vendredi 25 mars 2016






Keboemen

23 mars 1935

Et bien, elle est bonne cette nouvelle de Keboemen, et il faut encore que je l’apprenne via Bienne ! Une autre fois tu seras plus raisonnable, et avant d’avoir une frousse terrible pareille, tu essayeras de penser un peu et de compter que 2 et 2 font 4. Si jamais il y avait quoi que ce soit avec l’un de nous, tu le saurais immédiatement, et encore avant le Journal du Jura, par télégramme. Au fonds, tu sais, je peux bien me représenter comme tu as dû sauter en lisant cela ainsi, sans autre,  et vu que tu ne connais encore rien du pays, ici. Mais une autre fois, justement parce que tu ne connais rien ou presque rien de la vie d’ici, car mes lettres sont trop incomplètes et imparfaites sur ce point pour te permettre de t’en faire une idée, il ne faut, à l’avenir jamais croire, ni prendre ces nouvelles à la lettre. Voici tout ce que moi j’ai su de cette nouvelle. Un jour à midi Buby me dit à table qu’il paraissait exister un empoisonnement quelque part dans le nord de Keboemen, dû à des gâteaux de bongkrek. J’ai répondu, ah oui ? qu’est-ce que c’est que du bongkrek ? – Ce sont des gâteaux que les indigènes font avec du boengkil et des noyaux d’un certain fruit, qui, si on ne les détache pas bien d’une certaine peau qui les entoure et qui, elle, est vénéneuse, peuvent causer des empoisonnements. Il paraît donc qu’un faiseur de ces gâteaux n’a pas bien pelé ses noyaux avant de faire une grande quantité de ces bongkrek qu’il a naturellement vendus aux gens, aux indigènes, qui à leur tour les ont mangé et malheureusement ont…crävä (crevé) comme dirait Loulou.
Concernant cet empoisonnement, Buby vient de me dire qu’il s’est informé et que ce fruit est simplement celui de l’arbre à ricin. La pelure du fruit est venimeuse, c’est seulement du noyau que l’on fait l’huile de ricin. Alors les Javanais en faisant ces gâteaux, sont quelque fois trop paresseux de bien enlever cette peau, et la pressent avec noyau, ce qui a donné les suites que vous savez.
C’est bien triste pour la population, mais on n’y peut rien. C’est quand, comme chez nous en Suisse, il y a des personnes qui s’empoisonnent avec des champignons, quand c’est la saison. Seulement tu sauras que Keboemen c’est le chef lieu d’un district du même  nom, presque aussi grand que la moitié de la Suisse. C’est aussi un district très peuplé, tu ne peux pas t’en faire une idée, si, pense aux lapins de Sutz, et bien, les habitants ici croissent aussi vite et surtout aussi nombreux. 80 personnes dans le district de Keboemen, c’est équivalent à environ 5 personnes dans le canton de Berne. N’oublie pas qu’ici un homme a plusieurs femmes qui chacune ont 5-6 enfants minimum. Il n’y a pas de célibataires ici ! Entre parenthèse, je ne savais pas qu’il y avait 80 personnes mortes à cause de cet empoisonnement, c’est bien vous qui nous l’apprenez ! Sachez encore, et cela te tranquillisera pour une autre fois, que nous ne mangeons jamais de ce truc là, du bongkrek à notre rysttafel. Tout ce que nous mangeons, c’est fait dans notre propre cuisine, ah non ! nous sommes hygiéniques ici, même si la baboe ne lave pas ses mains aussi souvent que la granmamali !
Vous savez, Java est si grand que les Javanais de Java East  connaissent aussi bien leurs concitoyens de Midden Java, qu’en Europe les Polonais connaissent les Portugais. En Europe il y a Français, Allemands, Anglais, et vous savez vous-même comme ces peuples, pour n’en nommer que quelques-uns, sont différents les uns des autres. Ici c’est la même différence, malgré qu’ils soient tous réunis sous le nom de Javanais. Oh, les dimensions sont immenses, ici, en tout, mes chers. Peut être vous lirez aussi une fois qu’il sévit une épidémie de malaria à Tjilatjap qui est connu pour cela, mais oui, mais on fait attention, et je vous dis, on vit soigneusement, proprement en tout. Ah, vous ne pouvez pas encore vous faire une idée de ce que c’est que la colonisation et de ce que les Hollandais ont fourni et réussi sur ce terrain-là. C’est magnifique, et pour une fois leurs têtes dures leur ont rendu service !
Nous venons de manger une bonne rysttafel. J’avais une demi livre de porc que nous avons mangé à la chinoise, c’est à dire la viande coupée en morceaux, comme pour le Zigeunerbraten, mais ces morceaux on les enfile par 5-6 morceaux sur un petit bâton qu’on tourne au-dessus du feu. C’est donc du porc rôti à la broche. On le mange avec du catchup de graines de soya, ce qui est excessivement sain. J’ai aussi eu un poulet très bien réussi, rôti à la javanaise, boemboe oppor, de la salade aux concombres, du légume aux bambous, du kroepoek, et le foie du poulet rôti avec des haricots coupés en petit morceaux et du poivre rouge, cela se nomme sambel goreng boentjies, et de la noix de coco râpée et ensuite rôtie, ce qui est très bon et un peu doux. Tout cela s’arrange bien joliment autour de la montagne de riz que chacun a sur son assiette et on mange de ces choses-là, tour à tour avec une bouchée de riz. Vous voyez ce n’est pas si compliqué que cela. Je ne fais plus faire de ces immenses rysttafel, comme au commencement, 5-6 plats nous suffisent amplement, maintenant qu’on connaît ce qu’on mange. Au commencement, c’était la nouveauté, on voulait tout connaître, et tout à la fois !

Cet après midi j’ai dormi, mais je suis encore fatiguée, ou plutôt, de nouveau fatiguée car à 5 heures nous avons joué au tennis et Buby m’a bien fait courir.  Il fera bon trouver son oreiller tantôt. Voilà Buby qui se promène autour de la chambre comme un voyou en meulant : ääää, je n’ai pas envie d’écrire !!! Et pourtant il doit écrire à son père, il s’est passé tant de choses ici à la Mexolie, depuis cette fameuse réduction de salaires. Jusqu’à présent, il y a déjà deux administrateurs des fabriques de Rangkas Bitoeng et de Kediri qui sont loin. Monsieur Meyeringh, et…. la dernière nouvelle, monsieur Voskuil quitte aussi. Nous croyons que c’est surtout à cause des ennuis que l’administrateur de Rangas Bitoeng lui cause, en écrivant des articles salés dans les journaux contre la Mexolie et Voskuil en particulier. Ce type s’appelle Ensering, il a déjà été deux fois dans une clinique pour ses nerfs, et deux fois M. Voskuil l’a de nouveau engagé par pitié un peu et aussi parce qu’autrement ce type était bon pour les affaires Mais voilà, tout se tourne contre Voskuil qui n’a pas assez de prestige pour se faire valoir de la bonne manière. Enfin, je vous dis, c’est de la soupe aux pois dans la Mexolie pour le moment, et cela va durer encore un moment jusqu’à ce que tout rentre dans l’ordre, que les esprits se soient calmés et que la nouvelle direction y ait mis de l’ordre. De papa Woldringh nous savons qu’il a été découvert que l’affaire est assez pourrie à certaines places, surtout en ce qui concerne la direction et les ordres aux fabriques. Mais il ne nous dit rien en détail, voulant nous laisser libres d’apprendre les choses par la voie ordinaire, comme les autres employés. Il nous dit seulement de ne pas perdre courage et surtout d’avoir confiance et de bien travailler. La Mexolie va recevoir un bon coup de balai par en haut. Tout cela n’est pas pour améliorer les affaires qui sont très mauvaises ce mois-ci. Nous ne recevrons que les Fl. 20.-, environ, et le mois prochain peut être rien du tout à part nos Fl. 200.-. C’est pas excessivement agréable mais on s’y fait et nous ne sommes pas encore à plaindre, va, il y en a bien de plus malheureux que nous.
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Nous avons justement un concert splendide. Nous avons acheté notre radio définitivement, et déjà payé. Nous avons reçu 10% pour paiement comptant, ce qui nous fait Fl. 27.50 , plus Fl. 25.-, des Fl. 300, reçus de papa Woldringh, car l’appareil coûte Fl. 275.-.
Buby a reçu son ordre de marche maintenant C’est le 8 juillet, à Soerabaya, pour 15 jours. Ce temps est juste assez pour un bon changement, pour bien s’amuser. Je suis contente que ce ne soit pas plus long. Ainsi nous pourrons nous arranger pour vivre agréablement et bien passer notre temps sans trop être obligé de compter. Si cela avait duré plus longtemps, il faudrait déjà compter un peu plus. Oscar recevra Fl. 10.-. par jour, outre notre salaire de la Mexolie. Mais il doit s’acheter tous ses uniformes coloniaux, pour cela il recevra Fl. 200.-, je crois. Savez-vous qu’il est premier lieutenant ? Hm,Hm ! Le prochain grade sera capitaine, hein garçons ?

Lundi matin 6 ½ heures. C’est un très beau matin. Dans quelques instants le soleil va apparaître derrière les arbres du jardin des Röhwer, alors toute notre voorgalery sera inondée d’une fleuve d’or, et les oiseaux, les oiseaux ! Buby dort encore, je n’irai le réveiller qu’à la dernière minute. Hier soir aussi, il ronflait déjà quand je me suis enfin faufilée dans le klamboe (moustiquaire), c’est que moi je suis et resterai toujours la même traîneuse. Tut te fâcherais encore bien des fois, Faaather. Buby, lui, en a pris son parti !
J’oublie toujours d’accuser réception de vos lettres au commencement de la mienne, j’ai donc bien reçu le no 78 du 12 mars.
Par même courrier j’envoie à papa une grande enveloppe contenant des timbres et des paperasses. Il part aussi en échantillon sans valeur une petite boîte à l’adresse des garçons. C’est rien du tout, mais si cela arrive bien je pourrai continuer par des choses  un peu moins bêtes.
N’est-ce pas tu n’oublieras pas de m’acheter ces bas, car à Soerabaya il faudra que j’en porte toujours. Si tu peux, achètes m’en  toujours deux paires des mêmes, ainsi quand deux bas sont gâtés, je peux en faire une paire, tu comprends ? Toujours des tons neutres stpl. au moins 5-6 paires, pas plus, et pas de bas foncés.
Mes chers, maintenant je vous quitte. Je veux encore écrire à ……


mardi 22 mars 2016







Keboemen

17 mars 1935

Bonjour, Mamms, tu as bien dormi je l’espère. 
Moi je viens de faire mon yoghurt. Ce sera donc la première fois que nous en mangerons. Il a bien réussi et j’en suis enchantée. Toutefois cela m’a valu une maronnée au djongos qui a mis des verres sales dans le buffet !!!! Vois-tu, si on ne regarde pas partout, l’œil toujours ouvert, il se passe des choses impossibles dans un ménage. Mais aussi ce que je l’ai eng…. Et cet après-midi il ne pourra pas aller manger avant d’avoir nettoyer tout le buffet, tous les verres et assiettes et tout ce qu’il y a dedans.
Cette semaine, je me suis fait une belle petite robe de chambre, pratique, qui me revient à 96 cents. C’est de la cretonne bleu marine avec des carreaux blancs et des petites fleurs roses, rouges, jaune etc. Je t’en enverrai un échantillon une fois dans une lettre par bateau. Je l’ai coupée sur mon buste un soir, pendant que Buby lisait, et le lendemain matin je l’ai vite cousue. Je me vantais de pouvoir la finir d’un matin, parce que la Rickshaw m’avait dit que ces sortes de choses là, elle pouvait les faire en un demi jour. Bon, je me suis dit, la Näggeli va aussi essayer, et vraiment j’y suis arrivée, tout en surveillant encore mon dîner par dessus le marché. A 2 heures quand Buby allait au travail, ma robe de chambre était prête. J’étais déjà prête pour me faire des compliments à moi-même quand… häb di bäbi, je m’aperçois que les manches ont été mises à l’envers ! J’étais furieuse, mais cela n’enlève pas que je peux aussi faire une robe de chambre en un demi jour.
Je pensais devoir écrire aux garçons cette semaine-ci pour leur fête (4 avril), mais je m’aperçois que le courrier de la semaine prochaine arrivera juste pour le 4, alors je vais écrire pour le prochain courrier, j’ai encore tant de lettres à répondre cette fois-ci.
Oui, je pense bien que les garçons peuvent rire souvent de l’embarras des officiers à les reconnaître (des jumeaux). Ils ont raison, qu’ils en profitent, il faut toujours rire dans la vie, autant qu’on peut.  Oscar va aussi en profiter quand nous serons à Soerabaya, (service militaire) et moi, je profiterai d’être avec madame Meyeringh si elle y est encore. Bien que je serai avec Oscar, il faut quand même qu’il ait toute sa liberté de soldat, d’officier, qu’il profite de s’amuser, sans être obligé de traîner sa femme avec toujours. Bien sûr que moi je n’entends pas me priver de plaisir non plus, tu comprends. Il faut que chacun en ait pour son compte pour que l’église reste au milieu du village. C’est peut être vilain de ma part, mais je vais encore écrire à Hedy, la flatter un peu pour qu’elle se donne au moins de la peine pour me couper 2-3 belles robes, parce que Soerabaya est très chic, et je n’entends pas vivre là en paysanne de Keboemen !!!
Au commencement d’avril, le 7 je crois, monsieur Engelhart arrange une excursion à un endroit près de Tjilatjap. Si tout s’arrange, nous serons environ 40 personnes, à faire une promenade en mer, c’est  dire sur un bout de mer qui forme un lac entre le rivage de Tjilatjap et l’île de 60 km de long que je vous ai déjà décrite (Nusa Kambangan). Cet endroit est appelé « Kinderzee ». Il paraît que ce doit être très beau, et les officiers du MS Saleier ont dit qu’ils voulaient aussi y prendre part. J’espère bien que nous pourrons y aller, ce sera très intéressant et gai aussi je pense. Tu sais les Engelhart sont uniques pour cela, ils savent si bien entretenir et organiser des party etc. Avec cela monsieur a beaucoup de soucis, un de ses supérieurs l’embête où il peut, tu sais, question d’antipathie. Ils ont beaucoup à souffrir là-dessous.
Voilà, le reste à demain j’ai encore d’autres gens à contenter, et tu ne pourras pas dire que je ne t’ai pas gâtée, cette fois-ci.



samedi 19 mars 2016




19350316


Keboemen,

16 mars 1935

A sa maman

C’est samedi matin, mes zigues sont en train de nettoyer toute la maison, alors moi je me suis réfugiée au jardin. Je voulais aller promener ce matin, mais nous nous sommes levés plus tard que d’habitude et la différence se fait tout de suite sentir, de sorte que je préfère me mettre à ma correspondance, at once, sans quoi tu ne recevras pas la lettre promise, bien longue et détaillée.
J’ai tant à te raconter que je ne sais vraiment pas par quel bout commencer Je vais écrire tout mélangé. Hier nous avons été en tournée à Solo, avons dîné chez Jans, qui pour 2 jours était seule avec sa belle mère. Cette pauvre Jans ne peut plus la voir, sa belle mère, mais aussi, elle est tout à fait la grand’mère Marchand, toujours un petit fion mielleux, toujours cette jalousie de l’amour de son fils pour Jans, elle se croit encore et toujours indispensable au bonheur de son fils, elle croit que quand elle n’a pas le nez dans le jeune ménage, rien ne va, etc, etc. Tu connais assez le sujet pour que je t’en dise encore long là-dessus. Suffit que Jans a eu un plaisir fou à me voir, et la semaine prochaine à notre tournée à Solo, nous prendrons Jans avec nous à Keboemen, car le même jour, John ira conduire sa Ma à Bandoeng de nouveau. J’espère bien que Jans pourra venir passer ces quelques jours ici. Oscar n’a pas eu une tournée agréable, le marché est de nouveau complètement gâté, il n’a presque rien vendu, et ce qu’il a vendu, c’est à des prix dérisoires sur lesquels il y a des pertes. Nous aurions tant aimé que ce mois-ci, justement, soit un peu meilleur, cela aurait été tellement plus encourageant pour Buby, vu qu’il est seul, et aussi pour les affaires en général, et notre porte-monnaie.  Nous ne recevrons de nouveau rien ce mois-ci, c’est embêtant, pas tant pour notre vie courante que pour nos économies, car enfin, nous ne deviendrons pas riches ainsi. Enfin, tu sais je ne me plains pas, vu qu’il faut toujours être content quand on a la santé et du travail. 
Chapitre santé, tout va bien. Mes quelques jours à Tjilatjap m’ont fait un bien énorme. J’ai profité autant que possible d’aller à la plage, et j’en suis revenue bronzée et avec des belles joues rouges. J’ai aussi engraissé un peu. Tous mes boutons etc. ont aussi passé, mais sitôt que je mange un peu pediss (poivré au poivre rouge) ils reparaissent.  Alors je sais  ce qui me reste à faire, et je fais bien attention. Buby aussi se porte bien, il a bonne mine et malheureusement il engraisse toujours. Lui, il s’en moque, mais moi pas, je le fais jouer au tennis autant que possible, mais marcher, il ne veut pas, ce charrette ! enfin, tout va encore bien de ce côté là.
Jeudi passé nous voulions aller en tournée. Nous sommes partis le matin tôt comme d’habitude. Il avait plu toute la nuit, mais cela ne nous gênait pas jusqu’à ce que nous sommes arrivés près de Koetoardjo, la ville après Premboen. Il y a là une petite rivière de la grandeur du Chruzigrabe, (ruisseau à Sutz) une de ces petites rivières telles qu’on en rencontre des milliers ici aux Indes. La route passe par-dessus, en un beau pont, comme au chemin de Sutz, mais voilà que par ces pluies de la nuit, la rivière a monté au moins de trois mètres de son lit, et a tout inondé jusqu’à 2 m. de hauteur. Tu aurais dû voir ces champs de riz, tous sous l’eau, et justement au temps des récoltes. Sur une étendue d’environ 1 km carré tout sous l’eau, une eau bourbeuse qui avançait avec la rapidité de l’Aar à Nidau. C’était fantastique, naturellement il aurait été bête de vouloir passe avec l’auto, tandis qu’en prenant un autre chemin il aurait fallu faire un détour qui nous aurait coûté 3 heures de temps. Alors nous avons renoncé à faire la tournée ce jeudi, et l’avons remise à hier, vendredi, la route étant de nouveau libre et sèche comme si rien ne s’était passé. C’est comme cela ici, en une nuit il peut pleuvoir tellement qu’on se noie presque sur la grande route, et 24 heures après tout est sec, riant et ensoleillé  comme s’il n’avait jamais plu, excepté la récolte du riez qui a beaucoup souffert. Enfin, ce jeudi donc, en retournant à la maison, nous nous sommes arrêtés à Premboen pour une petite visite aux Engelhart qui ont eu du plaisir à nous voir. Nous avons déjeuné avec eux, car c’était encore tôt environ 7 ½ heures. Puis nous avons fait un tour au jardin, d’où je suis revenue les bras pleins de fleurs. Madame E. sait que j’aime tant les géraniums rouges, (en souvenir de ceux que nous avions toujours à Sutz, alors chaque fois elle me donne toutes les fleurs qui fleurissent à ses plantes. J’ai encore reçu de beaux citrons pour faire du sirop, et ce qui me réjouit le plus, elle m’a appris à faire du yoghurt. Elle possédait les petites bêtes ( !) nécessaires. Maintenant je peux faire moi-même un verre de yoghurt par jour, que nous boirons à tour de rôle, Buby et moi, jusqu’à ce que ces petites bêtes se soient multipliées  assez pour faire 2 verres de lait. Je te dis, ils sont gentils ces gens-là, c’est formidable. Et jamais tu les entends dire du mal de leur prochain comme la plupart des gens le font ici, et ils nous apportent tant de sympathie à nous deux. Tu sais, madame Visser aussi a bon cœur, un cœur d’or, mais elle est si bête pour les choses pratiques de la vie, elle est bornée, elle n’en peut rien, cela vient de ce qu’elle est à moitié javanaise, tandis que les conseils des Engelhart, tu peux les suivre, ils sont des gens intelligents, des Blancs, quoi, des gens comme nous. Oscar aussi trouve beaucoup d’amitié  chez monsieur avec qui il peut causer. Tu comprends, pour les Visser, les Röhwer nous avons longtemps été les enfants de monsieur Woldringh, les fils à papa, ils se méfiaient de nous. Maintenant ils commencent à voir que nous ne sommes ni arrogants ni des espions et ils se donnent un peu plus librement, tandis que les Engelhart, n’ayant rien à faire avec nous du côté travail, se sont donnés librement depuis le commencement.  Cela se peut qu’ils nous aient flattés un peu parce que nous étions des Woldringh, car la fabrique de M. Engelhart appartient aussi à la Banque, mais depuis longtemps ils nous aiment pour nous-mêmes. Cela nous le sentons très bien. Les van Tinterens aussi nous aiment pour nous-mêmes, vu que son père à lui, est tout aussi riche que papa W. si pas plus. Oui, oui, nous avons bien du fil à retordre de ce côté-là, d’ailleurs papa W. nous avait bien averti que cela serait ainsi, mais à la fin on se rend maître de la situation tout de même.
Nous n’irons plus à Tjilatjap, c’est fini maintenant, car la fabrique va être repourvue de personnel.  Entre autre il y aura le jeune Nieburg, celui qui était ici à la place de Buby avant, qui y va, tandis que Erkelens ira à Rankas Bitoeng, la fabrique près de Batavia. Selon toute probabilité nous resterons donc encore ici pour une autre année, ou enfin pour une autre période, jusqu’à un nouveau changement de personnel. Nous aimons autant encore rester ici, Buby trouve très bien de pouvoir encore travailler ici sous Mr. Visser et dans cette fabrique-ci qui est la plus grande. C’est la fabrique de Rankas qui marche le mieux, avec des bénéfices même, tandis que nous ici n’avons que des pertes à enregistrer, mais il faut bien espérer qu’une fois cela changera aussi. Quant à moi, j’aime autant encore vivre ici, on est si bien les deux, tout à fait pour nous. C’est paisible et économique aussi. Tu comprends, quand nous sortons en société, nous voulons pouvoir faire selon nos habitudes, notre rang, ou plutôt selon nos goûts, et cela devient tout de suite assez cher. Ici à Keboemen, à la maison, je peux m’habiller de petites robes bon marché, mais gentilles tout de même, tandis que si je sors j’aime bien être tip-top. 
Hier soir en rentrant de tournée, nous avons passé au magasin de radio, ils avaient justement reçu un tout nouveau modèle de Philips, alors nous l’avons pris avec pour essayer. Mais à présent cela devra être le dernier, car en essayant toujours on ne peut plus se décider, vu qu’il y a constamment de nouveaux modèles qui sortent de fabrique. Nous avons déjà l’argent de papa W. de sorte que nous pourrons payer comptant, avec 10% de réduction, ce qui nous fait une différence de Fl. 27.50. Pendant ce mois que Mr. Visser est absent, il nous a prêté son radio ou plutôt il nous l’a confié avec la permission de l’employer. Ainsi il est sûr que son radio se trouve en de bonnes mains. Aux Röhwer il a donné l’emploi du frigidaire, vu que le courant est forfaitaire.

Tu sais, j’aimerais pourtant que tu garde mes lettres un peu plus longtemps avec toi, au moins jusqu’à ce que tu sois arrivée à me répondre, ils arrivent encore bien assez tôt pour les lire, à St Gall. Moi, cela m’embête car souvent je te demande quelque chose et je ne reçois jamais de réponse. Enfin, c’est pas du tout pour te faire des reproches, oh, non, seulement tu es toujours trop vite prête à te sacrifier pour les autres, et ce que tu en as de plus, je puis bien me le penser.
"dutch oven"

Demain, dimanche, je vais essayer de faire un caneton au four, avec le four à charbon qu’on a ici. Dommage qu’il ne soit pas pratique pour ouvrir et fermer souvent. Tu sais, mon four ici, c’est simplement une grande marmite ronde en fer blanc, posée sur 4 pieds. Alors on met des charbons brûlants dessous et sur le couvercle. Dedans on met la tourte, ou ce qu’on veut rôtir, ou cuire Pour voir si c’est assez cuit il faut enlever ce couvercle avec une longue tige en fer ou en bambou, pour ne pas se brûler à cause des charbons posés dessus. Jans a un grand fourneau électrique, mais moi je ne le voudrais pas, cela va trop long et c’est bien cher. D’ailleurs, comme je vous l’ai déjà écrit, ces cuisines ici sont bonnes pour les baboes qui sont très adroites avec ces feux de charbons et ne sauraient pas avoir assez soin d’un beau fourneau.
J’aime bien le dessin de mon padre, artiste, de toi écrivant des lettres. Je peux très bien me représenter la façon dont tu les écris, ces lettres. C’est heimelig.

Tu m’as déjà demandé de t’envoyer des cartes postales. Oui, je le ferais avec plaisir, mais le photographe qui les a prises n’en a plus. Il faut qu’il en prenne de nouvelles. J’essaie toujours de le persuader que j’en achèterais beaucoup, mais jusqu’à présent je n’ai pas eu de succès. Quant aux photos que Buby doit faire, elles viendront, je ne les oublie pas, mais il faut attendre le bon moment. Surtout ces photos d’intérieur prennent beaucoup de temps et de préparatifs, pour ajuster la lumière etc. Fais moi une liste de tout ce que tu aimerais que je photographie pour toi, ainsi cela sera plus facile que de chercher ce qui pourrait bien vous intéresser, vous faire plaisir et surtout pour ne pas prendre deux fois les mêmes photos, car vraiment je ne sais plus du tout ce que je vous ai envoyé.

C’est samedi soir, le jour du courrier par avion. Peut être que tout à l’heure je recevrai une lettre de vous, je viens de voir le type du bureau aller à la poste chercher les lettres. Oui, le courrier est bien arrivé avec ta lettre 77, gr. J’ai aussi reçu l’avis que mon béret est arrivé, je pourrai le faire retirer lundi seulement. Je me réjouis et pourrai encore te laisser savoir comment il me va. Je ne dois payer que 12 ½ cents, afleveringsrecht.

J’espère que ton mal de cou n’est pas grave et que tu sois bientôt remise pour jouir de la compagnie de Bänggu (sa sœur Fanny). Vous profiterez de ces moments que vous passez ensemble pour forger vos plans de guerre et établir vos plans de campagne en vraies belles-mères contre les jeunes mariés aux Indes. Mais faites attention, si vous exagérez je cacherai des araignées et des chauve-souris dans vos lits et encore bien des trucs de ce genre, jusqu’à ce que vous déguerpissiez. Et bien oui, cela commence bien, j’ai de belles intentions, pas, alors que vous n’êtes même pas encore arrivées !

Je vous avais écrit qu’Oscar avait demandé à la direction s’il devait essayer de remettre son service à plus tard parce qu’il y avait si peu de personne à la Mexolie. Nous venons de recevoir la réponse ce soir, que ce n’était pas nécessaire. Donc c’est assez sûr que nous pourrons aller à Soerabaya en juillet, pour 3 semaines. Cela sera chic, car en outre de sa paye ici, il recevra Fl. 10.-, par jour pour son entretien. Nous allons chercher un petit hôtel bon marché, je prends ma bi-ba-boe avec pour laver notre linge et ainsi nous aurons un bon temps j’espère. Pour cette époque là, je dois encore coudre beaucoup, et m’y mettre fermement cette fois-ci.
Mardi matin. J’ai encore un petit moment. J’ai reçu le bonnet. Je trouve le modèle excellent, c’en est aussi un qui me va très bien, donne moi les indications pour le modèle, je vais essayer d’en faire aussi un moi-même.
Oh nous avons eu une sale déception hier soir. Mr. Visser est vite revenu de ses vacances, parce qu’il avait été en tournée à Semarang comme convenu, alors il est vite venu rapporter l’argent encaissé et voir comment les choses allaient. Mais voilà qu’il a annoncé à Buby qu’il ferait lui-même aussi la tournée à Solo, parce que cela revenait trop cher de renvoyer l’auto de Kopeng (où il est en vacances) à Keboemen pour que Buby puisse se rendre à Solo avec. Et nous qui nous réjouissions de prendre Jans avec nous la semaine prochaine, et moi qui avait encore tant de commission à Djocja, et nous qui voulions aller un soir chez les Engelhart vu que nous avions une auto à disposition, et à chaque tournée cela nous donnait Fl. 5.50 que la fabrique paie comme Taggeld quand on s’absente pour affaires. Tout est à l’eau maintenant, et nous ne savons pas pourquoi. Oscar se demande s’il n’a pas donné satisfaction à la dernière tournée, s’il a fait une faute ou que sais-je, mais moi je ne crois rien de tout cela. C’est simplement parce que Visser ne veut pas toujours rester à Kopeng, qu’il veut sortir un peu, ou alors qu’il a pris cette excuse pour avoir l’auto à son entière disposition pour qu’ils puissent faire eux-mêmes de belles excursions. Enfin, le plus terrible c’est que nous ne pouvons pas en savoir la cause exacte, parce que Visser ne dit jamais rien, ou jamais ce qu’il pense en des cas pareils. Enfin, c’est vexant, tu comprends bien.
Depuis deux jours que je fais du yoghurt, il m’a bien réussi, il est excellent tous les matins à déjeuner. C’est facile comme tout à faire soi-même. Buby le mange avec des biscuits râpés, donc des miettes et du sucre, il mêle tout cela et cela donne une bonne crème. Moi, je le mange pur, sans sucre, c’est ainsi que je l’aime le mieux. On va en faire toute une cure pendant un moment. Ces petites bêtes c’est pas sale du tout, tu sais.
Aujourd’hui il pleut, un bon jour gris et froid. Il fait beau rester à la maison, sans que la conscience te pince d’aller promener.


jeudi 10 mars 2016






Oscar aux parents de Nelly

3 mars 1935


My dears

It’s long ago since I wrote to you, but it can’t be helped. From Nelly you have heard how hard we have to work of late, and I’am afraid this will remain for some time to come still as we are in the midst of a reorganisation and more-over Mr. Visser wants to go on holiday for a month on account of the health of his wife and children. Nelly writes that in this case I may be left alone to direct everything. Indeed there has been talk of such decision, and that Mr. Visser would ring me up every day to hear how things were going – but I’m not sure it will be managed in this way. We haven’t heard anything further yet, but I’m inclined to think it won’t be done in this way. Although I’m not afraid I couldn’t run the factory on my own, even though I’m not yet a year in the administration, I rather fancy they will decide otherwise as at the moment the oil-market is very difficult and does not at all behave as one would expect in the circumstances. Coprah is scarce at the moment, so that to be able to get sufficient one has to pay High prices. One would expect that because of this the prices if oil would also rise, as oil is also becoming scarce and it is one of the principal ingredients the natives need for their nourrishment. But no, all along it  becomes more difficult to sell oil, and prices tumble down instead of rising. It at least the price of oil-cakes would rise accordingly it wouldn’t matter. But here is a great difficulty : Java has hardly any use for oil-cakes, so that we dépend on the European market for this product. The Java market for oil and the European market for oil-cakes do not of necessity depend on each other nor counterbalance each other. And unhappily the European market at the moment is also moving downwards. If this continues I’m afraid we are in for loss during the next months. In January we were able to book profit, because for some reason people went mad on speculation, and bought big stocks at higher and higher prices. They speculated on the fact that for some months there would be a shortage of coprah and because of this a shortage of oil, which is fairly sound reasoning. I too thought that even if the prices could ot remain so fantastically High, they would in any case remain so high that we could keep a safe margin for profit. But it seems there is something wrong in this reasoning. And I think it’s principally because the native are so terribly poor, and the failure of rice- and other harvests in thèse parts have left them poorer still. Unthinkable as it seems they have given up buying oil, or rather if they have to they refuse to pay such high prices or otherwise they buy now a half-bottle when formerly they would have bought a whole one.  So our Chinese clients remain with big stocks or contracts on their hands, which they cannot sell quick enough or which they must sell at a loss. Which means they won’t, or else try to make us take the loss. A Chinese has very strange thoughts on this subject. If the going is good he loves to make big business and he is only happy when he has a lot of contracts so that every day he can calculate on his funny counting machine  (abacus) how much profit he has made and still can make. 
Abacus

But, oh dear, if the prices go down and he should lose a cent – he suddenly forgets all about contracts and simply doesn’t come to fetch his oil away. Although he has signed the contract its hardly ever the use to bring the case before the courts. He’ ll gladly prove he has gone bankrupt and that everythging he owns belongs to his Brother Liem Ban Shoo and his cousin Diem Siauw Tan, etc.  etc. The family Liem hold together, and once he is bankrupt by law he will go off somewhere else and the family will give him money to start business anew. That’s why we always try tro sell contant (cash), but generally if a Chinese doesn’t receive credit he refuses to do business. 
«Contant » is a word one doesn’t like here in India.
I wonder what this new reorganisation will bring to us. I hope for the best. We just managed to crawl out clean at the end of February, but still the prices are going down. I’m afraid March will be a bad one, also for our own pocket.
It has been a riddle to me why Amsterdam got so angry about our results during 1934. As far as I can overlook things the principal fault lies with Amsterdam herself, for keeping the selling of the oil-cakes in her won hands and then selliong the mat such bad prices that – speaking for Keboemen – our whole los sis due to these bad prices. Many a time I wrote to my Father about this and have criticised that they want to put the fault on us, which is proven by the fact that they want to reorganise things here.  It did not seem fair to me. But he writes back to me that although Amsterdam has also made mistakes, the quintessence does not belong to the oil-cake-affair and that the representatives here are well aware of this.  Well ! Then there is something I do not understand and I’d better keep my mouth shut, as I’m only a bookkeeper in an out of the way place.
The best one can do, is to work one’s hardest and feel satisfied about one’s work. I’m sorry Mr. Meyeringh is leaving, but it seems that Amsterdam is not satisfied about the way he carried out his instructions, and so it’s perhaps the best that he left on his own account. Still Father seems to be angry that he did this without waiting till Mr. Voskuil came here to talk things over. In my opinion this would have made little difference, but it’s of course the way things are done.
I wonder if Father has already written to you that he is leaving the Bank at the beginning of May ? In any case it’s now known all over so that there is no need to make a secret of it any more. He has deserved his rest and I hope he will find his share of happiness now that he can use his time at own will.
Indeed there are many changes coming in our society and we hope that all this new blood will be for the best.
I must stop now, as I see the car with Mr. Visser coming back, which means that I have to go to the office to receive and count the money he brings back from his voyage.
It’s a strange experience to have to pass the evening without Nelly, but I’m happy for her that she has this chance to have her hair done in Semarang, to which she has been looking forward so much. From Semarang she goes on to Solo where she will enjoy the company of her dear Jans.
There comes the night-watchman. I must go. Good bye and good health and happiness to all of you with love from
Sans signature (Oscar)






19350303


Keboemen

3 mars 1935


Ce n’est presque pas possible que nous soyons déjà au mois de mars. Non, c’est fou comme le temps passe, c’est une vraie course, cette vie. Plus je travaille plus j’en ai. Je n’ai encore jamais pu m’asseoir en disant : eh bien, je n’ai rien à faire, je ne sais pas quoi faire, je suis toujours chassée!  Buby se tord les côtes, très irrespectueux envers sa femme ! Cette semaine a si vite passée que je ne suis pas encore arrivée à ranger les lettres et les doubles du courrier de la semaine passée ! Et maintenant je re-suis à ma machine pour en écrire une nouvelle. Je vous dis, c’est impossible comme le temps passe.
Cette fin de mois-ci Buby l’a faite en un record de temps, n’ayant travaillé que pendant deux soirs, et tout est prêt. Je n’ai pas été lui tenir compagnie, parce qu’il y avait le jeune Liang, (chinois), qui était aussi au bureau. J’ai profité de ces 2 soirées pour terminer enfin ma robe de tennis, coupée depuis si longtemps. Il ne me reste plus que les finitions, à la main. Elle va très bien, bien que je me rende compte de plusieurs défauts techniques de coupe, des choses qui ne s’apprennent qu’avec la pratique. Je ne les vois pas, ces fautes, je les sens seulement, peut être qu’avec le temps je pourrai aussi améliorer cela. Je brûle maintenant de me faire celle que j’ai achetée à Tjilatjap.
Demain lundi, je pars avec monsieur et madame Visser à Semarang. Lui y va en tournée, sa femme en profite pour faire quelques emplettes, et moi je vais me faire faire une permanente. Nous arriverons à Semarang entre 11-12 heures, à midi je dois être chez Margherita (coiffeur) et à 3 heures je serai prête. Alors je prends le train de 3 ½ heures pour Solo, où je passerai la nuit, vu qu’il ne m’est pas possible de revenir à Keboemen le même jour. Je partirai de Solo le mardi matin à 11 heures et serai ici, à la maison à 2 ½ heures. Il ne me reste donc qu’aujourd’hui dimanche pour finir mon courrier. Mais ce que je serai contente quand j’aurai mes cheveux en ordre, que je pourrai porter mes chapeaux de nouveau.  Ces derniers temps je ne le pouvais plus, je ressemblais à la vieille Jeanmaire quand j’avais un chapeau sur la tête avec ces longs cheveux en bas le cou. Brrr. Cette permanente va me coûter Fl. 20.-, soit Frs. 40.-, soit Frs. 10.-, de plus que chez Marcel. Tant pis, il faut y passer, d’ailleurs j’ai économisé de l’argent depuis janvier, et ce mois-ci encore, j’ai réussi à mettre de côté Fl. 15.-, à part la réserve fixe de Fl. 25.-. Ce premier mars, nous avons reçu outre les Fl. 200.-, seulement Fl. 40.-, de coprah-geld. Février a été très mauvais, et c’est à prévoir que mars et avril seront tout aussi mauvais. On escompte une amélioration pour mai. Malgré cela je peux tourner sans que notre train de vie ait subi un changement, je veux dire, la nourriture etc.
C’est maintenant la saison des oranges ici, pas les belles oranges d’Espagne que vous avez en Europe, mais une orange sauvage, moins fine, mais douce qui se mange en salade ou en compote, rarement à la main. Ces oranges sont surtout connues et employées pour leur jus. Il faut environ 5 oranges pour un verre de jus, un grand verre à sirop. Nous en buvons deux par jour chacun. J’achète des oranges par 100 pièces que je paie 60 cents. C’est bon, je vous dis, et sain aussi.
J’ai reçu hier l’avis de la pommade et des bigoudis. Il me faut payer 37 ½ cents de douane, c’est peu de chose, je pense que vous n’avez pas arraché les étiquettes à la boîte de pommade, vous l’avez laissée neuve. Je ne peux pas retirer le paquet aujourd’hui vu que c’est dimanche. Buby le fera faire demain. Hier le type est venu essayer la robe de chambre à Buby, elle lui va bien et elle sera très jolie pour Fl. 4.50, qu’elle coûte ! Le col châle et les manchettes sont en tissus uni bleu marine.

Kopeng, altitude 1500 m

Les Visser partiront donc en vacances à Kopeng, un hôtel de montagne très bien, Monsieur a reçu la permission d’accompagner sa femme, il dirigera la fabrique par téléphone quand Buby aura besoin de ses conseils, et de temps en temps il viendra voir. Nous ne pourrons donc plus aller à Tjilatjap pendant ce temps. Peut être que Buby devra aussi faire les tournées, ou alors que Visser les fasse depuis Kopeng, je n’en sais rien. Nous aurons aussi la visite de M. Voskuil, avec M. Bigot, le nouveau Vertegenwordiger (représentant), le remplaçant de Meyeringh. Je ne crois pas que nous changerons de fabrique ces prochains temps encore, vu que Buby est nécessaire ici, mais qui sait ?
Oh, c’est dégoûtant, justement Buby rentre du bureau avec la nouvelle que Blokhuis a laissé aller au diable le livre de fabrication, qui est tenu par le laboratoire, tout est faux et maintenant Buby au lieu d’avoir un dimanche de libre pour lequel il s’est tellement dépêché avec sa fin de mois, doit aller remettre la chose en état pendant toute l’après midi. Depuis qu’il a sa dédite, ce bœuf de B. ne met plus les pieds à la fabrique, cela ne sert donc rien à lui dire son affaire. Bah, il faut toujours qu’il y ait quelque chose, jamais, jamais Oscar réussit à avoir un dimanche après midi de libre.
Merci pour la lettre 75 qu’il a fait bon lire hier au soir en revenant du tennis.
Quelle surprise, la visite de M. Bloch. Je regrette infiniment de l’avoir manqué à Soerabaya.
Zut, j’ai les bleus.  Je vous avais écrit que j’avais trouvé de la belle étoffe, pas chère heureusement, pour une robe de chambre  pour Buby.  Je l’ai faite faire par mon zigue qui a déjà fait les deux paires de pyjamas, bien réussis, et maintenant cette robe de chambre est absolument ratée, les manches, c’est affreux, quand il avance un bras, une des poches lui monte au bümeli et l’autre reste sous le buchnäbu. Cela fait mal aux yeux, et l’étoffe lui irait si bien, cela serait une robe de chambre fameuse, si…si…si… !
Pourrais-tu m’acheter chez Tanner  (magasin de lingerie, existe encore) 2-3 paires de bas, de ceux que j’achetais ordinairement, à 1.95, 2.95 etc, des couleurs claires, du gris clair surtout, et une paire de beige clair. Je ne porte pas de bas à Keboemen, mais quand je sors il faut tout de même que je sois équipée, et les bas sont chers ici, mais stpl. ne m’en achète pas plus de 2-3 paires pour commencer. Il te faudra les passer à l’eau, pas repasser, bien les chiffonner et faire un paquet avec deux bas différents, ou trois, on verra si, ainsi je dois payer de la douane. Ma grandeur est 91/2, pas 10. Je ne veux pas des bas en soie naturelle, mais des Bemberg etc, comme ceux que nous achetions toujours chez Tanner, tu te rappelles ? Tu chercheras des mailles fines.
Buby est déjà au lit, et moi je vais tantôt, car demain à 5 1/2 heures, c’est la diane. Buby ajoutera encore un ou deux mots, demain Bien des choses à tout le monde. Toi, Mamms, vadrouille seulement, tu as raison. Mais stpl. ne parle pas trop de moi sans quoi les gens commenceront à dire : cela devient ennuyeux, toujours elle parle de sa fille, cette totche…
Mes chers tous, votre Geeee….. qui s’en va « au bal » sans son mari, c’est pour le coup qu’elle n’est pas une femme sérieuse ! A la semaine prochaine. N’oublie pas le mot à Flock, stpl.









mardi 8 mars 2016







25 février 1935

Mynes Mamms

Merci mille fois pour ta lettre 74 et toutes les autres avant. Je ne vais pas t’écrire très longuement, mais juste pour répondre un peu  à tout ce que tu me dis.
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Quant à Flock, je suis d’accord avec toi, et naturellement que j’écrirai en conséquence si c’est nécessaire. Pour le moment elle ne m’a encore pas parlé de venir à Bienne, ou d’y chercher une place, non, elle veut partir, voir un peu du pays, et je trouve qu’elle a tout à fait raison. Je ne crois donc pas que tu doives te faire du souci à ce sujet. Enfin, n’aie pas peur.

J’ai souvent pensé à toi pendant la visite de Tata. Oui, je pense bien que tout n’a pas été rose pour toi. C’est formidable, et il n’y a pas moyen de la changer ! Elle a une vie si vide, si vide, qu’elle tâche de remplir avec un tas de futilités et par moments elle s’en rend compte, alors cela la fâche et elle tâche de se repayer sur son prochain. Je comprends bien que tu en as eu assez. Combien de temps est-elle restée ?
Merci pour les bigoudis. Je ne les ai pas encore reçus, mais je pense que j’en recevrai l’avis demain ou même ce soir. Les petits paquets font toujours plus long que les lettres, parce qu’ils sont retenus à la douane.

J’ai aussi reçu une brochure de la Nouvelle Société Helvétique, Groupe Indes Néerlandaises. Elle tient les Suisses à l’étranger au courant de la situation du pays, elle les tient ensemble un peu. Cette société est sous la présidence du Consul Suisse ici, un certain Dr. H.M. Hürzeler. Je crois que cette brochure m’a été envoyée par l’entremise de cette madame Dr. Surbek, l’amie de Mme Ryser, celle qui est mariée à Berne.

Je suis de nouveau au bout pour cette fois-ci. Je dois encore finir la lettre de Buby à papa W. J’espère que vous tous et Charlot en particulier alliez très bien, pour toi, tout le cœur de ta …..


dimanche 6 mars 2016





24 février 1935

Keboemen

Merci mille fois pour votre lettre 74 que nous avons reçue après notre arrivée de Tjilatjap, samedi, donc hier. Nous avons également reçu d’assez bonnes nouvelles de papa Woldringh, de sorte que notre rentrée a été parfaite et que nous ne pouvions cesser de répéter : Ah ! qu’il fait beau à la maison.
Notre visite à Tjilatjap , a une fois de plus, été très agréable. Nous avons logé chez les v.Tinteren. Le matin, madame et moi avec la petite, nous allions accompagner nos maris à la fabrique et revenions en marchant à la maison. C’était gentil, mais c’est regrettable que je ne sois pas arrivée à marcher seule, vite et loin. C’est fou avec ces gens qui ont une auto, ils ne font pas un pas hors de la maison, toujours ils ont le derrière dans leur voiture. S’ils étaient d’un certain âge, on comprendrait encore, et cela les excuserait, mais diable, elle est 5 mois plus âgée que moi et lui n’a que 29 ans. Lui, il approche des 100 kilos et elle en pèse 85-90 à juger de vue. Elle pourrait très bien aller promener avec la petite tous les matins, vu qu’elle a de très bons domestiques, mais non, on traîne à la maison ou alors on va faire un tour en auto au bord de la mer. C’est pourtant gentil, sa koki  (baboe-koki, cuisinière) a déjà été en service chez les parents de son mari, car les v.Tinteren ont été dans le sucre (canne à sucre) ici. Cette koki a vu naître v.Tinteren, a aidé à le soigner et quand elle a appris qu’il revenait lui-même aux Indes, marié, elle a fait des pieds et des mains pour entrer en service chez lui. Elle est toute petite et ratatinée, mais elle cuit à la perfection. Après notre promenade, nous passions notre temps assises au jardin. Je me suis amusée à couper et coudre un petit manteau pour la petite, taillé dans une vieille robe de madame v.T. J’ai d’abord fait la moulure comme pour une grande personne, et j’y ai mis de la coupe, c’est tordant. La façon est celle d’un manteau classique tel que Roy (cousin de Londres) les portait quand il était petit. Je ne suis pas arrivée à le coudre, de sorte que je vais le finir ici. J’ai bien d’autres choses à coudre pour moi, charrette, mais étant là, je me suis dit que j’apprends toujours, que ce soit un grand ou un petit modèle. Mme v.T. est encore plus bête que moi je ne l’ai jamais été pour coudre. Ou peut être que je l’étais autant avant d’aller chez Hedy, en tous cas c’est affreux d’être ainsi.
Le mercredi soir nous avons eu des visites. Le jeudi soir nous sommes allés en visite. Buby a été chez Beerenschot, pendant que v.T. allait chez le docteur pour une coupure dans le doigt, et que madame et moi allions porter une plante que j’avais promise à un certain van der Schoor, dont j’avais fait la connaissance à une visite précédente. Nous nous sommes tous retrouvés chez le docteur puis nous sommes rentrés. Le vendredi soir, Oscar, madame et moi avons été au cinéma. D’abord à 5 heures nous avons assisté à un match (football) entre l’équipe de Tjiltjap, des Européens, et l’équipe d’un bateau ancré à T. pour 2 mois, dans l’attente d’une cargaison pour rentrer en Europe. A 7 ½ heures donc, nous étions au cinéma, écoutant Das Lied einer Nacht avec Jan Kiepura. Le film n’était rien, mais c’était beau de l’entendre chanter. Vers les 9 ½ heures nous sommes rentrés, avons soupé et à 10 ½ heures nous filions vers le club, appelé Soos ici. Nous y avons trouvé, assis à la table ronde, tous les officiers du bateau dont j’ai parlé et encore ceux d’un autre cargo, ancré pour 2 jours, ainsi que la « haute volée » de Tjilatjap !!! Je connaissais la plupart des femmes de leurs fréquentes visites à Mme v.T. mais vous auriez dû les voir là ! Pendant leurs visites chez les v.T. elles me paraissaient encore assez sympathiques, elles étaient aussi très aimables avec moi, et moi avec elles, naturellement. Mais là, au Soos, avec tous ces hommes, elles étaient comme retournées. C’était clair à voir qu’elles n’aimaient pas nous voir arriver, et une fois là, elles ont bien pris soin de m’ignorer, me regardant à la dérobée, et sans gentillesse, je vous assure. Moi, je ne savais d’abord pas que penser, et vite, j’ai fouillé dans ma conscience, mais ne trouvant rien, je me suis dit flûte ! et je me suis tenue tranquille à les observer. J’en ai eu pour mon compte, une comédie de première classe. Pardi ! chacune d’elles voulait être la première, la plus belle, la plus admirée et avoir le plus de succès auprès des loups de mer. Moi, je leur étais une épine dans l’œil, j’avais mis ma robe bleue de Max, et ma jaquette grise, la trois quart, du costume. J’avais mis mon bracelet, la chaine or de papa, bijou de Vienne, et ma belle petite sacoche d’Amérique, tu sais mamali, la tienne. Enfin, j’étais bien, et sans le chercher (peut être justement à cause de cela) j’ai conquis la sympathie de plusieurs de ces types. Bah, ils étaient tous d’un certain âge déjà, mais ces tonnerres d’uniformes avec leurs épaulettes et tous les galons or, arrivent toujours à impressionner les cœur féminins. Eh, mais ces femmes, c’était tordant à voir, elles n’étaient pas assez intelligentes et fines pour ne pas laisser deviner leur jeu, les vaches !
Je me suis acheté du crêpe de chine rose avec fines rayures noires formant des carreaux pour une petite robe. Je vous en enverrai un échantillon. J’ai aussi mis la main sur du bon vinaigre à 85 cents le litre. Je ne suis pas encore au bout du tien, Faaatherli, il a été bon.
Mardi passé nous avons donc été à Djocja-Solo. Buby a vendu un wagon d’huile, ce n’est pas formidable, mais le prix est assez bon. Nous avons mangé chez Jans qui a eu un plaisir fou à me voir, le plaisir a été réciproque d’ailleurs. John a postulé pour une place en Nouvelle Guinée, j’espère bien qu’il ne l’aura pas, cela m’embêterait assez de les voir partir, car ils sont et restent quand même nos vrais amis, vraiment sincères envers nous.
C’est mon Charlot qui en fait de belles ! J’espère de tout mon cœur qu’il aille mieux maintenant et que cet empoisonnement n’ait pas de suites ou ne laisse pas de traces. Mais je le savais que quelqu’un était malade chez vous, j’ai eu l’intuition à plusieurs reprises pendant ces derniers 15 jours, c’est à dire, pas directement que quelqu’un de vous soit malade, mais que quelque chose n’allait pas. Mon Chaggeli !
Et mon Chüggou (Louis), merci, merci pour ta lettre. J’en ai eu beaucoup de plaisir. Tu es un chou, mon vieux, de ne pas m’en vouloir de n’avoir pas encore répondu à tes diverses lettres. Il y a si longtemps que je veux le faire, mais tu sais bien que je ne t’oublie pas. Mes frangins, je pense si souvent à vous, mes vieilles nouilles et vieux nouillons.
Nous sommes à lundi matin. Oscar est parti au bureau, et moi j’allais justement faire une séance au trône quand il revient en vitesse, ‘annoncer qu’il partait en tournée de coprah avec M. Visser. J’ai vite dû lui faire deux tartines, qu’il a fourrée dans sa poche avec une banane, et voilà parti. Il revient pour dîner. C’est la seule tournée qu’il n’ait pas encore faite, maintenant il sera au courant de tout, et je crois bien que Visser ne fait pas cela sans but, car ils ont l’intention de partir dans les montagnes, toute la famille, surtout pour les gosses. Nous ne savons pas qui remplacera Visser pendant ce mois, peut être bien que la fabrique restera seule et que Buby fera les tournées, je n’en sais rien et nous ne pouvons faire aucune hypothèse. Nous ne savons encore rien de Voskuil, des nouvelles réorganisations et restons toujours un peu sur le qui-vive  concernant un changement de fabrique. En tous cas, mon Faaather, il ne faut pas te faire d’illusions qu’Oscar fasse une promotion ces prochains temps. Il n’en est pas question, nous sommes encore trop neufs ici. Il ne faut pas compter sur ces choses-là avant 4-5 ans. C’est déjà beau qu’après une année, il soit appelé à remplacer l’administrateur de temps à autre, alors que dans le temps, on commençait comme 3ème employé, 2ème, premier comptable, ensuite premier employé, administrateur. Le prochain échelon pour Buby est déjà premier employé ou administrateur, vous pensez donc bien qu’il n’a pas encore assez d’expérience pour un poste pareil. Pour le reste, nous avons eu un mois médiocre nous ne recevrons qu’environ Fl. 30.--, de coprah-geld, mais c’est toujours autant que nous mettons de côté, pour les impôts et l’assurance.
Faaather, mon vieux macaroni, tu en fais de belles ! Je ne savais pas que ce Paul Brand avait des penchants pareils. Comment vont ses affaires à lui, à l’Oméga ? (les Brand, plusieurs frères, étaient propriétaires de Omega Watch Co) Et tes collections ? Bientôt prêtes ? Tu sais ces timbres que je t’ai envoyé la semaine passée, ils valent déjà Fl. 75.--, à Batavia, soit Frs. 150.--, ce n’est pas peu, hein ? J’espère que tu en tireras un juste profit si tu décides de les vendre. Je crois que c’est en Hollande qu’ils atteindront la plus haute valeur.
Mes chers, j’arrive au bout. Ge…








Keboemen

6 février 1935

Mynes Mamms chérie,
Voilà bien longtemps que nous n’avons plus gschnäderet (blagué) ensemble, et je vais me rattraper autant que possible. C’est fou le plaisir que j’ai de nouveau à cette deuxième série de photos, mais naturellement je ne veux pas en parler devant les garçons, mais je les boufferais. Oui oui tu peux être fière avec raison. Comment est-ce allé avec Tata ? Ne vous êtes vous pas chicanées ? Ma dernière lettre que je t’écrivais alors que Buby était à Tjilatjap, je me suis rappelée que tu la recevrais pendant que Tata serait à Bienne, c’est pourquoi j’ai si vite terminé, pour ne pas te faire de difficultés ! J’espère que tu auras compris.
Je vois que vous avez au moins profité de faire des promenades, toi et Tata.
Je suis contente pour Claire Rossel qu’elle puisse se marier, tu la salueras bien si jamais tu la rencontres. Et aussi le père Giuglio, je pense souvent à lui quand j’ai des trous à mes souliers, tu lui diras qu’ici on ne sait pas les réparer comme lui, mais par contre que c’est aussi meilleur marché. J’ai toujours fait des parties de blagues avec lui, vas en faire autant. Tu vois, je te présente encore une nouvelle occasion !
L’échantillon de ton nouveau costume est joli, il me plait bien, et si une fois vous avez un film de trop, eh bien, j’en aimerais bien une photo. C’est honteux, mais nous n’avons pas encore fait les nôtres, j’attends toujours que Boili les fasse, mais une fois il n’y a pas de soleil, et quand il y a du soleil, il n’y a pas de Boili. Toutefois je ne l’oublie pas.
Nous n’avons déjà longtemps plus rien entendu de Solo, mais ils vont venir nous surprendre un jour ou l’autre, il faut toujours s’attendre à tout avec eux.  Oui, ma Jans, je l’aime bien, et elle aussi maintenant qu’elle me connaît mieux.
Merci beaucoup pour la recette du pudding au caramel. Je l’ai déjà essayé souvent, mais encore jamais réussi. Je vais de nouveau en faire un et exactement suivre tes instructions.
Pour faire des sandwiches, j’ai trouvé une autre combine. Tu mets 2 jaunes d’œufs dans une petite casserole, une cuillère à soupe de vinaigre, ou moitié vinaigre, moitié citron, un peu de sel, et tu mets le tout sur le feux, en tournant vivement avec le balai ou une spatule en bois,  ce qui te va le mieux. Au bout de 2-3 minutes, les œufs deviennent durs, ou plutôt épais. Tu tournes toujours et laisse venir bien épais. C’est à ce moment là que tu les prends du feu et tu fiches un morceau de beurre dedans avec la quantité de Worcester sauce que tu juges bonne, et du poivre. Moi, je mets cela entre deux tranches de pain, sans beurre. Cela fait des sandwiches avec un peu de pep, que tu peux offrir avec du vin ou de la bière. Monsieur Voskuil les a très appréciés hier soir. Il te faut toujours compter une cuillère à soupe de vinaigre pour 2 jaunes d’oeuf. C’est d’ailleurs aussi la manière dont je fais ma mayonnaise, dont je t’ai déjà envoyé la recette.
Dimanche matin. Il fait un jour très gris, froid, il pleut finement. Un bon dimanche pour traîner à la maison. Nous nous sommes levés tard, Buby a dormi jusqu’à 8 ½ heures, tandis que moi j’ai lu, parce que je sus tellement habituée à me réveiller toujours à la même heure, pour ouvrir au djongos. Ensuite nous sommes allé nous laver, nous avons déjeuné et maintenant Buby est au bureau jusqu’à midi. Moi, je vais en profiter pour terminer mes lettres afin de pouvoir écrire à papa Woldringh cet après-midi, car il y a plus de 6 semaines qu’il n’a plus eu une vraie lettre de ma part.
Merci aussi pour ta lettre 73 qui comme toujours m’a fait un énorme plaisir.
Merci de tout cœur pour le béret que tu me crochette. Tu es un chou, mais stpl. ne te fatigue au moins pas trop. Vois-tu, à la rigueur je pourrais aussi en crocheter une, mais c’est vraiment le temps qui me manque, car les moments que je n’emploie pas à la couture, je les passe à vous écrire. Je fais des petits tapis pour mes plateaux, pour le panier à pain, car tu te rappelles aussi que je n’ai presque rien pris avec de ces choses-là. J’ai toujours un à deux de ces ouvrages en cours, je ne suis plus jamais sans rien faire !   
Oui, je vais être encore plus prudente à l’avenir. Je commence à me connaître, à savoir ce qui n’est pas bon pour moi, ainsi je saurai toujours mieux éviter ces coups de froid.
J’ai eu tant de plaisir à madame Voskuil, à la voir ici avec ses cheveux blancs, coupés, c’était un peu comme si toi tu étais assise dans une de mes chaises ! Je suis bien contente d’avoir pu lui dire un tas de choses et surtout d’avoir été si bien comprise. C’était bon de pouvoir parler à cœur ouvert une fois de nouveau, et elle n’ira pas le dire plus loin, car c’est elle qui m’a encore prévenue de faire bien attention à tout ce que je dis ici, car elle aussi connaît très bien les conditions. Elle va toujours faire ses promenades, et elle n’a pas assez pu me conseiller d’en faire autant. Elle aussi va toujours toute seule parce qu’elle n’a personne pour l’accompagner.
Je suis si contente que le costume de Hedy t’aille bien et que tu en sois enchantée. Je vais écrire à Hedy, cela lui fera plaisir, et en même temps du bien pour ta prochaine robe ! Oui, je comprends que la Mmattamm DDDanzz ne soit jamais si bien habillée que toi, d’ailleurs ces femmes ont aussi un goût impossible.
Quant à cette robe grise en soie artificielle de Hedy, non je n’en veux pas de nouvelle pour le moment. Maintenant je suis bien équipée pour un temps et je tiens aussi à en faire moi-même, des robes. Vois-tu  j’ai tellement plus de chic que les femmes d’ici atour de Keboemen, que la chose la plus simple que je porte est encore plus jolie que toutes leurs robes les plus compliquées. Je tiens aussi à ne pas trop me laisser gâter, il faut que je sache travailler à ma toilette moi-même.
Quant à Flock, je ne sais pas trop ce qu’il faut en penser. Tu sais, ces sales Raball l’ont traitée salement souvent. Je savais bien qu’elle avait un sale caractère, vis-à-vis de moi elle le cachait toujours soigneusement, et maintenant c’est aussi fini entre nous. Je vais de moins en moins lui écrire. Même dans ses lettres elle flirte, cette vache, non mais même quand je reviendrai je ne veux plus rien savoir d’elle, il y a assez d’autres choses dans la vie sans qu’on courre après ces personnes.

Voilà, Buby rentre du bureau, bon, zut, il vient de perdre 10 cents parce qu’il a oublié d’enlever sa cigarette. Malheureusement, je m’enrichis bien de cette manière et je voudrais que cela le punisse, mais ce Boili me regarde toujours en riant quand je cours mettre 10 cents dans mon porte monnaie.
Jusqu’à la prochaine fois.
Ta Girly.