Le 19 mars
1934 même lettre
Deuxième
partie
Hier j’ai
été avec Mme Visser vite à Krakal,
c’est un petit endroit à environ une demi-heure d’auto d’ici, situé dans les
montagnes, et là se trouve une source, quelque chose comme Worben.
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bains de Krakal |
Il y a un
établissement de bains et on boit l’eau aussi. C’est bon pour les rhumatismes.
Nous avons décidé d’y aller, elle et moi, 1-2 fois par semaine, car le docteur
d’ici dit que c’est très bon et sain. Mais auparavant je veux qu’il me voie et
m’ausculte, je veux lui raconter toute l’histoire, et s’il dit encore que ces
bains seraient bons pour moi, eh !bien j’irai avec Mme Visser.
Tu me
demandes des nouvelles de Mme Visser,
Mamali, en voici.
Elle est
de Sumatra, légèrement Indisch, peut être au 2-3 rang, mais elle a passé 9 ans
en Hollande pour son éducation. Elle est charmante, c’est une dame, aussi de
caractère. Elle a fait des études de piano, elle sait faire de beaux ouvrages,
mais maintenant elle n’en a plus le temps avec les enfants. Elle est éduquée,
mais je ne crois pas qu’elle soit excessivement intelligente, en tout cas elle
a des fois de drôles d’idées, desquelles elle ne démord pas. Cela me fait rire
et je ne la contredis pas, à quoi bon ? C’est surtout en ce qui concerne
les choses du ménage, oh !lala, cela vient de ce qu’elle n’est pas bonne
ménagère oh ! pas du tout, ayant passé son enfance aux Indes avec toutes
les servantes autour d’elle, les parents doivent avoir été riches, alors au
commencement de son mariage elle n’a pas pu s’habituer à un ménage plus restreint
et elle ne comptait pas, elle a été volée tant et plus par ses baboes. Depuis
elle pense que tous les domestiques volent où ils peuvent, elle tient toujours
tout sous clefs, sa koki (cuisinière) doit demander chaque morceau de beurre,
chaque poignée de riz, presque chaque pincée de sel. Vous pouvez penser que ce
n’est pas ainsi qu’on peut faire de bons dîners. Elle est capable de jeter tout
un pudding parce qu’il n’y a pas assez de jus de citron dedans, des choses de
ce style. C’est à se tordre parfois. Pour ses enfants c’est presque la même
chose, la petite Nicki n’ose jamais mettre les pieds au soleil parce qu’elle se
couvrirait de taches de rousseur, alors que cette enfant gagnerait tellement à
vivre au plus grand air et au soleil. Avec la petite Hanny, donc celle qui est
née au mois de décembre, elle devient un peut plus intelligente grâce au livre
que je lui ai prêté et que j’ai reçu de papa Woldringh, et qui est écrit par le
plus fameux médecin pour femmes d’Amsterdam. Juste ce qu’il faut pour une jeune
femme qui attend un poupon et ensuite pour les soins à donner aux petits
poupons. Maintenant la petite
Hanny est promenée tous les matins et tous les soirs au bon air. Oui, je sais
bien, elle a aussi des raisons d’être aussi anxieuse, car la petite Nicki, qui
aura 6 ans, a eu la poliomyélite, et le petit garçon, son premier né, est mort
le mois de mai passé à l’âge de 10 ans. De la malaria tropica, du moins c’est
ce que l’on dit. Les causes de la maladie n’ont pas pu être bien définies, on
croit aussi qu’il a mangé quelque chose de nocif car, à l’entendre raconter, ce
gosse devait manger 2 fois plus que notre Nöggi (Louis). Il était aussi très gros, et gras. Une chose, ils
s’entendent très bien entre eux, c’est une bonne famille. Il fait beau aller chez
eux. Elle, madame, est très sage
dans ses idées sur le mariage. Lui est grand, blond, très myope, il a une belle
voix, mais je ne sais pas à qui je pourrais le comparer pour vous en donner une
idée exacte.
La petite Röhwer est exactement la Mariutsch
mais avec des cheveux noirs, noirs, le teint très brun parce que sa mère doit
avoir été une javanaise pure et son père blanc ou mi-blanc, je ne sais pas. En
tout cas elle se prend pour une blanche quand cela lui chante ou comme Indisch
lorsqu’elle y voit plus d’intérêt. Lui, Ole
Röhwer, comme nous l’appelons, a passé toute sa vie sur la mer, depuis tout
jeune, il a fait carrière comme officier mécanicien de bateau. Il a navigué par
le monde entier jusqu’à la guerre (14-18 !),
il a été blessé ou malade ici près de Java. On l’a transporté à un hôpital et
on l’a laissé ici, ou plutôt c’est lui qui n’est plus retourné dans la marine
mais a trouvé la place de premier machiniste dans les fabriques de la Mexolie.
Il y a 18 ans qu’il est à Java sans jamais être retourné en Allemagne, aussi il
est devenu Hollandais. De vivre si longtemps tout seul ici l’a un peu, comment
dirai-je, presque dégénéré. C’est aussi la raison pour laquelle il a épousé une
femme de couleur pareille. Elle, elle est surtout bête et très superstitieuse,
elle croit au mauvais œil, et ma foi, je ne serais pas étonnée qu’elle puisse
le donner. Elle a bon cœur quant aux choses à donner, toujours prête à t’aider,
mais à part cela, mince, il ne faut pas trop s’y frotter. Ach, je sais bien,
elle n’en peut rien qu’elle soit si bête et ignorante, mais avec cela elle peut
être mauvaise et elle ment comme elle respire. Enfin, je vous dis, j’en viens
bien à bout, nous nous entendons très bien par devant, mais par derrière on se
tient chacune sur ses gardes.
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Fabrique de l'extérieur |
L’autre jour elle a voulu insinuer que Oscar
n’allait pas travailler assez tôt. Pour cela, elle me raconte toujours comme
son mari se lève tôt et comme il reste longtemps à la fabrique, qu’il venait
toujours dîner tard, parce que les hommes attendaient tour à tour l’un l’autre
pour se remplacer à la fabrique. Enfin quoi, de tout cela il en sortait
clairement une petite insinuation comme quoi c’était la faute à Oscar etc etc.
Moi, j’ai immédiatement questionné à fond Oscar pour savoir comment cela se
déroulait. Une fois qu’il m’a tout bien expliqué, je lui ai raconté les potins de
la Röhwertje, il s’est fâché et vraiment il y avait de quoi, parce que les
choses ne sont absolument pas
comme elle le dit. Vous pouvez penser que je n’ai pas attendu longtemps
pour la remettre en place gentiment. Et pour en avoir plus vite l’occasion j’ai
accepté une petite promenade en auto, pendant laquelle, gentiment dans la
conversation, habilement ramenée à ce sujet, j’ai remis les choses en place
clairement, mais d’une façon gentille et douce. Dorénavant elle y regardera à
deux fois avant d’enfiler ses petites méchancetés. Oh ! vous savez, elle a
amplement trouvé son maître en moi, il ne faut jamais vous en faire pour cela. La
Näggeli n’est pas aussi bête qu’elle veut en avoir l’air ! Une chose que
les deux dames savent de moi, c’est que je ne redis jamais rien, bien que la R.
voulait me tendre quelques petits pièges, mais bon sang, elle l’a fait
tellement bêtement que je m’y suis amusée royalement. Enfin, les deux dames en
profitent et viennent chacune me raconter leurs histoires. Nelly est un
entonnoir à fond perdu, j’écoute et je sympathise. La sympathie ne me coûte pas
beaucoup et en les écoutant c’est moi qui ne parle pas…. Le silence est d’or.
Un qui en subit le contre coup alors, c’est Buby. Le pauvre garçon en reçoit
plein les oreilles, il écoute avec une patience d’ange. Cela nous amuse et
voilà tout.
Et
maintenant, mes chers chéris, Joyeuses Pâques, profitez des beaux jours. Nous
allons bien, tant au moral qu’au physique, donc vous ne pouvez que vous en
réjouir.
Mille muntschi
à tous
Votre Ge….
A la
main :
Je
vous envoie le double, on peut mieux le lire que l’original
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