samedi 5 septembre 2015




29 janvier 1934

Keboemen

(à son papa)

Voilà c’est une fois pour toi, pour toi tout seul, que j’écris, puisque la bourgeoise Rosalinde-Insulinde te fait du câble à St Gall, mais peut être que tu lui en fais encore plus à Bienne, dans ce cas…. Gare !
Tes « grains de sel » me font toujours plaisir, vieux Macaroni, va. Oui tes timbres, je vais maintenant t’en mettre sur les enveloppes, avant cela n’allait pas, voilà pourquoi. 

bureau principal

Toutes nos lettres pour le courrier par avion aussi bien que pour celui par bateau doivent partir le mardi matin au train de 9 heures pour Batavia. Alors à 8 ½ heures j’envoyais le djongos au bureau de la fabrique où M. Nieburg les faisait peser et affranchir, et mettre au train avec celles de la fabrique. A chaque fin de mois, les ports étaient déduits du salaire. C’était ainsi très simple et très pratique pour nous qui n’avons pas de balance… Mais il faut te raconter maintenant que Nieburg vit avec Blokhuis, le chimiste et employé pour le savon, dans la même maison, donc ils sont bons copains. Quand Oscar est arrivé, il était tout prêt à être gentil, bon camarade, enfin comme on doit l’être, n’est-ce pas ? L’accueil ici à la fabrique n‘a pas été bienveillant. Nous nous en sommes vite aperçus mais n’avons pas fait les semblants et nous sommes dit qu’en étant gentil et correct avec tout le monde, que leurs manières changeraient aussi. Les premiers temps cela allait donc passablement, Oscar qui devait s’occuper un peu partout, a beaucoup travaillé aux savons avec ce B. qui était en train de faire une bêtise. Oscar a remis les choses en ordre, il en sait plus sur le savon que B.
B. n’a rien dit, le laissait bien faire car il était trop content d’être tiré de la mélasse et Oscar entrevoyait déjà de bien pouvoir travailler avec lui. En faisant un tour d’inspection il a vu que les ouvriers posaient un tank faussement. Il demande à B. s’il ne voyait pas que les ouvriers faisaient mal leur travail, B. répond que oui mais que ce n’était pas son affaire et que l’on aurait qu’à s’arranger avec les coolies. 
intérieur fabrique

Cela a naturellement fâché Oscar qui lui répond qu’il faudrait tout de même avoir assez de bon sens pour dire aux ouvriers d’arrêter de faire cette faute. – Oh ils n’auront qu’à l’enlever et le reposer à nouveau cela ne me regarde pas, et vous Woldringh, il ne faut pas penser que vous êtes le patron ici, vous en êtes encore bien loin, et il ne faut pas croire que parce que vous vous appelez Woldringh (papa W étant grand directeur à Amsterdam), je vous considère plus qu’un autre, au contraire, vous n’êtes pas plus que n’importe qui etc etc. Oscar a piqué intérieurement une rage fantastique, mais il n’a fait que répondre : Blokhuis, vous raisonnez comme un gamin en ce qui me concerne, et quant à ce tank, si vous trouvez que je suis dans mon tort de vous avoir fait cette remarque, venez avec moi chez M. Visser nous nous expliquerons.  B. naturellement n’a pas voulu cette dernière proposition et s’est radouci, et a commencé à exclure Oscar de toutes ses manipulations. Oscar le laisse faire et reste correct. Avec cela il a le toupet d’envoyer son djongos emprunter des livres sur le savon à Oscar. Buby les lui donne, voulant rester sans aucun reproche vis à vis de B.

La dernière petite crasse, c’est que depuis deux semaines ils m’ont joué des tours avec mon courrier. J’ai envoyé mon djongos, il y a 15 jours, avec le courrier à la fabrique et il est revenu en disant qu’il n’y avait personne pour donner des timbres. Nous avons vite mis ce que nous avions ici, au moins pour ne pas manquer le train de 9 heures, et en effet le djongos a juste eu le temps de courir à la gare, qui est ici vis à vis. Lundi passé, ne me méfiant de rien, j’envoie de nouveau le djongos avec les lettres. Il est revenu comme d’habitude et moi je me suis mise à mon travail. Voilà que 5 minutes avant 9 heures le djongos du bureau vient me rapporter mes lettres, disant que M. Nieburg était allé déjeuner et que personne ne pouvait mettre des timbres sur mes lettres. J’enfile ma robe et file à la fabrique en passant par le bureau. 

autre partie du bureau
Là j’ai dû constater l’absence de toute personne compétente (ce qui ne devrait pas être). Je raconte à Oscar que notre courrier avait raté le train. Je n’avais pas de timbres à la maison et le train arrivait avant que j’aie pu m’en procurer. Ce n’est pas comme à Bienne où on peut se débrouiller, mais va te débrouiller quand tu ne sais pas la langue pour dire le nécessaire ! Oscar a demandé à Nieburg pourquoi on ne pouvait plus mettre de timbres sur ses lettres à 8 ½ heures du matin. On lui répond que maintenant le courrier important s’en allait par Soerabaia…. Et que lui Nieburg n’était plus obligé de rester au bureau jusqu’à 9 heures du matin, et pouvait aller prendre son petit déjeuner….. Piètre excuse. J’ai filé à la poste et fait partir les lettres par un autre chemin.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire