents en Europe et toute sa famille, avec ses petites menottes, et pendant que je dis la prière, il me regarde toujours avec ses grands yeux rieurs et confiants.
Cet enfant est un don de Dieu pour nous, c’est lui qui nous donne confiance en l’avenir et qui nous aide à vivre et à lutter dans le présent. Il croît et se développe comme un jeune chien. Il a 4 mois maintenant et se retourne déjà sur le dos, sur le ventre dans son box. Il veut toujours essayer de s’asseoir quand il trouve de quoi s’accrocher quelque part. Naturellement que nous ne l’y forçons pas, car j’ai trop peur pour son petit dos, quoique il ne soit pas faible du tout. Je ne veux le forcer en rien, il faut qu’il croisse librement et se développe selon ses propres forces.
Grâce à Conradli nos journées, les semaines, les mois passent comme des voleurs. Je reste beaucoup à la maison, surtout le matin, car je ne confie Conradli à personne, c’est à dire ni à une baboe ni à Kaidi. Il n’y a que le soir à 7 heures que je me sens vraiment libre, car alors Conradli a eu sa dernière bouteille et il s’endort sans interruption jusqu’au matin à six heures et demie. Nous en profitons alors pour sortir, Oscar et moi, pour aller faire des visites de politesse ou voir des amis etc. Oscar fait aussi du service le soir, 2 fois par semaine.
Conradli connaît sa bouteille maintenant et quand il la voit, il tend ses petites mains et tâche de l’attraper, alors il essaye de mener le biberon à son museau et se gicle par toute la figure. C’est tordant à voir.
Quand il est dans son bain, il se débat et fait platsch avec ses jambes, alors il crie de plaisir. Parfois je suis toute mouillée. Après le bain, je l’enveloppe complètement dans le linge de bain et alors j’en fais un petit paquet pour la grand-maman en  Suisse. C’est comme s’il le savait, car à ce moment-là, il rit toujours quand il réussit  sortir sa frimousse des plis du linge.
Le 22 juin il a été vacciné contre la petite vérole. Il a eu trois incisions à la cuisse et qui ont bien pris, toute sa petite jambe était rouge et enflammée. C’était très vilain à voir, mais il n’a pas eu de fièvre et n’a même pas perdu sa bonne humeur. Maintenant il est venu de belles croûtes sur ces incisions, et deux sont déjà tombées. Il se porte bien, va, il pèse maintenant 6470 gr et mesure 72 cm.
Il a maintenant la manie de porter à sa bouche tout ce qu’il peut attraper. Je pourrais m’amuser toute la journée avec lui et je perds un temps formidable à le regarder à travers les barreaux de son box et à …. l’admirer !
Depuis deux jours Conradli rampe un peu dans son box, mais seulement en arrière ! Il est vif comme tout, il se tourne sur le ventre, sur le dos jusqu’à ce qu’il s’endorme de fatigue.
Ainsi je pourrais encore vous décrire des petites scènes qui se passent presque tous les jours. Il a une telle bonne humeur cet enfant ! Mais il sait aussi ce qu’il veut et quand il a quelque chose dans la tête, il ne l’a pas ailleurs, je m’en aperçois déjà maintenant. Il faudra beaucoup de fermeté, sans quoi gare !

Puisque nous ne pouvons pas prendre notre grand congé, nous avons décidé d’aller dans la montagne ici. Les Hausermann sont dans le même cas que nous et ainsi nous avons décidé de louer une maison ensemble. En entendant cela, Go van der Stok a aussi décidé de faire avec, et maintenant nous trois mamans nous irons avec nos babies et les deux petits garçons de Go et Mimi pour deux mois dans la montagne. Nous avons une superbe maison, toute meublée moderne, avec tout le confort, et nous comptons y rester deux mois. Ce n’est pas trop loin de Batavia, 1 ½ heure d’auto, de sorte que les maris pourront nous rejoindre pour les week-end. Nous y monterons vers les 4 ou 5 août probablement, si tout va bien. Nous louons un camion pour trimballer tous les berceaux, les box, les seilles, les baignoires etc, car tous ces babies demandent tout un attirail pour être heureux là-haut. Je prends ma koki avec et Oscar ira manger chez le mari de Mimi qui demeure ici tout près. Cela nous fera du bien à tous, aux bébés aussi bien qu’aux mamans et les papas profiteront aussi autant que possible. Kaidi gardera la maison ici et prendra soin de Boili. Et si cela nous plaît bien et que la saison des pluies ne s’annonce pas trop tôt, nous y resterons encore un mois de plus. Je trouve que dans ces temps-ci, une bonne santé est un précieux capital, autant pour le bébé que pour moi. Cela va mettre the last touch à mon rétablissement complet depuis la naissance de Conradli.

Quant à notre correspondance, continue d’écrire régulièrement, mets tes lettres à la poste sans te préoccuper de la route qu’elles prennent, il y a des chances qu’elles arrivent une fois ou l’autre. Ne les affranchis pas pour avion, mais port simple par bateau.
Ta dernière lettre datée du 26 mai m’a été d’une grande joie, mais aussi en même temps elle m’a un peu déçue, car nous comptions tant avoir un peu de nouvelles concernant la famille de Boili. Mais nous comprenons bien que c’est plus prudent de ne rien écrire concernant la situation. Toutefois si tu peux nous donner quelques petits renseignements sur la santé de papa W. par exemple, tu nous rendrais grand service, mais avant tout il ne faut pas que cela puisse vous gêner en quoi que ce soit. Heureusement, j’ai encore reçu des Journal du Jura, et je puis me rendre compte de la situation en Suisse quelque peu. Je ne veux pas mentir en disant que je ne me fais pas de souci pour votre compte, mais vraiment, Mamali, tu peux être tranquille à mon sujet. Je suis calme et Conradli prend une telle place dans ma vie de tous les jours, il la remplit tellement que je n’ai pas trop de temps à me faire du souci. Je me dis aussi que je ne vous aide en rien si je laisse pendre la tête ici, donc nous continuons à vivre tranquillement, calmement et nous prions pour vous beaucoup.
Encore une fois, je vous répète de cœur avec Boili, si vous avez une occasion et si vous pouvez, venez ici, vous serez les bienvenus dans nos cœurs et notre foyer. Sachez toujours que vous pouvez compter sur un home ici.
Est-ce que vous avez des locataires au Chalet maintenant ? Ces gens, ou plutôt ce monsieur avec sa fiancée !!! Est-ce que cela va ?
Sois tranquille, je ne deviens pas trop sensible, au contraire, tu seras étonnée de voir comme j’ai changé, combien je suis devenue plus froide de ce côté-là.
J’espère tant que tu auras reçu la dernière de mes lettres, celle où j’ai collé un peu de cheveux de Conradli. Je les lui ai coupé derrière sa petite tête, on le voit encore à l’heure qu’il est.
Dans ta dernière lettre tu me demandes si je pourrais quitter Boili pour venir en Suisse avec Conradli. Pour le moment, Boili ne voudrait pas que j’aille en Europe, et sitôt que les conditions et la situation en Europe le permettront, nous pourrons aller ensemble. Je sais bien que c’est dur pour toi de devoir attendre encore pour voir Conradli, mais vraiment je ne vois pas d’autre alternative pour le moment, à moins que ce ne soit vous qui veniez ici, ce qui nous remplirait de joie.
cuisses dames
Comme je vois, tu es toujours la même avec ta diète. Pourquoi manger tant de cuisses-dames (biscuits faits à la friture) jusqu’à avoir une indigestion pareille. 

Voyons, j’ai bien envie de te gronder très sérieusement. Le pire c’est qu’étant ta fille, je ne fais pas mieux moi-même et cela me fâche aussi après coup !!! J’ai de nouveau eu mal au foie ces derniers temps parce que je n’ai plus fait assez attention à ce que je mangeais, mais maintenant cela va de nouveau mieux. Ma dysenterie aussi est passée, pour le moment du moins. Aussi j’ai très bonne mine et j’ai encore dû élargir toutes mes robes.
Lundi passé nous avons été à la noce de Koo Koningsberger. (voir photos lettre précédente) Il a donc marié cette Minnie Dozy. Oscar a été son témoin. C’était une noce toute simple mais très jolie, et je crois bien que Koo sera heureux. Si possible, vous en aviserez Ans (sœur de Koo et épouse du frère de Oscar). Le mariage a donc eu lieu le l8 juillet. J’avais de nouveau mis ma robe en dentelle jaune, celle de Leni. Je l’avais déjà portée au mariage de Engelenberg, et maintenant celui-ci. Quel sera le troisième ? Nous aurons des photos que je vous enverrai par une prochaine lettre.

Comme c’est gentil de Padreli de t’avoir acheté ce tableau de ton palais au bord du lac
cabane avec accès au lac

Tu sais le petit tableau du lac que j’ai emporté avec moi, il pend au-dessus de ma table à écrire et je le regarde toujours avec plaisir. Ah, il y a tant de beaux souvenirs autour de ce lac !!! Veux-tu croire que j’ai presque de la peine à me rappeler la parure printanière du Chalet, je puis bien me représenter les arbres en fleurs, les prairies et les champs, mais l’atmosphère, le printemps dans l’air, cela je ne puis plus bien me le représenter. D’ailleurs cela vient de ce que toutes ces années, je n’ai pas voulu me le représenter pour ne pas avoir l’ennui, mais une fois que j’y serai, j’en jouirai d’autant plus de nouveau. Ah, si les évènements et toute la situation en Europe nous permettent de nouveau d’y venir, ce ne sera pas seulement avec joie que nous viendrons, mais avec un cœur profondément reconnaissant, s’il nous est permis de revoir notre patrie telle que nous l’avons quittée. Enfin, je ne veux pas parler d’un sujet pareil, mais sachez que nous vivons, nous pensons et sommes continuellement de cœur et d’âme avec vous.
Au moins vous n’avez pas à vous faire du souci pour nous. La santé est satisfaisante, aussi celle de Boili. Il travaille dur, pendant qu’Elout a été au service militaire. Oscar a eu l’occasion de le remplacer et maintenant c’est Boili qui dirige les 5 fabriques et E. s’occupe d’autres nouvelles fabriques que la société met sur pied. Boili est donc assez content de son travail, il y trouve de la satisfaction et je suis bien contente.
Maintenant je finis ma stämpere (longue papotte) et j’espère que je n’ai pas mis ta patience trop à l’épreuve !!!
……





jeudi 13 juillet 2017




Batavia

6 juin 1940
215

Ma chère petite Rötteli mia
Mon cher Padre, mes chers Charlou

Je viens de faire de l’ordre ans mon panier à ouvrage, et en voyant tous ces bouts de laine provenant des innombrables jumpers et blouses que tu as tricotés pour moi dans le courant des dernières années, je me suis dit : si seulement je pouvais l’embrasser ma Rötteli. Aussi je les garde bien précieusement tous ces beaux cadeaux  ! Oh, mes chers, vous lirez bien un peu entre les lignes que j’ai bien l’ennui de vous ce soir. J’aimerais tant et tant savoir comment vous allez tous. Oui, je le sais bien par tes dernières lettres Mamali, mais que voulez-vous, on n’est jamais content !!! Enfin, mes chers, ce n’est pas le moment de penser ainsi et de se plaindre, aussi je me reprends, ne vous en faites pas. D’ailleurs je puis bien me représenter que vous avez bien d’autres soucis en ce moment. Je vois par les journaux que les mesures sont prises pour la défense nationale, mais est-ce qu’en civils vous avez aussi pris toutes les précautions ? Au moins n’hésitez pas à employer cet argent, dont je vous ai déjà parlé, pour vous mettre en sûreté. Je ne veux pas entrer en détail quant aux mesures à prendre, vous les savez mieux que moi, je présume. En tout cas, Mamali, Papali, vous savez que vous aurez toujours un home chez nous, quoi qu’il arrive et malgré la grande distance, si c’est nécessaire et pas tout à fait impossible, venez-y, aussi bien Oscar que moi nous vous recevrons à bras ouverts, vous le savez bien. Quant à la place, il ne faut pas vous en faire, il y en a toujours. C’est ce qu’il y a de beau dans ce pays-ci, tout s’arrange, il n’y a pas de situation aussi compliquée ou aussi imprévue qui ne finisse pas par s’arranger. Et vous aimerez être ici, vous serez même enchantés du pays, j’en suis plus que certaine. Quant à la chaleur, on aura vite fait de vous trouver une petite bicoque dans les montagnes où Padre fera son élevage de canards etc et où le climat est comme en Europe. Mes chers, soyez persuadés que vous avez ici un home avec des cœurs tout pleins d’affection qui vous attendent. Je ne parle pas de mes frères, mais j’y pense d’autant plus ! C’est terrible, terrible cette guerre, toutes les choses affreuses, monstrueuses qui se passent. Et se trouver ici, ainsi impuissant à soulager toutes les misères. Je travaille tout ce que je peux et tant que je peux pour la Croix Rouge. Je ne puis pas quitter mon domicile pour aller travailler quelque part, mais ici à la maison, je puis travailler à confectionner des habits pour les réfugiés.
Je pense que Minna s’est aussi enrôlée dans les services complémentaires ? J’y travaillerais aussi si j’étais en Europe.
Aujourd’hui Conradli a ri pour la première fois, je dis bien ri, vraiment ri. Jusqu’à présent il nous faisait toujours de beaux sourires, mais cet après midi, quand je l’ai lavé et que je lui ai mis une belle petite chemise pour recevoir son pappie quand il rentrerait du bureau, il a eu un tel plaisir qu’il riait et poussait des cris de joie. C’était si joli d’entendre ce rire d’enfant. Je crois qu’il a eu du plaisir à la couleur de cette petite chemise qui est d’un beau bleu éclatant. Une fois que Boili était là et que j’aurais voulu que Conradli rie, il ne l’a pas fait !!! C’est toujours ainsi et je trouve si dommage que Boili n’en jouisse pas autant que moi.


L’autre soir, je lui donnais la bouteille et je parlais avec Boili. J’avais aussi mis la petite jaquette de lin de mon costume de Hedy, et dont le col se tenait contre mon cou au lieu d’être aplati. Enfin, à un moment donné, quand je regarde Schnucksibol, le voilà qui fait un pampeli (pampu, moue, petite moue) pour pleurer. Vite j’appelle Boili pour venir regarder, mais hélas, c’en était trop. Le pampeli s’est changé en cris et en pleurs. Conradli a été effrayé par ce col de jaquette et aussi il ne supporte pas ma voix qui est plus grosse que quand je lui parle spécialement à lui. Oscar a bien ri et ce Conradli qui avait un vrai chagrin ! Heureusement qu’il s’est vite consolé, mais quand je suis près de lui et que tout à coup j’appelle d’une voix forte, le pampeli se montre immédiatement.
Ce soir nous avons été en auto, voir quelqu’un vite, mais je suis arrivée 10 minutes en retard à la maison pour lui donner sa bouteille, alors monsieur criait et se lamentait comme si je l’avais eu au couteau. Oh, ce qu’il pouvait crier d’une façon lamentable, comme s’il était le plus malheureux et le plus mal soigné de tous les enfants. Il avait un vrai chagrin que sa mammie l’ait délaissé !!! Il était fâché aussi, car Oscar voulait un peu l’amuser pendant que je préparais la bouteille, et il n’en voulait rien savoir mais continuait de crier. Et il sait déjà stampfe (trépigner), vous devriez voir cela. Il commence à devenir tellement humain maintenant. Chaque jour apporte une nouvelle surprise. C’est un bel enfant, je puis le dire sans vouloir m’en vanter. Sa petite mèche de cheveux que je voulais t’envoyer dans ma dernière lettre, sera jointe à celle-ci, car la semaine passée, je l’ai oubliée. Il est tellement gentil aussi, toute la journée je ne l’entends pas, le matin dans son berceau il s’amuse tout seul avec ses doigts et quand je me montre, il me sourit, mais jamais il n’essaierait de bringuer. Peut être que cela viendra encore mais nous faisons maintenant déjà bien attention de ne pas le gâter. Et cela nous en coûte, je dois l’avouer.
Ce matin vers 5 heures par exemple, a éclaté un orage assez violent qui m’a réveillée. J’ai immédiatement pensé à mon Conradli dans la chambre à côté, mais voilà que Boili était déjà debout pour aller vers lui, alors nous avons pris l’excuse de l’orage pour le prendre dans notre lit où il est resté couché entre nous deux s’amusant avec un coin de drap pendant que nous deux essayions de dormir encore un peu. Je sais que je jouis d’un bonheur immense d’avoir notre petit enfant et de pouvoir en jouir ici tranquillement, alors qu’il y a tant de mamans en Europe qui voient leurs enfants souffrir. Je le sais que je suis privilégiée et j’en suis reconnaissante, croyez-moi. C’est bien ce petit enfant qui me donne une force et un courage moral inouïs. Comme je vous l’ai déjà dit, ne vous faites pas de souci pour moi.
Ce soir Boili est allé jouer au tennis. Nous avons loué un court pour un soir par semaine, avec les Fraay et plusieurs autres connaissances. Moi, je n’ose pas encore jouer, mais cela viendra sous peu. Ces derniers temps Oscar ne voulait plus y aller, mais je l’y ai obligé, car ici il faut faire du sport pour rester en forme et bien portant.
Dimanche soir, 9 juin 1940
Nous avons entendu aujourd’hui de l’accident survenu près de Bienne au lieutenant Homberger. Oui, mes chers, je puis bien m’imaginer dans quel état d’esprit chacun doit vivre, dans quel était d’énervement, de tension et de crainte, mais aussi avec quel courage et combien résolus à la défense de notre beau pays. Mes chers, comme notre général Guisan l’a dit, nous allons chacun faire attention de ne pas nous laisser gagner et nous laisser affaiblir par la psychose de guerre. Je fais donc aussi mon possible pour suivre son conseil et tenir mon courage à deux mains. Pour le reste, mes cher, je prie, je prie pour vous tous.
D’ici, je n’ai pas beaucoup de nouvelles à vous donner. Nous vivons calmement, comme d’ailleurs chacun ici. De temps en temps, nous faisons un petit tour d’auto et allons voir des amis, ou bien nous avons des visites. Moi j’ai repris mes occupations de ménage, car je suis tout à fait remise et me sens très fit.
mariage Koningsberger

Nous venons d’apprendre que Koo Koningsberger va se marier au mois de juillet. Ils ont demandé à Oscar d’être témoin et je pense que nous assisterons donc à la noce. Je suis en train de changer ma robe jaune en broderie de Leni, car elle va bien avec mon grand chapeau que j’avais acheté à St Gall avant de partir. J’ai bien soin de tous mes habits, car je cherche à économiser partout et sur tout.

Minnie Dozy Koningsberger et Oscar

Nous donnons beaucoup à la Croix Rouge. Conradli a de nouveau gagné 220 gr cette semaine. Il grandit tellement vite. Il s’amuse maintenant à toucher et tenir tout ce qui lui tombe sous la main, et surtout il veut toujours sucer sa chemise ou le coin d’un petit drap. Sans cela il est toujours content. Au mois d’août, nous allons louer un petit bungalow quelque part dans les montagnes encore avec une autre famille qui a 2 petits enfants. Ce sont les Hausermann, des Anglais d’origine suisse et qui ont rencontré René (frère du Padre) à Londres dans le temps. Je ne sais pas si Boili poura venir aussi, s’il aura congé, mais maintenant je ne peux plus l’attendre, il faut penser à Conradli qui doit aller à la montagne avant la saison des pluies.
Mes bien bien chers tous, je pense à vous presque jour et nuit et je prie pour chacun de vous.