lundi 4 avril 2016




Keboemen

14 avril 1935

Merci tant de fois pour votre lettre et vos photos ! Ma foi, oui, je les ai presque bouffées et ne pourrais pas dire laquelle je trouve la plus jolie et laquelle j’aime le mieux. Non, je ne pourrais pas le dire, toutefois j’ai eu un plaisir tout spécial à mon gros macaroni. Au fond, je ne devrais pas le dire, car tu as tellement chanté tes propres louanges, vieux malin, va, que tu mériterais pas que je t’aide encore. Mais que voulez-vous, j’ai eu tant de plaisir et cela m’a reportée à tant d’années en arrière ! Mes trois hommes, n’allez pas vous imaginer que je  vous aime encore, au moins, oh, non, pas du tout !!! Mais diable je ne sais pas ce que je donnerais pour vite embrasser mon gros « fout-rien » qui me plaît plus que jamais. Mon Faaather ! Je suis aussi fière de vous trois, il y a de quoi ! Mais maintenant stop, sans quoi je vous ferai encore tourner le ciboulot de vanité ! Et J’aime aussi beaucoup cette photo de toi, mamali…
Demain nous aurons la visite de Mr. Elout, le nouvel agent de la Mexolie (voir Who is who, ci-haut). Je suis curieuse de faire sa connaissance, Oscar l’a vu une fois, pendant un court instant et se demande aussi quel type ce sera.
Mardi soir nous avons donc eu les Hartong. Je leur ai demandé de rester à souper, le leur ayant proposé une fois à une première invitation que je leur avais faite. La seconde fois je ne l’ai pas répété, mais j’y comptais tout de même et pensais bien qu’eux aussi ne l’avaient pas oublié. Alors après un certain moment j’ai demandé à madame de rester pour souper donc, en lui disant : vous n’avez pourtant pas soupé à la maison, elle a répondu que non. Une fois à table, mr. Hartong voulait je pense me faire un compliment, et me dit : mais madame nous ne savions pas que c’était une invitation à souper, y comptiez-vous, de nous avoir ? J’ai répondu, bien sûr, car il y a déjà longtemps que je vous l’avais une fois proposé et je pensais que vous vous en rappelleriez aussi. Il a répondu Oh, pas du tout, car nous avons déjà soupé. Tableau ! Sa femme lui demande alors : Comment. Tu as soupé toi ? Alors, lui, conscient d’avoir gaffé, ne savait plus que dire et j’ai vite raconté la première bêtise qui me passait par la tête pour glisser par dessus ce silence et ce moment pénible pour eux, pendant que Buby et moi se tordions les côtes en dedans. Autrement la soirée c’est bien passée. Oscar et mr. Hartong ont parlé ensemble chimie mécanique, tsf, mathématiques, etc, tandis que moi j’entretenais madame de cuisine, ménage etc. Le contact entre elle et moi a beaucoup mieux été cette fois-ci, d’ailleurs je vous l’avais déjà écrit, mais tout de même, je ne serai jamais chaude avec elle, je crois, mais je suis contente pour Buby qu’il ait quelqu’un avec qui échanger idées, opinions, etc. 
L’autre matin je devais aller en ville acheter du drill pour une nouvelle paire de pantalons que je fais faire pour Buby, par ce zigue tailleur. J’ai fait demander à la Rickshaw si elle avait envie de m’accompagner. Oui, elle est venue me chercher et nous avons trotté à la ville. Une fois dans les magasins, les toko, elle ne peut plus en sortir. Je vous dis, cette femme a la maladie de l’achat. Constamment elle chante qu’elle est à court d’argent, qu’elle va commencer d’économiser, qu’elle achète tout au comptant, et ne même temps qu’elle me dit cela, elle fait de nouveau inscrire ce qu’elle achète. Faaather à ma place ne pourrait pas se retenir de lui en faire la remarque, mais moi j’ai appris autrement, je me pense la fameuse phrase qui te mettais toujours en rage, mon Faaather !!!  
un sado

En rentrant elle a voulu prendre un sado, la petite voiture à deux roues qui est notre taxi ici, voulant encore acheter des bananes. Moi je lui ai  carrément dit que je voulais profiter de marcher. Qu’elle aille acheter ses bananes, qu’elle prenne un sado avec lequel elle me rattraperait, que moi je marchais toujours. Elle m’a enfin rattrapée  à quelques cents mètres de la maison, mais pour qu’elle ne puisse pas dire que je voulais seulement économiser le sado, je suis montée auprès d’elle, me réservant ainsi de payer la moitié. Le cheval se remet en marche environ 200 m, quand tout à coup il tombe, la voiture passe à moitié sur lui et nous deux, nous sommes projetées l’une sur l’autre. Moi je ne savais pas bien ce qui était arrivé, ayant justement regardé dans une autre direction, mais sitôt que j’ai vu le cheval par terre je suis sortie de la voiture, j’ai sauté plutôt, puis je l’ai aidée à sortir à son tour, mais bon sang, cette Rickshaw a eu une peur bleue, elle ne est presque tombée malade et jamais plus elle ne remontera dans un sado, non jamais plus. Je me le suis tenu pour dit, et ne la demanderai plus pour aller en ville. Moi je lui ai dit, que je ne pouvais pas me permettre d’avoir ainsi peur, vu que ces sado étaient mes seuls moyens de locomotion. D’ailleurs, si elle n’avait pas été trop paresseuse de marcher, cela ne lui serait pas arrivé.

Voilà approchant tout le nouveau de cette semaine, à part que maintenant je fais laver les habits d’Oscar par ma bi-ba-bu. Vu que le toekang penatoe (celui qui lave au lavoir) me les livrait plus sales qu’il ne les recevait à laver. Je l’ai enguirlandé 3 fois, puis comme cela ne changeait pas, je cesse.
J’ai piqué une sale rage sur Visser cette semaine. Un soir Oscar devait lui téléphoner. C’était vers les 5 heures que Buby a demandé la communication. On lui répond qu’il devait attendre, que mr. V. le demanderait. Qui a dû attendre au bureau jusqu’à 7 heures du soir ? c’était bien Buby, et pourquoi ? Parce que Mr. V. ne voulait pas quitter sa partie de carte pendant un petit moment, et notez que c’était encore pour lui rendre un service personnel que Buby lui téléphonait. Cette sale bête, va, mais voilà, on n’ose rien dire, c’est lui le patron. Enfin, je suis contente qu’ils restent encore un moment là-haut, je n’en ai pas l’ennui.
J’ai été toute étonnée en inscrivant dans l’agenda, ce matin de voir que c’était dimanche des rameaux, et dans 8 jours c’est Pâques. Bon sang, ce que le temps passe ici, c’est à faire peur. Je vois déjà que je n’arriverai pas à faire la moitié des robes nécessaires pour Soerabaya.
Les journaux aussi sont bien arrivés. Les échantillons d’étoffes sont jolis. Bon sang, il y a si longtemps que je n’ai plus eu des tissus pareils dans les pattes, du vraiment parisien. Cela donne à faire ces robes, même la plus simple. Vous en aurez des photos. Mais je n’arrive pas à en faire plus d’une par semaine.
Merci mille fois pour les bas que j’ai bien reçus, sans payer. Ils sont jolis et me rendront bien des services. Combien les as-tu payés ?
J’écrirai encore un bout demain, si non, vous vous contenterez de cette page pour cette fois-ci.

Mardi matin 14.4.35
J’ai encore un tout petit moment et beaucoup de place alors il faut en profiter.
Nous savons maintenant que nous pouvons entendre la Suisse le dimanche matin, entre 5 ½ h et 6 heures. C’est un peu tôt, mais une fois nous nous lèverons tout de même pour écouter. L’émetteur suisse à ondes extra courtes s’appelle Radio Nations. Vous ne l’entendez pas en Suisse, c’est seulement pour les continents éloignés. Tous les pays ont maintenant de ces émetteurs et nous entendons l’Amérique aussi comme si elle était à Soerabaya.
J’ai écrit hier au Jardin des Modes pour demander le prix de ce mannequin. Tu n’oublieras pas de demander à Hedy ce qu’elle en pense, n’est-ce-pas ? Ensuite je te dirai ce que j’ai décidé. Cela serait chic si je pouvais l’avoir, quelle facilité j’aurais alors. L’annonce est donc dans le Jardin des Modes du 15 mars.
Monsieur Elout n’est pas venu hier, et il n’a rien fait dire non plus, cela fait que nous l’avons attendu toute la journée. C’est bœuf, pourtant. Je dois encore écrire à Papa Woldringh, Oscar n’ayant pas fini sa lettre. Mes chers, au revoir, Joyeuses Pâques.  Je l’aurais presque oublié. Allez-vous à St Gall, ou est-ce que chacun reste pour soi ? Vous ne m’en dites rien. Il y a bien des choses que je ne comprends pas dans ta dernière lettre Mamali !!! Il me faudra d’abord déchiffrer ce Bärntütsch !!! (dialecte bernois) Bon sang, cette fois Schluss. Nous allons marcher tous les matins avec Tipsie, mais le mardi il n’y a jamais rien de fait, car le courrier doit partir.
Ge…



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