vendredi 18 novembre 2016





Tjilatjap

9 février 1938

Mynes Rötteli, sau Frau  (sale femme)
Maintenant je viens répondre à tes lettres et papoter un peu. Donc vous avez bien passé Nouvel An, tant mieux. J’ai beaucoup pensé à vous et toi aussi, j‘en suis sûre. Je suis contente que tu aies eu du plaisir à ta fête, et Noël s’est aussi bien passé pour vous. Je trouve que tu méritais bien de recevoir cette bague de la Tatali (sœur de Rose récemment décédée). Que cela ne marche pas entre Fanny (autre sœur de Rose, qui travaille comme gouvernante chez Max le mari de T.) et Max, cela je l’avais prévu. C’est comme tu dis, Fanny ne sait pas s’adapter et Max non plus. Je comprends bien que la faute soit ni d’un côté ni de l’autre. Seulement si Max va se marier, qu’est-ce qui adviendra de Fanny, est-ce qu’elle ira de nouveau en place ? Ce sera dur pour elle, car malgré tout elle a eu du bon temps chez Max, elle était presque son propre maître, et chez des étrangers il y aura aussi de nouveau quelque chose qui ne jouera pas. Enfin, chacun doit vivre sa vie, on ne peut pas s’en faire pour eux.
C’est pourtant embêtant avec ta pression de sang, il te faut être très très prudente et bien suivre ton régime, mynes Rötteli. Je me fais maintenant encore des reproches plus que jamais que je ne t’aie pas mieux empêchée de faire des excès pendant toutes ces années, avec la bière et l’eau de la fontaine. Si c’était à recommencer, je te ferais bien plus sérieusement la guerre.
Le docteur vient de passer, mon mal de cou n’est pas grave, pas d’angine comme Buby le craignait. J’ai aussi donné à analyser mon caca à cause de la dysenterie, par mesure de prudence. Le docteur ne trouve rien du tout, tout est très bien, seulement il trouve que je ne digère pas assez bien la viande et me conseille de ne plus manger de viande pendant un certain temps, ni viande, ni poulet, ni rien du tout. Cela fait que je suis de nouveau au régime aussi, mais cela ne m’ennuie pas du tout. Je fais maintenant venir des légumes de deux places différentes, de sorte que j’en ai toujours à la maison.
Il paraît que toi tu es de nouveau une gondleuse (vadrouilleuse), hein ? Alors cela ne m’étonne pas que je le sois aussi !!! Est-ce que tu as eu ces gens de Birmingham  (Coxon, horlogers où Loulou travaillait) maintenant ? Et les Marchand-Dean  ont-ils daigné venir saluer ? (René et Constance Marchand, frère de Papali).
Tous les petits tableaux de Terwey (voir lettre précédente) sont dans ma véranda, ils se font très bien.
Je suis contente que Charlot se soit bien amusé au bal des officiers. Loulou est donc de nouveau à Londres, ce sale gosse, il ne m’a plus écrit depuis plus d’une année, mais ne le lui dis pas, il ne faut pas qu’il se sente forcé de le faire. Je suis contente que cela lui fasse du bien de voyager ainsi. Oh, j’aimerais bien les revoir, ces sales gosses, et voir comment ils se sont développés. Quels hommes ils sont devenus maintenant.
Donc, toi tu étais en vacances à Unterwasser (Toggenburg, canton de St Gall). 

Unterwasser SG
Je suis contente pour toi que tu puisses sortir de temps en temps, cela fait toujours du bien. J’espère que vous (Rose et Fanny) avez eu le beau temps et que tu en as bien joui. A St Gall aussi.
Je suis contente que tu aies eu du plaisir à cette nappe. Mais dis-moi, dois-tu payer de la douane sur ces paquets ? Réponds-moi là-dessus, stp. Tu ne dois pas avoir peur que j’achète trop et que je dépense trop pour toi, pas de danger, je tiens toujours mon budget en équilibre. 
Ce mois-ci nous avons reçu plus et j’ai mis de côté le plus possible, sans le dire. Est-ce que je vous avais dit que nous avons enfin pu vendre notre Fiat  (alias la Puce) pour Fl. 100.- ? L’argent est venu l’autre jour, et Buby me l’a donné. Je l’ai également mis sur le carnet d’épargne. D’ailleurs c’est moi qui reçoit l’argent et on me laisse libre d’en faire ce que je veux, « on » sait bien que j’en prends soin. Je suis contente que ce soit ainsi et que je ne doive pas demander chaque sou comme Tatali le devait, si je souhaite acheter quoi que ce soit. Je demande quand même, pour la « fassong ». 
J’ai tout ce que je peux souhaiter, si seulement je pouvais avoir un enfant prochainement, mais cela finira bien par arriver.
Alors tu fais de nouveau un couvre-pied. Tu as raison, mais merci, moi je n’en ai pas besoin. J’ai les tiens qui sont encore très très jolis, vu qu’à Batavia je n’en avais pas besoin et ici aussi je ne les emploie que très rarement, seulement quand on va dans les montagnes ou à Bandoeng.
Pour en revenir au couvre-pied, tu m’en offre un pour mes visites, tu n’y penses pas, cela serait fou de les gâter pareillement, non, non, jamais je ne leur accorderais quelque chose qui a été fait par ma Rötteli, ils ne pourraient jamais assez l’apprécier et d’ailleurs j’ai trop de monde et des gens trop différents, non, je ne veux pas commencer à les gâter.
Merci d’avance pour le Bettjäckli (liseuse) que je me réjouis de recevoir, ainsi que la robe de Hedy. D’un côté je regrette un peu qu’elle ne soit pas longue. Je n’ai pas spécifié parce que je voulais vous laisser le choix. Est-ce qu’on porte aussi des robes courtes le soir alors ? Je la veux spécialement pour aller à Bandoeng au club danser un peu après le cinéma. Enfin, on verra quand elle sera là. Est-ce que les robes de Max, je pourrai les porter pour l’après-midi ou plutôt pour le soir, vu qu’elles sont longues. Il te faut un peu me renseigner là-dessus. A Batavia, je le savais bien, car je voyais tant d’autres femmes, là il y avait toujours de la stimulation, mais ici je perds un peu le fil.
Je me suis faite une petite robe noire que je porte avec un col en piqué blanc. Elle me va à ravir, cela fait toujours jeune et le soir maintenant on peut très bien s’habiller comme en Europe, cela n’a plus besoin d’être des robes très légères.
Oui, je suis contente que j’aie pu faire cela pour Kleber, il n’est pas sain, ce type, et je ne crois pas qu’il s’entende très bien avec sa femme, en tous cas, il ne dit pas encore quand elle viendra.  Chez moi cela va mieux aussi, enfin, je te l’écrirai une autre fois, d stube isch nid gwüscht (l’air n’est pas pur ?), mais la Näggeli a de nouveau pu avoir le dessus.
Sais-tu que j’emploie toujours encore ton panier à couture, que tu m’avais acheté chez Tanner avant de partir. Il vit encore toujours et toujours, il est plein de bobines …..
Pas terminée




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