mercredi 9 novembre 2016




Tjilatjap

30 décembre 1937


Mes bien chers Parents,
Vous me souriez si gentiment, avec tant d’affection hors du petit carton velouté ici devant moi sur la table à écrire, que je ne puis faire autrement que de vous le dire. Vos deux gentils sourires m’ont accompagnée, suivie pendant tous ces jours de fêtes et je me suis sentie si immensément riche, reconnaissante d’avoir toute votre affection et votre tendresse. Je ne peux pas vous dire, je ne sais pas vous dire tout ce que je ressens en vous regardant.
Mes Parents qui m’ont élevée, aimée, soignée avec tant d’amour pendant toutes ces années, je vous dois tant de bien, de bon et de beau, à vous qui m’avez donné un foyer où j’ai été si heureuse. Mon cœur est plein de gratitude et j’espère bien que vous le sentez, même à travers la distance.
En vous regardant comme cela, les deux gentils, et dignes, un peu vieillis depuis que je vous ai quittés, je me demande comment j’ai pu le faire, comment et pourquoi j’ai mis cette distance entre nous.
Si je vous ai quittés c’était vraiment pour suivre les lois de mon cœur et de la vie d’ici-bas. Et j’ai aussi la satisfaction de pouvoir vous dire à cœur ouvert que je l’ai fait pour être heureuse, pour trouver le bonheur. Que cela vous soit un soutien dans les moments où vous pensez à votre Pfuttlet. Elle ne vous a pas quittés pour rien, votre sacrifice n’a pas été inutile.
Mes bien chers, je crois bien que je suis un peu sentimentale ce soir. J’aimerais tant vous embrasser seulement vite, vite en cette fin d’année. Que Dieu vous protège et vous bénisse.
Oscar qui me voit pleurer en vous écrivant s’est mis au piano et me joue ce que j’aime pour me consoler. Mon Buby ! Et il réussit à me rendre raisonnable de nouveau, à me calmer, à me consoler.
Et puis l’espérance revient, on se reverra un beau jour et on en jouira. Jusque là ayons confiance en Dieu…
Et maintenant, je crois que je ne vous ai même pas encore remerciés pour votre beau cadeau. Vous ne savez pas quel plaisir vous j’avez fait. Vous êtes tellement bien tous les deux. C’est de nouveau une photo qui ne me quitte pas, aussi je la montre à tout le monde. Ainsi vous avez aussi fêté Noël avec nous, et toujours j’avais vos gentils yeux qui me suivaient par toute la chambre.
Naturellement je ne veux pas critiquer un certain menton qui a une certaine tendance à disparaître dans une deuxième édition ! Je pense que c’est la faute  aux ma-mac-maca-macaro-macaronis, alors il n’y a rien à faire, hein Padreli ?
Voilà, mon humeur s’est envolée. Mes pensées, mon cœur sont de nouveau ici. J’avais un vrai moment l’ennui de vous deux, mais la vie reprend son droit.
Ce soir nous allons au Soos, où je dois changer les livres du cercle des lecteurs que j’administre. Pendant ce temps Buby jouera au badminton ou au billard. Il y a justement Kleber qui est arrivé, il va rester à souper avec nous. En ce moment il est assis sous la lampe à lire et Buby joue toujours, une sonate de Chopin. Dans un coin de la chambre il y a le petit arbre dont nous avons pris une photo que vous recevrez en son temps. Dehors le vent s’est levé, dans un instant il va pleuvoir, il tonne déjà, cela va donner un gros orage. Le chien se frotte à nos jambes. Voilà le djongos qui annonce « soedah klaar » ce qui veut dire : Madame est servie. Alors allons attaquons !
Noël 1937 (l'arbre à gauche)


Aujourd’hui c’est St Sylvestre, demain Nouvel An ! Le temps va terriblement vite. D’un côté j’en suis bien contente, et d’un autre je trouve dommage que les années s’envolent aussi vite, sans laisser de traces ! que des cheveux gris et des rides. Enfin, passons là-dessus.
Mes chers, je ne suis plus arrivée à finir ma lettre hier soir, devant aller au Soos où nous sommes restés jusqu’à minuit. J’étais fatiguée, je n’en pouvais plus, j’ai presque pris mal et ce Buby qui reste toujours collé jusqu’à la dernière minute, il croirait un crime de rentrer tant qu’il y a encore du monde là. Enfin zut.
Ce soir j’ai les Oliemans, Kleber et le Ferdy (Engelenberg) ! Mais je dois dire que cela va mieux avec lui maintenant. Le Buby a enfin vu la réalité. D’ailleurs il va se remarier, sa femme arrive de Hollande en février avec un petit garçon de 7 ans. C’est une divorcée. Il se donne de la peine pour bien se tenir maintenant et se met aux petits oignons avec moi, car il a demandé si sa future pouvait habiter le pavillon chez nous jusqu’à leur mariage. Je ne peux naturellement pas faire autrement que de leur donner ce pavillon, mais j’ai dit que je ne la voulais pas pour manger, car cela va durer un mois. Je vais donc leur installer une petite chambre à manger dans la seconde chambre du pavillon et elle pourra prendre une koki qui pourra cuire dans ma cuisine. Ce n’est pas merveilleux, mais je ne peux pas avoir quelqu’un d’étranger pendant un mois à ma table, c’est trop long. Vous voyez j’ai toujours quelque chose en train, Elly Oliemans n’en revient pas de toutes les visites que j’ai toujours.
Je vous écrirai plus longuement et répondrai à tes lettres, Mamms, dans quelques jours. Ceci est seulement un petit mot pour la fin de cette année, mes chers.
Avez-vous eu un bon Noël ? J’espère que oui. Nous aussi, surtout le premier soir, seule avec Buby, il a fait bien beau. Je vous décrirai tout cela longuement. Je viens de recevoir le rapport de Buby par avion. Merci Charlot ! Je ne savais pas combien coûterait le port, j’ai été très étonnée que ce soit si cher, Oscar aussi. Ici c’est devenu tellement bon marché qu’on ne s’en rend plus compte. C’est pourquoi j’envoie aujourd’hui le montant du port que nous désirons te rembourser. L’autre chèque a été pour la fête de Mamali.
Mes chers, j’ai un grand gstürm (stress) ici, il y a encore tant à faire, je suis aussi très occupée avec la décoration du Soos, vu que la naissance (Beatrix, 31.1.1938, fille de princesse Juliana)  peut être annoncée d’une heure à l’autre.
Mes bien chers, encore une fois tous nos vœux les meilleurs pour la nouvelle année. Qu’elle soit pour vous bonne, prospère et heureuse……..
Aussi de Buby les meilleurs vœux, mais je sais qu’il vous souhaite de tout cœur tout le bien possible.
Un bon muntschi de votre
Buby - Bubinette
Et Prosit 1938 !




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