dimanche 30 août 2015



7 janvier 1934

Keboemen

C’est dimanche, il pleut et il fait frais. Demain peut être que nous irons à Semarang (la ville où Oscar est né) avec M. Visser et nous irons rendre visite à son oncle Maurice, le plus jeune frère de la mère de Oscar. Je dois aller voir si nous pouvons y compter. Je vais assez rarement chez les Visser ces derniers temps, car leur petite fille pleure et crie des nuits entières, alors ils dorment le jour et je n’aime pas les déranger.
Oscar vient d’aller chez les Visser, nous n’irons pas à Semarang parce que nous n’avons pas encore nos papiers en ordre pour les faire inscrire là, ceci étant la principale raison de notre sortie. Il paraît qu’il manque toujours encore cet inventaire (lettre 26.11.33 suite et fin) que nous t’avons remis avant notre départ, ce sont deux feuilles écrites à la machine mentionnant donc l’inventaire des choses de Buby et des miennes. Il nous faut ce document pour le faire inscrire ici, pour que les choses soient en ordre avec la loi suisse. Mais d’abord il faut le donner à légaliser. Papali, je compte sur toi pour m’envoyer cet inventaire le plus vite possible, afin que nous soyons en règle une fois pour toutes avec ces tonnerres de papiers. Si toi tu ne devais pas l’avoir, c’est peut être maman ou alors Oscar l’a porté directement à Luthy, mais je suis parfaitement sûre qu’il est quelque part, parce que nous avons passé tout un après midi à le faire, Buby et moi !!


Sutz 8.8.1933

Mamali, il y a encore quelque chose que tu dois faire pour moi. Tu sais que mon voile de mariée a été acheté par Flock et par moi, mais c’est Flock qui le payait. Comme elle est à Neuchâtel, elle m’avait en son temps remis de l’argent pour que je le paye. Le soir que nous avons soupé à l’Hôtel Seeland avec Charlot et Papa,  elle m’a remis dans les Frs 20.--, je ne sais plus au juste combien. Dans sa dernière lettre elle m’écrit qu’elle vient de recevoir une lettre de cette madame Domon, contenant ce qui suit : Comme vous étiez en compagnie de Mademoiselle Marchand quand elle a choisi son voile de mariée, vous seriez bien aimable de me dire à qui je dois m‘adresser pour le règlement de ce dernier. Je vous présente, Mademoiselle, etc. Flock me demande ce qu’elle doit faire. Je lui écris donc par le même courrier qu’elle écrive à madame Domon que la chose sera liquidée par toi, Mamali, puisque Flock m’a donné l’argent, c’est à moi de payer. Maintenant il me semble toujours que tu m’as écrit que tu avais envoyé Mina le payer, toutefois je n’en suis pas sûre. Veux-tu voir dans tes papiers, et mettre la chose en ordre, stpl. Cela m’embête un peu qu’il y ait cette histoire vu qu’il s’agit de mon voile, mais que veut-on, j’avais tellement de choses en tête avant de partir, mais vraiment je n’en peux rien et cette histoire m’embête.
Nous avons reçu à midi le courrier par avion, merci de vos lettres, ainsi que  no 15 du 20 décembre. Merci pour tous vos bons vœux. Dommage qu’il y ai toujours ce refrain : Max et Tata sont fâchés parce que tu n’as pas écrit. Combien de fois allez-vous encore me le chanter ? Un de ces jours je vous enverrai par bateau la copie de ma lettre du 28 octobre, car tu crois vraiment qu’ils n’ont pas reçu mes lettres ? Je comptais avoir une réponse, mais enfin, fini avec ce chapitre.
J’ai aussi reçu la caisse avec les bärenmutz (pain d'épices), merci mille fois, mes chers, de vos bontés. J’ai beaucoup de plaisir aux couvercles de St Blaise et aussi au petit cape de Hedy, il est vraiment joli et me va si bien. Le tulle du cape est exactement le même que celui de notre klamboe (moustiquaire), j’ai bien ri en remarquant cela. Je vais lui écrire, mais cette semaine c’est impossible.
Les sachets de poudre à lever sont aussi bien arrivés, bien que la caisse était complètement enfoncée, avec un immense trou. Je vais faire des réclamations. Et cette fois-ci j’ai dû payer Frs.3.10
Et maintenant mes chers, portez-vous bien.


mercredi 26 août 2015





1er janvier 1934

Keboemen

Je viens de recevoir ce matin votre lettre du 18 décembre et celle de Papali de St Nicolas. Merci beaucoup de toutes vos nouvelles, je vais tâcher d’y répondre pour ce courrier mais j’ai encore des lettres pour Laren (Hollande) à écrire, je ne peux pas tout faire. Je me réjouis d’avoir mon agenda, nous venons de faire notre caisse, il nous reste juste de quoi payer nos impôts et pas un sou de plus mais enfin c’est toujours cela, pour dire que décembre était un mois de fête.

Nous n’avons rien entendu de John et Jans, je pense qu’ils étaient déjà loin quelque part par les Indes (néerlandaises) quand notre lettre est arrivée à Solo. Enfin, nous aurons leur visite une autre fois.

Papali, merci beaucoup pour ta lettre et tous les renseignements des canards. Je vais m’y mettre doucement. Je veux encore m’informer ici de gauche à droite concernant différentes choses, quant à des œufs, j’en recevrai facilement de Madame Visser. Tu as raison ces canards ici ne doivent pas être des khakis, quoiqu’ils leur ressemblent comme deux gouttes d’eau. Je viens de m’apercevoir que les œufs de ces canes sont bleu-vert et mouchetés. Ici je peux aussi avoir du maïs en grande quantité et moins cher qu’en Suisse, puisqu’on le cultive ici, du riz et un tas d’autres choses. Si je veux en élever, ce n ‘est absolument que pour avoir des canetons comme toi, pour la table, car les poules ici ne sont pas des poulets de Bresse, même un peu moins bon que les « mischt chratzerlis » (coquelets). La volaille a souvent des maladies ici, alors on la soigne avec du poivre rouge et un certain déchet de riz. Hein ! c’est drôle !


La lettre de Flock par avion, je l’ai reçue ce matin avec la tienne, no 14 donc. Elle me raconte qu’elle passera à Bienne te voir, Mamali. Moi je ne lui ai écrit qu’une seule lettre pour lui souhaiter un bon Noël, deux pages, et pas à la machine. Tu vois que les nouvelles entre nous ne sont pas fantastiques J’ai l’impression que Flock doit passer par une crise en ce moment, j’entends une crise morale, qui a été provoquée par mon départ et mon mariage. Il ne faut pas la juger trop sévèrement, plutôt lui aider, elle est plus à plaindre qu’à blâmer. Ecris-moi un peu ce qui t’inquiète tellement au sujet de Flock, et pourquoi tu dois savoir ce qu’elle m’a écrit. Tu me fais toujours des allusions qui sont plus pénibles que la vérité, même cruelle. Tu peux être sûre que je ne dirai rien à Flock.











Nom d’une pipe ! 
cela me fait chanter tout ce monde qui réclame des nouvelles. Savez-vous que je passe la plupart de mon temps à écrire à vous d’abord, à Laren ensuite, et ces lettres ne sont pas courtes. A part cela j’ai la maison à surveiller, je dois cuire souvent et j’ai une grande valise pleine de chaussettes et de linge de corps à raccommoder, Oscar en est à ses trois dernières paires et moi je n’ai plus de caleçons, tout cela parce que je ne fais qu’écrire. Il m’a fallu m’installer, et il a fallu apprendre à parler comme un gosse, je ne peux pas encore m’exprimer facilement ce qui me cause beaucoup de difficultés, j’ai beaucoup de choses nouvelles à apprendre, ce n’est pas comme si je vivais à Berne. Bien que j’aie 3 serviteurs, je n’ai pas tant de temps libre, il faut endurer la chaleur. Et on se lève à 5 ½ heures le matin….
De plus je me figure bien que Mamali n’est pas avare de colportage, (nid taub sy, Mamms/ ne te vexe pas) ainsi les gens en savent autant que si je leur avais écrit !

Merci pour le sirop au citron, j’en ai fait, mais la baboe a coupé les pelures un peu trop épaisses, ce qui a donné un petit goût amer, pourtant il est très bon et Buby l’aime beaucoup et en boit toujours. Cela me fait une économie de prix de la valeur de 5 bouteilles de Lemon squash du magasin. Vous pensez ce que je suis contente.
Et Papali, peux-tu me dire comment on fait la choucroute ? il y a beaucoup de choux ici et j’aimerais essayer.
Mes petits frères ne soyez pas fâchés que je n’aie pas encore écrit, mais comprenez-moi comme toujours, pas ?


dimanche 23 août 2015




30 décembre 1933

Keboemen

D’abord excusez le papier, je l’ai mal déchiré, mais comme il ne m’en reste pas beaucoup, je l’utilise quand même.
Encore une fois merci mille fois pour toutes vos belles et bonnes choses de la dame de Noël. Comme vous nous avez gâtés. Et nous qui ne pouvons rien vous envoyer.
Le premier paquet que Buby prend dans les mains contenait tes cigarettes, vous auriez dû voir sa figure. Es schmunzle u es grinse (un sourire avec sous-entendu), j’ai bien ri. Le premier jour j’ai reçu 2 avis à la fois, c’était pour la caisse à fromage et pour les disques. Je vous ai déjà écrit que les fromages, ou plutôt ce que je crois avoir été du vacherin, est arrivé dans un état effroyable, un jus gris-jaune qui a empesté toute la caisse. Dans la boîte ronde du fromage il ne restait plus qu’une boule de papier d’étain qui trempait aussi dans le jus. Avec cela un puage ! Non, on a dû aller se fortifier après. Le café en grains, les tablettes au malz (du moins je crois que c’était cela parce qu’on ne pouvait plus bien distinguer, ce n’était qu’une masse brune) ont aussi suivi le chemin du fromage, tandis que les Tilsit, Gerberli, les cigarettes, sont intacts. J’ai aussi essayé de sauver les deux plaques de chocolat Kaiser, pensez, c’était trop bon, le chocolat est bien conservé, mais il a adopté le goût du fromage pourri et de ce papier d’étain. C’est un goût qu’on ne sent pas trop par la bouche. Je veux tout de même essayer de pouvoir le sauver encore, je l’ai toujours à l’air depuis et alternativement dans la glacière, mais rien ne semble y faire. Les Gerberli sont bons, c’est déjà quelque chose. Oh ! vous savez, il ne faut pas vous en faire, nous en avons tout de même eu un plaisir fou à notre caisse de la dame de Noël, tout comme aux disques. Ce sont les tiens donc que j’ai reçus en premier, Mon Dieu quel plaisir ils me font, mais je n’ai pas pu me retenir de pis…. de l’œil, tu sais, tout en riant de plaisir, ma foi. J’en ai un plaisir immense, Fatherli, mais tu sais, il ne faut plus m’en envoyer, je les aime trop et cela pourrait devenir dangereux. N’ayez pas peur déjà que j’aie le mal du pays et que je suis inconsolable. Maintenant je peux les écouter  avec plaisir et à sec.
Le lendemain j’ai reçu la troisième caisse, avec les sapins et surtout les branches qui sont encore belles vertes et qui sentent !!! Mais c’est merveilleux, c’est toute la forêt qui nous vient dans le nez. J’ai tout de suite remplacé le Wellington par ces branches, sur la table. Les petits sapins sont dans des pots à l’ombre et à la pluie qui tombe sans discontinuer depuis midi. Ils ne sont pas très beaux, le bout des branches est tout brun et sec, mais j’espère qu’ils reprendront, en tout cas je fais tout pour les soigner aux fines herbes.
Nous sommes terriblement à court ce mois-ci, je ne sais pas ce que j’ai fait, ou plutôt si, il y a eu l’événement chez les Visser qui nous est revenu cher, et puis j’ai acheté quelques petites histoires pour l’arbre de Noël et nous sommes allés quelques fois à Gombong où se trouve un magasin chinois un peu mieux assorti qu’ici et on se laisse aller à acheter quelques petites bonnes choses. La vie ici est bon marché à condition qu’on ait des goûts simples concernant la nourriture. Je peux faire comme je veux, j’ai tous les mois pour Fl. 50.00 d’épiceries. Dans cette somme sont compris le beurre, l’huile de palme, la bière, l’eau minérale etc. Je pense que je vais vous faire un extrait de mes comptes ce mois, et je vous l’enverrai par courrier ordinaire, de même qu’à Laren.

Nous ne pouvons pas encore le croire à propos de Linette. Nous ne savons rien, ni même au juste quand elle s’est endormie. Elle est heureuse maintenant. Les lettres pour la fête de Buby avaient été retenues par l’accident du Postjager en Italie, nous les avons seulement reçues samedi soir et avons appris que Linette avait le typhus. Papa Woldringh et Eddy (frère de Oscar) pensaient que c’était un cas bénin, et nous ne nous sommes pas fait de soucis. M. Dunlop a été un ami admirable pour nous, faire 8 heures de train, et quel train, de Batavia ici pour nous annoncer la nouvelle lui-même !
Il a arrangé que Oscar puisse téléphoner mardi à Laren (Hollande). M. Röhwer n’a pas voulu que Oscar travaille à Noël (car ici on travaille même les jours de fêtes si le stock de noix est là pour être pressé). Le mardi nous avons été avec M. Visser au bureau des téléphones pour notre conversation avec Laren. Elle n’a pas bien réussi, il y a eu un dégât au studio à Bandoeng et nous avons dû attendre que cela soit réparé, ensuite quand nous avons pu reprendre notre conversation, Father W était tellement émotionné que nous n’avons pas compris ce qu’il disait et lui non plus. Eddy est venu au téléphone, mais personne ne comprenait personne, il devait à nouveau y avoir des dégâts.  En fin de compte nous avons raccroché. A Bandoeng ils ont été très chics et ne nous ont pas compté de surtaxe. Un appel avec la Suisse coûte Frs. 125.00 avec préavis naturellement. Tout ce que nous avons pu apprendre, c’est que Linette a été enterrée le jour de Noël et que Father W. s’est comporté avec beaucoup de courage.

31.12.1933

Puncak, nov 2013, gamelang
Il fait un temps merveilleux et partout on entend de la musique, des radios, du gamelang (musique javanaise) etc. Ma baboe fait une rijsttafel, donc je ne mets plus les pieds à la cuisine, c’est à dire que je vais voir de temps en temps pour apprendre. Elles ont une adresse étonnante ces femmes javanaises. Il y a quelques instants j’ai essayé de l’imiter comme elle triait les petits plans de riz que nous mangeons comme légume. Elle fait cela en secouant le grand panier d’une manière toute spéciale, en le faisant j’ai naturellement tout semé par terre, vous auriez dû voir comme elle riait.
Buby travaille ce matin, car on va arrêter les machines et fermer la fabrique pour deux jours parce que c’est Nouvel An. Ce soir la fabrique offre un grand slamatan aux ouvriers, c’est un souper composé de riz, la vraie rijsttafel, quoi. Nous allons aussi voir, parce qu’il y aura de la musique et des danses indigènes. Le 17 janvier c’est le nouvel an des indigènes, ils seront en liesse pour plusieurs jours. En ce moment ils jeunent tout le jour et il ne leur est permis de manger qu’après le coucher du soleil jusqu’au lever du jour (Ramadan). Naturellement ils ne vont pas dormir, mais restent à festoyer toute la nuit et à danser, ce qui fait que le lendemain ils sont à moitiés fichus et presque incapables de travailler. C’est aussi une raison pourquoi la fabrique ferme, elle ne perd pas beaucoup. Moi je ne pense pas du tout au Nouvel An de chez nous, mais je me prépare à le fêter vraiment à l’indienne et vous raconterai mes impressions dans ma prochaine lettre.
Sans cela tout va bien, la santé continue à être bonne,  j’engraisse à vue d’œil malgré toute la gymnastique et mes promenades. Buby aussi a bonne mine.
Hier et aujourd’hui étaient jours de mail et je n’ai rien reçu de vous, qu’est-ce que cela veut dire ?


                                                             Bonne et Heureuse Année !


Kraton, Djocjakarta, nov 2013

vendredi 21 août 2015





25 décembre 1933

Keboemen

Mes bien  chers
Tout d’abord Joyeux et Heureux Noël ! Comme c’était gentil d’ouvrir vos caisses que nous avons juste pu retirer ce matin. Merci, merci de tout cœur. C’était si beau de fouiller et de voir tout ce qui sortait des papiers quoique… le vacherin soit arrivé dans un affreux état et a gâté beaucoup des autres choses, mais tout cela je vous le raconterai une autre fois.
Nous avons appris la triste nouvelle que hier, c’est M. Dunlop qui est venu nous l’apprendre. Je ne peux pas encore la réaliser par moments, je pense qu’il en est de même pour vous tous, nous trouvons très dur de ne pas être avec vous et surtout si loin de Laren. Nos pensées se joignent et cela doit être une consolation. Ce n’est pas tant pour Linette (sœur d’Oscar) que nous souffrons mais pour le cœur de son malheureux papa. Linette est heureuse, elle est allée vers sa maman dont elle avait toujours l’ennui. Elles sont réunies maintenant. Oscar et moi portons notre douleur ensemble, comme nos joies. Vous ne nous en voudrez pas, cette lettre sera courte, car nous voulons écrire longuement à Laren.
Le 27 nous aurons John et Jans en visite ensuite l’oncle. Je dois encore finir d’installer la chambre des visites. Je fais un Klamboe (moustiquaire) moi-même, Oscar m’a aidé à coudre en tournant la machine à coudre.
Nous venons de recevoir ce matin la lettre de Loulou, mon unique Chüggeli , elle est si bonne ta lettre. Merci Chaggeli (Charlot) aussi pour tes missives hebdomadaires que je me réjouis chaque fois de lire.
A l’instant je viens de recevoir un troisième avis postal, c’est pour les petits sapins. Comme je les soignerai, mes chers. J’ai réussi à faire un arbre passable avec le Wellington, nous l’avons allumé hier soir après le départ de Dunlop et pour un moment nous avons vraiment senti Noël.
Pour la Nouvelle Année, mes chers chéris, encore une fois, all the best avec notre tendresse et d’affectueuses pensées de nous deux

Nelly

jeudi 20 août 2015




15 décembre 1933

Keboemen

Aujourd’hui 15 décembre, la fête de Buby. Je pense que vous ne l’avez pas oubliée, mais nous n’avons encore rien reçu, pourtant à midi le courrier nous a gentiment apporté une lettre de Bienne et une de St Gall. Et cela m’a fait tant plaisir que je mets tout de suite à écrire.

Comme je n’avais rien à donner à Buby, je me suis dit qu’il fallait au moins lui faire quelque chose de bon. J’ai ouvert deux boîtes de têtes d’asperges que j’ai servies à la hollandaise avec des œufs durs, du beurre noir et de la noix de muscat. Ensuite j’ai cuit une langue de veau (un veau de karbouw, bien entendu, pas de la race du Simmental) dans un bon bouillon, j’ai fait une sauce avec, mais une sauce ! il m’en vient encore l’eau à la bouche d’y penser.
Ah ! tu sais, ton livre de cuisine, Mamali, il a sa grande part  dans ce que mon ménage marche bien, ainsi c’est encore toi qui contribue à notre bonheur. Voilà vite la recette de la sauce : 2 cuillères à soupe de beurre que tu fonds avec des lardons, après quelques temps tu mets 2 cuillères à soupe de farine, tu fais revenir le tout légèrement et tu ajoutes du bouillon de la langue. Tu laisses cuire le tout pendant une heure, avec sel et poivre et un verre de sherry. Tu peux prendre du vin blanc ou n’importe quelle autre liqueur, moi je n’ai que du sherry pour le moment, et si Buby savait que j’en emploie pour mes sauces !!! Car tout ce qui est liqueur est excessivement cher ici. Enfin, quand la sauce est cuite, avant de la servir, tu y ajoutes encore une cuillère de crème, soit douce soit aigre, tu laisses le tout sur le feu encore quelques instants mais sans laisser cuire puis tu sers. A part cela j’ai fait des haricots et des pommes nature. Hier après-midi j’ai vite fait une tourte au chocolat que ce matin j’ai garnie avec de la crème fouettée. J’ai écrit Buby dessus, mais la crème n’a pas voulu épaissir, c’est très difficile ici, et d’ailleurs c’est de la crème en boîte de Nestlé, mais elle est très bonne.

La femme aux poissons est aussi venue ce matin. J’ai acheté de petits poissons que je vais frire tout entier pour ce soir, et aussi 4 écrevisses que j’ai payées 20 cts ensemble. Elles étaient vivantes, ces écrevisses, et une m’a sauté à la jambe, j’en ai eu une peur bleue et je me suis dit que j’étais une bécasse d’acheter des choses pareilles, ne sachant absolument pas comment les cuire ni les servir, mais pendant que nous dinions, mon djongos les a cuites dans de l’eau bouillante, et maintenant elles sont belles rouges et mortes heureusement. Oui mon diner n’a rien de spécial en somme, mais pensez que je l’ai cuit absolument toute seule, car ma baboe (baboe, keboe, bibu, Max ! ce que j’ai ri en lisant cela !) est malade depuis 3 jours. Un gros refroidissement, rhume, toux, mal au cou. Elle venait quand même travailler mais je l’ai renvoyée à la maison, alors elle m’a envoyé une remplaçante qui est payée par elle, donc sans frais pour moi, mais elle ne m’était pas sympathique et je l’ai renvoyée aussi, préférant travailler un peu plus moi-même que d’avoir une nouvelle personne dans mon ménage, que je ne connais pas et ne sachant pas si elle me volera ou quoi. Enfin, donc, les deux garçons m’aidant bien je fais mon ménage, sauf la lessive. Heureusement il pleut beaucoup et il fait frais, je peux très bien travailler. Je suis assise au bureau de Buby il a plu tout le jour. Il pleut tellement fort et avec un tel bruit que je n’entends même plus mon bruit de la machine à écrire.
Ce mois je dois vraiment me débrouiller pour équilibrer notre budget. Il nous faut donner les payes doubles aux serviteurs, cela est une coutume ici et on doit la suivre. Vous pensez ce que cela me fait en plus, nous avons eu ce cadeau pour Mme Visser, plus notre part au panier de fleurs que les employés de la fabrique ont donné et un tas de petites choses comme cela. L’argent part vite va. Avec cela il y a encore Noël devant la porte. John et Jans passeront ici en se rendant à Bandoeng chez la maman de John pour passer les fêtes. Ils viendront je crois le 25 et passeront une partie de l’après midi avec nous et luncheront ici. Le 27 nous aurons la visite d’un oncle d’Oscar, frère de sa mère qui passera un jour et une nuit ici. Le jeune oncle d’Oscar qui est marié depuis 1-2 ans, vit aussi tout près d’ici. Vous voyez donc que nous serons bien entourés pendant les fêtes. Quant aux autres jours, nous nous réjouissons de les passer ensemble, heureux les deux. Nous avons décliné des invitations des R. etc, Oscar a aussi eu sa fête et personne ne l’a su, j’en suis bien contente. A tout prendre, il n’a pas une position facile, on lui en veut qu’il soit le fils de son père, il doit essuyer bien des petits fions se rapportant au fils à papa etc. Mais il sait bien se défendre, nom d’une pipe. Les Röhwer aussi nous flattent un peu dans ce sens. La jalousie joue un grand rôle ici, surtout entre hommes. Je dois aussi me défendre comme un diable parce que les dames croient toujours que nous recevons un grand chèque de Papa Woldringh, et ne veulent pas croire que nous ne vivons que de notre paye. Les Cletton qui étaient ici avant nous et qui avaient la même paye, n’arrivaient jamais à nouer les deux bouts et les dames ne comprennent pas que moi j’y arrive. C’est beaucoup parce que nous ne mangeons pas de conserves et que je me donne la peine de cuire. Enfin, voyant cela, je hurle avec les loups et me plains constamment d’être à court etc. Il faut voir les conseils que je reçois, c’est tordant, comment il faut faire pour acheter à crédit etc. Mais non, non, vous n’avez pas besoin d’avoir peur. Pour dire les Röhwer ont presque le double de notre paye, non la moitié plus que nous, un peu plus, ils ne sont que deux et elle n’arrive pas à mettre quelque chose de côté, mais aussi, elle en achète du fourbis ! 


Tous les dimanches, j’ai une vieille mendiante qui vient manger du riz ici, c’est le jour des mendiants. Au commencement je donnais des sous mais maintenant je fais cuire du riz (c’est leur pain) et chacun peu avoir une poignée de riz. Depuis que je fais cela, les mendiants ont beaucoup diminué, c’est typique, hein ?
Hier pendant quelques minutes j’ai eu un très fort désir d’être à Bienne ou en Europe : c’est en voyant une belle plante d’aster blancs chez Mme Röhwer, cela m’a si vivement rappelé Noël, le froid, la pluie, la neige, les rues mouillées et l’asphalte brillant à la lueur des réverbères entre 5-6 heures du soir, les magasins en ville bien décorés et illuminés. J’aurais bien aimé être en ville avec toi Mamali, et acheter des bonnes choses pour Noël, comme on l’a fait si souvent. Mais comme je dis, cela n’a duré qu’un instant, ensuite Mme R. est venue et nous avons été commander des boules et des guirlandes pour l’arbre de Noël. Oh, comme vous êtes choux de m’envoyer des branches de sapin et même des petits sapins, comme ce sera joli, c’est bien sûr que nous allons les planter et en avoir soin. Dans les pots, les plantes viennent très bien. Comme je vous l’ai écrit, j’ai un petit Wellington d’environ 70 cm de haut ; il est planté au jardin. Mais si les petits sapins n’arrivaient pas en bon état, je le fais mettre dans un seau et je le décorerai.  Vous viendrez cueillir des pives chez moi, c’est décidé, il faut que vous veniez ici. Father, hein, la banque ces…… pour un peu j’enverrais une carte à Immer. C’est embêtant que tu perdes tant que cela. Non, qui l’aurait cru. Je pense bien que les histoires vont leur chemin maintenant au sujet de la banque et de ses directeurs.
Oh ! Father, tu m’en as écrit des bêtises, j’ai ri aux larmes quand j’ai lu cette lettre intéressante, surtout que Buby l’avait lue avant moi avec un visage archi sérieux ne comprenant rien à ton charabia, mais moi je connais mon Macaroni.
Mamali, ce que tu me dis de Flock m’étonne, raconte-moi à quoi tu as remarqué qu’elle avait changé ainsi.  Raconte-moi à cause de Flock. Naturellement que je ne lui ai jamais écrit de te rendre visite, et sois tranquille, je ne le ferai pas. D’ailleurs elle ne m’a écrit qu’une seule lettre depuis qu’on s’est quittées, et encore cette lettre est courte comme tout.
Merci de la recette du sirop au citron, je vais en faire tout de suite, mais tu sais, nos citrons ici sont verts et seulement aussi grands que des grandes noix avec leur coquille verte encore. Donc il m’en faudra beaucoup plus qu’à toi, mais c’est égal, je suis contente d’avoir la recette, je ne savais plus comment tu faisais le sirop, si tu cuisais les pelures ou non. Je t’en dirai des nouvelles quand j’en aurai fait. Jusqu’ici nous n’avons pas bu de limonade, mais du lemon squash en bouteille fait par des fabriques ici et en Australie, seulement ces bouteilles sont assez chères et on en boit beaucoup. Oscar au moins 5 verres par jour et moi des fois aussi, quand il fait chaud.
Je vais faire des biscuits pour Noël, mais ici on ne peut pas avoir d’amandes râpées cela moisi tout de suite et coûte Frs. 2.50 la livre. A ce prix là je n’en achète pas. Alors Mamali et Tatali si vous avez des recettes sans cela, faites le moi savoir.

J’ai donc bien reçu vos lettres 9 et 10, merci de tout cœur.  C’est toujours fête au village les jours de courrier. Mamali, envoie moi donc un échantillon de ta robe neuve, pour que je puisse mieux m’imaginer ma Rötteli dans sa nouvelle robe.
indispensable!

Tatali, je suis très reconnaissante si tu m’envoies le Jardin des Modes pour le printemps, car il faut que je fasse bien attention de ne pas perdre le bon goût, ce qui est facile ici où il n’y a pas de « concurrence ». Les Hollandaises ont leur goût à elles et très différent de Paris, et moi je préfère la mode de Paris.
Un bon muntschi à chacun de vous! Bonne année aussi à tous ceux que j’aime bien et à qui je n’ai pas le  temps d’écrire….



samedi 15 août 2015




11 décembre 1933

Keboemen

Je ne suis pas de trop bonne humeur cette après-midi, Oscar non plus, car le courrier ne nous a rien apporté, ah ! pardon, si, hier une bonne lettre de Charlot. Ce qu’elle m’a fait plaisir, cette lettre. J’ai également reçu les Schweizer Illustrierte et Sie & Er de Tatali.
Nelly, 19 novembre 1933
Que s’est-il passé depuis la semaine passée ? ah oui nous avons reçu nos meubles du chinois de Solo. Nous avons bien arrangé et dans notre salon, avec encore un coffre nous avons un coin lecture très heimelig. Oscar dessinera le tout pour vous l’envoyer, mais quand ? nous n’avons jamais le temps. (cliquez sur la photo pour agrandir) 


Nous avons donc fêté St Nicolas le 5 décembre, mais c’est un jour dont je n’aime pas me rappeler ; tout a été de travers pour moi. Le matin je me suis levée du pied gauche, le boucher au lieu de m’envoyer du riz de veau, m’a donné je ne sais quoi de gommeux. Le jour avant j’avais employé tout mon après-midi à faire des vols-au-vent et deux tourtes. Je n’ai donc pas eu de farce pour les vols-au-vent, et voulant faire une crème pour garnir mes tourtes je n’avais pas de sucre assez fin. Le matin tôt j’ai encore fini deux lettres que le djongos a mises à la poste trop tard, ensuite je le renvoie en ville pour chercher ce sucre. Il rentre à 11.30 h. Je me mets vite à faire cette crème, je coupe ma tourte en deux, elle était restée plate comme une semelle parce que je n’avais pas de poudre à lever, je fourre ma crème au café entre, je schlargue de la crème dessus, pour finir avec une feuille de papier à lettre j’ai fait un cornet, mis mon reste de crème dedans et j’ai écrit sur la tourte 5.XII. Cela enfin m’a bien réussi pour dire que c’était la première fois que je le faisais. Mon dîner, en fin de compte, dont le menu a dû être changé à toute vitesse, s’est composé de fausses cuisses de grenouilles avec une sauce hollandaise de haricots avec pommes de terre et bifteck de veau. Pour dessert j’avais fait une espèce d’histoire avec des bananes que j’ai sorties de leur peau, mêlées avec du sherry et remises en place, garnissant le tout avec du blanc d’œuf battu en neige avec du sucre, cela faisait comme des petits bateaux et avec ma tourte  et du café tout a bien fini. Vers le soir je vais chez Mme Visser auxquels nous avions envoyé une cuillère et un poussoir en argent pour la petite. Mais ils ne doivent pas en avoir eu du plaisir à juger les remerciements qui étaient plutôt froids. La Röhwer était présente et naturellement elle est devenue jalouse de ce que les Visser reçoivent un si beau cadeau de nous. Vite le soir je lui ai aussi remis un petit peigne monté sur argent que je voulais lui donner pour Noël. Elle a paru contente et ainsi l’église est restée au milieu. Bah ! quel jour !

Vendredi nous sommes allés avec les Röhwer à Pramboen, une autre localité avec une immense fabrique de sucre qui ne travaille plus maintenant, et qui ne conserve plus que quelques Européens, chargés de surveiller ce qui reste. Nous avons été chez l’administrateur, un homme charmant, bien éduqué qui avait un tennis éclairé. Tout le monde a joué. J’ai fait la connaissance de plusieurs dames, mais elles ne me sont pas sympathiques, à Oscar non plus, mais enfin on est aimable quand même. Pendant que les messieurs jouaient, quelques dames avec l’aide des servantes ont vite préparé du riz rôti, un plat spécial ici aux Indes, appelé Nasi Goreng, et des satés, de la viande cuite à la broche. Mamali, une de ces prochaines fois je t’écrirai plusieurs recettes nouvelles très simples et bonnes. Nous sommes rentrés à minuit.
Le lendemain, les Röhwer ont absolument tenu à nous mener à une grande grotte souterraine, une curiosité dans le pays. Donc départ à 7 h. du matin, visité la grotte et déjeuné en pic-nic à 9 h. Ensuite pour rentrer nous avons été jusqu’au au bord de la mer. Mes chers ! un spectacle pareil, non, je n’en croyais pas mes yeux et ne pouvais pas réaliser que c’était moi qui avais la chance de voir un spectacle pareil, tiré des contes de fées. Une chaleur d’au moins 45° c’est vrai, mais qu’est-ce que cela fait. D’abord nous avons traversé des champs de riz séparés par des forêts de bambous, Papali, des forêts de bambous si beaux, si beaux, ensuite des dunes de sable de la hauteur desquelles nous avons eu la mer à nos pieds. 
près de Cilacap


Une mer bleue, un ciel bleu, à l’horizon des montagnes dans une brume violette, à perte de vue une grève de sable gris sur lequel viennent mourir des vagues de marée hautes de 2 mètres et qui en se recourbant faisaient des nuages d’écume blanche. Les vagues de marée sont très fortes sur le côté sud et ne permettent pas de baigner. Dans tout ce paysage des indigènes qui pêchaient des crabes, des crevettes et des femmes avec de grandes cruches aux couleurs vives qui faisaient du sel. Oscar a fait des photos, mais elles ne sont pas encore prêtes. Vous les recevrez. Oscar et moi nous étions ébahis de ce spectacle grandiose, dommage que nous étions avec les Röhwer qui ne cessaient de parler et ne nous laissaient pas une seconde admirer à notre aise, c’est pourquoi nous nous sommes bien promis d’y aller seuls, ou avec John et Jans, puisqu’il faut une auto. Nous sommes donc rentrés samedi vers 13.h, avons dîné et sommes allés dormir, car nous avions bu de la bière et la chaleur aidant nous n’en pouvions plus. Hier aussi nous avons dormi toute la journée, déclinant une invitation des Röhwer pour aller dîner chez eux.  Ils sont bien gentils, mais c’est fatiguant de toujours être avec eux. Elle est si curieuse, elle voudrait tout savoir de nous, comme elle ne fait aucune difficulté pour tout nous dire d’eux. Si nous nous laissions emporter par le courant, on serait ensemble jour et nuit, des inséparables et trois mois après il y aurait des bringues, aussi sûr que deux et deux font quatre. Elle a déjà cru commencer par entrer chez moi par la porte de service pour tout voir et tout entendre, mais je n’ai pas été longtemps à lui apprendre à entrer par la porte des visites, Oscar m’a d’ailleurs soutenue en cela. Vous allez vous demander comment nous pouvons nous payer des plaisirs ainsi au milieu de la semaine, mais c’est que la fabrique a été fermée pour une semaine. Elle recommence demain et alors fini les vacances.
Ce matin j’ai joué au tennis avec la petite Röhwer. Elle parle tout le temps, elle est agaçante. Elle coud bien, mais sans coupe et sans beaucoup de goût. Maintenant elle copie tout ce que j’ai. Mais t’en fais pas, je suis gentille avec elle. Nous sommes si contents d’avoir pris avec nous tant de livres. C’est peut être pour nous la chose la plus importante que nous ayons eu comme bagages, nos livres. Ils nous aident à vivre et à passer des heures charmantes.

 Vers le soir j’ai vite été en ville pour acheter quelques petites choses, et pour rentrer j’ai pris une grande route par les champs de riz et j’ai admiré de nouveau un de ces coucher de soleil fameux. Ce que c’était beau vous ne pouvez pas vous imaginer cette richesse de couleurs. Un ciel bleu toujours plus foncé puis vert, violet, des nuages dorés, des montagnes violettes, le tout baigné dans une atmosphère rose orange avec les forêts de palmiers et les champs de riz d’un vert changeant sans cesse. Sur tout cela la nuit descendant lentement, doucement, avec tout un monde d’insectes qui se réveillent et font mille petits bruits, petits cris, et les mouches luisantes près des arbres comme de petits phares s’allumant et s’éteignant sans cesse. Et toutes ces senteurs que la terre exhale ! Ah, charrette, je n’y suis pas insensible au charme des tropiques et je comprends qu’une fois de nouveau en Europe, on en a toujours l’ennui, comme ici on a l’ennui des affections et des traditions et habitudes laissées en Europe.
Cette semaine nous avons enfin reçu le gramophone d’oncle René, mais cela a été une rude déception. Ce n’est ni un Master’s Voice ni un Columbia, mais une marque tout à fait inconnue et le gramophone n’a pas dû être neuf, vu l’état dans lequel il est. Le son n’est pas bon mais tout de même pas trop mauvais de sorte que nous achèterons quand même quelques disques. Seulement s’il y manque quelque chose nous ne pourrons pas le faire réparer, tandis que les deux marques que nous avions demandées ont partout des agences ici, ce qui facilite bien les choses. Enfin, tant pis, et surtout Papali, tu n’auras rien de plus pressé à faire que d’aller écrire tout cela à oncle René, gare si je t’attrape, tu sais ! Je vais lui écrire moi-même pour le remercier, il a cru bien faire, s’il n’a pas réussi, enfin, non, n’en parlons plus.

Oscar vient de recevoir des nouvelles de Laren, et moi je n’ai rien reçu, j’espère que la cause n’est pas grave et que c’est seulement un retard de la poste.
Mes chers, écrivez-moi au moins quand vous aurez reçu toutes les photos, car nous brûlons de savoir si elles sont bien arrivées. J’espère que vous en aurez du plaisir.  Et avec tes canards, Papa ? Que faites-vous à Noël ? Allez-vous à St Gall peut être, ou viennent-ils à Bienne ?
Papali, raconte-moi un peu comment vont les affaires ?

Mes chers chéris encore une fois Bon et Joyeux Noël. Quand vous viendrez aux Indes vous verrez que ce n’est pas loin et que les gens sont bêtes quand ils disent : öööööö ! nach Indie, en s’imaginant que l’on ne peut pas vivre heureux ailleurs que dans son patelin. Bah ! je vous dis, j’ai trouvé mon eau.
Mes chers……. pour chacun de vous un bon baiser de fête

Votre Ge….

jeudi 13 août 2015







3 décembre 1933

Keboemen


De nouveau une semaine de passé, comme le temps passe vite : Merci de vos lettres, j’en ai aussi reçu une de Charlot qui nous a fait plaisir. Je lui répondrai directement. Hier soir, j’ai eu un gros chagrin, et je l’ai encore, mais il faut se raisonner. Je vous avais dit que Oscar avait trouvé un coiffeur ici qui était aussi coiffeur pour dame et hier soir… oh vous devinez, il m’en a coupé je suis presque chauve derrière, heureusement que je l’ai fait arrêter avant que les côtés y passent mais j’ai une sale tête pour le moment et ma belle permanente si chère est au diable maintenant ! Je vous vois rire, méchants que vous êtes, mais hier soir je n’ai pas ri, va ! Justement pour les Fêtes j’aurai une tête de poule mouillée.

karbouw/buffle
Une autre chose plus chic qui m’est arrivée, c’est que l’un de mes poulets que je garde pour notre rijsttafel du dimanche a prouvé qu’il était une poule et m’a pondu déjà 2 œufs, 1 hier et 1 aujourd’hui. Inutile de vous dire que maintenant je suis pour monter une basse-cour. Ah, avec quel plaisir j’ai inscrit la date sur ces œufs. Mardi c’est St Nicolas et en même temps l’anniversaire de papa Woldringh et de nos fiançailles hollandaises. Je fais un bon petit dîner, d’abord une soupe aux vermicelles des vol-au-vent avec du riz de veau, comme maman sait si bien les faire, mais moi je dois faire ma pâte de vol–au-vent moi-même. On verra ce que cela donne. Ensuite des haricots, des pommes frites et du bifteck de veau. Je vais encore faire une tourte que je garnirai avec de la crème fouettée, en boîte Nestlé. Ici il n’y a pas de crème, le lait des karbouw (buffles) est trop maigre pour en donner, mais comme lait, il a bon goût, on ne sent pas qu’il n’est pas de vache !

Les géraniums prennent très bien, mon fuchsia aussi, celui-là je l’ai acheté en pensant aux tiens, Mamali, au Chalet.
Mme Visser a mis au monde une jolie petite fille, je viens d’aller la voir et la maman aussi. La petite a des cheveux déjà longs. Gare cela va être quelque chose à garder. Les Röhwer sont allés à Tjilatjap (Cilacap) pour le weekend.
Ouf. J’ai dû arrêter hier soir, parce que les Röhwer sont justement rentrés en toute vitesse à cause de l’événement. Ils sont venus demander des nouvelles chez nous  et sont restés jusqu’à 10 h du soir alors que le Resident était là. A eux 3, les hommes ont bu 7 bouteilles de bière. J’ai servi des pistaches, des petits carrés de fromage, un reste de saucisse de samedi, des cornichons. Oh, dites-donc, samedi j’ai fait un légume d’oignons, c’était excellent, mais pardessus le marché, la baboe a encore fait des pouddings au sucre brûlé pour le dessert ! Ah, cela me fait pâlir rien que d’y penser (aux suites….) Oscar et moi ne tenions pas dans la même chambre !

Chouette, ce matin ma poule a encore pondu un œuf.
Mamali, dans une de mes lettres je t’avais demandé la recette du sirop de citron surtout les quantités ?
J’ai toujours énormément à faire, à écrire, à coudre, soit des coussins, des rideaux, ou autre chose, j’ai déjà un tas de chaussettes qui attendent d’être raccommodées. Avec cela il faut toujours apprendre à cuire des petits plats nouveaux, essayer des tourtes, des chuechli (petites tartes), vite aller voir comme va Mme Visser, une chamaille avec Buby pour s’embrasser autant plus après. 
Les semaines passent comme des jours, c’est toujours lundi, jour de courrier.
Mes chers, j’espère que vous vous portez, bien soyez heureux en pensant à votre Ge….


mardi 11 août 2015







26 novembre 1933
suite et fin

27 novembre 1933, lundi


Voilà la machine est libre maintenant. 
Hermes portative

Il est 4 heures et Buby va bientôt revenir et nous nous mettrons à écrire tous les deux. Un surveillant est tombé malade et c’est Buby qui le remplace. Il a donc des heures supplémentaires à faire pour surveiller les coolies. Il y en a tellement, on travaille jour et nuit à la fabrique, toujours par roulement, peut être qu’Oscar devra aussi aller surveiller la nuit. Il est maintenant Assistent Betriebsleiter, il est content. A début il était là pour voir un peu partout et apprendre le fonctionnement.
Je fais de mon mieux pour garder de bonnes relations : je vois qu’une femme peut beaucoup pour son mari dans ces choses-là. Enfin, mes chers, ne vous en faites pas.

Il y a deux jours nous avons enfin reçu de Danzas les connaissements de notre gramophone, ce que nous sommes contents ! Mais, Papa, tu m’avais pourtant écrit que tu l’avais fait expédier le jour après notre départ, et par les connaissements nous voyons que Danzas ne l’a expédié que le 30 octobre par le bateau Joan de Witt. Cela nous a étonnés, dis nous en la cause. Enfin nous sommes contents de l’avoir bientôt, le gramophone est encore à Batavia et nous avons chargé un ami de Oscar de l’expédier ou de le faire expédier.

Papali,  concernant notre contrat de mariage, il nous faudrait avoir un inventaire, c’est à dire une copie légalisée de l’inventaire que Luthy a reçu avant notre départ. Cette copie devrait si possible être datée du jour de notre contrat pour éviter des difficultés avec la loi hollandaise, qui exige que ces contrats soient faits avant le mariage. S’il y a moyen, il faudrait ajouter à l’inventaire original aussi bien qu’à la copie que nous demandons, le mobilier de notre ménage se montant à une valeur de Frs. 1500.00 (Ceci n’est pas la valeur réelle, mais c’est à cause des impôts ici qui sont très hauts.) En réalité nous avons dépensé pour notre ménage un peu plus de Frs. 3000.00 des Frs. 5000.00 que Papa Woldringh a mis à notre disposition en un crédit. Comme cela il nous reste encore une petite marge pour tous les cas.


Papali à Sutz 1933

Khaki 

Fatherli, je pense beaucoup à toi et tes canards, il y en a tant ici, et justement des khaki, ils pataugent dans les champs de riz qui sont toujours sous l’eau. J’espère que la combine avec Brero marche un peu et que tu feras de bonnes expériences. Je suis contente que tu aies pu faire des affaires à Londres. Je vais écrire à oncle René, merci de tes deux cartes, dont une de Manchester, ça m’a fait plaisir ce … just a kiss ! et ton rhume ? ne laisse pas traîner cela
Je continue à la main, Oscar ayant des lettres pressantes à écrire.
Cette semaine je vais coudre les rideaux de la chambre à manger, je vous en donnerai des nouvelles dans une prochaine lettre, ainsi que des progrès de notre installation Les dames ici trouvent qu’elle n’avance pas, mais moi je m’en fous, je prends mon temps et d’avoir encore des fenêtres sans rideaux ne m’empêche pas de dormir jusqu’à 4 h de l’après midi. Et puis après tout nous avons le temps de nous faire plaisir, n’est-ce pas ?
Mes chers, j’espère que la santé et le moral sont bons. Voilà mes chers, un bon muntschi à chacun de vous et nos meilleures pensées. De tout cœur votre Ge…