Keboemen
16 novembre 1935, samedi soir
A sa maman
Extraits
C’est avec
chagrin que j‘ai appris que ton état avait de nouveau empiré, et je ne te cache
pas je me suis un peu fait de soucis de nouveau.
J’ai reçu
tes lettres 111 et 112 en même
temps, je pense que tu ne les as pas mises à la poste aux heures régulière, de
là le retard ou l’avance. Merci beaucoup de tes longues lettres, qui me font
toujours tant de plaisir et de bien aussi. Voyons que je réponde donc dans
l’ordre un peu. La 111 : j’aime toujours bien tes descriptions de la situation
chez nous, et je vois les Char-Lou
rentrer du service, tard et fatigués, se jeter dans le buffet de cuisine. Je
vois que tu as de nouveau eu du travail pour tes 2 soldats. Oscar croit qu’ils
fatiguent ainsi les garçons pour voir jusqu’où ils peuvent compter sur le moyen
d’endurance de leurs hommes, car un officier n’ose jamais flancher.
Entre
nous, je te dis, cette Visser s’est
joliment coupé dans les doigts. Annie
Elout ne peut pas la voir, elle m’a dit qu’elle avait toutes les peines du
monde à être gentille avec elle. Oui, oui, attendez seulement. Les Elout nous
ont aussi dit de ne plus aller chez les Visser que ce que la politesse
exigeait, mais que je ne devais absolument plus aller m’exposer à des affronts.
Quant à la Rickshaw, c’est quantité négligeable, on n’en parle pas, elle aussi
est biffée. Oh, vois-tu, maintenant que je sais qu’il y a un trou par lequel
nous sortirons une fois de Keboemen, j’en jouis beaucoup de ma vie ici. Mais
cela je ne le dis qu’à vous, personne n’en sait encore rien ici, nous n’osons
pas même le dire aux Engelhart, rien, il faut se taire. Elout même n’aurait pas
dû nous le dire encore. Tu peux penser que je fais de mon mieux pour bien
m’entendre avec sa femme. Elle m’est assez sympathique et je m’entends très
bien avec elle, mais je me tiens quand même un peu sur le qui-vive car je
n’aime pas ses mains. J’ai encore rarement vu une si vilaine forme de main,
répugnante, alors comme je peux assez bien aller sur mon instinct, je me tiens
sur mes gardes, tout en étant gentille et amicale etc. Tout cela je ne le dis
qu’à toi, cela fait qu’il ne faut pas en parler, hein ? Peut être bien que
je changerai encore d’avis, je ne sais pas, cette vilaine forme de main ne veut
pas toujours indiquer un mauvais caractère, loin de là, mais enfin pour le
moment je veux rester prudente. En tout cas, c’est une femme instruite. Oh,
diable, peux-tu t’imaginer mon plaisir intérieur comme je rigole, que les
choses se soient passées ainsi ?
Oui, tes
sandwiches aux œufs n’ont toujours connu que du succès. Moi je les fais souvent
aussi, mais je ne sais pas, je n’y
ai pas encore le coup. Je pense que ce sont les quantités que je ne mesure pas
bien, ou bien je mets trop de Worcester, ou alors ma moutarde n’est pas bonne.
Je n’en sais rien. Dis moi encore une fois les quantités que tu emploies stpl.
Tu m’as déjà donné la recette mais pas trop clairement, alors je fais de mon
mieux.
Je suis en
train de préparer du jus d’ananas, quelque chose d’excellent pour l’estomac et
pour des personnes fatiguées de l’estomac et faibles. Enfin, si cela réussit,
je t’en donnerai de plus amples nouvelles.
Nous
venons de recevoir aujourd’hui un curieux petit papier de la banque, sur
lequel était écrit que O. Ch. Woldringh pouvait retirer de la banque de Batavia
la somme de Fl. 237.09 sur le compte
de C. Woldringh. Nous n’en pouvions pas croire nos yeux ! Je pense que
cela veut dire que Papa Woldringh nous paye notre auto, mais je te dis, je
n’ose pas encore y croire. Je veux d’abord attendre la lettre de Father W.
lui-même. Je pense que c’est pour la fête à Buby et notre Noël. Je n’en dis
encore rien à la lettre famille, je le ferai seulement quand nous aurons la
lettre de Father W. nous l’annonçant. Mais à toi je peux bien faire part de
notre immense plaisir, surtout que ce moi-ci aurait été très serré pour nous,
vu que la fabrique ne tournera peut être pas du tout, alors cela ne nous ferait
que Fl. 200.- pour le mois de décembre, avec Noël, les Gerbens et l’auto à
payer encore. Maintenant nous serons de nouveau merveilleusement à flot. Nous
avons déjà décidé, vu que l’auto est presque complètement payée, de mettre Fl.
100.- de côté de ce cadeau. Il faut toujours prévoir et économiser.
Merci
beaucoup pour les Express que j’ai bien reçus. J’ai eu du plaisir à les revoir,
surtout de lire les annonces, la seule chose qu’il y a de bien dans ce torchon.
Décidément j’aime mieux le Journal du
Jura, pas toi ?
J’ai reçu
cette semaine tous mes patrons du Jardin
des Modes, pour 12 robes !!! j’en ai déjà une en travail. C’est facile
comme tout de les faire maintenant, mais avant de me réjouir, je veux attendre
qu’elle soit finie pour pouvoir juger de la coupe, etc. Vois-tu j’en ai un
plaisir fou, et je te bénis au moins 10 fois par jour que tu m’ais poussée à
apprendre à coudre.
Il est 10
heures du soir, lundi.
Nous
venons d’avoir rendu visite à mr.
Koesmoen, un javanais qui est président du tribunal ici et qui va me donner
des leçons de javanais. Je les
prendrai ensemble avec les sœurs
d’hôpital de la mission, ici. Ainsi je ferai presque d’une pierre deux
coups. J’apprendrai et le javanais et à connaître ces sœurs. On ne sait jamais,
ce pourra toujours être bon à quelque chose. Seulement elles sont très
réservées, il faudra y mettre du feu pour briser la glace. Ces Koesmoen sont
des gens bien, ils parlent bien le hollandais et lui a fait ses études en
Hollande et a été un peu partout en Europe. C’est un roué et quelqu’un que tu
ne peux pas connaître après une première visite si tu arrives jamais à le
connaître, vu que c’est un javanais. Enfin, on verra. Ma première leçon
commence mercredi soir à 8 ¼ heures. Je pense que Buby viendra avec aussi.
Je n’ai
plus le temps d’écrire une lettre famille, ma foi, St Gall, tu les enverras
promener cette semaine, ils se passeront de lettre et tu inventeras ce que tu
voudras. Dis leur simplement que je n’ai rien écrit qu’un petit billet pour toi seule, vu que tu étais de
nouveau moins bien, et que je n’ai pas eu le temps d’en faire plus.
Par même
courrier j’envoie une lettre par bateau, il faut que tu la reçoive pour le 19
décembre (anniversaire de Rose), si
elle arrive, c’est pourquoi ne
te réjouis pas à l’avance …
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