Le 18/19
mars 1934
Première
partie
Keboemen
Merci de
tout cœur pour votre bonne lettre et aussi pour les graines que j’ai reçues ce
matin, soit de la marjolaine, du
cerfeuil, du cresson frisé, du persil, du celeri à pomme, et à branches, des
ciboulettes, des tournesols, des pensées et des myosotis. Merci beaucoup
beaucoup, demain on se met au travail, le kebon et moi. J’en ai un immense
plaisir, mon Fatherli, si avec les graines de salade et de laitue tu pouvais
encore m’envoyer des graines de zinias. Madame Hartong me dit qu’elle en a et
qu’ils prennent bien ici, et moi je les aime tellement. Tu vas dire que je suis
une charrette de tireuse de carottes, mais tant pis.
Hier soir
dimanche nous avons une fois de plus apporté des changements à notre salle à
manger et au salon. Il est beau maintenant, quand il sera prêt nous en recevrez
des photos détaillées. Nous nous dépêchons de tout bien arranger parce que nous
devons recevoir des visites.
Dans ma lettre précédente, je vous ai écrit que
nous allions faire notre visite de courtoisie aux Hartong. Nous avons donc été
lundi passé, et c’était bien. Lui nous est très sympathique, il aime beaucoup
la nature et comme ils sont aux Indes depuis 15 ans, ils en connaissent quelque
chose, de sorte que nous pouvons toujours apprendre. Elle a paru plus à son
avantage pendant cette visite que à notre rencontre précédente. Elle est bonne
maîtresse de maison, ils ont 4 jolis enfants, ils s’entendent bien, et last but
not least ils sont hollandais pur sang, cela veut dire qu’ils sont blancs pur.
Vous avez beau dire, cela fait tout de même une différence, on a plus de points
sur lesquels on peut sympathiser. Elle a aussi une maman en Hollande, qui est
toute seule, avec un autre fils marié qui voyage de par le monde. Ils ont un
beau jardin dans lequel elle plante des légumes hollandais, nous nous sommes
aussi prêté nos livres de cuisine, etc, etc. La semaine prochaine je pense, ils
nous rendront notre visite, alors il faut que notre salon soit tiptop jusque
là. Pour cela il faut encore que je fasse de l’ordre dans tous les coins, c’est
fou le désordre qu’on a toujours, nous deux, le bureau de Buby est tellement
plein de paperasse que tu cherches en vain une petite place pour écrire. Tandis
que ma chambre de travail, celle dans laquelle je n’ai qu’une chaise longue,
les deux grands buffets achetés à Solo, une table sur laquelle j’ai ma machine
à coudre, eh !bien cette chambre on ne peut presque plus y marcher,
tellement il y a de fourbi partout, des étoffes, des livres, etc.
L’autre
jour est venu voltiger autour de nos lampes un merveilleux papillon, immense.
Nous l’avons fait mourir avec quelques gouttes d’éther et maintenant nous le
conservons dans de la naphtaline. J’ai bien envie de commencer une collection,
seulement avec ceux qui viennent
ainsi mourir chez nous. Je vous dis, il est merveilleux, des couleurs
splendides dans toutes les gammes du brun-orange. Il se nomme Atlas, regardez
dans les Meyer’s Lexikon. Il y a plusieurs sortes d’Atlas ici à Java.
Ce mois-ci
finit à nouveau en queue du diable à tirer, car Oscar a dû se commander trois
paires de pantalons blancs, une bonne somme à mettre de côté pour les impôts et
un tas de petites choses que j’ai achetées font disparaître l’argent comme par
enchantement.
Hier est
venu un chinois avec un tas de jolies choses, des vases, des statuettes, des
sculptures sur bois. Nous avons acheté une jolie bonbonnière et une petite
statuette bien réussie en porcelaine blanche. Il en demandait Fl. 10.- et nous
avons marchandé pour Fl. 3.- les deux choses. Il n’a pas voulu et s’en est
allé. Oscar me dit : tout de même c’est dommage que nous l’ayons laissé
partir, ces deux choses en valaient la peine. Moi j’étais sûre qu’il
reviendrait tout de même, j’avais presque perdu confiance, quand après
longtemps il revient pour me dire qu’il ne pouvait pas me les donner à ce
prix-là, que c’était impossible. J’ai fait semblant de le croire et j’ai dit
que je le regrettais terriblement, mais que moi non plus je ne pouvais pas les
acheter à un prix plus haut. En dedans de moi, je savais que je les aurais mes
choses. Je l’ai poliment laissé planté là devant la maison, ne m’occupant plus
de lui. Après un moment il me dit de nouveau que son dernier prix était Fl.
5.-. Tout doux mon vieux, tu vas bien démordre et en fin de compte il me dit de
faire mon prix, mais que trois florins c’était impossible. Ne voulant pas gâter
la situation avec lui, car il vient souvent par ici et il a de belles choses
parfois, je suis montée à Fl. 3.20, et le marché a été conclu à la satisfaction
mutuelle. Il était déjà venu une fois et madame Röhwer avait marchandé pour moi
une belle sculpture sur bois, une petite bonbonnière et un beau grand vase
bleu, le tout pour Fl. 5.- que j’ai achetés. N’ayez pas peur que je me laisse
entraîner à acheter un tas de fourbi, non, seulement le nécessaire pour garnir
un peu nos meubles et faire heimelig. En même temps, ce seront de petits
cadeaux que nous prendrons avec nous quand nous reviendrons.
Oh !
je viens d’aller faire mon tour de la maison, dire ce qu’il faut faire à dîner,
voir mes poules, fourrer mon nez
un peu partout quoi, et savez-vous
ce que j’ai vu ? la montre de mon djongos, une grosse Roskopf avec
l’image de Harold Lloyd sur le cadran, cette patate était gentiment posée sur
un bout de papier propre, par terre, au grand soleil. J’ai éclaté de rire en
voyant cette montre qui prenait un bain de soleil, j’ai demandé au djongos
pourquoi il faisait cela ? Il me répond : oh ! quand elle est
froide elle retarde. Il faut vous dire qu’il l’avait ouverte et soigneusement
exposé le spiral au soleil. Qu’en penses-tu Fatherli, l’idée n’est pas si
mauvaise que cela, hein ? Tout de même il l’avait exposée près du
poulailler, à tout moment une poule pouvait surgir et marcher dessus. Oh !
mais cela ne fait rien, un coup de torchon et la montre est de nouveau propre
et prête à marcher.
Bon, j’ai
vendu des journaux ce matin, des vieux journaux pour 50 centimes les 200
feuilles, c’est assez avantageux. C’est ma baboe qui fait les transactions et
qui tâche de vendre aussi cher que possible, parce qu’elle sait qu’elle recevra
une petite commission. En effet, je viens de lui glisser 2 ½ cents, soit 5
centimes, dans la main, cela lui paye son dîner aujourd’hui. Je fais toujours
ainsi, je leur donne une petite commission et alors je suis sûre qu’ils
sauvegardent bien mes intérêts, car c’est aussi leur avantage. Voyez-vous c’est
ainsi qu’il faut faire au jour d’aujourd’hui, savoir lâcher un centime à la
bonne place en sauve bien d’autres.
Nous nous
sommes aperçus que dans deux semaines c’était Pâques. Non, comme le temps
passe, c’est à peine croyable. Si Buby doit travailler, eh bien nous passerons
un jour de Pâques tranquille et heureux ici chez nous avec des œufs durs et de
la bière. J’aurai beaucoup à faire cette semaine, car fidèle à la tradition je
veux avoir une robe neuve pour Pâques, pour me montrer à Buby dans une toilette
fraîche. Toilette !!!
Je me
demande si Chuggou (Louis) rentre
pour le 4 avril (anniversaire des
jumeaux), oui, d’un côté je le pense puisque Pâques est juste avant, le 1er
avril. Donc vous serez tous réunis et je vous souhaite de tout coeur de
joyeuses Pâques, quelques beaux et bons jours de printemps. Jouissez-en du beau
printemps nouveau avec toutes les petites fleurs, c’est quand même joli.
Oh ! vous savez, il ne faut pas vous en faire pour moi, le Heimweh je ne
l’ai pas comme vous croyez, c’est
seulement par moments, dont maman aura l’explication.
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