27 août 1934
Keboemen
Merci,
merci pour ta lettre du 14 août, mamali, No 48. C’est fou comme elle nous a
fait plaisir. Elle est si heimelig, si paisible, c’est comme si nous avions
tous été ensemble, quand je l’ai lue à haute voix à table. Je suis contente que
vous ayez eu du plaisir avec oncle Hepner, et lui aussi, il le mérite car selon
moi, c’est un homme d’un rare mérite, surtout pour le cœur, c’est une bonne
âme, et si délicate. Moi aussi, je l’aime de tout mon cœur, et suis si contente
d’avoir pu faire sa connaissance. J’ai aussi un si bon souvenir de nos quelques
jours à Paris, chez lui, c’était un hôte exquis, pas en chiquets ni compliments,
mais en cordialité.
Cela je le
pense que vous ne parlez plus que malais au Chalet, on en a eu le fou-rire
aussi, rien qu’en y pensant, Buby et moi.
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sawah |
Nassi est le nom pour le riz cuit. Le
riz cru s’appelle : beras, le
riz coupé mais encore dans les épis s’appelle : gabah, le riz poussant encore dans le champ s’appelle : padi, et un champ de riz
s’appelle : sawah. C’est pas si
simple que cela des fois, le malais, tetapi, saja maoe bilardjarnja betoel
(mais je veux l’apprendre bien).
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gabah |
Heh, je viens d’écrire une longue lettre à la
Giggerli. Je n’ai fait qu’écrire toute la semaine, répondant à toutes les
lettres reçues. Je dois encore écrire à Cis, pour ce courrier, elle m’a envoyé
un joli napperon russe, c’est-à-dire avec de la broderie russe, et les
serviettes avec. Il va très bien dans notre voorgalery, je suis contente, car
ainsi je peux épargner un peu plus ceux de Tata, que j’avais toujours sur notre
table, à tour de rôle.
Voici déjà
une semaine que notre Topsy est mort et enterré. Toute la semaine nous avons eu
peur que Tipsie devienne malade aussi, mais jusqu’à présent elle se porte bien.
Elle est couchée près de moi, je viens de lui enrouler un long fil autour de la
gueule, elle s’amuse à s’en défaire maintenant, c’est tordant.
Mamali,
quel plaisisr tu m’as fait avec cette ravissante petite robe pour Nicki, merci,
merci mille fois J’en suis enchantée, madame V. en a aussi eu un plaisir fou,
et surtout Nicki, tu aurais dû la voir. Elle lui va à ravir. Oh ! j’en
suis si contente, tu nous a fait un tel plaisir, Oscar aussi en est très
content et la trouve aussi très jolie. Mais sûrement qu’elle aura dû coûter
cher, c’est un petit rêve, et je suis si contente que j’aie pu faire ce plaisir
à madame Visser qui est toujours si bonne pour moi. Tu es un chou, mynes Mamms,
comme toujours, d’ailleurs. Mais ne fais plus de pareilles choses, je ne veux
pas que tu emploies ton argent pour me faire ainsi plaisir, c’est toi qui doit
en avoir du plaisir avant tout, mynes Mamali chérie.
Mardi je
n’ai rien fichu, j’avais écrit toute la semaine passée alors quand le courrier
est loin, le mardi matin, je n’ai plus envie de rien faire que de lire ou
crocheter un peu, ou cuire, seulement ne plus voir du papier à lettre pour un
moment. Mercredi j’ai de nouveau écrit toute la journée, jeudi aussi. Le soir
nous avons joué au tennis, et sommes ensuite allés chez les Visser, M.
Meyeringh étant là aussi. Il est reparti hier, il est tout heureux, sa femme
arrive le 21 septembre, juste une année qu’ils sont séparés, puisqu’il est venu
ici un mois avant nous. Elle c’est donc sa deuxième femme, la première il l’a
perdue ici à Keboemen, lors de la naissance de sa deuxième petite fille, il
était alors administrateur de la fabrique ici. Ses jeunes filles ont maintenant
17 et 14 ans. Elles sont à Rotterdam chez leur grand-maman, maintenant que
madame va venir. Nous avons vu sa photo, c’est une belle femme, très, très
élégante, une Wienerin, dans le genre de Madame Mermin, mais plus jeune. Elle
viendra aussi ici en septembre, et j’espère que je m’entendrai bien avec elle,
en attendant je veux tâcher de me faire au moins encore une robe, celles de
Hedy commencent toutes à lâcher. En jouant au tennis un des derniers jours, je
me suis de nouveau tordu une quille, surtout le genou de sorte que je n’ai plus
été promener. Hier, 4ème dimanche du mois, j’ai été au coiffeur, mais comme il n’était pas
encore là à 10 h. j’ai dit au doggart d’aller lentement faire un tour. Ainsi
j’ai été le long de la grande route dans la direction de Gombong, près des
montagnes, pardessus le Loekoello,
le fleuve d’ici, ou plutôt la grande rivière. C’était merveilleux, j’en ai
énormément joui, une fois de plus je suis tombée en admiration devant le
pays, le paysage, ses habitants,
ses coutumes, tout, tout, tout est tellement beau. J’espère que maintenant que les moyens de transports ne sont
plus si chers, il viendra un peu plus de peintres ici, car cela en vaut
vraiment la peine.
Nous avons
reçu samedi, une lettre de Margot, la femme du plus jeune oncle d’Oscar,
habitant à Semarang. Cet oncle Maurice est donc le plus jeune frère de la maman
de Buby, il a environ 40 ans et sa femme, Margot, est une canadienne dans les
30 ans, assez sympathique sur les photos. Ils nous avaient envoyé un cadeau de
noce par l’oncle Charlie qui était venu nous rendre visite. Depuis nous ne leur
avons plus jamais écrit et n’avons rien entendu d’eux non plus. Maintenant ils sont en vacances chez
l’oncle Charlie, en Garoet, dans les montagnes, et depuis-là cette Margot,
donc, nous a écrit une gentille lettre pour nous inviter à passer le prochain
week-end chez eux, à Semarang. Vendredi le 31 août, c’est l’anniversaire de la
reine, alors c’est jour de congé ici, c’est pourquoi ils nous demandent de
venir déjà le jeudi et que sûrement nous pouvons avoir libre le samedi matin.
L’occasion et les projets, tout serait très chic si ce n’était pas la fin du
moi, cette semaine. Je dois donc vite écrire encore aujourd’hui pour refuser et
espérer une autre fois. C’est dommage, de devoir manquer cette occasion,
j’espère beaucoup qu’ils nous seront sympa, et vice-versa, de sorte que je
puisse avoir un pied à terre là, dans une ville, pour y aller de temps en
temps, faire des achats etc. Quand il faut passer la nuit dans un hôtel, ces
sorties deviennent trop chères.
Il me faudra trouver une combine, car hier, ce coiffeur m’a dit qu’il rentrait en Hollande. Son affaire à Magelang ne va plus, la concurrence japonaise étant trop forte, il n’a plus un sou et doit être rapatrié aux frais du gouvernement avec ses 6 enfants, dont 4 garçons. Vous vous demanderez peut être pourquoi il ne reste plus ici puisque la vie semble y être si facile. Non, elle ne l’est pas dans des cas pareils, car n’ayant absolument plus de quoi vivre, il faut qu’une telle famille aille demeurer dans le kampong, tout comme les indigènes, et cela c’est très dégradant pour un Européen, un si étroit contact sur le pied d’égalité. Aussi pour les enfants, l’influence des mœurs javanaises est néfaste. Nous Blancs nous nous développons entre 15-20 ans alors que les enfants javanais se développent entre, non, je ne peux pas dire de limites, mais ils commencent au moins à l’âge de 7-8 ans déjà.
Pendant une promenade avec madame V. nous avons rencontré une petites chinoise, une enfant de 3 ans au plus, haute comme une botte, couverte de bijoux, nue, (mais cela c’est naturel ici) et qui fumait la cigarette avec une grâce et des gestes que bien des mondaines lui auraient enviés. Nous nous sommes arrêtées pour la regarder, cela ne l’a pas du tout intimidée, au contraire, elle y en mettait de plus belle et envoyait sa fumée dans la figure de ses petites camarades, qui toutes étaient pourtant plus âgées qu’elle de quelques années. A en juger par sa tenue et le lieu où elle habitait, elle doit être l‘enfant d’une gueuse qui l’élève pour le même but.
Il me faudra trouver une combine, car hier, ce coiffeur m’a dit qu’il rentrait en Hollande. Son affaire à Magelang ne va plus, la concurrence japonaise étant trop forte, il n’a plus un sou et doit être rapatrié aux frais du gouvernement avec ses 6 enfants, dont 4 garçons. Vous vous demanderez peut être pourquoi il ne reste plus ici puisque la vie semble y être si facile. Non, elle ne l’est pas dans des cas pareils, car n’ayant absolument plus de quoi vivre, il faut qu’une telle famille aille demeurer dans le kampong, tout comme les indigènes, et cela c’est très dégradant pour un Européen, un si étroit contact sur le pied d’égalité. Aussi pour les enfants, l’influence des mœurs javanaises est néfaste. Nous Blancs nous nous développons entre 15-20 ans alors que les enfants javanais se développent entre, non, je ne peux pas dire de limites, mais ils commencent au moins à l’âge de 7-8 ans déjà.
Pendant une promenade avec madame V. nous avons rencontré une petites chinoise, une enfant de 3 ans au plus, haute comme une botte, couverte de bijoux, nue, (mais cela c’est naturel ici) et qui fumait la cigarette avec une grâce et des gestes que bien des mondaines lui auraient enviés. Nous nous sommes arrêtées pour la regarder, cela ne l’a pas du tout intimidée, au contraire, elle y en mettait de plus belle et envoyait sa fumée dans la figure de ses petites camarades, qui toutes étaient pourtant plus âgées qu’elle de quelques années. A en juger par sa tenue et le lieu où elle habitait, elle doit être l‘enfant d’une gueuse qui l’élève pour le même but.
Enfin,
pour en revenir à nos moutons, nous n’aurons donc plus de coiffeur européen
tous les mois à moins qu’il en vienne un autre, je ne sais pas.
Ils sont
en train de poser les deux autres fenêtres, au salon, maintenant nous n’aurons
plus de courants d’air, chic, cela nous coûtera une visite aux R. nous ne leur
avons pas encore rendu leur visite depuis qu’ils sont venus à ma fête. Ils sont
furieux, je crois, mais Buby dit qu’il s’en fout.
Ah oui,
vous ne savez pas, mais nous avons eu des velléités d’acheter des vélos Le vieux
Sanderse, l’expéditeur d’huile de la fabrique, nous a offert un vélo de dame,
assez bien, en bon état encore, nous disant de lui nommer un prix, ce qu’on
voulait donner. Moi, je ne m’y suis pas fiée à cette proposition et j’ai envoyé
le kebon chez plusieurs marchands de vélos pour le faire évaluer. Le maximum
était Fl. 30.--. Bon, je voulais bien donner cela. Mais voilà qu’un de ces
jours, nous recevons de la dinde des R. (quelle idée !) et en allant
remercier j’ai mentionné ce vélo, alors ils ont été intéressés et sont venus le
voir. Je me disais que le vieux R. en connaissait bien quelque chose et qu’il
me dirait la vérité. Ils l’ont examiné et surtout elle a trouvé que c’était un
vélo excellent, qu’il valait au bas mot ses Fl. 50.--. Minimum Fl. 40.--. Oscar
a carrément dit que nous ne voulions pas donner plus de Fl. 30.--. Ils ont fait
de longues figures, et elle me dit, mais achète-le donc, tu n’as pas besoin de
le payer en une fois, voyons, tu peux faire plusieurs acomptes, ainsi tu ne
remarques pas la hauteur du prix ! (la vache !).
Ils ne
pouvaient pas comprendre qu’on puisse avoir une autre manière de calculer,
enfin nous nous sommes quittés avec une opinion, les uns des autres, au dessous
de zero. F-i-n-i.
Mes chers,
je vous quitte pour vite sauter à une autre lettre. J’attends la lettre de
Charlot, je répondrai donc à toutes ensemble. ….un bon muntschi à chacun de
votre Ge….
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