Bandoeng,
12 mai 1938
Mes bien
chers,
Vous serez
étonnés de voir que je suis encore
toujours à Bandoeng. Vous devez savoir par mes lettres à maman que je suis
restée ici depuis Pâques. Nous y étions venus pour y passer les fêtes, ensuite
il a été décidé que je resterais quelques jours pour profiter du bon climat, et
puis j’ai eu subitement une diarrhée
très forte qui, même si je l’avais voulu, m’aurait
empêchée de rentrer avec Oscar. Il a donc été décidé que puisque j’étais
ici, j’en profiterais pour aller voir un bon médecin, un spécialiste, pour
savoir une fois pour toute ce qui me fichait toujours les intestins et
l’estomac en l’air à tout bout de champs, et à quel degré j’avais cette
malaria. J’ai été auscultée de fond en comble cette fois-ci, il m’a même vidé
l’estomac avec un tuyau en caoutchouc que j’ai dû avaler. Enfin, je n’ai rien à
l’estomac, sauf un peu pas assez de sucs gastriques. Il a bien ausculté le foie
mais ne trouvait rien d’alarmant jusqu’au jour où j’ai de nouveau eu de la
fièvre et que je ne me sentais pas bien, pas malade vraiment, mais pas bien non
plus. J’ai filé vers le docteur, nouvelle auscultation et cette fois c’est le
foie qui me faisait bien mal. En même temps, il trouvait dans l’urine
quelque sorte de poison, par la
bile. Il m’a fait des piqûres, cela allait mieux pendant quelques jours mais
voilà que la fièvre m’a reprise, pas beaucoup, 37.1 – 37.3. Je lui ai dit que
cela pouvait provenir de ma maladie de dans le temps (encéphalite, qu’elle a survécu), mais il ne veut pas trop y
croire. Enfin, le clou de l’histoire, c’est qu’il veut une radiographie de mon
foie, pour cela je dois entrer ce soir à l’hôpital pour 2 jours, peut être
plus. On va me donner des purges, puis un tas de saletés à bouffer, et des lavements. Enfin, mes chers, je ne vois
guère la vie en rose aujourd’hui, j’ai la frousse, j’ai le cœur aux culottes et
ça me fait du bien de vous l’écrire. D’ailleurs, je vous ai promis de toujours
tout vous écrire et je le fais, seulement j’aimerais bien que vous n’en disiez
encore rien à maman pour ne pas la gêner dans sa cure à Nauheim.
Oscar est
revenu ici après une de ses tournées pour un week-end. Il est bien content de
me savoir en bonnes mains chez ce spécialiste qui est connu dans toutes les
Indes et en Hollande. Demain soir, j’espère savoir ce que j’ai, si c’est des
calculs biliaires ou quoi. Ça coûte un argent fou, chacune de mes visites chez
le médecin coûte Fl. 5.- et j’ai été plus de vingt fois déjà. Et maintenant il
y aura toute cette affaire d’hôpital qui coûtera bien Fl. 150.- aussi. Tant
pis, je saurai au moins ce que j’ai. Ça n’allait plus les derniers mois à
Tjilatjap, j’étais très énervée et toujours terriblement fatiguée. On mettait tout sur le compte du climat,
mais le docteur dit que ça n’a rien à voir, que j’avais déjà dû avoir ça en
Suisse, mais ça met des années pour bien se prononcer.
Enfin, mes
chers, je ne suis pas en danger, loin de là, seulement j’ai quelques jours
ennuyeux à passer, et loin même de Buby, ça fout un peu le cafard.
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Jeanine Boese |
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Jules Boese |
Je loge ici
chez les Boese (voir who is who), des connaissances de Batavia, dont elle est
française. On s’entend bien et ils sont plus que charmants pour moi. Je n’aurais pas pu mieux tomber.
Mes chers
hommes, je vous embrasse chacun de tout mon cœur et vous souhaite mille bonnes
choses. Je répondrai à vos lettres plus tard. Ge….
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