Keboemen
26 août 1935
Ouf, quel
sale jour aujourd’hui, je suis encore en monture sur mes trois zigues, surtout
sur ma baboe. Ce matin nous sommes partis pour Premboen, Oscar et Visser s’en
allant en tournée à Poerworedjo, ils m’ont prise avec jusqu’à Premboen. En
partant j’ai dit à la baboe que nous voulions manger à 1 heure au lieu de midi,
qu’elle devait faire le dîner prêt pour cette heure-là. Ben, nous revenons à 1
heure, qu’est-ce qu’on voit ? rien, rien n’est encore cuit, elle n‘avait
pas encore commencé. Quelle engueulée on a lâchée, Oscar et moi, vous pouvez
bien vous l’imaginer, et elle a encore eu le culot de me répondre que j’avais
dit qu’elle devait commencer à faire le dîner à 1 heure ! Oh, mais zut, on
en avait plein le dos. Pour comble j’ai à la cuisine des coolies de la fabrique
chargés d’enlever une espèce de fourneau pour bois que je n’employais pas et qui prenait seulement de la
place. Bah, voilà maintenant que je vous l’ai raconté je ne suis plus en
colère, de plus le djongos est venu me faire toute une histoire d’excuses, qui,
bien qu’elles consistent en mensonges pour les trois quarts, m’ont désarmée.
Bah, personne n’a jamais fini de faire ses expériences avec ces javanais, c’est
un peuple de gosses roués et malins.
Oh mes
chers, il est arrivé quelque chose de terrible à Anne et Frans. J’avais écrit
il y a quelques jours à Anne de m’acheter différentes petites choses à
Soerabaya. Ce soir je reçois un billet de Anne m’annonçant qu’ils ont eu hier
un terrible accident d’auto. Ils
étaient partis en weekend avec la jeune madame van Dyl, celle qui vivait à la
pension Justina (Soerabaya). Et bien
cette jeune femme a été tuée dans
cet accident. L’auto a capoté sur un mauvais chemin en pente, parce qu’elle a
été entraînée à une trop grande vitesse, et Frans en voulant changer de vitesse
n’a pas pu embrayer. Enfin, je ne peux pas vous donner tous les détails de cet
accident, suffit que c’est terrible et ce pauvre Frans doit presque devenir fou
de douleur et des reproches qu’il se fait. Madame van Dyl laisse un petit garçon de 3 ans.
Anne n’a pas écrit beaucoup, seulement que
Frans s’en faisait tant. Tous les autres détails, nous les avons entendus par
radio tantôt. C’est terrible, et nous en sommes tout malades et nous devons
encore leur écrire ce soir pour leur aider à passer tout ce qui va venir. Frans
est allé lui-même s’annoncer à la justice, pauvre garçon, il est si droit et si
bon. Oscar a peur que si l’affaire finit mal, cela peut lui coûter sa carrière,
ce qui serait terrible pour ces deux, si sympathiques. Dans ma lettre je leur annonçais
justement notre intention d’acheter la
puce. Et cette jeune femme qui m’a encore donné des Ullsteinmuster (Verlag Ullstein, Allemagne, pour patrons à
coudre) et une petite broche en argent parce que j’ai été lui rendre visite
pendant qu’elle était malade là à la pension. Je ne la connaissais pas encore
bien, mais nous demeurions sur le même palier et comme je n’avais pas beaucoup
à faire le matin, j’allais passer un moment vers elle, cela lui faisait tant
plaisir, vu qu’elle était si seule. Elle était jolie, aussi grande que moi et
je lui avais aussi promis de lui envoyer le patron de ma fameuse robe à succès,
maintenant elle ne la portera plus. Je vous dis, c’est terrible d’y penser.
Buby abrège aussi la lettre à son père pour pouvoir écrire à Frans et lui
aider. Pauvres, pauvres amis.
Mes chers,
vous ne m’en voudrez pas de ne pas vous en écrire beaucoup plus long ce soir,
mais vraiment il faut que j’écrive à Anne.
Lundi
matin
Je vous
envoie par bateau toutes nos photos de Soerabaya en série complète. Celles que
tu auras double, tu pourras en faire cadeau à Tata et Max ou Banely.
Tata,
merci beaucoup pour votre carte de
Londres. Cela me fait toujours plaisir de recevoir ces petits signes
d’amitiés. J’espère que vous avez eu de très belles et bonnes vacances. Comment
avez-vous trouvé Londres, correspondait-elle à ce que vous en attendiez ?
Merci
beaucoup pour ta lettre no 100, qui
est arrivée par le 2ème avion de la semaine. Au lieu de la recevoir mardi comme
d’habitude, je ne l’ai reçue que vendredi, ce qui m’a un peu inquiétée d’abord,
vu que dans la 99 les nouvelles de
ta pression du sang n’étaient pas trop bonnes. Je suis contente que Banely ait
pu venir, même que pour une courte visite. Cela fait toujours un changement
agréable.
Et toi,
mon bien cher Faaatherli, tu as de nouveau des soucis, ou plutôt toujours
encore. Oui, cela n’en finit plus et me fait tant et tant de peine pour toi, et
je ne puis pas t’être utile. Mais courage, il faut bien que cela tourne une
fois.
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Sans cela
je ne vois rien de spécial à vous raconter pour cette semaine, sauf que j’ai
été inquiète de cette lettre qui n’arrivait pas. Ne pouvez-vous pas vous
renseigner une fois pourquoi vos lettres maintenant sont si irrégulières, une
fois elles viennent par Bâle-Leipzig,
une fois par Halle, une autre fois
par Budapest etc. Est-ce que
l’employé ne peut pas choisir une
fois un cours de route pour de bon et s’en tenir là ? Il y a aussi que tu
oublies toujours de laisser de la place
pour les timbres quand tu écris l’adresse, alors ils doivent coller les
timbres au verso ou n’importe comment, ce qui pourrait bien amener un retard
une fois, car ici ils sont sévères pour cela, et une lettre est si vite perdue
à cette grande distance, qu’il faut éviter tous les risques.
Chez nous
c’est le printemps qui commence à percer, j’ai été très occupée avec mon
jardin, faisant planter beaucoup de fleurs et de plantes reçues de Premboen.
Autrement notre petite vie a repris son cours, calme et heureux. Nous sommes encore
toujours occupés avec notre album de photos et nos soirées sont si heimelig que
nous n’arrivons jamais à aller au lit avant minuit.
Chuggou
est de nouveau en Angleterre ? A chacun all the best, prenez la vie comme
elle est, elle est si courte. Votre Ge……
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