dimanche 29 janvier 2017




Tjilatjap

25 octobre 1938

Ma petite Rötteli
Je viens de finir ma lettre à Charlot et celle au Padre, et je m’aperçois qu’il y a encore beaucoup de poids libre, alors j’en profite vite pour écrire à ma sale Rötteli et pour la remercier de sa longue et bonne stämpere no 193.
Comme je te comprends que tu sois contente que la Fanny (sœur célibataire de Rose) ait enfin quitté !  Est-ce qu’elle est liée à St Gall finalement ? Chez cette vieille demoiselle qui lui a payé un mois d’avance ? Oui la chère Banely n’a jamais bien pu tenir en place chez nous, de tout temps elle se croyait certains droits chez toi, et je comprends que cela t’a souvent mis en colère et devant bien des problèmes difficiles avec le Padre par exemple. D’un autre côté, c’est une pauvre diable sans home dont il faut avoir pitié aussi. Tu as raison, qu’elle vienne chez toi pour quelques jours en visite, mais pas plus longtemps, car je te comprends et je t’approuve. Tu n’as pas besoin d’avoir peur, je n’en dis jamais rien ni aux garçons, ni surtout au Padre.
Si tu savais comme tu me fais plaisir en me disant ce que tu désires que je t’envoie ? Je suis si contente de pouvoir acheter quelque chose dont je sais d’avance que tu en auras du plaisir, car c’est souvent bien difficile de choisir des choses dont je ne suis pas sûre que tu en auras beaucoup de plaisir. Tu me connais, j’aime bien te donner tout ce que je peux, j’ai vraiment du plaisir à vous faire de petits cadeaux, mais je déteste dépenser de l’argent quand je ne suis pas sûre que cela fera plaisir, alors je trouve l’argent fiché loin, et cela je ne le peux toujours pas, tu me connais.
Donc tu auras ton bol plus grand. Dois-moi pourquoi tu le veux ? Tu sais ici on les emploie comme saladier : tu peux très bien les laver à l’eau froide. Sitôt que j’aurai ma paye au commencement du mois prochain, j’irai voir ce que je peux acheter dans ce genre. Les petites cuillères que je t’ai envoyées sont en écaille véritable. Je les ai aussi et les emploie pour manger les œufs à la coque.
La Hedy Aeberli est vache de te faire peur ainsi, je crois que si j’avais été là je l’aurais gifflée.
Que la Rötteli ait des fils gentils, aimables et distingués, c’est une chose tout à fait naturelle, puisque elle-même est gentille, aimable et distinguée ! Dommage que les Biennois ne s’en aperçoivent seulement maintenant.
J’ai écrit à la tante Engel que je viendrais donc à Kediri et elle m’a tout de suite répondu avec enthousiasme. Dans ma lettre, j’avais aussi dit que tu t’étais très fatiguée avec toutes les visites que tu avais eues à Sutz, et que tu devais reprendre un repos complet, alors elle me répond que Mies (fille de tante Engelhart) avait aussi reçu une lettre de toi dans laquelle tu disais la même chose !!! Mies est à Paris maintenant, mais elle veut encore venir vous voir avant de quitter pour les Indes ! Je ne sais pas quand ce sera, mais t’en fais pas, je saurai bien m’arranger pour qu’elle ne vienne pas, ici on peut très bien dire ces choses-là. Je dirai que cela te donne trop d’émotion et que ce n’est pas bon pour ta santé.
Ce que tu m’écris de la Raball ne m’étonne pas du tout, quoique cette madame Steiner Schütz peut aussi exagérer, peut être. Mais que les Raball aient des dettes, cela ne m’étonne pas du tout et qu’elle ait la folie des grandeurs non plus. Je veux lui répondre à sa lettre par pure politesse, mais je ne lui laisserai aucune illusion quant à mon amitié pour elle. En voilà une qui ferait tout pour me voler mon mari une fois que j’irais la voir, en Europe, et merci, la vie est déjà assez méchante sans cela, sans qu’on se fasse trahir par de prétendues amies. Qu’elle aille aux pives !
J’ai bien ri de votre beau pic nique, et je suis contente que vous ayez eu du plaisir. Nous aussi avons eu deux beaux dimanches sur l’île Besa Kambamgan (aussi Nusa Kembagan, île devant Cilacap). D’abord avec les Lovius, nous avons fait une merveilleuse promenade le long de la mer, et dimanche passé avec le jeune docteur et sa femmelette qui n’a que 17 ans. Inclus quelques photos.




La Racker Anni c’est un morceau de poison, laisse-la tranquille, ne te laisse plus prendre dans ses griffes, cette vieille chipie.
La Mily en est aussi une comme cela. Je l’avais invitée, mais elle ne vient pas, n’ayant plus d’argent ce mois pour payer son voyage et ce n’est pas moi qui vais le lui avancer. Qu’elle reste où elle est, je n’ai ai pas l’ennui, au contraire, car Buby ne peut pas la sentir. Oui, elle vit comme cela pour son bon plaisir en Fille de bonne famille. Elle ne fout rien, mais va seulement en visite, se laisse gâter par tous les Suisses qui voient encore en elle madame la Consule et c’est tout ( !!!!). Je lui ai déjà dit si souvent de se chercher une occupation, mais elle ne le fait pas, alors je m’en fous, elle n’est pas ma fille. N’ayez pas peur, je ne lui fais pas trop la leçon, je sais trop bien que cela ne sert à rien, chacun doit vivre sa propre vie.
Ma petite Rötteli, c’est le moment de finir, la poste attend. Mille bons baisers. Ici tout va bien mais nous n’avons encore toujours pas de nouvelles de papa W. Sitôt que Loulou sera rentré (de Hollande) dis-lui qu’il m’écrive à ce sujet, car Oscar commence vraiment à s’inquiéter. J’ai reçu une lettre de maman Koningsberger (maman de la mariée) avec des photos de la noce. Elle me dit aussi comme ils ont eu du plaisir à Loulou comme c’était un jeune homme gai, enjoué toujours aimable et si bien élevé ! J’ai reçu une très belle photo de Loulou avec sa dame à la noce. Il est très bien.
Voilà Rötteli mia, un bon muntschi de ta Ge….




samedi 28 janvier 2017



A la main


Tjilatjap

24 octobre 1938

Mon cher Padre

J’ai passé toute la journée à écrire à Charlot à répondre à toutes ses lettres et maintenant je veux profiter du courrier pour y joindre une lettre pour toi.
Merci de tout cœur de ta dernière lettre qui, comme toujours, m’a fait bien plaisir. (Pas moyen d’écrire droit ce soir je ne sais pas d’où ça vient, je n’ai pourtant pas bu !)
Je vois d’après ta lettre que tu es toujours actif et ça me fait plaisir aussi bien que je préfèrerais quelquefois que cette activité se porte sur un terrain plus conséquent. Mon Macaroni, tu restes toujours le même, et je crois que si j’étais encore avec toi au bureau nous aurions des démêlés bien des fois.
Si vous n’avez rien reçu de Stöcker (magasin de montres à Bandoeng) au reçu de cette lettre ci, alors écrivez-lui une lettre vous référant à la commande qu’il m’a fait entrevoir, mais pour l’amour… tâchez de lui envoyer une lettre propre et surtout sans fautes.
Engelke, pas moyen de l’attraper, il faut attendre une nouvelle visite à Bandoeng pour cela.

Quant au chapeau de pêche, plus moyen d’en avoir. Il faut attendre d’être à Soerabaya, peut être que je les retrouverai là. Je ne peux pas acheter l’armature seule vu que c’est dans un grand magasin japonais de sport. C’est un article importé et il faut le prendre comme il est. 



Ce que je pourrais t’envoyer et je désire le faire depuis longtemps, c’est t’envoyer des chapeaux de coolies d’ici, en paille de riz, ou plutôt en une sorte de raphia. Ce sont des chapeaux immenses, très léger et qui servent aussi bien de parapluie que pour abriter du soleil. Ils sont épatants et je puis très bien m’imaginer ta binette là-dessous !
Seulement informe toi pour savoir si les pailles importées ne paient pas de droits de douane très élevés vu que nous avons nous même une industrie de chapeaux de paille en Suisse.

Question de singes, mon cher, c’est bien une question de… singe. Il y en a assez ici, c’est vrai, mais il faut les attraper et puis le transport, les soins et l’acclimatation en Suisse ! Allons, tu n’y penses pas, c’est de nouveau une de ces fantaisies dont tu ne te corrigeras jamais ? A ta place j’attendrais  tranquillement d’être millionnaire, ou d’être entièrement remboursé par Brero avant de penser à t’engager dans une aventure pareille (entre nous, je comprends bien que tu n’étais pas sérieux, en m’écrivant ça, mais je tenais tout de même à te dire ce qu’il en est !)

Quant aux nénuphars, j’en ai en effet vu de très jolis là-haut en vacances et j’ai bien pensé à toi, mais ce n’est pas permis de les exporter. Ici il faut demander des certificats pour chaque exportation de plantes, d’arbres etc et c’est toute une histoire et beaucoup de frais. J’ai déjà essayé de vous envoyer des orchidées, mais j’y ai renoncé pour le moment. Dis à Lehmann qu’il en demande au Jardin botanique d’Amsterdam.

En ce qui concerne Brero, (voir Who is who) je suis contente pour lui, je crois aussi en son génie des affaires et j’ai une très haute opinion et entière confiance en ses capacités, mais mon cher, il n’a pas la volonté de te rembourser. S’il voulait vraiment liquider sa dette envers toi, il pourrait te rembourser soit Fr 25.- par mois. C’est une petite somme qu’il ne sentirait pas dans ses comptes et à toi et maman cela rendrait toujours service. Mais entre nous, mon cher Padre, est-ce que toi tu songerais à  donner de l’argent à un ami quand tu peux le contenter de belles paroles ? En tous cas, moi, en bonne commerçante, j’agirais tout à fait comme Brero. Pourquoi payer quand on peut contenter son monde avec de belles histoires ? Encore une fois, j’admire Brero, je le respecte même pour ses mérites incontestables, mais je doute absolument de sa bonne volonté envers toi.
Mon cher, je ne tiens pas à en dire plus, tu gobes ces belles promesses et ses grands projets te rendent heureux,  alors que veux-tu de plus ? Tout ce que je désire, c’est de vous savoir heureux, et sache bien que je parle tout à fait sans rancune contre Brero. Moi aussi j’ai entière confiance en son savoir faire, et ma foi, je l’admire vraiment, il m’en impose, car j’ai des expériences assez étendues ici pour voir les situations d’un point de vue désintéressé et pour cela juste.

Quant à Charlot, je ne peux rien te dire, car j’aimerais aussi entendre la cloche de ce côté là avant de me former une opinion.
Pour Loulou, c’est la même chose, il y a bien longtemps qu’il ne m’écrit plus.
Et maintenant mon cher, sans rancune, hein ? 
Tu sais que tu es toujours mon vieux Macaroni que j’aime de tout mon cœur et plus tendrement à mesure que les années avancent, malgré nos différences à envisager les affaires.
Par affection amicale de ta grande passion, j’ai deux oies dans mon jardin et je les aime bien, je t’assure.
Mon bien cher Padre, avec tous mes vœux pour ta santé, reçois aussi mille tendres muntschis de ta
Ge…. toujours.








Tjilatjap

18 octobre 1938
A sa maman

Quelle fête de recevoir ta lettre 192 et les belles photos. Celle du déménagement m’a rappelé bien des souvenirs de jours pareils dans le temps. C’est donc toujours encore la même chose, hein ? La photo au bord du lac de Thoune est bien jolie aussi, mais sur l’autre, où il y a des sapins derrière l’auto, tu es pourtant avec Banely et Minna. J’ai vraiment eu de la peine à reconnaître Minna qui est très élégante vraiment. Et la Banely aussi.
J’ai reçu la lettre de madame Raball qui n’a vraiment pas changé pour deux sous. Elle blague de tort à travers comme elle est heureuse, etc, et son grand logement et sa peinture sur porcelaine etc. et la fin de l’histoire c’est qu’elle compte que je revienne bientôt en congé, alors n’est-ce pas, c’est très intéressant d’avoir à dire « mon amie de Java ». Non, elle peut aller se faire f… elle ne me verra plus. Je vais répondre à sa lettre pour la politesse, mais c’est tout.
Vraiment la nouvelle au sujet de Max (veuf de Tata, tante de Nelly) m’a donné un choc, (sa jeune et récente épouse est morte). C’est presque pas croyable qu’il soit puni de la sorte. J’ai tout de suite pondu une lettre, car vraiment j’ai pitié, mais je pense qu’il n’est pas puni ainsi pour rien. Cela se peut très que cette jeune femme ait eu ma maladie, vu que cette encéphalite (Nelly a eu une encéphalite à 15 ans) est propagée par des microbes. Il se peut donc très bien que tes suppositions ne soient pas justes.
Je suis bien contente que tu aies ainsi joui de la Fiat. Merci encore de toutes les belles cartes postales que j’ai reçues. Merci aussi encore mille fois pour les beaux souliers. Ils sont ravissants et ils me vont comme un gant. Comment fais-tu pour les choisir selon mon pied. As-tu quelqu’un pour les essayer ? Dis-le moi. Ah, quel plaisir de les porter, d’être bien chaussée ! Plus de souliers chinois pour moi, sauf pour les sandalettes.

Nasi-goreng veut dire du riz rôti, c’est un plat spécial d’ici dont je t’ai donné la recette dans le temps, deux fois déjà.

Moi aussi j’ai prié en ces jours de septembre, et j’ai lu dans ma bible bien des fois. Bon sang ! j’avais si peur que je n’ai pas encore fini d’en rêver la nuit.
Depuis le mois d’août nous n’avons plus eu de nouvelles de papa W. et Oscar est un peu inquiet. Est-ce que Loulou ne pourrait pas nous donner un peu de nouvelles le concernant ? Comment cela va-t-il avec la Auntie (deuxième épouse de papa W.), est-ce de ce côté là que papa W. a des soucis ?
Je tâcherai de te faire le plaisir avec les chemises aux garçons, mais je ne peux pas promettre qu’elles soient à temps pour Noël. Je n’ai pas encore trouvé la soie qui me plaît et peut être que j’attendrai d’être à Soerabaya pour les faire faire. Enfin, je verrai.
Quant à un costume de bain, oui, tu peux bien m’en envoyer un autre, seulement cette fois-ci, tu n’en achèteras pas un trop fermé !!! J’ai mis le jaune citron deux fois pour aller nager ici, mais il ne va pas, il se détend sur les côtés de sorte que cela gonfle où il y a les bümeli (seins), et puis il est trop court, il y a les füdlibacke (fesses) qui sortent comme des saucisses. J’aimerais bien un costume de bain moderne, mais avec des bretelles sur les épaules, et puis il te faut faire attention à une bonne coupe, prends une marque connue telle que Jantzen, Goldfisch etc. Tweka  ou n’importe quoi qui ait une bonne réputation en Suisse. Dans un article pareil, il faut de la qualité. Comme déjà dit, tu n’auras pas besoin d’en acheter un pour une nonne, compris ?
J’aime mieux avoir des bretelles au dos, parce que mon dos nu n’est pas joli, j’ai les omoplates trop saillantes, alors des bretelles sont plus flatteuses, et aussi cela permet une meilleure coupe du costume. Combien as-tu payé ce jaune citron ? Je veux tâcher de le vendre. Dis-moi donc le prix stpl.

On a eu la visite de Elout (le supérieur de Oscar à Batavia) la semaine passée. C’est donc en ordre, nous allons à Kediri au commencement décembre. Les Saayers, administrateur de Kediri, ne partiront qu’en janvier, donc nous ne pourrons pas entrer dans notre maison avant et serons sans toit pour Noël cette fois-ci. J’ai déjà dit à Buby que nous tâcherons d’aller dans un hôtel dans la montagne, car nous préférons être les deux seuls qu’avec des gens qui ne nous sont pas trop sympathiques. Elout n‘était pas content cette fois-ci et a gueulé de tort à travers. Il voudrait aussi que je laisse mes meubles ici pour que Saayers n’ait pas besoin de déménager les siens de sa maison et pour que notre successeur ici, qui revient de Hollande et n’a pas encore de ménage, puisse gentiment s’installer dans le mien. J’ai répondu que j’étais toujours prête pour des combines pratiques, mais qu’il fallait aussi que j’y aie mon avantage et que dans ce cas-ci je ne pouvais pas voir d’avantage pour moi. Je ne suis donc pas dupe, et je vais prendre mes meubles avec. Alors Elout m‘a répondu que s’il voulait il pouvait me donner l’ordre de laisser mes meubles ici ! A ces mots, Oscar s’est mis sur ses éperons, nom d’une pipe, je ne l’ai jamais vu aussi fâché. Vraiment c’est une grande injustice de Elout. Nous sommes connus pour être très bon et serviables, mais il ne faut pas profiter de nous. Je pense que Elout a déjà promis aux Saayers que nous irions habiter dans leurs meubles et qu’ainsi ils seraient bien soignés pendant leur absence, et maintenant que je ne veux pas marcher dans la combine, il se trouve attrapé. Il faut en faire de toutes sortes des expériences !  Enfin, on verra encore comment cela se terminera. Ces Saayers sont des lèche-culs et Elout s’est laissé prendre à leur miel, mais c’est pas la Näggeli qui en sera la dupe.
Seulement il ne faut pas te faire de soucis à cause de cela, Mamms, nous saurons bien nous tirer d’affaire, et nous ferons notre possible pour que tout aille bien à Kediri. Heureusement que je me porte mieux à présent, ainsi c’est aussi plus facile de surmonter des difficultés pareilles. Elout n’en revenait pas de me voir si bonne mine.
Le dernier soir qu’il était ici, j’ai tout de même donné un petit dîner avec une bonne bouteille de vin et j’ai invité les Oliemans. C’était très gentil. Tu vois que la Näggeli n’est pas sans diplomatie !
Je te quitte pour cette fois-ci, je tâcherai encore d’écrire une lettre de famille.





Tjilatjap

7 octobre 1938


Alors je pense que vous avez déménagé (du chalet de Sutz en ville de Bienne), car il y a déjà quelque temps que je n’ai plus eu de stämpere (longue lettre de bavardages) de la Rötteli. Tu vas peut être te fâcher de ce mot « stämpere » mais si tu savais comme je les apprécie ! Peut être que j’en recevrai une à midi, juste après le départ de celle-ci.
Je n’ai en somme pas trop de nouvelles à vous donner, la vie suit son cours. Je suis toujours bien occupée, hier j’ai fait de l’ordre dans mon « goedang » (débarras, remis, galetas), fait de l’ordre parmi toutes les caisses et les choses d’emballage qu’il va falloir employer bientôt. J’ai aussi vendu un tas de vieilleries et fait un paquet de vieux habits pour l’Armée du salut. J’ai aussi commencé à coller toutes nos photos dans des albums. J’en ai fait un de Sutz, spécialement du Chalet et de notre vie à Sutz. J’en ai déjà tout un album plein, j’ai fait recopier tous les vieux films de dans le temps. Il y a des douzaines de photos de mes petits frères, à tous les âges, dans toutes les positions. Quand j’aurai tout fini et bien complet, je vous enverrai les films, car ils se gâtent ici, et ainsi les garçons pourront aussi composer un album de leur jeunesse, ce qui est toujours apprécié plus tard dans certaines circonstances !!!
Demain c’est la fête de Elly Oliemans. J’ai fait deux coussins pour sa veranda, et aujourd’hui la koki fait une tourte, et je viens de commander des fleurs. Nous irons souper chez eux, elle donne un hors d’œuvres dont ma koki fera aussi la mayonnaise, tu sais, Mamms, celle que je cuis d’abord. Je crois que je t’avais déjà donné la recette dans le temps. Ma koki sait bien cuire, c’est dommage que je devrai la perdre quand nous partirons d’ici.
J’ai fait la connaissance d’une dame qui est ici depuis peu. Elle parle bien le français, car elle a eu une gouvernante suisse française quand elle était petite. Elle a aussi habité une année à Samaden (Engadine/Suisse), et trois ans à Milan, donc elle parle aussi bien l’italien. J’ai un plaisir fou, car nous allons souvent parler ensemble maintenant. Son mari est très bon joueur d’échecs, ainsi les hommes auront aussi leur passe-temps.
Voilà. Mes chers, je viens d’avoir eu des visites qui m’ont empêchée d’écrire tant que je voulais. Maintenant il est midi et cette lettre doit partir. J’y joins quelques photos puisqu’elle est si courte.
Je suis si contente que les soucis au sujet de l’Europe soient écartés pour le moment, cela reste dangereux, je le sais bien.
Sachez que nous nous portons bien. Oscar est complètement remis de son angine, et moi j’ai senti mon foie hier soir, mais aujourd’hui je tiens un régime strict et cela passera de nouveau. Le docteur à Bandoeng m’avait bien averti que c’était chronique, il faut donc en prendre son parti.
Mes bien chers…..
 Votre Ge… et son Bibybabuby



dimanche 22 janvier 2017




Tjilatjap

11 septembre 1938

Mon cher Padre, Macaroni mio,

C’est donc pour te souhaiter une fois de plus une très bonne fête, toujours bonne santé et un cœur heureux. Mon grand-gros-gras Macaroni. Je suppose et surtout j’espère que tu as une fois de plus beaucoup joui du Chalet cet été et je t’en souhaite de tout cœur many many very happy returns of it.
J’aurais voulu t’envoyer quelque chose pour te faire plaisir, mais pas moyen. A Bandoeng, j’ai cherché de droite à gauche pour un autre de ces chapeaux de pêche japonais, mais tout était déjà vendu, et peut être  qu’ils recevront un nouveau stock du Japon, mais rien n’est sûr. J’ai également cherché d’autres choses, nouveautés etc, qui pourraient te faire plaisir ou t’être utile mais je n’ai rien trouvé.
Par contre  j’ai été chez Stöcker où j’ai travaillé pour toi. Je regrette que je n’aie pas pu emporter la commande, mais seulement la promesse des deux messieurs, que tu aurais une commande pour la fin de l’année. La deuxième fois que j’y suis retournée, Mr. Stöcker n’était pas là, mais Mr. Preisig m’a dit que Stöcker était déjà en train de sortir les références et vérifier les articles pour détailler la commande. Ils travaillent beaucoup avec ERA, mais ils m’ont avoué que nos prix concurrençaient bien, alors j’ai dit qu’ils devaient vous donner la préférence, mais à cela j’ai de nouveau eu la vieille réponse : Era livre mieux, plus vite et avec plus d’ordre. Ces charrettes d’Era. Enfin, je compte sur Loulou pour y mettre de l’ordre et de la méthode. Même jusqu’à leurs factures qui ont meilleure façon, je ne sais pas à quoi cela tient, mais chez nous cela continue toujours d’avoir quelque chose de « pas fini », ce qui est regrettable. Et surtout surveillez votre correspondance, votre orthographe d’abord et ensuite un peu le style, qu’il soit commercial cela va de soit, mais rangé, fini.
Si au commencement novembre vous n’avez rien reçu de Stöcker, alors écrivez-lui pour demander « à quoi c’en est ». J’ai insisté pour qu’il vous commande par douzaine au moins. Je sais qu’il n‘a plus de 10 1/2" pour hommes, car j’ai voulu en acheter une pour Oscar et ils ont vendu la dernière pendant que j’étais là. (Vous n’irez pas leur écrire cela !) Si c’est possible, foutez-lui son nom sur les cadrans, il aime bien cela à ce que je m’en suis aperçue. J’ai dit qu’à partir de la douzaine, cela pouvait se faire, une douzaine du même article naturellement. Chaque fois que j’y suis, le magasin est rempli de client, cela semble bien marcher. Une chose que Stöcker m’a encore dit, c’est que vous lui avez confirmé la commande acceptation contre documents et qu’il a dû payer autrement, je ne me rappelle plus bien, mais enfin, il a dit que partout en Suisse il payait de cette manière. Enfin, je pense qu’il vous écrira également là-dessus et alors vous pourrez lui donner satisfaction. Je ne sais naturellement rien de leur position envers la Banque, mais comme types, ils sont aussi honnêtes que nous !  Ils semblent travailler beaucoup avec Meyer Stüdeli et aussi avec un certain Louis Borel de Neuchâtel. Le connaissez-vous ?
Je n’ai malheureusement pas pu me procurer l’adresse de Engelke, ce que je regrette beaucoup. Je compte toutefois retourner à Bandoeng en octobre et alors referai de nouvelles démarches dans ce sens.
J’ai donc appris que Loulou allait à la noce d’Eddy et d’Ans (le frère de Oscar). Nous avons décidé de téléphoner avec eux. C’est ainsi : Pendant ces fêtes de jubilée la compagnie de P.T.T. organise des conversations avec la Hollande à prix très réduit, Fl. 5.- les trois minutes, alors que d’ordinaire c’est Fl. 15.-. Nous avons immédiatement demandé 2 conversations, une pour les Woldringh et une spéciale pour moi et Loulou, mais voilà que le réseau de Tjilatjap ne sera rappondu que le 19 septembre, il m’est donc impossible de demander cette conversation avec Loulou, car je ne sais pas combien de temps il passera en Hollande. J’ai toutefois averti papa W. de faire le nécessaire pour inciter Loulou à me téléphoner à moi depuis la Hollande. L’argent qu’il dépensera pour cela, il pourra le déduire des Frs. 100.-, que je viens d’envoyer à mamali. J’aimerais beaucoup avoir l’occasion de parler avec Nöggi, bien que je sache que je ne pourrai presque rien dire à cause de l’émotion. Enfin, on verra. C’est dommage que ces occasions bon marché n’ont pas lieu avec la Suisse. Maintenant, puisque nous ne pouvons pas avoir cette conversation bon marché le 16, jour de la noce. Oscar en a demandé une ordinaire qui nous coûtera Fl. 15.- pour trois minutes. Ainsi j’aurai donc juste l’occasion de dire bonjour à Nöggi. Ce sera toujours mieux que rien !
Et voilà mes chers, et mon très cher vieux Macaroni, je vous quitte…
 Encore une fois all the very best pour ta fête, Padre mio, et toujours le cœur rempli d’affection de ta

Ge… 




Tjilatjap

26 septembre 1938

Mynes Rötteli,
Voilà, je suis assise près du lit de Boili pour blaguer avec toi.
Comme je suis contente que la Banely (sœur de Rose, gouvernante) soit de nouveau engagée, je ne peux pas assez te le dire ! Surtout pour toi, je suis contente, car je pouvais bien me représenter ce que c’était pour toi de l’avoir toujours autour de toi. Surtout encore avec la maison pleine de visites ! Que Ebetine (Sossich, Rome) t’ait aussi fatiguée, je n’ai aucune peine à le croire, car je pensais bien que tu te sentirais de nouveau obligée de faire un effort. Peut être que tu ne le fais plus autant que dans le temps, mais tu le fais encore toujours trop. D’un autre côté je te comprends aussi, elle était chez toi en visite, et soi disant pour avoir un peu de bon temps après tout ce qu’elle a passé, et je puis bien me représenter toutes les difficultés que cela te donnait. Tu as donc raison de ne plus prendre de personne dans ton ménage, du moins pas pour si longtemps. Aussi pour les garçons, c’est mieux. Il n’y a quand même que les vraies sœurs qui sont comme des sœurs avec eux. Sans vouloir insinuer quoi que ce soit et surtout sans jalousie aucune, je puis bien me représenter les mille et une petites choses que cette visite ou n’importe quelle autre de ce genre, t’a amenées. Oui, il y a toujours des obligations envers une dame et bien que ce n’ait pas été mauvais pour les garçons dans le temps, pour leur éducation, je suis d’avis qu’ils en savent assez maintenant à ce sujet et qu’ils n’auront donc plus besoin qu’on les leur imposent.
Enfin, vous êtes de nouveau à Bienne maintenant, tu seras plus tranquille et surtout tu pourras aller au lit quand tu veux. Car mynes Rötteli, ta maladie, je commence à l’avoir aussi. J’arrive à détester les visites qui restent tard le soir et qui m’empêchent d’aller me coucher quand j’en ai envie. Il faudra de nouveau que j’aie Mily (ex femme du consul suisse) et c’est bien la seule raison pour laquelle cette visite m’embête, elle aime aller au lit tard, faire de longues soirées, car elle ne peut jamais bien s’endormir. Le matin alors elle se lève tard, mais moi je suis tout de même debout à 6 heures et ainsi au bout d’un certain temps je tombe de sommeil. Aussi quand elle viendra cette fois-ci, j’invite Janine Boese avec, ainsi elles seront deux pour se tenir compagnie et moi je m’en ficherai, j’irai au lit quand cela me plaira. Janine Boese aime aussi aller se coucher tôt, ainsi Mily devra bien suivre notre exemple.
Je te comprends tellement bien que tu doives avoir une vie calme et tranquille, moi aussi je fais tout mon possible pour l’avoir, et je suis déjà si bien arrivée à ne plus m’en faire, à prendre les choses aisément. C’est le secret pour rester jeune !
As-tu encore de la pommade chinoise ? Sinon je t’en enverrai un nouveau stock ! Dis-le moi. Aussi dis moi les No de col des chemises des garçons. Je t’envoie par même courrier, par bateau, une vieille chemise de Buby qui est encore très bonne et dont j’en ai encore 4, si Loulou peut les porter. Aussi des chemises smoking !
Je crois bien que la promenade au Saut du Doubs était jolie et je suis contente pour toi que tu puisses en profiter.
Pendant que j’y pense, dans le paquet de la chemise pour Loulou, il se trouve aussi une vieille chemise à moi, de la sorte que j’aime. Quand je te demanderai de nouveau des combinaisons, tu tâcheras de m’en envoyer de cette qualité là, car c’est la plus solide. Les dernières que tu m’as envoyées, les blanches donc, ne sont pas solides du tout. Pour le moment j’en ai encore assez donc ne m’envoie rien avant que je te le demande.
Je me réjouis de voir ton Hüteli (petit chapeau). J’ai enfin trouvé la manière de porter ce béret noir que tu m’as envoyé et tu auras une fois une photo. Toutefois il vaut mieux ne plus m’envoyer de chapeaux, c’est trop personnel, il vaut mieux que je les essaye avant de les acheter.
Non, à aucun prix il ne faut accepter Roy (fils de  René Marchand, Londres)  chez toi, et j’espère que Padre sera assez gentleman like envers toi pour ne pas te le demander. Personne n’a rien fait pour tes gosses, si ce n’est toi, et nous faisons bien notre chemin tous seuls alors que les autres en fassent autant.
So Mamms, je n’ai plus beaucoup de temps, la lettre doit partir. Je n’ai aussi rien de bien spécial à te dire. Je vais jouer au tennis tous les jours, cela me fait du bien et j’ai déjà fait des progrès depuis le temps où je jouais à Sutz avec les garçons ! Maintenant que j’ai fini avec toute ma couture et les raccommodages, je vais me mettre à ma correspondance de Noël, pour que je sois prête avant la visite de Mily. Ainsi tu vois j’ai toujours beaucoup à faire, et je ne me lève jamais un matin en me disant : qu’est-ce que je pourrais bien faire aujourd’hui ? Non, aussi longtemps que je suis 
Sale cochon, voilà mon papier qui s’est de nouveau déchiré…
Aux Indes, je n’ai encore jamais dû me demander cela. Comme tant de ces autres femmes. Il est venu ici une dame qui m’a demandé de la conversation française, alors elle viendra une fois par semaine pour parler français avec moi. Nous allons commencer jeudi, et mercredi matin je vais jouer au golf avec une autre. Ce sont toutes des femmes qui ne me sont pas trop sympathiques, mais la Näggeli a tellement appris de ce côté-là !!! Et vraiment je suis bien recherchée, plus je me retire, plus je suis indifférente vis à vis des gens, plus ils me recherchent. Voilà Rötteli de mon cœur, ta Schnitzli doit courir à la poste. ….un muntschi de Boily qui siffle au lit et qui pense à sa belle-mämä…















Tjilatjap

dimanche le 25 septembre 1938

Alors, elle a bien passé la fête à mon Padre (23.9), alias bon gros vieux Macaroni ? J’ai bien pensé à toi tout le jour et en pensées t’ai encore une fois souhaité tout le bien possible.
Entre temps j’ai téléphoné avec le Nöggou (Louis)) ! C’était splendide ! aussi clair que de Bienne à Sutz ! Mais, moi la bête, quand j’ai entendu le Chuggeli avec sa bonne voix et son accent de la maison, je n’ai plus pu retenir mon émotion et j’ai pleuré. C’est dommage parce que par là, j’ai perdu un temps précieux. Je trouve pourtant que la voix de Loulou est devenue tellement plus grave et c’est pour le coup que depuis je ne pense plus à lui comme un jeune homme de 20 ans encore vert derrière les oreilles que j’ai quitté, maintenant je n’ai plus de peine à me le représenter comme homme fait et bien fait.
Nous avons donc d’abord eu papa W. au téléphone. Il a eu un immense plaisir à entendre la voix de son fils, ensuite c’est moi qui ai parlé avec lui. Pas longtemps mais tout de même assez pour en avoir un bon souvenir. Ensuite nous avons parlé tour à tour avec Ans et Eddy et Loulou, puis les trois minutes ont sonné, mais comme j’étais tellement émotionnée, Buby a fait ajouter trois minutes de plus et j’ai encore une fois eu Loulou. Au commencement Buby m’avait prêté son écouteur qu’il n’a pu me faire lâcher, ainsi il n’a lui-même pas pu parler avec Loulou. Moi, je n’en sais rien, j’étais tellement occupée à écouter la bonne voix de mon Nöggu que je ne prêtais aucune attention quand Oscar me demandait l’écouteur et quand il a voulu me le prendre des mains il paraît que je le tenais de toutes mes forces. Il a bien ri après et maintenant il me reproche cela quand il peut ! Nous avons donc parlé 6 minutes. C’était un plaisir cher, mais cela a valu la peine. Tout de même ce n’est pas une expérience que je voudrais renouveler avec vous. Premièrement on ne se dit rien de spécial, secondement on est toujours tracassé par les trois minutes qui s’écoulent et leur prix pèse quand même sur l’estomac durant toute la conversation. Si on avait pu l’avoir à prix réduit comme on l’espérait d’abord, alors cela aurait été autre chose. Enfin, c’est passé. J’en ai eu bien du plaisir et je trouve très chic de Buby qu’il ait encore allongé de trois minutes pour moi. Maintenant vous aurez encore le rapport de Loulou, ainsi vous pourrez bien vous rendre compte de ce que cela a été.
Toute la soirée après nous étions comme désemparés. On n’avait plus envie de rien faire, Buby m’a joué du Chopin pour me calmer d’abord et ensuite nous avons pris une photo de notre chambre qui a très bien réussi et que je vous envoie. Maintenant on est re-rentré dans la vie normale et ce téléphone n’est plus qu’un beau souvenir, mais il nous reste l’immense désir de venir enfin en congé. On en crève d’envie à vrai dire, et Oscar même plus que moi, toutefois nous ne savons encore rien de rien, c’est cochon. Du moment que nous irons à Kediri à la fin de l’année, ce ne sera sûrement pas encore pour l’année prochaine, mais je pense qu’après cette période de Kediri ce sera notre tour, car alors tous ceux avant nous y auront été en congé, ainsi ils devront bien nous laisser aller. Enfin, passons là-dessus. Tant que cela nous va bien ici il ne faut pas se plaindre. Et aussi longtemps que vous êtes tous en santé, je n’ai qu’à être reconnaissante. Si seulement la situation en Europe voulait devenir un peu meilleure. C’est terrible comme cela bout et mijote partout. Je suis toujours pendue à la radio pour avoir les dernières nouvelles. En ce moment nous avons ici de grandes manœuvres pour la défense anti-aérienne ou comme on appelle cela en français ! Depuis des jours nous avons 6 grands Dorniers (avions) et trois sous-marins et tous les soirs c’est des manoeuvres à n’en plus finir.
La semaine passée, Oscar a été en tourné pendant 4 jours, et justement le lundi, après son départ, quand j’étais seule, voilà ta 191 qui arrive. J’en ai eu beaucoup de plaisir, merci de tout cœur. C’est mon chien qui me manque beaucoup en des jours pareils toute seule dans cette grande maison. Tu me demandes si nous ne pouvons pas en acheter un autre, mais oui Mamms, Oscar voulait immédiatement téléphoner au propriétaire du chenil pour m’en faire venir un petit de la même race, mais c’est moi qui n’ai pas voulu, je ne pouvais pas remplacer Alert si vite. Et maintenant avec ce déménagement en vue, nous attendrons que nous soyons à Kediri avant d’en acheter un autre.
Merci aussi pour tous vos messages en cartes postale depuis Genève, Adelboden, le Lac Bleu et même le Pillon si je ne vous ai pas encore remerciés. Cela me fait toujours plaisir.
 Ce weekend j’ai de nouveau eu la maison pleine de visite. Le jeune Cochius est venu de Keboemen, et du coup notre ami De Zeeuwen n’a plus quitté la maison non plus de peur de manquer un des concerts de Cochius. Celui-ci joue vraiment bien et nous avons de nouveau eu de ces Soirées Musicales épatantes. C’est tellement plus beau que ces bêtes de soirées au Soos, qui se passent à boire tant et plus et à toujours rabâcher les mêmes witz, les mêmes histoires ! Aussi je fais tout pour les rendre agréables ces soirées chez nous, j’ai toujours les gens à souper, à dîner même, ce que j’accepte de bon cœur. C’est dommage que Buby ne se sentait pas bien vendredi soir, et samedi soir il s’est mis au lit avec de la fièvre et mal au cou. Je l’ai soigné pour une angine vu qu’il avait des taches blanches au fond de la gorge, mais hier il me semblait aussi avoir des symptômes de malaria. Il faudra donc voir ce que cela donne. Heureusement qu’il n’a pas beaucoup de fièvre encore. Je veux remettre autant que possible de faire venir le docteur car s’il vient il constatera naturellement la malaria, il soigne tout le monde pour la malaria et déjà dans bien des cas il s’est trompé. Je n’ai donc pas trop confiance.
Aujourd’hui j’aurai de nouveau des visites, c’est pourquoi je vous écris vite maintenant, 6 heures du matin ! Pendant l’absence de Buby j’ai eu un homme en journée pour coudre et j’ai bien travaillé. J’ai fait une razzia dans tous mes buffets, examinant chaque chose pour voir si elle servait encore à quelque chose ou non. J’avais un tas de taies d’oreiller usées, alors de deux j’en ai fait faire une, etc. des draps également. Avec tout ce qui n’était plus à raccommoder, j’ai fait des pattes à poussière, des torchons à relaver etc. J’ai du plaisir au bon ordre qui règne chez moi maintenant. J’ai aussi fait des économies en faisant changer des caleçons de Buby en camisoles. Il ne porte jamais de caleçons ici, par contre il a un grand besoin de camisoles et elles coûtent très cher. Il est difficile pour cela, comme Nöggi, alors j’ai acheté un bon modèle d’après lequel j’ai coupé les caleçons défaits. Ainsi j’ai au moins épargné Fl. 10.- ce dont je suis très fière ! Vous les hommes, cela ne vous dit rien, mais Mamms me comprendra si je vous dis que j’ai un plaisir fou à savoir tous mes buffets en ordre, plus de gnoosch (chni), plus de vieilleries qui traînent, tout bien raccommodé etc. Je peux maintenant déménager d’une heure à l’autre, plus besoin de trier toutes mes affaires car j’ai tout jeté ce qui ne pouvait plus servir et par là j’ai rendu la baboe heureuse bien des fois ! Je me suis aussi fait un tas de jolis pyjamas auxquels il ne reste plus qu’à broder les motifs de dentelles (comme la Grittli l’a appris à Berne !!!)
Je suis contente pour Banely qu’elle ait de nouveau trouvé une place qui lui va. Pourvu que cette vieille demoiselle n’ait pas trop de lubies envers elle. Enfin, souhaitons le mieux.
Mes chers, je vous quitte pour cette fois, voulant encore un peu blaguer avec la Rötteli toute seule ! Ce dont vous ne m’en voudrez pas, hein ? all the best in everything et les meilleures pensées de votre Ge…. et son Buby





mardi 17 janvier 2017



Tjilatjap

11 septembre 1938

Je t’ai écrit le premier septembre mais je ne trouve plus la copie de ma lettre de sorte que je ne me rappelle plus bien tout ce que je t’ai écrit.
D’abord merci bien pour la combinaison de Banely, que j’ai bien reçue ainsi que le joli costume de bain. Mais, tiens-toi bien, je n’ose pas le mettre, c’est à dire que l’Oscarli alias Buby alias mon mari, trouve qu’il est un peu trop décolleté et il n’aime pas que je me montre ainsi ! Tableau !  Tu comprends, il a été gâté toutes ces années de me voir dans celui que tu m’avais tricoté et qui était plus que comme il faut, alors c’est difficile de s’habituer à autre chose. Il est bien vrai qu’ici nous ne sommes pas sur une plage mondaine où l’on  voit des femmes nues à la douzaine et où cela ne se remarque plus. Je vais tout de même essayer de le mettre, mais si décidément cela ne lui va pas, alors j’en ferai venir au choix depuis Bandoeng.  Ce sera très cher, mais tant pis, c’est pas la peine de déplaire à Monsieur pour quelques florins, et t’en fais pas, je saurai bien en choisir un élégant aussi. La raison pour laquelle je n’en ai jamais acheté, c’est que je ne pouvais pas en pensant à toi et à tout ce que tu as souffert pour me faire ce costume de bain. Maintenant que toi-même tu m’en as envoyé un nouveau, que toi-même me dis d’en acheter un nouveau, alors j’y consens. Je ne sais pas bien si tu me comprendras, je crois bien que si. A Bandoeng j’en ai eu dans les mains bien des fois, des costumes de bain, mais chaque fois je suis ressortie du magasin les mains vides, j’avais le sentiment que je t’offenserais en en achetant un. Maintenant je le ferai. Je sais que je dois compter Fl. 12.-/13.- pour un beau costume, ce qui fait environ Frs. 35.-/40.-. C’est beaucoup, hein ? Mais je n’ose plus te demander de m’en envoyer encore un, je veux les choisir avec Buby.
Nous avons eu 4 jours de fêtes pour le jubilée de la reine. Ouf ! Je suis contente que ce soit passé c’était fatigant et embêtant aussi. Il y a eu un bal ici et j’ai mis ma robe de Max. Celle avec les rubans verts. Elle est ravissante et c’est une des robes qui me va le mieux de toutes celles que Hedy m’a faites. Elle me flatte beaucoup, surtout ces rubans sur les épaules. C’est tellement dommage que l’étoffe soit si mauvaise. Déjà maintenant après une seule nuit de danse, elle a perdu tout son aprêt autour de la taille et ce n’est plus que du voile chiffonné. Je ne veux même pas essayer de la repasser et encore moins la laver. Enfin tant pis, cela durera ce que cela dure.
Veuille aussi me dire le no de col des garçons ou la grandeur de leurs chemises, de préférence des mesures anglaises. J’ai l’intention de leur faire faire des chemises en soie chinoise qui est si bon marché ici. Si tu as l’occasion d’en faire faire des jolies à Bienne, alors je t’enverrai la soie seulement. Dis-moi ce que vous préférez, mais n’oublie pas, dans ta prochaine lettre. C’est de la soie pour chemises exprès, je m’en fais aussi souvent des robes et cela se lave tellement bien, seulement il ne faut pas les laisser devenir trop sales.
Du muesch nid angschgt ha, dass ids viel uusgibe, i cha scho rächne ! I ha vo dene ferie wieder a schübu hingere gheit, voor dure bin i gang arm aber me glaubt s jetze nümme so gärn, me seit mer gang : Hesch mi wieder bschisse ?! u de lacht me nütguetzig derzue. Me hets öppe wie gärn dass me so guet chas pare, drum berchumen i ou gang der ganz schübu jede monet u de frogt me mi für sackgäud ! !!
N'aie pas peur que je dépense trop, je sais compter! j'ai encore mis de côté un montant avant les vacances, par devant je suis toujours pauvre, on ne me le croit plus tellement, on redit: tu m'as eu de nouveau et il rit. On apprécie que je sache économiser raison pour laquelle je reçois tout le salaire du mois et ensuite on me demande de l'argent de poche!!!
Et maintenant la grande nouvelle ! Je ne sais pas si je te l’ai déjà écrite d’ailleurs ! Nous sommes placés à Kediri à la fin de l’année, probablement dans la deuxième moitié de décembre. Qu’est-ce que tu en dis ? Kediri est la plus grande fabrique de la Mexolie, et elle marche bien. Il y a des chances que notre salaire sera plus haut qu’ici, pas le fixe, mais le pourcentage des livraisons de la fabrique. C’est aussi la fabrique la plus difficile à administrer selon les dire d’Elout et Oscar n’aura pas aussi bon temps qu’ici. Mais cela ne le gêne pas, il est assez intelligent pour travailler. Pour le moment il est dit que nous y serons 6-8 mois, mais on ne sait jamais. Tu sais que tante Engel sera à une demi heure de là, ce sera bien gentil, surtout pour commencer quand je ne connaîtrai encore personne.
Kediri est beaucoup plus grand que Tjilatjap, il y a même 2 cinémas, mais c’est dommage que ce ne soit pas au bord de la mer. Moi, pour mon compte, je n’aime pas Kediri, c’est placé comme Keboemen au milieu des champs de sucre et la nature n’y est pas fantastique mais tant pis. L’avantage c’est que c’est à deux heures de chemin de fer de Soerabaya, je pourrai donc de temps en temps aller y passer une journée pour faire des commissions.
C’est une chose encore tout à fait secrète, ici personne ne le sait, sauf les Oliemans, pas même Engelenberg. Je ne fais donc pas de projets pour Noël, vu que nous serons peut être en plein déménagement. D’un côté je regrette encore de quitter Tjilatjap, je commençais à bien m’y plaire dans ma belle grande maison, mon jardin qui devient très beau et nos soirées de musique. Tant pis, espérons qu’à Kediri on trouvera quelqu’un qui sera aussi enthousiaste pour venir jouer soit du violon ou autre chose. Enfin, je pense que là je trouverai aussi des points positifs et négatifs comme partout. Je ne m’en fais pas du tout, à la fin on s’habitue à tout et je ne suis plus sans expérience.


Sans cela tout va bien ici. Nous jouons au golf, hier dimanche toute la matinée et le soir je vais régulièrement au tennis, Oscar aussi m’accompagne souvent et ainsi les jours passent seulement trop vite.
Je me réjouis de recevoir une prochaine lettre de toi. Merci aussi pour les Sie&Er que j’ai reçus il y a environ une semaine. Est-ce que tu as encore des nouvelles de Max ?
Je te quitte de nouveau, car la lettre doit partir.
Beaucoup de muntschi… Et mes meilleurs vœux de bonne fête pour Minna. Je ne l’oublie pas mais je n’ai jamais assez de temps pour écrire
Et maintenant schluss !






Tjilatjap

1er septembre 1938

Mynes Rötteli mia carrissima
Et maintenant c’est avec toi que je veux parler. Tout d’abord te remercier mille et mille fois pour tes bonnes lettres 189 et 190, pour la combinaison de Banely et pour les belles chemises et caleçons roses. Merci aussi pour les jumpers que tu es en train de faire. L’échantillon de laine coton me plaît beaucoup, mais mynes Mamms, il ne faut pas te fatiguer tellement. Vraiment j’ai encore tant et tant de jäckli et de figarötli et je ne veux absolument pas que tu te fatigues. Buby non plus n’a pas besoin d’un  jumper pour le moment, bien qu’il en aura beaucoup de plaisir surtout pour jouer au golf. Mais rien ne presse et ne te fatigues pas. Il y a bien une chose que j’aimerais, et c’est des petites chaussettes blanches, tu sais, des sportsöckli, en laine pour mettre dans mes souliers de golf. J’en ai acheté de très beaux, chez Bata à Bandoeng. Je les porte avec une paire de sportsöckli en coton blanc avec un söckli en laine par dessus et ensuite le soulier. Ces söckli en laine peuvent aussi être en couleur et de  gros fil, surtout pas beaucoup de travail et pas qu’ils soient trop longs, pour les replier qu’une fois. Tu vois que je ne me gêne pas de te demander un tas de choses.
Pour ma fête j’ai reçu mes Fl. 50.- de papa W. cela fait que je t’enverrai de nouveau un peu d’argent pour m’acheter encore un corselet comme celui que tu m’as envoyé. On  peut aussi les avoir ici, et même meilleur marché, mais ils n’en avaient justement plus à Bandoeng, alors j’aime autant que tu m’en envoie un. Donc du luxe, mais le même que celui déjà envoyé.
J’aimerais aussi une paire de souliers noirs, Bally, des souliers habillés, genre pump en suède noir. Enfin, tu sauras bien en choisir des beaux, il faut que ce soit des souliers de toilette, chics et habillés. Vu l’argent que je t’envoie, tu achèteras aussi quelque chose au padre pour sa fête, qu’il ait un plaisir de sa Ge
Je suis contente que les photos vous aient fait tant plaisir, tu as dû attendre assez longtemps, Mamms ! Ces deux bols en laque japonaise, c’est pour les mettre sur vos tables de nuits, à Padre et à toi, pour y mettre les pelures d’oranges quand vous en mangez au lit le soir. Ce sont vraiment des fingerbowls et il ne faut pas les mettre au salon. Tu peux les laver comme des assiettes en porcelaine. Si ces vieilles chemises de Buby vont à Nöggi, alors j’enverrai encor les belles chemises smoking qui lui sont très petites aussi. Mais écris-moi d’abord si Nöggi peut les porter.
Dans ta lettre 189 tu me demandes si mon manteau blanc est celui de Hedy encore. 


Je suppose que tu veux parler du manteau sur la photo du petit chapeau, alors non, celui-là c’est mon manteau de pluie, couleur champagne avec le col en velours brun foncé. Il me va très bien. Le manteau blanc de Hedy je le porte encore toujours, ainsi que la jaquette grise du costume de mariage.
Si j’ai l’air triste sur la photo de la Queen, c’est seulement parce que j’ai dû poser, tu sais que je ne peux pas poser et faire la petite bouche.
Oui, j’ai bien reçu les deux hemdhose blancs avec une pattelette. Combien coûtent-ils ? Dis-le moi stpl. car madame Oliemans aimerait aussi en avoir, mais je veux d’abord lui dire le prix.
Ce que tu me dis des Marchand Jobin (l’oncle de Londres et son associé) ne m’étonne pas. C’est des sales gens, et il ne faut surtout plus jamais de fendre en quatre pour les avoir. Cette « gâgi » de Constance (l’épouse de René Marchand) nous a assez embêtés toutes ces années. Si jamais je la revois, je te garantis que c’est elle qui tirera le plus court. Là, à Gerolfingen, quand elle disait à ce jeune homme que tout était « plain in Switzerland », tu aurais seulement dû répondre : Oh yes, in Switzerland things are plain, and in England  the women.  Cela lui aurait bien fermé le bec, nom de nom. Mais il ne faut plus leur faire l’honneur de te fâcher, cette femme c’est une merde, elle ne mérite pas l’honneur d’une seule pensée de la Rötteli.
Je vois que tu as de nouveau beaucoup de visites, pourvu que tu ne te fatigues pas trop.
Ta lettre 190. Non, mynes Mamms, tu n’as pas besoin d’avoir peur, nous ne devenons pas aigris, loin de là. Nous sommes trop élastiques pour cela, pas comme Max et Tatali dans le temps, car nous faisons beaucoup de sport, nous voyons

Pas terminée