mercredi 4 mai 2016




Keboemen

16 septembre 1935

Hier il y a eu deux ans que nous nous sommes embarqués à Naples. Nous y avons beaucoup pensé, et vous aussi je pense, aussi au 13 septembre quand nous avons quitté Bienne. Ce que le temps passe, et puis il me semble que ce n’est que hier que nous vous avons quittés et que nous avons pris congé là au buffet de la gare à Zurich. Je m’en rappellerai toujours, non, c’est quand même horrible, un départ, cela déchire trop, surtout ce premier. Oscar se fait encore toujours illusion qu’il gagnera une fois le gros lot, alors, il l’a dit encore hier soir, on irait vivre en Suisse et il commencerait quelque chose, des c….canards ou des chiens !!! Moi, je préférerais rester ici, aller demeurer à Bandoeng où le climat est si bon et froid, et je vous ferais venir. Mais trêve de rêverie, revenons s à la réalité. Pour le moment nous en sommes encore à notre petit salaire et à tirer le diable, non, pas tout à fait, mais enfin à compter pour joindre les deux bouts avec un petit nœud !!!
John et Jans devaient arriver ce week-end et nous amener la puce, mais voilà que Jans a eu une attaque d’appendicite tellement aigue qu’une opération était impossible. Elle est à l’hôpital à Solo. Donc nous savons maintenant que nous pouvons compter sur notre puce, quel plaisir nous en avons ! et ce qu’on va en jouir ! Gare ! Mes lettres deviendront encore plus courtes, car naturellement il faudra aussi que je m’occupe à la soigner, à la nettoyer !!! Et puis, il faudra re-apprendre à conduire, et encore avec John qui soutient que ce n’est pas pour des femmes, qu’elles sont trop bêtes pour cela ! (Votre avis garçons ?) Ce sera moi qui devrai apprendre d’abord, vite, vite, passer mon examen et puis apprendre à Buby.
Nous avons donc eu la visite de Elout et Erkelens, ce dernier à couché chez nous. Ils sont arrivés mercredi dans l’après midi et repartis vendredi à midi. Pendant les deux soirées, ces hommes ont joué au bridge, une fois chez les Visser, une fois chez nous. Le second soir Oscar a gagné Fl. 5.-, de Elout ! C’est moi qui rigolais ! Le lendemain matin, j’ai immédiatement été m’acheter de la soie lavable blanche pour une robe, qui me coûte Fl. 1.32 et je me réjouis de la commencer, même si elle ne durera pas plus longtemps que ce que durent les roses.
Comme je l’ai écrit à Papali, les nouvelles qu’Elout apportait n’étaient pas trop mauvaises. En plus il a constaté avec plaisir que la fabrique de Keboemen était celle qui lui faisait le moins de soucis pour la manière dont elle était administrée et aussi pour la manière dont Visser conduisait la politique. Visser comprend bien Elout et vu qu’il est d’accord avec la politique de ce dernier, il n’a pas de peine à la suivre, quant à l’administration, elle repose pour les trois quarts sur les épaules d’Oscar, donc c’est aussi lui qui pouvait empocher le contentement d’Elout. Erkelens de Tjilatjap, par contre, a dû avaler bien des critiques quant à son administration, qu’Elout a faites avec tact mais aussi avec une grande fermeté. Une fois de plus Buby a pu se rendre compte qu’Elout était une fameuse tête et une intelligence supérieure, malgré tous ses autres défauts, plutôt de genre privé. Sa mère est peintre, et son père s’occupe de chasse, et de diriger un casino dans une plage au nord de la Hollande, je pense que c’est là qu’Elout a pris ses idées de Bohême. Enfin, cela ne nous regarde pas aussi longtemps qu’il fait bien marcher les affaires, et avec nous il a toujours été correct jusqu’à présent. Oscar maintenant travaille plus dur que jamais, car il veut se familiariser avec bien des finesses commerciales qu’un autre acquiert par la pratique quand il commence sa carrière à 20 ans.
Pour le reste cette visite m’a remise à flot, vu que j’ai reçu Fl. 10.- pour ces deux jours d’Erkelens et n’ai pas encore dépensé autant, vu qu’ils n’ont pas bu comme des trous, je pense que madame Visser ne peut pas en dire autant !
Vous savez que j’ai reçu tes lettres 102 et 103 en même temps. La 102 a mis 15 jours parce qu’elle a été envoyée par Chiasso et de là, je me demande la route qu’elle a suivie. C’est une salade, je vous dis, et j’espère que vous vous occuperez à savoir quand et par où elles doivent être expédiées, de manière à ce que la régularité soit rétablie. Vous comprenez que j’y tienne, pas ?
Oh mince alors, je viens d’avoir une scène de ménage. Quand ces hommes étaient là, je n’avais plus d’allumettes tout à coup, alors j’ai envoyé la baboe en chercher, pendant qu’Oscar de son côté envoyait le djongos. Aujourd’hui la baboe m’a demandé 3 ct. Pour sa boîte d’allumettes et le djongos vient de me demander 2 ½ ct. Alors j’ai fait venir la baboe et l’ai engueulée parce qu’elle trichait avec le prix. (Je sais qu’elle fait cela chaque fois qu’elle va au marché, mais enfin il n’y a pas à y remédier, cette fois-ci j’avais pourtant une preuve). J’ai piqué une telle colère quand elle osait nier, que je devais avoir l’ai bien méchante, car elle est allée pleurer à hauts cris. Après le djongos est venu m’expliquer qu’ils n’avaient pas acheté leur boîte d’allumettes au même warung (boutique) et qu’un demandait 3 cts et l’autre 2 ½ cts. Cela m’a paru vraisemblable, de sorte que j’ai fait revenir la baboe et lui ai dit que je n’étais plus fâchée !!! Elle a séché ses larmes et je suis sûre qu’elle va bien cuire son dîner, la leçon n’aura pas été perdue.
Ainsi nos garçons sont de nouveau au service et en sortiront lüfzgi (lieutenant), cette fois, gare ! Je me réjouis des photos. C’est ce départ pour le service qui était unique, du Marchand pur. J’en ris chaque fois que j’y pense, je peux si bien m’imaginer comme tout s’est passé, et ces charrettes de livret militaire. Le drame de toutes ces années de Papa va recommencer avec Charlot. Le monde reste toujours le même. Loulou, je crois qu’il saura tenir ses affaires en ordre, mais Charlot ! Pardon mon vieux, je sais bien que tu as de l’ordre aussi quand le désordre ne s’y mêle pas ! C’est comme Oscar, seulement lui, il trouve toujours le moyen de ficher la faute sur sa femme quand il ne trouve pas quelque chose, ou alors sur la baboe ou le djongos. Ah, les hommes !
Je vais de nouveau aller chez les Engelhart cette semaine, car les nouvelles que nous recevons d’Europe sont si alarmantes, chacun ici est très anxieux, car chacun de nous a de fortes attaches en Europe. A Musso(lini) j’aimerais lui tordre le cou, adieu mon béguin pour l’Italie. Est-ce que économiquement vous vous en ressentez des évènements ? Ecris-moi à ce sujet,  stpl.
Mes chers, si je ne vous en écrit pas plus long cette fois-ci, c’est bien la faute à Tatali, nous venons de recevoir les Sie & Er, Schw. Illustrierte, Candide etc, merci pour ce nouvel bel envoi qui nous fait toujours tant de plaisir. Nous nous sommes jetés sur les journaux et je n’ai pas eu le temps d’écrire avant que j’aie eu tout lu, ou au moins regardé, la lecture des articles viendra encore, mais maintenant il est presque trop tard pour écrire une longue lettre.
Cette semaine, juste avant l’arrivée d’Elout, mmes Röhwer et Visser sont de nouveau sorties avec l’auto de la fabrique, à Combong ou Poerworedjo pour faire des emplettes, mais la Woldringh, qui attendait pourtant du monde, elles ne l‘ont pas demandée avec. Heureusement que je sais assez bien me démerder pour me procurer ce qu’il faut par d’autres moyens. J’emploie maintenant les coolies du boucher, celui du lait qui font toujours les trajets à Premboen et Poerworedjo pour m’apporter ce dont j’ai besoin. Je leur donne 5 cents par commission, et les magasins je les paye à la fin du mois, ainsi je suis bien servie, mais je n’en dis rien à ces femmes. A malin, malin et demi..
Je ne sais pas si tu pourras aller chez les Sossich maintenant que la guerre (Italie – Ethiopie) est décidée. Bon sang, est-ce que cela devait encore arriver, j’en ai été toute malade il y a quelques temps. Pourvu que vous n’en souffrez pas.


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