mercredi 27 avril 2016




Keboemen

26 août 1935


Ouf, quel sale jour aujourd’hui, je suis encore en monture sur mes trois zigues, surtout sur ma baboe. Ce matin nous sommes partis pour Premboen, Oscar et Visser s’en allant en tournée à Poerworedjo, ils m’ont prise avec jusqu’à Premboen. En partant j’ai dit à la baboe que nous voulions manger à 1 heure au lieu de midi, qu’elle devait faire le dîner prêt pour cette heure-là. Ben, nous revenons à 1 heure, qu’est-ce qu’on voit ? rien, rien n’est encore cuit, elle n‘avait pas encore commencé. Quelle engueulée on a lâchée, Oscar et moi, vous pouvez bien vous l’imaginer, et elle a encore eu le culot de me répondre que j’avais dit qu’elle devait commencer à faire le dîner à 1 heure ! Oh, mais zut, on en avait plein le dos. Pour comble j’ai à la cuisine des coolies de la fabrique chargés d’enlever une espèce de fourneau pour bois que je n’employais  pas et qui prenait seulement de la place. Bah, voilà maintenant que je vous l’ai raconté je ne suis plus en colère, de plus le djongos est venu me faire toute une histoire d’excuses, qui, bien qu’elles consistent en mensonges pour les trois quarts, m’ont désarmée. Bah, personne n’a jamais fini de faire ses expériences avec ces javanais, c’est un peuple de gosses roués et malins.

Oh mes chers, il est arrivé quelque chose de terrible à Anne et Frans. J’avais écrit il y a quelques jours à Anne de m’acheter différentes petites choses à Soerabaya. Ce soir je reçois un billet de Anne m’annonçant qu’ils ont eu hier un terrible accident d’auto. Ils étaient partis en weekend avec la jeune madame van Dyl, celle qui vivait à la pension Justina (Soerabaya). Et bien cette jeune femme a été tuée dans cet accident. L’auto a capoté sur un mauvais chemin en pente, parce qu’elle a été entraînée à une trop grande vitesse, et Frans en voulant changer de vitesse n’a pas pu embrayer. Enfin, je ne peux pas vous donner tous les détails de cet accident, suffit que c’est terrible et ce pauvre Frans doit presque devenir fou de douleur et des reproches qu’il se fait. Madame van Dyl laisse un petit garçon de 3 ans.
Anne  n’a pas écrit beaucoup, seulement que Frans s’en faisait tant. Tous les autres détails, nous les avons entendus par radio tantôt. C’est terrible, et nous en sommes tout malades et nous devons encore leur écrire ce soir pour leur aider à passer tout ce qui va venir. Frans est allé lui-même s’annoncer à la justice, pauvre garçon, il est si droit et si bon. Oscar a peur que si l’affaire finit mal, cela peut lui coûter sa carrière, ce qui serait terrible pour ces deux, si sympathiques.  Dans ma lettre je leur annonçais justement notre intention d’acheter la puce. Et cette jeune femme qui m’a encore donné des Ullsteinmuster (Verlag Ullstein, Allemagne, pour patrons à coudre) et une petite broche en argent parce que j’ai été lui rendre visite pendant qu’elle était malade là à la pension. Je ne la connaissais pas encore bien, mais nous demeurions sur le même palier et comme je n’avais pas beaucoup à faire le matin, j’allais passer un moment vers elle, cela lui faisait tant plaisir, vu qu’elle était si seule. Elle était jolie, aussi grande que moi et je lui avais aussi promis de lui envoyer le patron de ma fameuse robe à succès, maintenant elle ne la portera plus. Je vous dis, c’est terrible d’y penser. Buby abrège aussi la lettre à son père pour pouvoir écrire à Frans et lui aider. Pauvres, pauvres amis.
Mes chers, vous ne m’en voudrez pas de ne pas vous en écrire beaucoup plus long ce soir, mais vraiment il faut que j’écrive à Anne.
Lundi matin
Je vous envoie par bateau toutes nos photos de Soerabaya en série complète. Celles que tu auras double, tu pourras en faire cadeau à Tata et Max ou Banely.
Tata, merci beaucoup pour votre carte de Londres. Cela me fait toujours plaisir de recevoir ces petits signes d’amitiés. J’espère que vous avez eu de très belles et bonnes vacances. Comment avez-vous trouvé Londres, correspondait-elle à ce que vous en attendiez ?
Merci beaucoup pour ta lettre no 100, qui est arrivée par le 2ème avion de la semaine. Au lieu de la recevoir mardi comme d’habitude, je ne l’ai reçue que vendredi, ce qui m’a un peu inquiétée d’abord, vu que dans la 99 les nouvelles de ta pression du sang n’étaient pas trop bonnes. Je suis contente que Banely ait pu venir, même que pour une courte visite. Cela fait toujours un changement agréable.
Et toi, mon bien cher Faaatherli, tu as de nouveau des soucis, ou plutôt toujours encore. Oui, cela n’en finit plus et me fait tant et tant de peine pour toi, et je ne puis pas t’être utile. Mais courage, il faut bien que cela tourne une fois.


image internet
Sans cela je ne vois rien de spécial à vous raconter pour cette semaine, sauf que j’ai été inquiète de cette lettre qui n’arrivait pas. Ne pouvez-vous pas vous renseigner une fois pourquoi vos lettres maintenant sont si irrégulières, une fois elles viennent par Bâle-Leipzig, une fois par Halle, une autre fois par Budapest etc. Est-ce que l’employé ne peut pas  choisir une fois un cours de route pour de bon et s’en tenir là ? Il y a aussi que tu oublies toujours de laisser de la place pour les timbres quand tu écris l’adresse, alors ils doivent coller les timbres au verso ou n’importe comment, ce qui pourrait bien amener un retard une fois, car ici ils sont sévères pour cela, et une lettre est si vite perdue à cette grande distance, qu’il faut éviter tous les risques.
Chez nous c’est le printemps qui commence à percer, j’ai été très occupée avec mon jardin, faisant planter beaucoup de fleurs et de plantes reçues de Premboen. Autrement notre petite vie a repris son cours, calme et heureux. Nous sommes encore toujours occupés avec notre album de photos et nos soirées sont si heimelig que nous n’arrivons jamais à aller au lit avant minuit.
Chuggou est de nouveau en Angleterre ? A chacun all the best, prenez la vie comme elle est, elle est si courte. Votre Ge……



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