lundi 16 mai 2016




Keboemen

16 novembre 1935, samedi soir
A sa maman
Extraits

C’est avec chagrin que j‘ai appris que ton état avait de nouveau empiré, et je ne te cache pas je me suis un peu fait de soucis de nouveau.
J’ai reçu tes lettres 111 et 112 en même temps, je pense que tu ne les as pas mises à la poste aux heures régulière, de là le retard ou l’avance. Merci beaucoup de tes longues lettres, qui me font toujours tant de plaisir et de bien aussi. Voyons que je réponde donc dans l’ordre un peu.  La 111 : j’aime toujours bien tes descriptions de la situation chez nous, et je vois les Char-Lou rentrer du service, tard et fatigués, se jeter dans le buffet de cuisine. Je vois que tu as de nouveau eu du travail pour tes 2 soldats. Oscar croit qu’ils fatiguent ainsi les garçons pour voir jusqu’où ils peuvent compter sur le moyen d’endurance de leurs hommes, car un officier n’ose jamais flancher.

Entre nous, je te dis, cette Visser s’est joliment coupé dans les doigts. Annie Elout ne peut pas la voir, elle m’a dit qu’elle avait toutes les peines du monde à être gentille avec elle. Oui, oui, attendez seulement. Les Elout nous ont aussi dit de ne plus aller chez les Visser que ce que la politesse exigeait, mais que je ne devais absolument plus aller m’exposer à des affronts. Quant à la Rickshaw, c’est quantité négligeable, on n’en parle pas, elle aussi est biffée. Oh, vois-tu, maintenant que je sais qu’il y a un trou par lequel nous sortirons une fois de Keboemen, j’en jouis beaucoup de ma vie ici. Mais cela je ne le dis qu’à vous, personne n’en sait encore rien ici, nous n’osons pas même le dire aux Engelhart, rien, il faut se taire. Elout même n’aurait pas dû nous le dire encore. Tu peux penser que je fais de mon mieux pour bien m’entendre avec sa femme. Elle m’est assez sympathique et je m’entends très bien avec elle, mais je me tiens quand même un peu sur le qui-vive car je n’aime pas ses mains. J’ai encore rarement vu une si vilaine forme de main, répugnante, alors comme je peux assez bien aller sur mon instinct, je me tiens sur mes gardes, tout en étant gentille et amicale etc. Tout cela je ne le dis qu’à toi, cela fait qu’il ne faut pas en parler, hein ? Peut être bien que je changerai encore d’avis, je ne sais pas, cette vilaine forme de main ne veut pas toujours indiquer un mauvais caractère, loin de là, mais enfin pour le moment je veux rester prudente. En tout cas, c’est une femme instruite. Oh, diable, peux-tu t’imaginer mon plaisir intérieur comme je rigole, que les choses se soient passées ainsi ?

Oui, tes sandwiches aux œufs n’ont toujours connu que du succès. Moi je les fais souvent aussi, mais je ne sais pas,  je n’y ai pas encore le coup. Je pense que ce sont les quantités que je ne mesure pas bien, ou bien je mets trop de Worcester, ou alors ma moutarde n’est pas bonne. Je n’en sais rien. Dis moi encore une fois les quantités que tu emploies stpl. Tu m’as déjà donné la recette mais pas trop clairement, alors je fais de mon mieux.
Je suis en train de préparer du jus d’ananas, quelque chose d’excellent pour l’estomac et pour des personnes fatiguées de l’estomac et faibles. Enfin, si cela réussit, je t’en donnerai de plus amples nouvelles.

Nous venons de recevoir  aujourd’hui un curieux petit papier de la banque, sur lequel était écrit que O. Ch. Woldringh pouvait retirer de la banque de Batavia la somme de Fl. 237.09 sur le compte de C. Woldringh. Nous n’en pouvions pas croire nos yeux ! Je pense que cela veut dire que Papa Woldringh nous paye notre auto, mais je te dis, je n’ose pas encore y croire. Je veux d’abord attendre la lettre de Father W. lui-même. Je pense que c’est pour la fête à Buby et notre Noël. Je n’en dis encore rien à la lettre famille, je le ferai seulement quand nous aurons la lettre de Father W. nous l’annonçant. Mais à toi je peux bien faire part de notre immense plaisir, surtout que ce moi-ci aurait été très serré pour nous, vu que la fabrique ne tournera peut être pas du tout, alors cela ne nous ferait que Fl. 200.- pour le mois de décembre, avec Noël, les Gerbens et l’auto à payer encore. Maintenant nous serons de nouveau merveilleusement à flot. Nous avons déjà décidé, vu que l’auto est presque complètement payée, de mettre Fl. 100.- de côté de ce cadeau. Il faut toujours prévoir et économiser. 
Merci beaucoup pour les Express que j’ai bien reçus. J’ai eu du plaisir à les revoir, surtout de lire les annonces, la seule chose qu’il y a de bien dans ce torchon. Décidément j’aime mieux le Journal du Jura, pas toi ?
J’ai reçu cette semaine tous mes patrons du Jardin des Modes, pour 12 robes !!! j’en ai déjà une en travail. C’est facile comme tout de les faire maintenant, mais avant de me réjouir, je veux attendre qu’elle soit finie pour pouvoir juger de la coupe, etc. Vois-tu j’en ai un plaisir fou, et je te bénis au moins 10 fois par jour que tu m’ais poussée à apprendre à coudre.
Il est 10 heures du soir, lundi.
Nous venons d’avoir rendu visite à mr. Koesmoen, un javanais qui est président du tribunal ici et qui va me donner des leçons de javanais. Je les prendrai ensemble avec les sœurs d’hôpital de la mission, ici. Ainsi je ferai presque d’une pierre deux coups. J’apprendrai et le javanais et à connaître ces sœurs. On ne sait jamais, ce pourra toujours être bon à quelque chose. Seulement elles sont très réservées, il faudra y mettre du feu pour briser la glace. Ces Koesmoen sont des gens bien, ils parlent bien le hollandais et lui a fait ses études en Hollande et a été un peu partout en Europe. C’est un roué et quelqu’un que tu ne peux pas connaître après une première visite si tu arrives jamais à le connaître, vu que c’est un javanais. Enfin, on verra. Ma première leçon commence mercredi soir à 8 ¼ heures. Je pense que Buby viendra avec aussi.
Je n’ai plus le temps d’écrire une lettre famille, ma foi, St Gall, tu les enverras promener cette semaine, ils se passeront de lettre et tu inventeras ce que tu voudras. Dis leur simplement que je n’ai rien écrit qu’un petit billet  pour toi seule, vu que tu étais de nouveau moins bien, et que je n’ai pas eu le temps d’en faire plus.
Par même courrier j’envoie une lettre par bateau, il faut que tu la reçoive pour le 19 décembre (anniversaire de Rose), si elle arrive,  c’est pourquoi ne te réjouis pas à l’avance …





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