mardi 24 mai 2016




Keboemen

22 décembre 1935

Mes bien chers
Il me vient justement à l’idée que dans deux jours c’est Noël. Je n’ai encore rien du tout préparé, rien commandé, pas fait de menu, rien. Mince, il faut que je me dépêche, et ne vous attendez pas à une longue lettre.
D’abord merci de tout cœur pour toutes vos bonnes lettres qui nous ont fait tant de plaisir, on les lit et les relit. Il a fait beau recevoir un bon courrier.
Vous me gâtez tellement. Merci mille fois de tout cœur pour la jolie robe. Elle est ravissante et elle me va fantastiquement bien. La couleur est plus que distinguée et elle ne me fait pas du tout pâle comme je le craignais un peu après avoir reçu l’échantillon. C’est une couleur tout ce qu’il y a de fin, et très raffinée, car elle me fait un beau teint, je t’assure. La façon aussi est charmante, les manches sont bien et elles me vont parfaitement. Il n’y a qu’autour du trallalla (derrière) que cela tend un peu, un signe que je suis devenue plus forte. Je vais ouvrir un pli et le faire un peu moins large de sorte que cela me donnera un peu plus d’ampleur, autour des hanches. Il n’y a pas tant à coudre, mais je ne crois pas que je réussirai à la terminer pour Noël, justement à cause de ce pli, mais cela sera pour après quand j’aurai mes visites, je serai contente d’être bien. J’ai reçu aujourd’hui l’avis d’un recommandé, je pense que ce sera la ceinture.
Nous avons également reçu la cravate de Tata pour Buby, qui est ravissante, Oscar en a un plaisir fou. Entre parenthèse, ce pauvre diable a travaillé aujourd’hui toute la journée, il est bientôt 7 heures du soir et il y est encore. Avec cela il veut écrire à Max et Tata !
J’ai également reçu cette lettre avion de madame Danz. Heureusement que je lui ai envoyé une carte postale pour leur souhaiter de bons jours de fêtes. Mais zut, je ne peux pas leur écrire par avion, je vais bien lui répondre, mais par bateau. Si je commençais ce système, je me ruinerais en timbres avion. La photo !!! Mes chers, j’ai fait les hauts cris. La bouche peinte de la Ditteli, c’est comme une couronne de cervelas (saucisses suisses très populaires) posés délicatement sur sa binette. Elle a au moins fait en sorte de prendre la plus grande place sur la photo, il y aurait le danger qu’on ne la remarque pas ! autrement ! Mais bon sang, cette binette. Elle a de beaux pieds, cela il faut le lui laisser, mais le reste, misère ! Qui sait, peut être serait-elle proclamée reine de beauté en Abyssinie grâce à ses lèvres, mais le reste c’est du cheval. Après elle, vient la petite Carrera qui a l’air gentil mais bête. La petite Thiébaud ressemble à sa mère, elle a une expression vulgaire. La jeune Straub et Vio sont les mieux. La Brodbeck est insignifiante. Mais n’allez pas raconter tout cela à madame Danz, cela gâterait l’effet de la lettre que je vais être obligée de lui écrire !
A propos de la Rickshaw j’en ai de nouveau une bonne qui prouve que mon nouveau système porte déjà des fruits.  Vendredi matin, je me préparais à aller en ville quand je vois la Rickshaw passer en auto, aussi allant en ville. J’allais encore vite déjeuner quand les Hartong sont venus. Ils voulaient passer chez la Rick, mais ne la trouvant pas, ils sont venus s’asseoir chez nous. Madame devait aussi aller en ville, alors j’ai été avec eux en auto. Nous avons naturellement rencontré la Rick dans un magasin. En me voyant avec mad. Hartong elle m’a lancé un de ses gentils regards, si, pour ne pas être doux était au moins sincère, puisqu’il me dévoilait clairement tout l’amour qu’elle a pour moi. Quand j’ai vu cela, je me suis cambrée, j’ai relevé la tête et l’ai regardée froidement. Cela n’a duré qu’une seconde, elle a immédiatement changé d’attitude et m’a poliment saluée. J’ai répondu très poliment à son salut, et parlé quelques mots avec les deux dames avant de prendre congé pour aller mon chemin. Alors la Rick m’a offert sa voiture pour aller faire mes commissions. J’ai refusé gentiment, mais j’ai dit que je les retrouverais dans tel magasin où elles devaient aussi aller. J’avais besoin de la Rick pour acheter des sarongs pour les domestiques, comme cadeau de Nouvel An. La Rick s’y connaît bien tandis que moi je ne vois pas encore la différence entre la valeur des dessins. Nous avons encore été ensemble dans 2-3 autres tokos (échoppes), moi je laissais ces deux femmes choisir leur butin pendant que je m’occupais du mien de mon côté, alors à tout moment la Ric s’approchait de moi avec une gentillesse quelconque. Moi, je la laissais faire et lui laissais voir en même temps qu’elle ne m’impressionnait pas avec ses avances. A la fin, elle m’a dit qu’ils iraient à Djocja ce weekend-ci, si j’avais des commissions. J’ai répondu que je verrais, et que si j’en avais je le lui dirais à temps. Mais je n’ai rien dit, je ne veux plus de ses services, j’ai appris à m’en passer. Ah, oui, c’est moi qui ai la flûte maintenant, et c’est elle qui danse. J’ai toutefois bien soin de ne pas trop tirer la ficelle du pantin. Je les tire, je les lâche pour mieux les retirer, les « cifelles ». C’est une bonne occasion pour m’exercer au jeu, pour plus tard, car je pense bien que j’en rencontrerai encore beaucoup sur mon chemin, des Rickshaw.
Papa, Garçons, je vous écrirai à chacun l’année prochaine, je ne pense plus y arriver cette dernière semaine. Oscar, qui m’a dit pendant toute l’année qu’il voulait écrire à Mr. Dunlop (voir lettre du 14.11.1932 Comment tout a débuté), me déclare maintenant qu’il avait compté que moi je le ferais. Tableau, me voilà encore à pondre une lettre de plus, et une qui n’est pas trop facile. Enfin, allons-y, mais c’est vous qui en pâtissez. Vous ne m’en voudrez pas mais vous comprendrez bien, hein ?
Merci pour tous vos bons vœux de Noël et pour la nouvelle année. Vous savez combien nous aussi nous penserons à vous tous, et comme je m’imaginerai l’arbre à la véranda, vous tous autour, ensuite le souper dans la chambre qui sent bon le sapin, et toutes les histoires de la Dame de Noël.
Mes chers, encore une fois un JOYEUX NOEL et UNE BONNE ET HEUREUSE. Un bon muntschi à chacun avec toute mon affection et mes tendres pensées. Nous serons les uns chez les autres en pensée, aussi à Sylvestre et Nouvel An.
Tiens, cette lettre n’arrivera que pour Nouvel An, Noël aura déjà passé.
Le jour après Noël j’aurai les v.Tinteren pour 2-3 jours, puis John avec ses amis de Delft pour une nuit, puis Frans et Anne pour quelques jours. Pas le temps de s’ennuyer ! Pour le soir de St Sylvestre je vais faire une Soirée Tzigane avec de la musique tzigane et du vrai bon goulash hongrois, dont j’ai reçu la recette de Flock. Oh, mes chers, je vous embrasse de tout mon cœur. Ge….
A la main
Ce matin Buby s’est réveillé pour aller faire pipi, il faisait si beau dehors qu’il m’a réveillée. Nous nous sommes vite habillés et avons été promener. Il était 6 heures, c’était exquis et j’ai eu tant de plaisir. Buby a recommencé à fumer la pipe. J’en suis contente, car je crois que cela lui fera moins de tort que les cigarettes.


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