Keboemen
7 septembre 1935
Voilà de
nouveau une semaine sans lettre. Je ne sais pas ce qu’il faut en penser et
j’espère bien que ce silence n’est pas dû à ce que tu sois moins bien, Mamali.
Je ne vous cache pas, je suis assez tourmentée, et puis je me dis pour la
centième fois que cela ne peut pourtant pas être le cas, ta lettre précédente
ne laisse rien prévoir de la sorte. Enfin je vis de nouveau dans l’attente du
courrier tous les jours. Il se peut aussi que la poste ait choisi un chemin
impossible pour expédier ta lettre, mais alors il me semble que j’aurais dû la
recevoir par le deuxième avion de la semaine. La lettre me serait parvenue
aujourd’hui comme celle de papa W. mais non, rien du tout. Enfin il ne me reste
plus rien d’autre à faire qu’à attendre à mardi, mais si ce retard est dû à la
poste, alors je serai fâchée. Ces espèces de zigues là, est-ce qu’ils ne
peuvent pas une fois consulter un de leurs indicateurs de façon intelligente un
peu, et envoyer les lettres par le bon chemin ? Une fois elles viennent
par les British Airways, une fois
par la Deutsche Luftfahrt et ensuite
hollandaise, c’est trop bête.
J’aimerais bien que tu écrives de nouveau sur tes enveloppes Amsterdam – Bandoeng. Je sais bien
qu’ainsi on perd un jour vu que la lettre doit faire chemin arrière jusqu’à
Amsterdam, mais au moins ainsi c’est sûr, c’est exact, et je saurai à quoi m’en
tenir, car à quoi bon s’occasionner des désagréments quand on peut les éviter
et j’avoue que de ne pas recevoir de lettre hebdomadaire est un des plus grand
désagrément que je puisse éprouver ici. Tu comprends, hein ? Je vous aime
tant.
Mardi
passé j’ai donc été à Poerworedjo avec Mme Engelhart. Nous avons fait beaucoup
d’emplettes et j’ai appris à me faufiler chez un tas de Chinois, c’est à dire
dans un tas de boutiques chinoises que je ne connaissais pas encore. J’ai fait
des économies sur mes emplettes, car ici ce qu’on paye Fl. 1.-, chez l’un des
chinois, on le paye Fl. 0.40, chez l’autre, à condition de savoir chercher et
trouver. J’ai ainsi fait quelques florins d’économies, je vous assure. J’ai
tout de même dépensé beaucoup d’argent, rien que chez l’épicier j’en ai eu pour
Fl. 27.-, ce qui fait environ Frs. 60.- rien que pour le mois d’août et
quelques petites provisions pour septembre, pour des en-cas. Vous allez peut
être penser que j’exagère, je ne sais plus comment sont les prix en Suisse,
mais je vous assure que cet argent a été dépensé pour aucune provision de luxe,
rien que de l’utile et du nécessaire, mais c’est fantastique ce que les choses
sont encore chères ici et le seront toujours, parce qu’ici on vit de
l’importation. Sauf pour les légumes, la viande, les patates etc. les fruits
indigènes qui sont excessivement bon marché. Mais quand on a des visites et
qu’on se mêle de fêter son anniversaire, cela revient cher, aussi l’année
prochaine, nous allons nous sauver dans notre puce et iront jouir de nos jours
de fête quelque part, les deux ou avec John et Jans ou Anne et Frans, ou encore
les v.Tinteren. Autant que possible à l’avenir, je ne resterai plus à la maison
pour nos anniversaires, quoique ce soit la mode hollandaise d’offrir une
réception à ses amis et que pour la bonne façon, je ne pourrai pas toujours m’y
soustraire.
Mercredi
je suis restée à la maison et j’ai passé toute la journée à tarabuster mes gens
après avoir fourré mon nez un peu partout. Je vois bien que quand le chat est
loin les souris dansent.
Jeudi j’ai
de nouveau été à Premboen aider à tante Engel pour son déménagement. Ils ont
tant et tant de choses, ils ont tellement de souvenirs qu’ils conservent
pieusement. Cela on peut bien le faire ici aux Indes où l’on a des maisons
grandes comme des palais, du moins dans le temps, mais une fois qu’il faut
habiter une maison plus petite, c’est la débâcle. Les Engelhart ne peuvent pas
s’habituer à leur pavillon où ils ont 5 immenses chambres donnant toutes sur
une terrasse conduisant directement au jardin pour eux deux seuls.
Ah, entre
parenthèse, nous avons de nouveau une fois déménagé chez nous. Au commencement
de la semaine j’ai acheté un beau « cain », un immense tapis tissé à
la main, art de Palembang (Sumatra).
Ce vendeur est déjà… zut, je vous ai déjà écrit cela la semaine passée. Suffit
donc. Ce tapis a été la cause de notre déménagement. Nous l’avons fixé à la
paroi, au-dessus de notre chaise longue, ce qui forme un très bel ensemble. Le
radio qui était dans le coin, nous l’avons posé sur nos deux tables de nuits
combinées, entre les deux fenêtres sur le côté de la maison. Ma table à écrire
fait maintenant un ensemble avec les étagères de livres. La chambre est devenue
encore plus heimelig, nous en sommes enchantés. Il faudra de nouveau faire des
photos pour que votre imagination reste d’actualité quand vos pensées
s’envolent chez les Woldringh.
Il y a
deux jours nous avons reçu un téléphone de John, le matin tôt à 6 ½ heures. Pour une fois j’étais retournée
au lit après avoir ouvert au djongos et laisser sortir les chiens. Il faisait
si froid que j’étais contente de me faufiler sous mes couvertures encore un
moment. Je me suis rendormie, puis réveillée et enfin vers 7 ½ heures, j’ai
sonné le djongos pour le café. C’est alors qu’il nous apprend qu’on était venu
dire de chez Visser (qui ont le téléphone entre les heures de bureau) qu’on
demandait Oscar depuis Solo !!! – Kapan orang datang ? – Kapan nojnja
misih tidoer !!! (A ma demande : quand est-ce qu’on est venu le
dire ? –Quand la njonja dormait encore !!!) Jugez de nos têtes et de
la marronnée qu’il a reçu ce pauvre djongos, qui croyait bien faire en ne me
réveillant pas. John nous informait que cette petite Fiat était excellente, en
état parfait, sauf l’accu qui est trop faible et que John nous conseille de
changer. Il s’en charge et viendra nous amener notre puce, mais quand sera-ce ?
Avec John on ne sait jamais, aussi je ne crois pas à notre auto avant de
l’avoir bel et bien au garage ici. Il paraît que le vendeur ou la vendeuse je
crois, voudrait l’avoir en retour parce qu’elle peut la vendre à de meilleures
conditions, mais John s’est réservé la priorité d’achat et j’espère bien qu’il
l’emportera.
Mes chers,
ce que ce sera chic d’avoir enfin quatre roues à se mettre sous le derrière
pour sortir de la maison un peu, jouir de notre jeunesse et avoir la liberté de
circuler, sans compter le plaisir de conduire de nouveau. Je me demande si je
saurai encore. Il nous faudra passer un examen ici, mais ce n’est pas du tout
difficile comparé à celui que nous devons passer en Suisse qui, pourtant n’est
pas fantastique non plus. J’aimerais bien qu’un des garçons me donne quelques conseils quant aux
montées et descentes par très mauvais chemins sur ce qu’ils ont ajouté de plus
à leur savoir au service. Les généralités, je les sais, mais si il y avait des
fois des petits détails quant à ces trajets, alors je me recommande. Vous
connaissez votre sœurette et son intelligence plus que limitée (selon vous) à
propos de conduire une auto ! Au commencement c’est moi qui devrai
apprendre à Buby, mais je ne me fais pas d’illusions, il en saura bien vite
beaucoup plus que moi, et alors j’aurai de nouveau quelqu’un pour me donner sur
le chou-rave, mais grâce à votre souvenir, je trouverai cela heimelig !!!
Hein, mes vieux, on s’eng…. gentiment des fois pourtant, j’en ris à l’heure
qu’il est en y repensant.
Dimanche
soir, 5 ½ heures. Buby revient justement du bureau où il a travaillé toute la
journée sauf de 11 heures à midi quand nous avons fait quelques pas dans les
champs de riz secs en cette saison. Nous avons bien dîné de riz et roastbeef
que je réussis bien maintenant, grâce à un livre de cuisine hollandais qui
explique bien tout de A à Z, spécialement pour cette sorte de jeunes femmes qui
mettent le fromage dans les trous des macaroni etc. Et je crois bien que ma baboe
a aussi saisi le truc maintenant. Vous ne pouvez pas vous représenter ce que je
suis contente de ce progrès, car rôtir de la viande, pour moi, c’était toujours
un cauchemar, jamais je ne la réussissais très bien, comme à la maison mais
maintenant cela y est.
J’ai eu
une semaine de cartes postales, mais tout cela ne me remplace que faiblement ma
lettre 102 que j’attends. Ne les mets plus à la poste à Sutz, tes lettres, mais à Bienne et toujours au même guichet si possible. Je ne peux
presque pas attendre à mardi.
Demain je
vais encore une fois chez les Engelhart, leur aider, et ensuite ce sera fini
pour un temps, car je ne puis pas délaisser ma maison ainsi, il y a quand même
beaucoup de détails qui en souffrent. Là, je vais encore un peu courir avec les
chiens avant la tombée de la nuit.
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