lundi 4 janvier 2016







27 août 1934

Keboemen

Merci, merci pour ta lettre du 14 août, mamali, No 48. C’est fou comme elle nous a fait plaisir. Elle est si heimelig, si paisible, c’est comme si nous avions tous été ensemble, quand je l’ai lue à haute voix à table. Je suis contente que vous ayez eu du plaisir avec oncle Hepner, et lui aussi, il le mérite car selon moi, c’est un homme d’un rare mérite, surtout pour le cœur, c’est une bonne âme, et si délicate. Moi aussi, je l’aime de tout mon cœur, et suis si contente d’avoir pu faire sa connaissance. J’ai aussi un si bon souvenir de nos quelques jours à Paris, chez lui, c’était un hôte exquis, pas en chiquets ni compliments, mais en cordialité.
Cela je le pense que vous ne parlez plus que malais au Chalet, on en a eu le fou-rire aussi, rien qu’en y pensant, Buby et moi. 

sawah
Ce n’est pas nassi paït, mais kassi paït. Kassi veut dire donner. 




Nassi est le nom pour le riz cuit. Le riz cru s’appelle : beras, le riz coupé mais encore dans les épis s’appelle : gabah, le riz poussant encore dans le champ s’appelle : padi, et un champ de riz s’appelle : sawah. C’est pas si simple que cela des fois, le malais, tetapi, saja maoe bilardjarnja betoel (mais je veux l’apprendre bien). 


gabah
padi (paddy)











Nassi

















Heh, je viens d’écrire une longue lettre à la Giggerli. Je n’ai fait qu’écrire toute la semaine, répondant à toutes les lettres reçues. Je dois encore écrire à Cis, pour ce courrier, elle m’a envoyé un joli napperon russe, c’est-à-dire avec de la broderie russe, et les serviettes avec. Il va très bien dans notre voorgalery, je suis contente, car ainsi je peux épargner un peu plus ceux de Tata, que j’avais toujours sur notre table, à tour de rôle.

Voici déjà une semaine que notre Topsy est mort et enterré. Toute la semaine nous avons eu peur que Tipsie devienne malade aussi, mais jusqu’à présent elle se porte bien. Elle est couchée près de moi, je viens de lui enrouler un long fil autour de la gueule, elle s’amuse à s’en défaire maintenant, c’est tordant.
Mamali, quel plaisisr tu m’as fait avec cette ravissante petite robe pour Nicki, merci, merci mille fois J’en suis enchantée, madame V. en a aussi eu un plaisir fou, et surtout Nicki, tu aurais dû la voir. Elle lui va à ravir. Oh ! j’en suis si contente, tu nous a fait un tel plaisir, Oscar aussi en est très content et la trouve aussi très jolie. Mais sûrement qu’elle aura dû coûter cher, c’est un petit rêve, et je suis si contente que j’aie pu faire ce plaisir à madame Visser qui est toujours si bonne pour moi. Tu es un chou, mynes Mamms, comme toujours, d’ailleurs. Mais ne fais plus de pareilles choses, je ne veux pas que tu emploies ton argent pour me faire ainsi plaisir, c’est toi qui doit en avoir du plaisir avant tout, mynes Mamali chérie.
Mardi je n’ai rien fichu, j’avais écrit toute la semaine passée alors quand le courrier est loin, le mardi matin, je n’ai plus envie de rien faire que de lire ou crocheter un peu, ou cuire, seulement ne plus voir du papier à lettre pour un moment. Mercredi j’ai de nouveau écrit toute la journée, jeudi aussi. Le soir nous avons joué au tennis, et sommes ensuite allés chez les Visser, M. Meyeringh étant là aussi. Il est reparti hier, il est tout heureux, sa femme arrive le 21 septembre, juste une année qu’ils sont séparés, puisqu’il est venu ici un mois avant nous. Elle c’est donc sa deuxième femme, la première il l’a perdue ici à Keboemen, lors de la naissance de sa deuxième petite fille, il était alors administrateur de la fabrique ici. Ses jeunes filles ont maintenant 17 et 14 ans. Elles sont à Rotterdam chez leur grand-maman, maintenant que madame va venir. Nous avons vu sa photo, c’est une belle femme, très, très élégante, une Wienerin, dans le genre de Madame Mermin, mais plus jeune. Elle viendra aussi ici en septembre, et j’espère que je m’entendrai bien avec elle, en attendant je veux tâcher de me faire au moins encore une robe, celles de Hedy commencent toutes à lâcher. En jouant au tennis un des derniers jours, je me suis de nouveau tordu une quille, surtout le genou de sorte que je n’ai plus été promener. Hier, 4ème dimanche du mois, j’ai été  au coiffeur, mais comme il n’était pas encore là à 10 h. j’ai dit au doggart d’aller lentement faire un tour. Ainsi j’ai été le long de la grande route dans la direction de Gombong, près des montagnes, pardessus le Loekoello, le fleuve d’ici, ou plutôt la grande rivière. C’était merveilleux, j’en ai énormément joui, une fois de plus je suis tombée en admiration devant le pays,  le paysage, ses habitants, ses coutumes, tout, tout, tout est tellement beau. J’espère que maintenant  que les moyens de transports ne sont plus si chers, il viendra un peu plus de peintres ici, car cela en vaut vraiment la peine.
Nous avons reçu samedi, une lettre de Margot, la femme du plus jeune oncle d’Oscar, habitant à Semarang. Cet oncle Maurice est donc le plus jeune frère de la maman de Buby, il a environ 40 ans et sa femme, Margot, est une canadienne dans les 30 ans, assez sympathique sur les photos. Ils nous avaient envoyé un cadeau de noce par l’oncle Charlie qui était venu nous rendre visite. Depuis nous ne leur avons plus jamais écrit et n’avons rien entendu d’eux non plus.  Maintenant ils sont en vacances chez l’oncle Charlie, en Garoet, dans les montagnes, et depuis-là cette Margot, donc, nous a écrit une gentille lettre pour nous inviter à passer le prochain week-end chez eux, à Semarang. Vendredi le 31 août, c’est l’anniversaire de la reine, alors c’est jour de congé ici, c’est pourquoi ils nous demandent de venir déjà le jeudi et que sûrement nous pouvons avoir libre le samedi matin. L’occasion et les projets, tout serait très chic si ce n’était pas la fin du moi, cette semaine. Je dois donc vite écrire encore aujourd’hui pour refuser et espérer une autre fois. C’est dommage, de devoir manquer cette occasion, j’espère beaucoup qu’ils nous seront sympa, et vice-versa, de sorte que je puisse avoir un pied à terre là, dans une ville, pour y aller de temps en temps, faire des achats etc. Quand il faut passer la nuit dans un hôtel, ces sorties deviennent trop chères. 
Il me faudra trouver une combine, car hier, ce coiffeur m’a dit qu’il rentrait en Hollande. Son affaire à Magelang ne va plus, la concurrence japonaise étant trop forte, il n’a plus un sou et doit être rapatrié aux frais du gouvernement avec ses 6 enfants, dont 4 garçons. Vous vous demanderez peut être pourquoi il ne reste plus ici puisque la vie semble y être si facile. Non, elle ne l’est pas dans des cas pareils, car n’ayant absolument plus de quoi vivre, il faut qu’une telle famille aille demeurer dans le kampong, tout comme les indigènes, et cela c’est très dégradant pour un Européen, un si étroit contact sur le pied d’égalité. Aussi pour les enfants, l’influence des mœurs javanaises est néfaste. Nous Blancs nous nous développons entre 15-20 ans alors que les enfants javanais se développent entre, non, je ne peux pas dire de limites, mais ils commencent au moins à l’âge de 7-8 ans déjà. 



Pendant une promenade avec madame V. nous avons rencontré une petites chinoise, une enfant de 3 ans au plus, haute comme une botte, couverte de bijoux, nue, (mais cela c’est naturel ici) et qui fumait la cigarette avec une grâce et des gestes que bien des mondaines lui auraient enviés. Nous nous sommes arrêtées pour la regarder, cela ne l’a pas du tout intimidée, au contraire, elle y en mettait de plus belle et envoyait sa fumée dans la figure de ses petites camarades, qui toutes étaient pourtant plus âgées qu’elle de quelques années. A en juger par sa tenue et le lieu où elle habitait, elle doit être l‘enfant d’une gueuse qui l’élève pour le même but.
Enfin, pour en revenir à nos moutons, nous n’aurons donc plus de coiffeur européen tous les mois à moins qu’il en vienne un autre, je ne sais pas.
Ils sont en train de poser les deux autres fenêtres, au salon, maintenant nous n’aurons plus de courants d’air, chic, cela nous coûtera une visite aux R. nous ne leur avons pas encore rendu leur visite depuis qu’ils sont venus à ma fête. Ils sont furieux, je crois, mais Buby dit qu’il s’en fout.
Ah oui, vous ne savez pas, mais nous avons eu des velléités d’acheter des vélos Le vieux Sanderse, l’expéditeur d’huile de la fabrique, nous a offert un vélo de dame, assez bien, en bon état encore, nous disant de lui nommer un prix, ce qu’on voulait donner. Moi, je ne m’y suis pas fiée à cette proposition et j’ai envoyé le kebon chez plusieurs marchands de vélos pour le faire évaluer. Le maximum était Fl. 30.--. Bon, je voulais bien donner cela. Mais voilà qu’un de ces jours, nous recevons de la dinde des R. (quelle idée !) et en allant remercier j’ai mentionné ce vélo, alors ils ont été intéressés et sont venus le voir. Je me disais que le vieux R. en connaissait bien quelque chose et qu’il me dirait la vérité. Ils l’ont examiné et surtout elle a trouvé que c’était un vélo excellent, qu’il valait au bas mot ses Fl. 50.--. Minimum Fl. 40.--. Oscar a carrément dit que nous ne voulions pas donner plus de Fl. 30.--. Ils ont fait de longues figures, et elle me dit, mais achète-le donc, tu n’as pas besoin de le payer en une fois, voyons, tu peux faire plusieurs acomptes, ainsi tu ne remarques pas la hauteur du prix ! (la vache !).
Ils ne pouvaient pas comprendre qu’on puisse avoir une autre manière de calculer, enfin nous nous sommes quittés avec une opinion, les uns des autres, au dessous de zero. F-i-n-i.
Mes chers, je vous quitte pour vite sauter à une autre lettre. J’attends la lettre de Charlot, je répondrai donc à toutes ensemble. ….un bon muntschi à chacun de votre Ge….



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire