2 avril 1934
Keboemen
J’espère que vous avez passé de
bonnes et heureuses Pâques. Il en a été de même avec nous, quoique nous soyons
restés très tranquillement à la maison.
Merci mes chers pour votre lettre
no 27 du 18 mars et toutes les nouvelles que vous m’y donnez.
Dans toutes vos nouvelles, vous ne
me dites rien des fêtes de Pâques, comment les avez-vous passées. N’aviez-vous
pas de plans ? Loulou n’est-il pas rentré pour Pâques, puisqu’il doit de
toute façon rentrer pour le service (militaire) ?
Ces derniers jours j’ai vivement
senti que nous étions aux Indes, car la nature si étroitement liée à la fête de
Pâques, le printemps, s’est absolument tenue hors de la fête. Ici pas de
printemps, jeune et timide, mais toujours le bel été mûr et riche. J’ai
vraiment maintenant un peu de peine à m’habituer, mais je pense que cela
passera aussi. Au moins comprenez-moi bien et n’en faites pas un éléphant de
Heimweh. Mais non, ce n’est qu’un tout petit sentiment au fond de nous-mêmes et
qui passera bien aussi.
Samedi nous avons eu la courte
visite de John et Jans allant à Bandoeng. Comme Keboemen est à un tiers du
chemin, ils se sont arrêtés ici pour diner. A 2 heures ils sont repartis, mais
ils vont revenir bientôt. Il est possible que nous passions nos vacances
ensemble. Jans pèse maintenant 105 kg. C’est fantastique ce que ces deux sont
gros.
Hier soir nous avons été à
l’église. Vous savez que nous avons une mission protestante ici, sous laquelle
est aussi l’hôpital. J’en suis très contente, je croyais toujours qu’elle
serait catholique. Le sermon n’était pas mauvais, mais le pasteur étant
missionnaire, il fait ses sermons pour les indigènes, très simples, presque
comme une leçon de catéchisme, toutefois il m’a été très sympathique. Le
docteur Vonk était aussi là, un grand et bel homme, une petite moustache noire,
comme le Bibu.
Depuis quelques jours nous nous
avons très chaud, je n’arrive pas à faire beaucoup plus que de m’asseoir dans
un fauteuil puis dans un autre, lire un peu et surtout dormir. Oscar lui n’en
souffre pas autrement non plus, bien qu’étant dans cette fabrique bruyante.
Nous entrons dans la saison chaude qui dure jusqu’en juin. Aujourd’hui il fait
meilleur, bon frais, avec la brise de la mer qui souffle. Dommage que nous ne
puissions pas jouer au tennis avec mon genou hibou joujou pou.
Flûte, voilà un chinois qui vient
avec de la soie… bon j’ai acheté de l’étoffe, la même que ma robe de
Scheidegger, j’en ai acheté 12 m pour Fl. 3.- soit environ Frs. 6.- pour une
couverture de lit que je vais broder suivant un motif inventé par Buby. Il
dessine beaucoup ces temps et a réussi un beau petit tableau au pastel
représentant un coin près d’ici au coucher du soleil. Nous l’avons encadré et
il pend au-dessus de ma table à écrire. Cet après midi il m’a dessinée pendant
que je dormais, on ne me voit pas la figure, heureusement.
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rizières et train |
Voyant un
beau coucher de soleil, nous voulions faire quelques pas. Une fois en route
nous avons pris un chemin pour un autre, nous nous sommes trompés et avons
marché longtemps, longtemps sans pouvoir sortir du labyrinthe des kampongs. A
chaque tournant nous pensions enfin sortir de cette forêt de palmier, et à
chaque tournant on semblait s’y enfoncer encore plus.
Avec cela la nuit venait
à grands pas, c’était grandiose, mais j’étais contente d’avoir Buby avec moi. A
la fin nous sommes quand même sortis sur des rizières que nous connaissions et
sommes rentrés, il était 7 heures. Les jours raccourcissent, alors que ces
derniers mois il a fait jour jusqu’à 7 heures, maintenant la nuit tombe de
nouveau à 6 heures.
Mamali,
n’oublie pas de demander pour ce buste, il me tarde d’en avoir un pour faire de
l’avance avec mes habits. Les robes que Hedy m’avait faites sont très bien,
mais je n’en avais pas assez. Ce que j’ai emporté, c’est très bien pour tout un
été, alors c’était une belle garde-robe, mais quand on doit les mettre tout le
temps, toujours, toujours, il n’en reste plus grand chose. C’est surtout pour
le tennis que je dois m’en faire tout un bataillon, parce qu’il faut se changer
chaque fois des pieds à la tête. Heureusement que les étoffes ne sont pas
chères ici, ce n’est que le temps qui coûte.
Oh !
j’allais presque oublier, lundi passé, après avoir expédié mon courrier, nous
avons trouvé un petit caneton vers la poule. Trop joli. Je l’ai fait mettre
dans une caisse et l’ai tenu près de moi au jardin, moitié au soleil, moitié à
l’ombre, il a bien séché. Après 24 heures nous lui avons donné du riz trempé
dans l’eau. Le jour suivant il a reçu un petit frère, j’ai donc la paire maintenant,
car le premier, c’est une dame à ce que m’a dit le kebon. Depuis il n’en est
plus sorti, la poule couve encore, mais je ne crois pas qu’il en sortira
encore. Mes deux se portent bien. Depuis j’ai appris par le kebon qu’on pouvait
acheter des jeunes canetons mâles au marché pour très peu. Hier je l’ai envoyé
et il me rapporte un caneton d’environ deux mois, qu’il a payé 8 cents, donc
environ 20 centimes. Cela ne vaut pas la peine de faire couver des œufs dans
ces conditions. J’aimerais bien que tu me donnes une liste ou une formule de
nourriture pour les canetons destinés à la table. Je veux faire les choses en
ordre pour avoir de la bonne chaire, ainsi je n’aurai plus besoin de vous
envier le dimanche, sales gens que vous êtes. Haha. Nous qui boufferons de bons
canetons à Java, qu’est-ce qu’on veut de plus. Donne-moi un tas de détails,
Fatherli, je peux me procurer du riz, c’est naturellement le meilleur marché,
12 centimes le kg. Du maïs aussi bon marché, des flocons d’avoine aussi, mais
ceux-là sont chers parce qu’il faut les acheter en boîte. J’ai toujours
beaucoup de restes de pain, quoique je prenne la plus petite portion qui
existe, un pain à 5 cents.
L’autre
jour, j’ai été avec Madame Visser (c’était Vendredi Saint, le matin) à Gombong
chez le chinois qui nous fournit le pain et qui en même temps livre des cocos à
la fabrique et achète de l’huile. C’est un type immensément riche, vous devriez
voir le monsieur qu’il est, il parle hollandais, il a des dents magnifiques, un
parfait beau type. Une villa chic, et la boulangerie très propre, quoique très
primitive. Ce chinois fait aussi l’élevage de coqs de combat. Vous devriez voir
les belles bêtes, elles sont lavées deux fois par jour, et leurs cuisses
massées comme celles d’un boxeur, et quels éperons ! J’aimerais bien voir
un combat une fois, mais ici c’est défendu dans Middle Java.
J’ai teint
1 ½ douzaine d’œufs (et mes doigts avec !), des verts, rouges, jaunes,
bleus avec des couleurs que les indigènes emploient pour colorer leurs
pâtisseries, donc pas de poison. J’ai fait 2 nids avec. Hier soir nous avons
mangé le reste. Vite, mon menu de Pâques : soupe aux radis, 3 boîtes
d’asperges à la hollandaise, 1 poulet avec du riz à la manière de chez nous,
salade de légumes, 1 boîte de framboises Lenzburg avec 1 boîte de crème Nestlé.
Un menu qui a coûté 8 francs à cause des boîtes de conserves. Pour une fois on
voulait être gourmands.
Ge…..
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