samedi 14 mai 2016





Keboemen

29 octobre 1935

Mes bien chers tous
Juste deux mots cette semaine, car il ne me reste plus de temps pour écrire.
John et Jans sont venus vendredi soir à 10 heures dans notre Puce. Jugez de notre joie ! C’est une Puce merveilleuse qu’ils nous ont apportée. Elle est tiptop, le moteur ronfle comme un rêve, elle est bien astiquée, la carrosserie bien polie, le cuir des sièges bien remis à neuf, des pneus neufs, enfin c’est un chou, un bijou, et John est un chic type. Jans est bonne pâte et Oscar est fier comme un coq. A le voir dans son auto, au volant, je me tords toujours de rire. Non,
mais il faudrait voir cette binette,
et ces yeux derrière ces lunettes.

Samedi j’ai été conduire avec John pendant qu’Oscar allait travailler et Jans lisait à la maison. C’est est très bien allé. L’auto marche comme un rêve, elle fait du 80-90 Km/h comme rien du tout, elle tire, c’est fou. Elle est jolie je vous dis, et quand on est dedans nous deux, cela ferait une image pour un magazine !!! Non, je vous dis, j’en perds la tête de plaisir. Il fait si beau, nos voisins sont si jaloux, ils vont encore en crever, surtout les femmes ! Samedi soir on a eu la visite des Engelhart. Ils ont soupé ici, et on a été une toute joyeuse compagnie. Les hommes ont décidé d’aller à la chasse. John a reçu une invitation pour aller chasser des taureaux sauvages sur une presqu’île de la côte de Tjilatjap, à environ 6 heures d’auto d’ici Mr. E. et Oscar ont fait les démarches nécessaires pour l’accompagner et nous les femmes on ira avec aussi. Nous partirons donc dimanche prochain, si tout va bien. 
Javanese Guest house (Pinterest)

On logera dans un passang grahan (lit. :maison de passage) au bord de la mer, donc un hôtel javanais. Cela sera un peu drôle, mais je ne m’en fais pas, ici on s’habitude à tout. Pendant que les hommes seront à la chasse, nous irons nous baigner et chercher des orchidées. On y va avec l’auto des E. John amène encore un tas de gens depuis Solo. Nous y resterons quelques jours. Buby a encore un travail fou pour finir à temps sa fin de mois, et moi, il faut que je prépare bien des choses jusque là, des habits etc. On fera des photos.
Dimanche nous avons tous été chez les E. pour la rijsttafel et John et Jans sont repartis de Premboen en train pour Solo. La sympathie entre Jans et tante E. a bien marché, la conséquence a été que Jans est repartie pour Solo avec un immense panier plein de plantes et d’orchidées pour son propre jardin. Nous avons encore passé la soirée à Premboen, à jouer au mah-jong et à 11 heures Buby et moi on rentrait pour la première fois

seuls ensemble dans  n-o-t-r-e  a-u-t-o.

la Puce (Photo Fiat)

Ah, ce plaisir, mes chers, cette joie, cette fierté, c’est indescriptible. On en est fou. Elle a un moteur qui ronfle comme celui d’une voiture de course. C’est bien, cela a de la race, du Schwung. Je vais prendre mon permis de conduire demain ou après demain. J’ai demandé la permission de circuler sur la route entre Keboemen et Premboen pour apprendre !
Hier soir après le travail, Oscar vient me demander si je sors un peu. A mon objection qu’il ne fallait pas trop servir de benzine, car nous avions déjà été entre midi et une heure, il a répondu qu’il devait absolument respirer un peu d’air frais, alors pour respirer cet air frais, je n’ai pas fait longtemps pour sauter à mon tour dans la voiture et sans savoir comment nous étions sur la route de Premboen. Naturellement nous avons de nouveau été chez les E. qui ont bien ri quand ils nous ont vu arriver. J’avais pris Brunette avec moi, alors en route, le chien a eu le mal de mer et a vomi sur moi. J’en avais plein des genoux, heureusement que je pouvais aller me nettoyer chez tante E.
Oh, c’est si beau de conduire de nouveau, vous en avez aucune idée.
Mais nous avons bien ri hier. Madame Röhwer, que je n’ai plus vue depuis des semaines et des semaines, hier matin est allée au bureau vers Buby pour chercher une adresse dans le livre du téléphone soit disant, alors elle a saisi l’occase pour lui dire que notre voiture était jolie ! Buby est venu en rigoler au déjeuner, mais une heure après, c’est moi-même qui avait l’honneur de la visite de madame la duchesse Röhwer qui venait me demander un timbre poste !!! (qu’elle aurait naturellement pu acheter au bureau tout aussi bien !). Et de nouveau la conversation a roulé sur notre Puce, mais elle est repartie sans emporter une invitation pour l’essayer. Ah, ma foi non, elle n’y mettra pas les pieds si vite. Il faudra bien que je la prenne avec une fois, mais elle attendra encore. Oh, cette fois, la Näggeli va les traiter exactement comme elles l’ont traitée elles-mêmes. Non, mais alors, est-ce qu’elle n’aurait pas pu imaginer une excuse un peu moins bête pour nous approcher de nouveau ? (Approchez, approchez, si vous voulez…, hein, papali ?) Ma foi, j’en ai rien à faire.
Hier nous avons été faire faire des photos de passeport chez le photographe ici. Pour un peu je me faisais faire des photos où ma tête apparaît dans un cœur entouré de rubans et de colombes ! C’est si beau et les Javanais en raffolent. Malheureusement on a des têtes de gueule de bois, car depuis vendredi on n’a plus été au lit à des heures convenables, enfin, si elles ne sont pas trop mal je vous en enverrai aussi. Jans va très bien maintenant, mais elle devra se faire opérer en janvier. Elle est devenue encore plus grosse, c’est terrible, elle pèse 105 kg maintenant. En novembre elle viendra chez nous pour une quinzaine de jours. Je me réjouis, on fera des ballades, et on va coudre. Dans la première quinzaine j’aurai donc Elout et sa femme.
Mes chers, je n’ai pas trop la tête à écrire, vous comprenez. Et la semaine prochaine il ne faudra pas vous attendre à une longue lettre non plus, si nous serons à la chasse. Il paraît que c’est une chasse terrible, dangereuse, mais Buby m’a promis d’être prudent. Lui et Mr. E. vont grimper dans les arbres, il n’y aura que John qui tirera sur les bêtes, parce que lui est habitué. Cela promet de devenir une bonne party.
Mes bien chers, je vous quitte, voilà Oscar qui ne revient pas pour finir la lettre à papa Woldringh. Il faut bien que je le fasse, et il ne reste plus guère de temps. J’ai toujours un œil sur la montre, de sorte que je n’ai pas mes idées complètes pour écrire quoi que ce soit d’intelligent.
Non, mais vous devriez voir le museau d’Oscar quand il conduit, il est fier, mais fier, c’est fou. On n’en peut rien mais on est si heureux qu’on s’embrasse au moins à chaque km dans cette voiture. Oh vous verrez comme elle est bien. Je n’ai plus pu faire de photos ce mois-ci, plus un rond de disponible pour acheter un film, mais sitôt qu’on aura la paye on y en mettra pour que vous puissiez en jouir aussi de notre Puce. Voilà maintenant addio, un bec à tous.



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