Keboemen
14 avril 1935
Merci tant
de fois pour votre lettre et vos photos ! Ma foi, oui, je les ai presque
bouffées et ne pourrais pas dire laquelle je trouve la plus jolie et laquelle
j’aime le mieux. Non, je ne pourrais pas le dire, toutefois j’ai eu un plaisir
tout spécial à mon gros macaroni. Au fond, je ne devrais pas le dire, car tu as
tellement chanté tes propres louanges, vieux malin, va, que tu mériterais pas
que je t’aide encore. Mais que voulez-vous, j’ai eu tant de plaisir et cela m’a
reportée à tant d’années en arrière ! Mes trois hommes, n’allez pas vous
imaginer que je vous aime encore,
au moins, oh, non, pas du tout !!! Mais diable je ne sais pas ce que je
donnerais pour vite embrasser mon gros « fout-rien » qui me plaît
plus que jamais. Mon Faaather ! Je suis aussi fière de vous trois, il y a
de quoi ! Mais maintenant stop, sans quoi je vous ferai encore tourner le
ciboulot de vanité ! Et J’aime aussi beaucoup cette photo de toi, mamali…
Demain
nous aurons la visite de Mr. Elout, le
nouvel agent de la Mexolie (voir Who
is who, ci-haut). Je suis curieuse de faire sa connaissance, Oscar l’a
vu une fois, pendant un court instant et se demande aussi quel type ce sera.
Mardi soir
nous avons donc eu les Hartong. Je leur ai demandé de rester à souper, le leur
ayant proposé une fois à une première invitation que je leur avais faite. La
seconde fois je ne l’ai pas répété, mais j’y comptais tout de même et pensais
bien qu’eux aussi ne l’avaient pas oublié. Alors après un certain moment j’ai
demandé à madame de rester pour souper donc, en lui disant : vous n’avez
pourtant pas soupé à la maison, elle a répondu que non. Une fois à table, mr.
Hartong voulait je pense me faire un compliment, et me dit : mais madame
nous ne savions pas que c’était une invitation à souper, y comptiez-vous, de
nous avoir ? J’ai répondu, bien sûr, car il y a déjà longtemps que je vous
l’avais une fois proposé et je pensais que vous vous en rappelleriez aussi. Il
a répondu Oh, pas du tout, car nous avons déjà soupé. Tableau ! Sa femme
lui demande alors : Comment. Tu as soupé toi ? Alors, lui, conscient
d’avoir gaffé, ne savait plus que dire et j’ai vite raconté la première bêtise
qui me passait par la tête pour glisser par dessus ce silence et ce moment
pénible pour eux, pendant que Buby et moi se tordions les côtes en dedans.
Autrement la soirée c’est bien passée. Oscar et mr. Hartong ont parlé ensemble
chimie mécanique, tsf, mathématiques, etc, tandis que moi j’entretenais madame
de cuisine, ménage etc. Le contact entre elle et moi a beaucoup mieux été cette
fois-ci, d’ailleurs je vous l’avais déjà écrit, mais tout de même, je ne serai
jamais chaude avec elle, je crois, mais je suis contente pour Buby qu’il ait
quelqu’un avec qui échanger idées, opinions, etc.
L’autre
matin je devais aller en ville acheter du drill pour une nouvelle paire de
pantalons que je fais faire pour Buby, par ce zigue tailleur. J’ai fait
demander à la Rickshaw si elle avait envie de m’accompagner. Oui, elle est
venue me chercher et nous avons trotté à la ville. Une fois dans les magasins,
les toko, elle ne peut plus en sortir. Je vous dis, cette femme a la maladie de
l’achat. Constamment elle chante qu’elle est à court d’argent, qu’elle va
commencer d’économiser, qu’elle achète tout au comptant, et ne même temps
qu’elle me dit cela, elle fait de nouveau inscrire ce qu’elle achète. Faaather
à ma place ne pourrait pas se retenir de lui en faire la remarque, mais moi
j’ai appris autrement, je me pense la fameuse phrase qui te mettais toujours en
rage, mon Faaather !!!
![]() |
un sado |
En
rentrant elle a voulu prendre un sado, la
petite voiture à deux roues qui est
notre taxi ici, voulant encore acheter des bananes. Moi je lui ai carrément dit que je voulais profiter
de marcher. Qu’elle aille acheter ses bananes, qu’elle prenne un sado avec
lequel elle me rattraperait, que moi je marchais toujours. Elle m’a enfin
rattrapée à quelques cents mètres
de la maison, mais pour qu’elle ne puisse pas dire que je voulais seulement
économiser le sado, je suis montée auprès d’elle, me réservant ainsi de payer
la moitié. Le cheval se remet en marche environ 200 m, quand tout à coup
il tombe, la voiture passe à moitié sur lui et nous deux, nous sommes
projetées l’une sur l’autre. Moi je ne savais pas bien ce qui était arrivé,
ayant justement regardé dans une autre direction, mais sitôt que j’ai vu le
cheval par terre je suis sortie de la voiture, j’ai sauté plutôt, puis je l’ai
aidée à sortir à son tour, mais bon sang, cette Rickshaw a eu une peur bleue,
elle ne est presque tombée malade et jamais plus elle ne remontera dans un
sado, non jamais plus. Je me le suis tenu pour dit, et ne la demanderai plus
pour aller en ville. Moi je lui ai dit, que je ne pouvais pas me permettre
d’avoir ainsi peur, vu que ces sado étaient mes seuls moyens de locomotion.
D’ailleurs, si elle n’avait pas été trop paresseuse de marcher, cela ne lui
serait pas arrivé.
Voilà
approchant tout le nouveau de cette semaine, à part que maintenant je fais
laver les habits d’Oscar par ma bi-ba-bu. Vu que le toekang penatoe (celui qui
lave au lavoir) me les livrait plus sales qu’il ne les recevait à laver. Je
l’ai enguirlandé 3 fois, puis comme cela ne changeait pas, je cesse.
J’ai piqué
une sale rage sur Visser cette
semaine. Un soir Oscar devait lui téléphoner. C’était vers les 5 heures que Buby
a demandé la communication. On lui répond qu’il devait attendre, que mr. V. le
demanderait. Qui a dû attendre au bureau jusqu’à 7 heures du soir ?
c’était bien Buby, et pourquoi ? Parce que Mr. V. ne voulait pas quitter
sa partie de carte pendant un petit moment, et notez que c’était encore pour
lui rendre un service personnel que Buby lui téléphonait. Cette sale bête, va,
mais voilà, on n’ose rien dire, c’est lui le patron. Enfin, je suis contente
qu’ils restent encore un moment là-haut, je n’en ai pas l’ennui.
J’ai été
toute étonnée en inscrivant dans l’agenda, ce matin de voir que c’était
dimanche des rameaux, et dans 8 jours c’est Pâques. Bon sang, ce que le temps passe ici, c’est à faire peur. Je
vois déjà que je n’arriverai pas à faire la moitié des robes nécessaires pour Soerabaya.
Les
journaux aussi sont bien arrivés. Les échantillons d’étoffes sont jolis. Bon
sang, il y a si longtemps que je n’ai plus eu des tissus pareils dans les
pattes, du vraiment parisien. Cela donne à faire ces robes, même la plus
simple. Vous en aurez des photos. Mais je n’arrive pas à en faire plus d’une
par semaine.
Merci
mille fois pour les bas que j’ai bien reçus, sans payer. Ils sont jolis et me
rendront bien des services. Combien les as-tu payés ?
J’écrirai encore
un bout demain, si non, vous vous contenterez de cette page pour cette fois-ci.
Mardi
matin 14.4.35
J’ai encore
un tout petit moment et beaucoup de place alors il faut en profiter.
Nous
savons maintenant que nous pouvons entendre la Suisse le dimanche matin, entre
5 ½ h et 6 heures. C’est un peu tôt, mais une fois nous nous lèverons tout de
même pour écouter. L’émetteur suisse à ondes
extra courtes s’appelle Radio Nations. Vous ne l’entendez pas en Suisse,
c’est seulement pour les continents éloignés. Tous les pays ont maintenant de
ces émetteurs et nous entendons l’Amérique aussi comme si elle était à Soerabaya.
J’ai écrit
hier au Jardin des Modes pour
demander le prix de ce mannequin. Tu n’oublieras pas de demander à Hedy ce
qu’elle en pense, n’est-ce-pas ? Ensuite je te dirai ce que j’ai décidé.
Cela serait chic si je pouvais l’avoir, quelle facilité j’aurais alors.
L’annonce est donc dans le Jardin des Modes du 15 mars.
Monsieur Elout n’est pas venu hier, et il n’a
rien fait dire non plus, cela fait que nous l’avons attendu toute la journée.
C’est bœuf, pourtant. Je dois encore écrire à Papa Woldringh, Oscar n’ayant pas
fini sa lettre. Mes chers, au revoir, Joyeuses Pâques. Je l’aurais presque oublié. Allez-vous
à St Gall, ou est-ce que chacun reste pour soi ? Vous ne m’en dites rien.
Il y a bien des choses que je ne comprends pas dans ta dernière lettre Mamali !!!
Il me faudra d’abord déchiffrer ce Bärntütsch !!! (dialecte bernois) Bon sang, cette fois Schluss. Nous allons
marcher tous les matins avec Tipsie, mais le mardi il n’y a jamais rien de
fait, car le courrier doit partir.
Ge…
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