mardi 29 novembre 2016




Bandoeng,

12 mai 1938

Mes bien chers,
Vous serez étonnés de voir que je suis encore toujours à Bandoeng. Vous devez savoir par mes lettres à maman que je suis restée ici depuis Pâques. Nous y étions venus pour y passer les fêtes, ensuite il a été décidé que je resterais quelques jours pour profiter du bon climat, et puis j’ai eu subitement une diarrhée très forte qui, même si je l’avais voulu,  m’aurait  empêchée de rentrer avec Oscar. Il a donc été décidé que puisque j’étais ici, j’en profiterais pour aller voir un bon médecin, un spécialiste, pour savoir une fois pour toute ce qui me fichait toujours les intestins et l’estomac en l’air à tout bout de champs, et à quel degré j’avais cette malaria. J’ai été auscultée de fond en comble cette fois-ci, il m’a même vidé l’estomac avec un tuyau en caoutchouc que j’ai dû avaler. Enfin, je n’ai rien à l’estomac, sauf un peu pas assez de sucs gastriques. Il a bien ausculté le foie mais ne trouvait rien d’alarmant jusqu’au jour où j’ai de nouveau eu de la fièvre et que je ne me sentais pas bien, pas malade vraiment, mais pas bien non plus. J’ai filé vers le docteur, nouvelle auscultation et cette fois c’est le foie qui me faisait bien mal. En même temps, il trouvait dans l’urine quelque  sorte de poison, par la bile. Il m’a fait des piqûres, cela allait mieux pendant quelques jours mais voilà que la fièvre m’a reprise, pas beaucoup, 37.1 – 37.3. Je lui ai dit que cela pouvait provenir de ma maladie de dans le temps (encéphalite, qu’elle a survécu), mais il ne veut pas trop y croire. Enfin, le clou de l’histoire, c’est qu’il veut une radiographie de mon foie, pour cela je dois entrer ce soir à l’hôpital pour 2 jours, peut être plus. On va me donner des purges, puis un tas de saletés à bouffer, et des lavements. Enfin, mes chers, je ne vois guère la vie en rose aujourd’hui, j’ai la frousse, j’ai le cœur aux culottes et ça me fait du bien de vous l’écrire. D’ailleurs, je vous ai promis de toujours tout vous écrire et je le fais, seulement j’aimerais bien que vous n’en disiez encore rien à maman pour ne pas la gêner dans sa cure à Nauheim.
Oscar est revenu ici après une de ses tournées pour un week-end. Il est bien content de me savoir en bonnes mains chez ce spécialiste qui est connu dans toutes les Indes et en Hollande. Demain soir, j’espère savoir ce que j’ai, si c’est des calculs biliaires ou quoi. Ça coûte un argent fou, chacune de mes visites chez le médecin coûte Fl. 5.- et j’ai été plus de vingt fois déjà. Et maintenant il y aura toute cette affaire d’hôpital qui coûtera bien Fl. 150.- aussi. Tant pis, je saurai au moins ce que j’ai. Ça n’allait plus les derniers mois à Tjilatjap, j’étais très énervée et toujours terriblement fatiguée. On mettait tout sur le compte du climat, mais le docteur dit que ça n’a rien à voir, que j’avais déjà dû avoir ça en Suisse, mais ça met des années pour bien se prononcer.
Enfin, mes chers, je ne suis pas en danger, loin de là, seulement j’ai quelques jours ennuyeux à passer, et loin même de Buby, ça fout un peu le cafard. 
Jeanine Boese

Jules Boese
Je loge ici chez les Boese (voir who is who), des connaissances de Batavia, dont elle est française. On s’entend bien et ils sont plus que charmants pour moi. Je n’aurais pas pu mieux tomber.


Mes chers hommes, je vous embrasse chacun de tout mon cœur et vous souhaite mille bonnes choses. Je répondrai à vos lettres plus tard. Ge….




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