Keboemen
2 juillet 1935
Vite deux
mots pour vous faire savoir que je suis toujours bien en vie et que notre
départ approche. Oscar a fait sa fin de mois en un record de temps, car il
était prêt hier au soir.
Notre
intention était donc de partir demain matin, mais voilà que John et Jans sont à
Bandoeng. Nous leur avions écrit il y a une semaine environ, et ne recevant pas
de réponse, nous avons téléphoné hier soir. Il nous a été dit par le bureau du
téléphone que monsieur et madame étaient absents. Hier soir je leur ai donc
vite écrit une lettre à Bandoeng et maintenant peut être qu’ils viendront nous
chercher avant de rentrer à Solo, cela se peut car on ne sait jamais avec John.
Cela nous embête, car je me réjouissais bien de passer quelques jours avec
Jans. Tant pis, ce sera pour une autre fois. Mais en attendant nous en sommes
pour rester ici encore quelques jours, ce qui écourte les vacances. Enfin, tant
pis.
Je suis
prête avec mes préparatifs, il ne me reste plus qu’à raccommoder une pile de
bas, travail que j’ai laissé pour la fin parce qu’il m’ennuie tellement. Je ne
l’aurais pas laissé aller ainsi, si je n’avais pas ces 5 paires que tu m’as
envoyées, mais grâce à toi, j’ai un peu de marge avant d’être tout à fait
dépourvue.
Merci de
ta lettre 92 que j’ai reçue déjà
mercredi passé. Elle a donc pris l’avion
No 2.
Je vous
avais écrit que j’étais indécise si je devais laver mon manteau noir et blanc.
Cette semaine tout à coup il m’est venu à l’idée de le brosser avec de l’eau et
de l’alcool, ce que j’ai fait et maintenant il est très bien de nouveau. J’ai
vite fait laver la doublure et comme elle était trop sale pour devenir propre
après un seul lavage, je l’ai retournée, et cela va très bien. J’ai fait de
même du manteau de pluie de Buby, sauf pour la doublure.
Hier Buby
a reçu tout le complément de son uniforme. Les 5 sont lavées et repassées, de
sorte que nous ne ferons plus de photo avant de partir, mais à Soerabaya, gare,
nous prenons nos deux appareils avec.
Vendredi
c’était donc la fête à Nieke Visser. Nous lui avons donné un livre. Mais zut,
je crois que j’ai déjà écrit cela dans ma dernière lettre, enfin je ne sais
plus. Un peu avant midi, j’ai été les féliciter et à midi Buby est aussi venu.
Naturellement les Röhwer étaient là depuis le grand matin déjà, profitant de
toutes les bonnes choses que madame Visser offrait en l’occasion. Vous auriez
dû voir leur jalousie quand nous leur avons dit le prix de notre pension à S.
car eux l’année passée, avaient logé au Simpang,
très cher, et lui a attrapé un empoisonnement en mangeant des
hors-d’œuvres !!! Lui, il raconte à qui veut l’entendre, qu’il regrette
les Fl. 1000.-, qu’il a dépensé pendant ce mois de vacances. Je crois bien, car
ils n’ont pas su tirer le 50% de la valeur de leurs sous, tandis que nous on
s’arrange pour en tirer au moins du 120%.
Nous avons
de nouveau reçu de magnifiques oranges de deux chinois différents. Maintenant
nous recevons presque toujours la même chose que les Visser, en même temps
qu’ils reçoivent eux-mêmes. Je trouve cela chic, pas seulement pour les belles
et bonnes choses à bouffer, mais surtout parce que c’est un signe que Buby est
apprécié des chinois. Maintenant aussi, ils viennent de temps en temps lui
rendre visite pour demander des conseils, ou des renseignements, etc. Ils le considèrent comme un ami. Si
nous étions bons amis avec les Röhwer, je partagerais bien souvent ces cadeaux,
mais maintenant flûte, naturellement qu’ils ont une cause de plus de « crävä
de chalousie ». Si nous gagnions plus qu’eux, peut être bien que je
partagerais tout de même, mais comme les choses sont, je ne m’y sens pas
obligée.
Hier il
est passé une escadrille d’avions au-dessus de Keboemen ; j’en suis
revenue au temps où nous courrions dehors pour voir chaque avion, qui passait
au-dessus du Chalet et à les admirer bouche bée jusqu’à attraper le torticoli.
Mardi
passé à Premboen j’ai de nouveau eu une belle journée. Nous avons fait un pudding nouveau avec madame
Engelhart. Maintenant qu’elle sait que j’aime tant cuire et apprendre des
recettes nouvelles, elle s’arrange pour que chaque semaine nous fassions
ensemble un pudding ou une spécialité pour notre souper. N’est-ce pas gentil
cela ? J’en suis revenue avec une auto pleine de fleurs dont il me reste
encore de merveilleuses orchidées à l’heure qu’il est.
Savez-vous
que papa Woldringh a eu de gros ennuis
avec son auto ? Le chauffeur de l’hôtel qui devait la nettoyer et en
prendre soin, a fait une sortie surprise avec plusieurs amis. Ils ont eu un
accident dans lequel un cheval a été tué et la voiture réduite en piteux état.
Du moment que c’était en Italie,
cela a valu de sérieux ennuis à papa W. avec les autorités, avec le
propriétaire du cheval etc. Ce chauffeur aura de la prison. Il paraît que
c’était une assez vilaine affaire, qui a retenu papa W. à Merano plus longtemps qu’il n’en avait l’intention. Nous ne savons
pas encore ce que sont leurs plans pour cet été. Probablement que la Auntie (2ème épouse de papa W.) est
maintenant en Angleterre pour chercher Bobby (le demi-frère de Oscar), et qu’ensuite ils iront passer les
vacances avec lui à Knock, ou le Zoute (Belgique).
Faaather,
qu’est-ce qu’il veut, Stern ?
Peux-tu encore faire quelque chose avec lui ? Des prix à perte dont on se
rattrape sur la quantité ? Selon toute probabilité, il te sucera de
nouveau jusqu’à la gauche. C’est dommage que je ne sois pas là, maintenant, car
je comprends sa manière de traiter les affaires. J’en fais de même ici en
petit. C’est la manière de l’orient, marchander, presser, triturer, sucer,
secouer un prix jusqu’à la gauche, même si ce n’est ‘as nécessaire, mais les
gens te prennent pour un bêta si tu ne le fais pas ici. Chaque transaction de vente et d’achat
ici est un jeu entre chien et chat, accompagné d’un flot, de vagues, de fleuve,
d’une mer de paroles. Cela prend un temps fou, mais pour cela on ne s’en fait
pas en orient. On a du temps pour tout. Ici, d’un achat ou d’une vente, on en
fait un sport. C’est comme des gosses chez nous qui tirent aux deux bouts d’une
corde pour voir qui sera le plus fort. Naturellement l’acheteur a un avantage
sur le vendeur, mais tout de même c’est souvent le vendeur qui remporte la
victoire. Cela dépend de la manière dont il sait user de sa force en tirant la
corde. Au commencement je trouvais cela terrible, tous ces chimagrées ces
histoires, ces tergiversées, pour une simple petite transaction mais maintenant
j’y ai pris goût et pratique ce « sport » comme si je n’avais rien
fait d’autre toute ma vie. Oscar aussi s’y exerce avec tous ces chinois.
Mes chers,
le temps avance, et le train va arriver. Notre adresse à S. sera : Pension Justina, Kajoon 44, Soerabaya.
Vous pouvez continuer d’adresser vos lettres à Keboemen, c’est seulement par
curiosité que je vous la donne. Ne comptez pas trop sur une lettre la semaine
prochaine.
Tous mes
chers, bonnes vacances à qui en aura, beaucoup de plaisir, votre Ge…..
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