mardi 22 septembre 2015



Le 18/19 mars 1934

Première partie

Keboemen

Merci de tout cœur pour votre bonne lettre et aussi pour les graines que j’ai reçues ce matin, soit  de la marjolaine, du cerfeuil, du cresson frisé, du persil, du celeri à pomme, et à branches, des ciboulettes, des tournesols, des pensées et des myosotis. Merci beaucoup beaucoup, demain on se met au travail, le kebon et moi. J’en ai un immense plaisir, mon Fatherli, si avec les graines de salade et de laitue tu pouvais encore m’envoyer des graines de zinias. Madame Hartong me dit qu’elle en a et qu’ils prennent bien ici, et moi je les aime tellement. Tu vas dire que je suis une charrette de tireuse de carottes, mais tant pis.

Hier soir dimanche nous avons une fois de plus apporté des changements à notre salle à manger et au salon. Il est beau maintenant, quand il sera prêt nous en recevrez des photos détaillées. Nous nous dépêchons de tout bien arranger parce que nous devons recevoir des visites. 

Dans ma lettre précédente, je vous ai écrit que nous allions faire notre visite de courtoisie aux Hartong. Nous avons donc été lundi passé, et c’était bien. Lui nous est très sympathique, il aime beaucoup la nature et comme ils sont aux Indes depuis 15 ans, ils en connaissent quelque chose, de sorte que nous pouvons toujours apprendre. Elle a paru plus à son avantage pendant cette visite que à notre rencontre précédente. Elle est bonne maîtresse de maison, ils ont 4 jolis enfants, ils s’entendent bien, et last but not least ils sont hollandais pur sang, cela veut dire qu’ils sont blancs pur. Vous avez beau dire, cela fait tout de même une différence, on a plus de points sur lesquels on peut sympathiser. Elle a aussi une maman en Hollande, qui est toute seule, avec un autre fils marié qui voyage de par le monde. Ils ont un beau jardin dans lequel elle plante des légumes hollandais, nous nous sommes aussi prêté nos livres de cuisine, etc, etc. La semaine prochaine je pense, ils nous rendront notre visite, alors il faut que notre salon soit tiptop jusque là. Pour cela il faut encore que je fasse de l’ordre dans tous les coins, c’est fou le désordre qu’on a toujours, nous deux, le bureau de Buby est tellement plein de paperasse que tu cherches en vain une petite place pour écrire. Tandis que ma chambre de travail, celle dans laquelle je n’ai qu’une chaise longue, les deux grands buffets achetés à Solo, une table sur laquelle j’ai ma machine à coudre, eh !bien cette chambre on ne peut presque plus y marcher, tellement il y a de fourbi partout, des étoffes, des livres, etc.

L’autre jour est venu voltiger autour de nos lampes un merveilleux papillon, immense. Nous l’avons fait mourir avec quelques gouttes d’éther et maintenant nous le conservons dans de la naphtaline. J’ai bien envie de commencer une collection, seulement  avec ceux qui viennent ainsi mourir chez nous. Je vous dis, il est merveilleux, des couleurs splendides dans toutes les gammes du brun-orange. Il se nomme Atlas, regardez dans les Meyer’s Lexikon. Il y a plusieurs sortes d’Atlas ici à Java.

Ce mois-ci finit à nouveau en queue du diable à tirer, car Oscar a dû se commander trois paires de pantalons blancs, une bonne somme à mettre de côté pour les impôts et un tas de petites choses que j’ai achetées font disparaître l’argent comme par enchantement.
Hier est venu un chinois avec un tas de jolies choses, des vases, des statuettes, des sculptures sur bois. Nous avons acheté une jolie bonbonnière et une petite statuette bien réussie en porcelaine blanche. Il en demandait Fl. 10.- et nous avons marchandé pour Fl. 3.- les deux choses. Il n’a pas voulu et s’en est allé. Oscar me dit : tout de même c’est dommage que nous l’ayons laissé partir, ces deux choses en valaient la peine. Moi j’étais sûre qu’il reviendrait tout de même, j’avais presque perdu confiance, quand après longtemps il revient pour me dire qu’il ne pouvait pas me les donner à ce prix-là, que c’était impossible. J’ai fait semblant de le croire et j’ai dit que je le regrettais terriblement, mais que moi non plus je ne pouvais pas les acheter à un prix plus haut. En dedans de moi, je savais que je les aurais mes choses. Je l’ai poliment laissé planté là devant la maison, ne m’occupant plus de lui. Après un moment il me dit de nouveau que son dernier prix était Fl. 5.-. Tout doux mon vieux, tu vas bien démordre et en fin de compte il me dit de faire mon prix, mais que trois florins c’était impossible. Ne voulant pas gâter la situation avec lui, car il vient souvent par ici et il a de belles choses parfois, je suis montée à Fl. 3.20, et le marché a été conclu à la satisfaction mutuelle. Il était déjà venu une fois et madame Röhwer avait marchandé pour moi une belle sculpture sur bois, une petite bonbonnière et un beau grand vase bleu, le tout pour Fl. 5.- que j’ai achetés. N’ayez pas peur que je me laisse entraîner à acheter un tas de fourbi, non, seulement le nécessaire pour garnir un peu nos meubles et faire heimelig. En même temps, ce seront de petits cadeaux que nous prendrons avec nous quand nous reviendrons.
Oh ! je viens d’aller faire mon tour de la maison, dire ce qu’il faut faire à dîner, voir mes poules, fourrer mon nez  un peu partout quoi, et savez-vous  ce que j’ai vu ? la montre de mon djongos, une grosse Roskopf avec l’image de Harold Lloyd sur le cadran, cette patate était gentiment posée sur un bout de papier propre, par terre, au grand soleil. J’ai éclaté de rire en voyant cette montre qui prenait un bain de soleil, j’ai demandé au djongos pourquoi il faisait cela ? Il me répond : oh ! quand elle est froide elle retarde. Il faut vous dire qu’il l’avait ouverte et soigneusement exposé le spiral au soleil. Qu’en penses-tu Fatherli, l’idée n’est pas si mauvaise que cela, hein ? Tout de même il l’avait exposée près du poulailler, à tout moment une poule pouvait surgir et marcher dessus. Oh ! mais cela ne fait rien, un coup de torchon et la montre est de nouveau propre et prête à marcher.

Bon, j’ai vendu des journaux ce matin, des vieux journaux pour 50 centimes les 200 feuilles, c’est assez avantageux. C’est ma baboe qui fait les transactions et qui tâche de vendre aussi cher que possible, parce qu’elle sait qu’elle recevra une petite commission. En effet, je viens de lui glisser 2 ½ cents, soit 5 centimes, dans la main, cela lui paye son dîner aujourd’hui. Je fais toujours ainsi, je leur donne une petite commission et alors je suis sûre qu’ils sauvegardent bien mes intérêts, car c’est aussi leur avantage. Voyez-vous c’est ainsi qu’il faut faire au jour d’aujourd’hui, savoir lâcher un centime à la bonne place en sauve bien d’autres.

Nous nous sommes aperçus que dans deux semaines c’était Pâques. Non, comme le temps passe, c’est à peine croyable. Si Buby doit travailler, eh bien nous passerons un jour de Pâques tranquille et heureux ici chez nous avec des œufs durs et de la bière. J’aurai beaucoup à faire cette semaine, car fidèle à la tradition je veux avoir une robe neuve pour Pâques, pour me montrer à Buby dans une toilette fraîche. Toilette !!!

Je me demande si Chuggou (Louis) rentre pour le 4 avril (anniversaire des jumeaux), oui, d’un côté je le pense puisque Pâques est juste avant, le 1er avril. Donc vous serez tous réunis et je vous souhaite de tout coeur de joyeuses Pâques, quelques beaux et bons jours de printemps. Jouissez-en du beau printemps nouveau avec toutes les petites fleurs, c’est quand même joli. Oh ! vous savez, il ne faut pas vous en faire pour moi, le Heimweh je ne l’ai pas comme vous  croyez, c’est seulement par moments, dont maman aura l’explication.




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