samedi 28 octobre 2017



Batavia


9 octobre 1941
236, à la main

Mes bien, bien chers et mynes Rötteli
Je viens d’apprendre qu’un avion part demain et m’empresse de vous écrie quelques mots. D’abord merci de ta lettre No 260, et aussi du billet de Loulou qui a été plus que bien venu. Tu écris tellement comme papa, Loulou, tu sais dire beaucoup en peu de mots. J’espère tant que ta combine pour succéder à Flotron réussira ! Mamali, est-ce que tu te rappelles encore ce souper au Coq d’Or avec Stern et Flotron avec sa ribambelle de femmes et belles-sœurs !?
J’ai aussi bien reçu ta lettre par bateau avec les 2 photos de Padreli en vacances avec M. Racine, c’était donc ta lettre 238. Comme le temps passe ! pour un peu on ne s’aperçoit pas qu’elle est âgée de plus d’une année, cette lettre.
J’espère que notre télégramme annonçant la mort de Coen (frère cadet de Oscar) ne vous aura pas trop effrayés, surtout toi, mynes Mamms. Je vous confirme aussi notre télégramme précédent pour l’anniversaire de Papali (23.9.).
Nous avons reçu aujourd’hui enfin une lettre de l’ami de Coen à Adyar (Inde) avec des détails. (électrocution sur une scène de théâtre, voir plus bas. ) Oscar est en train de la copier à la machine c’est pourquoi je vous écris à la main Si cela vous est possible nous aimerions que vous transmettiez cette copie à papa W. Nous ne voulons pas envoyer l’original pour ne pas risquer de le perdre. Tu pourras écrire à papa W. que nous confions à Ger ce qui est à Bombay, toutes les affaires de Coen, qui seront déposées dans un casier à la Banque (à Bombay) que nous louerons à cet effet par son entremise. Ger est un cousin d’Oscar, il vaut mieux ne pas mentionner son nom de famille, vous comprenez. Toutes ces choses appartenant à Coen resteront donc à la Banque à Bombay jusqu’à ce qu’il y ait une possibilité de les faire venir ici, à moins que nous les prenions avec à notre retour en Europe. Il y a quelques mois nous avons envoyé de l’argent à Coen pour remplacer les subventions qu’il recevait de papa W. Comme c’est très difficile en ces temps-ci d’envoyer de l’argent à l’étranger, nous attendions toujours une lettre de Coen, nous disant s’il l’avait reçu. Jeudi le 25 septembre nous recevions donc enfin sa lettre tant attendue. Il était heureux et content et nous racontait qu’il allait faire une tournée de quelques mois avec Dr. Arundale et sa femme Rukimini en qualité de manager. (théâtre et conférences de la Société Theosophique) Nous étions très heureux d’avoir enfin reçu cette lettre, car Oscar, surtout ces derniers mois, se faisait du souci pour Coen, sans bien savoir pourquoi. Exactement 20 heures après le reçu de cette lettre, Oscar a reçu le télégramme nous annonçant la mort de Coen. La lettre incluse vous dira comment ça c’est). Oscar la transcrit telle quelle, si pour une raison ou une autre il ne vous est pas possible de l’envoyer ainsi à papa W., il faudra qu’un des garçons la traduise aussi bien que possible. Vous me comprenez, hein ?
Dans sa lettre Coen avait envoyé une petite photo de lui, alors nous en avons fait faire 2 beaux agrandissements, mais je ne pense pas que je pourrai vous en envoyer un, il faut encore que je prenne des informations à ce sujet. Les amis de Coen lui ont rendu tous les honneurs possibles, seulement Oscar ne peut pas transmettre tous les détails à cause de la censure là où vous enverrez la lettre. Nous devons être très prudents depuis ici.
Tu auras bientôt une photo de moi, car j’ai fait arranger mes dents et j’en suis très très contente. Je peux de nouveau rire sans restreinte, sans me gêner un peu de laisser voir mes vilaines dents jaunes. Ces nouvelles dents sont un peu moins en avant, mais pour le reste, exactement semblables aux miennes. D’ailleurs la photo te le montrera.
La semaine prochaine nous allons à la montagne pour un mois de bonnes vacances et Oscar pour 2 semaines. Nous allons dans un très bon hôtel et je prends Kaidi avec pour avoir quelqu’un de confiance auprès de Conradli, si je fais une excursion avec Oscar. Après 15 jours, Kaidi rentrera avec Boili pour prendre soin de lui pendant que je resterai encore seule à l’hôtel avec Schnucksi. Cette année, Oscar n’a pas voulu que je loue un bungalow où j’aurais toute de même le ménage à diriger. Ainsi à l’hôtel je serai tout à fait libre et je vais bien en profiter. Pour le moment, j’ai encore terriblement à faire pour compléter nos garde robes. La robe en laine couleur tilleul avec cette belle ceinture en brocard a été transformée en toilette high life de nouveau. Conradli aussi sera joli dans de longs pantalons bleu marine avec une redingote blanche faite de vieux pantalons de flanelle blanche qu’Oscar avait une fois reçu de papa W. à qui ils étaient devenus trop petits ! Tu parles si je sais tirer bon parti de vieilles choses, hein ? Conradli se porte bien maintenant qu’il a toutes ses dents. L’autre jour, j’ai été avec lui chez le docteur pour la visite de contrôle. Il m’a demandé ce que je faisais avec cet enfant, qu’il avait déjà la taille et le poids d’un enfant de 2 ans. Quand je lui ai répondu que le grand-papa avait 2 m de long, il n’a plus rien dit (car le dr. lui-même ne m’arrive pas à l’épaule !). Conradli n’est pas maigre mais pas gros non plus et malgré l’avis du docteur, je ne lui donne pas d’œufs ni de viande ( ? elle n’était pourtant pas végétarienne), mais seulement beaucoup de légumes, du jus d’oranges et de tomates, du pain noir et du porridge. De temps en temps il reçoit une bouchée de fromage car il en raffole. En voilà un qui viendra avec nous quand nous irons faire la tournée des laiteries !
Ce que tu me racontes du Padreli et de l’influence qu’avait son impatience à la maison, je le comprends très bien. Vois-tu, je te comprends si bien en toutes ces choses, tu n’as jamais besoin d’avoir peur. Je ne peux naturellement pas juger de l’affaire de Charlot et ne puis qu’espérer qu’il réussisse complètement. Serait-il possible de m’envoyer une photo de ce M. Schlumpf ? J’aimerais avoir une idée du genre de type que c’est. Si Charlot a une fois un moment pour m’écrire qu’il le fasse en style télégramme, cela lui prendra moins de temps et m’en dira tout aussi long que de belles phrases. On se connaît assez pour se comprendre. La prochaine fois je te répondrai plus longuement, cette fois-ci je n’ai plus le temps, la lettre doit partir. Il se peut que je n’écrive pas pendant mon mois de vacances, tu ne te feras donc pas de soucis !
Boili souffre beaucoup de la mort de Coen, car Coen était pour lui ce que mes « petits frères » étaient pour moi, et ce qu’ils sont encore. Je suis contente qu’il puisse aller en vacances avec moi.
Je pense que vous déménagez de nouveau à Bienne, (pour l’hiver après l’été à Sutz) comme le temps passe ! Je pense beaucoup à vous mais je ne me fais plus de soucis, car je remets tout au Seigneur.
Sans cela tout va bien, je suis toujours très occupée et maintenant que j’ai de nouveau de belles dents, nous sortons souvent et avons du plaisir.
Voilà, mes chers, le temps presse. Mille bons baisers à chacun de vous…





vendredi 20 octobre 2017



Batavia

le 1er septembre 1941
235


Ma bien chère Rötteli et mes Charlous,
Je viens de m’apercevoir qu’il y a de nouveau un mois depuis ma dernière lettre et j’ai vraiment honte. J’espère de tout cœur que tu ne te feras pas trop de soucis à notre sujet. Je m’empresse d’ailleurs de te rassurer, ici tout est parfait sous tous les rapports.
Ce mois d’août a vraiment passé je ne sais pas comment, mais aussi il a été très agréable. Je vais commencer par le commencement et avec l’aide de mon agenda vous raconter tout ce qui s’est passé.
Premièrement merci mille et mille fois pour votre précieux télégramme qui a ouvert la série des jours de fêtes. (anniversaire de Nelly et de mariage).
Le 2 août qui était un samedi, Oscar venait de rentrer du bureau à une heure, il était assis et lisait son journal pendant que moi je faisais mes comptes, assise à mon bureau, et que Schnucksi s’amusait autour de moi. Tout à coup je vois et j’entends Kaidi pousser une exclamation effrayée et puis crac-crac-crac. Schnucksi s’était emparé d’une bouteille de sherry que Kaidi avait posée par terre à côté du frigidaire pour pouvoir enlever un plat et avait oublié de la remettre. Conrad s’en est emparé, mais l’a lâchée en entendant Kaidi pousser cette exclamation de frayeur. La bouteille s’est cassée, le vin s’est répandu par terre et Schnucksi a glissé dans tout ce liquide en se coupant  la tempe, au front et à l’épaule à la jointure du bras. Il a tout de suite saigné comme un petit cochon, ce que Boili le voyant, lui a complètement fait perdre la tête. Moi, j’ai empoigné notre Schnucksi et l’ai plongé dans une seille d’eau qui chauffait au soleil pour son bain de l‘après midi, ceci afin de faire tomber tous les éclats de verre, sans être obligée de frotter ce qui aurait provoqué encore d’autres blessures. Quand nous avons constaté la profondeur des blessures, nous avons enveloppé Schnucksi dans un drap propre et avons filé en auto chez le docteur, qui heureusement était à la maison. La blessure derrière l’épaule a dû être cousue car elle était trop profonde et en bougeant le bras il pouvait toujours l’élargir. Après 4 jours les pincettes pouvaient être retirées. Il ne reste que de petites cicatrices qui disparaîtront avec le temps, mais chez nous il n’y a plus de bouteilles qui traînent !!!
Ce samedi, dans l’après-midi, les Mogendorff sont arrivés de Keboemen. Dolf avait des vacances et Vola voulait absolument me voir, de sorte qu’ils sont venus pour trois jours, emmenant avec eux leur petite fille (May) qui a 6 mois de plus que Conrad. Ach, c’était quand même gentil de les revoir, j’aime beaucoup Dolf, quant à elle, tu sais bien mes pensées, je t’en ai assez écrit depuis Kediri, mais tout de même elle paraît m’aimer assez sincèrement et il faut apprécier un sentiment pareil quand on le rencontre dans la vie. Conrad s’entendait très bien avec la petite fille et depuis qu’il l’a vue faire pipi dans le pot, il trouve intéressant d’en faire autant. Hurra ! Le matin avant son bain et le soir avant de se coucher il fait pipi dans le pot et le reste viendra aussi, je ne me fais plus de souci maintenant.
Nos jours de fêtes ont très bien passé. Jeudi soir le 7 août nous avons eu la visite d’un collègue officier de Boili, avec sa femme, et justement votre télégramme est arrivé. C’est Boili qui l’a tout de suite pris des mains du facteur et l’a ouvert, parce que moi je ne peux pas encore bien recevoir un télégramme sans arrière pensée, depuis le télégramme de notre Papali (décès). Le vendredi matin, vers midi j’ai reçu une immense corbeille de magnifiques glaïeuls de toutes les couleurs de la part de Conrad.
Le soir nous avons d’abord été au cinéma puis nous sommes allés souper au restaurant. Nous avion une gentille petite table et la musique jouait bien pendant que nous dégustions chacun un petit plat à la carte (car je suis encore toujours prudente quant à mon régime) avec une bouteille de vin blanc. C’était un peu beaucoup  pour les deux, aussi la Näggeli s’est levée de table avec un gentil petit … vous savez quoi ! Boili m’a encore offert d’aller quelque part danser un peu, mais vu qu’il était déjà tard et qu’il était fatigué du bureau, nous avons décidé de remettre cela une autre fois et sommes rentrés par un beau clair de lune, heureux et contents les deux, nous avons vite été admirer notre Conradli qui dormait comme un ange.
Le 9 qui était un samedi nous avons été invités par Mr. D (Dozy)., le papa de Minnie, à aller au cinéma puis manger au restaurant chinois. Nous en avons beaucoup joui, j’aime beaucoup Mr. D. Quant à Minnie, elle est blessée à l’épine dorsale, mais heureusement la moelle épinière n’est pas touchée, de sorte qu’elle peut se remettre, mais elle doit rester couchée dans le plâtre pendant trois mois. Koo devait aller en tournée et a demandé à Minni de venir avec lui. D’abord elle ne voulait pas puis comme il insistait, elle a cédé mais elle lui a fait promettre qu’il ne prendrait pas le volant, car depuis sa maladie et sa paralysie, Minnie avait toujours peur d’un accident d’auto, sachant ce que cela pouvait lui coûter. Koo le lui a promis, mais à un moment donné, ils étaient près de rentrer, le chauffeur a eu sommeil et avait mal à la tête, alors Koo a tout de même été au volant (au lieu de laisser dormir le chauffeur pendant une demi-heure et de lui donner du café à boire) et n’avait pas conduit 300 m quand l’accident s’est produit. Ils descendaient justement une pente assez raide, quand les freins de la voiture n’ont pas joué. C’était une voiture neuve qui n‘avait probablement pas encore été bien révisée. Koo a naturellement été très abattu et Minnie très énervée, mais il paraît que maintenant cela commence à aller mieux. Madame D. est restée là-bas pendant trois semaines pour les remettre un peu en train et prendre les dispositions nécessaires pour Minnie qui sera amenée ici à Java sitôt qu’elle pourra être transportée. Heureusement si tout finit bien, mais cela a été terrible. Ils ne m’ont pas dit de faire savoir cette nouvelle à la famille de sorte qu’il vaut mieux que tu n’écrives pas avant que je te le demande. Ils ne peuvent tout de même pas aider en quoi que ce soit et c’est inutile de les mettre en soucis pour le moment. Les docteurs assurent que Minnie se remettra complètement.
Le 10 août était un dimanche. J’ai garni une tourte le matin et nous avons encore été en ville acheter des chocolats, car j’attendais des visites pour le thé. A midi nous avons eu le dîner traditionnel de la maison, le riz comme toi tu le fais, un poulet et de la salade aux concombres, puis une glace à la vanille avec des fraises. Frank et Go sont venus, ainsi que leur ami d’Oxford qui m’a donné de magnifiques orchidées Pour le thé, j’ai eu Rie (Rie Fraay), tu sais l’amie qui m’a appris à coudre puis les La B. avec leurs 5 enfants. J’avais fait beaucoup de sandwiches, ma tourte et un tas d’autres petites choses et nous avons pris le thé au jardin. C’était gentil, le soir j’ai encore eu la visite d’un jeune homme qui venait de Chine et ainsi toute la journée a passé comme dans un hôtel. Boili voulait me donner un jeu de ciseaux, de très bons ciseaux dont j’aurais grand besoin, mais il a été impossible de trouver ce que nous cherchions. C’est donc encore un cadeau en perspective. Pour nos 8 ans de mariage, nous nous somme payés un nouveau radio, spécialement pour pouvoir entendre l’émission suisse. Il y a quelques mois que notre vieux radio n’allait plus et j’avais toujours peur que votre télégramme arrive avant que nous en ayons un neuf.

Hier Annie (Elout) m’a tout d’un coup téléphoné, je tombais presque des nues, car nous ne les voyons plus du tout. Lui (Frank Elout) a été malade ces dernières semaines, d’abord une angine, et Oscar allait toujours lui rendre visite pour lui apporter un rapport du bureau, alors il était dans son lit à fumer ! avec une angine !!! Oscar en revenant me disait souvent : cela ne m’étonnerait pas qu’il tombe encore plus malade, avec une conduite pareille, et voilà, cela n’a pas manqué d’arriver. Enfin, il est mieux maintenant et le docteur lui a ordonné de prendre quinze jours de vacances. Alors elle m’a téléphoné pour me demander si je pouvais garder leur fils aîné (Frankje) pendant ce temps. Quand on a besoin d’eux on sait les trouver, les Woldringhs. Nous avons accepté tout de même, car il ne faut pas rendre le mal pour le mal. Depuis quelque temps ils sont assez bien avec le grand ennemi de l’ami aux 4 baisers. Ce dernier, pendant sa visite, vous en a parlé de cet homme qu’il détestait tellement, eh bien, maintenant le mari d’Annie se laisse tout à fait faire par cet home, tu peux penser quels sentiments cela soulève chez l’ami aux 4 baisers ! (Ma foi, j’espère que tu comprendras de qui je parle, car je ne veux pas dire de noms. Dans 2 jours j’aurai donc ce gosse ici pour deux semaines).

6 septembre
Cette lettre doit toujours être interrompue et quand je m’esquive un moment pour écrire quelques lignes Schnucksi accoure et veut écrire aussi, et quand je le défends il empoigne la lettre et ne veut pas la lâcher. Il est maintenant dans un âge où il ne peut pas encore s’amuser tout seul ou alors il s’amuse avec tout ce qu’il ne doit pas. Il a aussi cette habitude (parce qu’il est enfant unique encore) de toujours vouloir que maman soit avec lui et alors je n’ose pas fixer mon attention à autre chose. Je veux bien que ces jours-ci il est enrhumé et il lui vient 4 molaires, et deux dents, tout ensemble.
8 septembre
Frankje Elout, le soir, mange ensemble en même temps que Schnucksi, alors Schnucksi a vu qu’il mangeait avec la fourchette et le lendemain il a réussi à chiper ma fourchette et depuis il mange aussi avec la fourchette, sans que je lui aie rien dit ou montré. C’est fou ce qu’il apprend de choses ce gosse, tout seul, rien qu’en observant de lui-même. Pourtant j’ai des journées très pénibles avec lui, il pleure à tout moment, des fois sans raison apparente, parce qu’il doit avoir mal aux dents. Il n’a pas envie de s’amuser non plus et toujours encore son nez qui coule.
Hier j’ai eu Rie Fraay à dîner ici, son mari est à la clinique pour quelques jours.
Je prends maintenant un cours de cuisine javanaise où j’apprends à faire de la rijsttafel. Nous sommes une dizaine de dames et nous avons beaucoup de plaisir.
Je t’ai déjà écrit, je crois, qu’en cas d’urgence (invasion etc) je suis employée au poste des enfants du quartier. Nous serons toujours deux dames qui devons s’occuper de la cuisine et des enfants. J’aime bien cela car ainsi je puis avoir Schnucksi avec moi, et en lieu sûr. Il ne faut jamais te faire du souci pour nous, je saurai bien me tirer d’affaire quoi qu’il arrive. Nous sommes bien organisés maintenant ici et cela nous donne à chacun un sentiment de sécurité. (Les Japonais avaient déjà envahi l'Indo-Chine en 1940. et préparaient, comme on le sait à présent, l'invasion de la Malaisie et des Iles Philippines).
Je crois que je ne t’ai pas encore remerciée pour ta lettre 259. Je vois que vous jouissez de nouveau de notre Chalet, ah oui, vous avez raison, c’est un coin unique au monde. J’y pense souvent, et j’avoue que des fois l’envie ne me manque pas d’y être avec vous et surtout d’y voir courir notre Conradli. Quand il se couvrira de boue vers le lac comme les Charlous autrefois ! Ou bien est-ce que ce ne sera plus possible ? Avec toute cette civilisation !!! Enfin, n’y pensons pas trop, tout arrive à temps pour qui sait attendre !

10 septembre
Il faut absolument que je finisse cette lettre ; pour pouvoir le faire en paix, je suis venue me cacher dans la chambre pendant que Schnucksi est seul sur la terrasse dans son box, et ma foi, je vais le laisser crier jusqu’à ce que j’aurai fini.

Hier soir, nous avons été tirer Boili et moi avec les La Bastide. Nous sommes membres maintenant d’un club de tir et cela nous plaît beaucoup. Pour dire que c’était la première fois que j’avais un fusil en main, je n’ai pas eu de trop mauvais résultats car 5 fois de suite j’ai tirée au beau milieu du but. Probablement c’était plutôt dû au hasard qu’à mon adresse, dommage !
Notre congé d’Europe est encore tellement incertain. C’est très difficile pour Boili de prendre des vacances, vu qu’il n’est presque jamais au bureau, alors j’ai l’intention de louer un bungalow de nouveau pour 1-2 mois de sorte qu’il puisse y venir pour les week-end. Pour moi aussi c’est nécessaire d’aller à la montagne chaque année maintenant, car je n’ai plus non plus la résistance d’il y a 3-4 ans, c’est logique. Mais avant de pouvoir partir, il me reste encore beaucoup à faire, car Conrad n’a plus rien d’assez grand à mettre, c’est fou ce qu’il grandit.
Je pense souvent à notre Padreli, mais plus avec tristesse, seulement avec tendresse. Je suis contente de le savoir dans la grotte tout près de toi et au cœur de son Chalet qu’il aimait tant. Je prie pour que toi aussi tu puisses penser à lui ainsi et que la solitude ne te pèse pas trop. Aussi toute ma tendresse à mes petits frères, cela me rend si heureuse qu’ils soient toujours bons et gentils pour toi, cela me soulage beaucoup. Ce n’est pas que je m’attendais à autre chose de leur part, mais la vie !!! Mes chers, si Dieu nous accorde de nous revoir, nous tâcherons de savoir en jouir de ce bonheur, d’en jouir pleinement et consciemment. Ah, c’est presque trop beau d’y penser. En attendant, prenons patience et surtout sachons avoir confiance.
Mille bons muntschis à vous tous et mon affection à tous ceux qui ont encore de l‘amitié pour moi.