15 octobre 1934
Keboemen
Devinez
depuis où je vous écris ? Depuis mon lit ! Oui, une fois de plus j’ai
été imprudente. Vous rappelez-vous, dans ma dernière lettre je vous ai écrit
que dimanche passé j’ai été faire un tour avec Tipsie, je ne sais pas si je
vous ai aussi écrit qu’il y avait un vent énorme. En rentrant j’ai encore dit à
Oscar : il a fait un sale vent, cela ne m’étonnerait pas si j’avais
attrapé froid, de nouveau. Nous avons espéré que pour une fois, j’aurai plus de
chance que de raison, non. Le lundi tout a bien été, le mardi j’ai commencé à
devenir un peu grinche, et le mercredi matin je me suis réveillée avec un mal
de gorge et de la température. Je suis restée au lit par prudence, car je
sentais mes douleurs recommencer à courir sur la peau. Le jeudi matin, je me
sentais mieux et je me suis levée pour me reposer sur la chaise longue. J’avais
encore 37, mais je pensais que cela passerait dans la journée. Alors madame
Visser est venue, et nous avons causé, causé, plutôt elle. Pendant tout ce temps je me sentais
aller moins bien, et elle avec ses idées biscornues, semblait vouloir me rendre
encore plus malade Enfin, cette visite m’a bien fatiguée et à midi je me suis
remise au lit avec ma névralgie. Zut, quelle tuile ! Le soir, Oscar
faisait venir le médecin. Il a constaté que c’était bien le même genre de coup
de froid que la dernière fois, et m’a une fois de plus recommandé d’être
prudente. Je lui ai parlé de cet hôtel et de ces bains de boue (Garoet), mais il n’y tient pas,
quoiqu’il affirme qu’ils sont très bons, mais il ne veut pas encore en entendre
parler pour moi. Il dit que je suis encore trop jeune pour une cure pareille.
Il me dit qu’il faut apprendre à connaître les changements de température et
surtout apprendre à m’y assimiler en m’habillant en conséquence. Cela demande
maints changements d’habits, mais à la fin je m’y habituerai aussi. Au fond il
me dit la même chose que les dr. de Bienne, porter de la lingerie en tricot,
surtout pas de toile. Ensuite il m’a conseillé d’avoir une garde-robe bien
assortie pour tous les petits changements de température (cela c’est plus vite
dit que fait !). Nous avons aussi fait la connaissance avec le second dr.
maintenant. C’est lui qui est venu les deux dernières fois me rendre visite, et
m’a aussi dit que le corps étant soumis à une transpiration constante, qu’il ne
pouvait pas s’accoutumer si vite aux brusques changements de température, c’est
pourquoi tant de gens avaient des rhumatismes. Les deux dr. ici en souffrent
aussi. Enfin, il faut faire attention, mais n’aie pas peur, je n’avale pas tant
de ces remèdes. Depuis que je suis ici je n’ai pris que ces pilules du dr. pour
me fortifier, et pendant 15 jours du sel
Kruschen (see google…), outre
cela je fais bien attention de ne rien avaler, j’ai aussi horreur des remèdes,
et ne suis pas comme les deux femmes d’ici qui s’enfilent les pilules de toutes
les annonces qu’elles lisent. Une fois c’est une pilule pour maigrir, une fois
pour bien digérer, une fois pour le foie, une fois pour purger, une fois pour
le teint, une fois pour avoir des gosses, une autre fois pour ne pas en avoir
etc, etc. Enfin c’est fantastique, et cela aussi bien de madame Visser que de
la Ricshaw. D’ailleurs elles s’entendent comme deux gouttes d’eau sur ce sujet
là. Elles sont venues me rendre visite et m’ont apporté et envoyé de bonnes
choses à manger. Mme V. des poires cuites dans du vin, (je ne sais pas d’où
elle a pris l’idée, mais enfin c’était bon) et une fricadelle de volaille,
excellente. La Ric m’a envoyé du gros bouillon bien gras avec de la moelle, du
céleri, des carottes et de gros macaronis qui flottaient par dedans comme des
anguilles. Ce matin j’ai reçu un beau bouquet de géraniums rouges, joli. A
propos de céleri, dis-moi comment tu faisais le thé que papa ou toi ou
grand-maman buvaient. J’en ai parlé à madame
Engelhart, lui disant que c’était bon pour les rhumatismes, alors elle
voudrait savoir comment on le boit, si c’est des racines ou des tiges ou encore
de feuilles, et comment on fait ce thé. Ecris-moi bien tout en long à propos de
cela. Il y a déjà longtemps que j’aurais dû te le demander et j’ai toujours
oublié, alors quand madame E. est venue me demander si je n’avais pas encore
reçu de réponse, j’ai dit que non, que c’était vous qui aviez oublié de
m’écrire à ce sujet !!! Les absents ont bon dos et j’espère bien que vous
ne m’en voudrez pas.
Et
maintenant encore une chose. Charlot ou Loulou, est-ce que vous connaissez un
hôtel Fedir à Andermatt ? (Hotel
Fedier, note à la main dans la marge, (n’existe plus) ) C’est là
que Dr Vonk échoue, finalement. Et dites-moi encore si Andermatt est bien
abrité des vents froids, car il a peur que ce soit trop froid pour ses enfants.
Est-ce qu’il y a beaucoup d’hôtels à Andermatt ? Ce n’est pas du tout un
lieu pour étrangers, ou bien ? Il ne veut pas rester trop longtemps en
Suisse et surtout pas aller dans un lieu mondain, parce qu’il vient de perdre
son frère ici dans un accident de voiture. Il laisse une veuve et 4 enfants
petits encore. Il ne passera pas par Bienne, c’est dommage, mais tant pis.
Autrement il est très très sympathique et si simple, si simple.
Jeudi
j’aurai John et Jans qui passeront la nuit ici en se rendant à Batavia. Peut
être que Jans restera ici, je ne sais pas. En tous cas moi je dois encore
rester au lit trois jours sans température, et je ne me lève pas pour eux. Je
serais contente si Jans pouvait rester un peu. Autrement je me porte de nouveau
très bien, mais je dois encore transpirer tous les jours. Cela c’est embêtant
car il faut toujours changer tout le lit. Je vous garantis que ma petite baboe
doit bien turbiner, laver tout cela, faire mon service de chambre et cuire
encore. Je ne veux pas dire que ses dîners soient des gourmandises, mais c’est
mangeable et pour le reste je m’enf… Oscar ne dit jamais rien et bouffe tout.
Quant à moi, elle me soigne bien, elle est très obligeante et très attentive,
j’en suis très contente, mais c’est encore une gosse malgré qu’elle soit mariée
déjà.
J’ai 36.7
ce matin cela va donc bien. Vous ne pouvez pas vous imaginer ce que mon Buby a
été bon et gentil, et comme il m’a gâtée ces jours-ci.
Mes chers,
j’ai mauvaise conscience envers vous, mais j’ai perdu tout mon temps hier à
lire un beau livre. Vous savez comme cela va, on ne peut pas le lâcher et le
temps passe et la lettre ne s’écrit pas. Ce que j’ai été contente de ton cape,
c’est incroyable, les services qu’il m’a rendus. Oh ! tu sais, je ne le
ménage pas, je le porte au lit maintenant aussi, il me donne bon chaud et il
est si joli, tu comprends !
Merci
beaucoup pour ta bonne longue lettre, lettre
55. Est-ce qu’il faut aussi te remercier pour les photos ? Je n’en
suis pas trop sûre, car elles sont presque toutes « usées » je ne
sais pas d’où cela peut venir !!!
![]() |
Tu es tout simplement un petit diable avec
ton petit chapeau ! C’est fou ce que tu me plais. Ton petit ensemble est
très très bien. Oh ! j’ai encore eu le plus de plaisir c’est de te voir
dans ta robe chaudron avec ce nœud si coquettement noué. Et dire que tu fais
cela sans moi. Mais une chose qui me fâche bien, c’est que maintenant que je
suis loin, tu peux bien mettre tes chapeaux de côté un peu sur l’œil et
laissant voir de côté tes beaux cheveux argentés, mais j’en suis heureuse. Tous
ces jours-ci, au lit, j’ai eu vos photos étalées en une ligne comme des soldats
que je passais en revue à tout bout de champ. Et mon Faderli aussi me plaît, tu
es redevenu l’ancien, bien gras. Eh, ce que je suis contente de vous voir, de
bien pouvoir vous regarder pour une fois. Merci, merci de tout cœur pour ces
photos… et pour celles qui vont suivre ! J’éprouve fortement le besoin de
d’écrire, mais c’est la question si j’y arrive, car à peine levée, il faut me
mettre à la couture, cette fois c’est la priorité. Vous ne m’en voudrez pas si
je vous délaisse un peu, je ne le fais pas en pensées, diable non, mais
seulement en lettre, et vous m’aimez assez pour me pardonner cela, pas ?
Pour vous
dédommager de ma lettre courte, je vous envoie inclus un agrandissement d’une
des petites photos faites pendant notre course.
![]() |
admirez! |
Je suis en train de regarder un
vieux Javanais couper ses feuilles de tabac qu’il sèche et livre ensuite aux
fabriques d’ici. Je vous prierai d’admirer la coupe de mes pantalons svpl. !
Oh, il a fait si beau à cette course ! Et elle nous revient seulement à Fl. 26.--, pour les deux, tout, tout y
compris, hôtel, chevaux, coolies, boire et manger. Mr. Engelhart a été parfait
comme organisateur. Toute la série de photos va suivre sous peu, par bateau.
Maintenant
je dois vous quitter. La semaine prochaine, un peu plus j’espère…
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