vendredi 22 janvier 2016





15 octobre 1934

Keboemen


Devinez depuis où je vous écris ? Depuis mon lit ! Oui, une fois de plus j’ai été imprudente. Vous rappelez-vous, dans ma dernière lettre je vous ai écrit que dimanche passé j’ai été faire un tour avec Tipsie, je ne sais pas si je vous ai aussi écrit qu’il y avait un vent énorme. En rentrant j’ai encore dit à Oscar : il a fait un sale vent, cela ne m’étonnerait pas si j’avais attrapé froid, de nouveau. Nous avons espéré que pour une fois, j’aurai plus de chance que de raison, non. Le lundi tout a bien été, le mardi j’ai commencé à devenir un peu grinche, et le mercredi matin je me suis réveillée avec un mal de gorge et de la température. Je suis restée au lit par prudence, car je sentais mes douleurs recommencer à courir sur la peau. Le jeudi matin, je me sentais mieux et je me suis levée pour me reposer sur la chaise longue. J’avais encore 37, mais je pensais que cela passerait dans la journée. Alors madame Visser est venue, et nous avons causé, causé, plutôt elle.  Pendant tout ce temps je me sentais aller moins bien, et elle avec ses idées biscornues, semblait vouloir me rendre encore plus malade Enfin, cette visite m’a bien fatiguée et à midi je me suis remise au lit avec ma névralgie. Zut, quelle tuile ! Le soir, Oscar faisait venir le médecin. Il a constaté que c’était bien le même genre de coup de froid que la dernière fois, et m’a une fois de plus recommandé d’être prudente. Je lui ai parlé de cet hôtel et de ces bains de boue (Garoet), mais il n’y tient pas, quoiqu’il affirme qu’ils sont très bons, mais il ne veut pas encore en entendre parler pour moi. Il dit que je suis encore trop jeune pour une cure pareille. Il me dit qu’il faut apprendre à connaître les changements de température et surtout apprendre à m’y assimiler en m’habillant en conséquence. Cela demande maints changements d’habits, mais à la fin je m’y habituerai aussi. Au fond il me dit la même chose que les dr. de Bienne, porter de la lingerie en tricot, surtout pas de toile. Ensuite il m’a conseillé d’avoir une garde-robe bien assortie pour tous les petits changements de température (cela c’est plus vite dit que fait !). Nous avons aussi fait la connaissance avec le second dr. maintenant. C’est lui qui est venu les deux dernières fois me rendre visite, et m’a aussi dit que le corps étant soumis à une transpiration constante, qu’il ne pouvait pas s’accoutumer si vite aux brusques changements de température, c’est pourquoi tant de gens avaient des rhumatismes. Les deux dr. ici en souffrent aussi. Enfin, il faut faire attention, mais n’aie pas peur, je n’avale pas tant de ces remèdes. Depuis que je suis ici je n’ai pris que ces pilules du dr. pour me fortifier, et pendant 15 jours du sel Kruschen (see google…), outre cela je fais bien attention de ne rien avaler, j’ai aussi horreur des remèdes, et ne suis pas comme les deux femmes d’ici qui s’enfilent les pilules de toutes les annonces qu’elles lisent. Une fois c’est une pilule pour maigrir, une fois pour bien digérer, une fois pour le foie, une fois pour purger, une fois pour le teint, une fois pour avoir des gosses, une autre fois pour ne pas en avoir etc, etc. Enfin c’est fantastique, et cela aussi bien de madame Visser que de la Ricshaw. D’ailleurs elles s’entendent comme deux gouttes d’eau sur ce sujet là. Elles sont venues me rendre visite et m’ont apporté et envoyé de bonnes choses à manger. Mme V. des poires cuites dans du vin, (je ne sais pas d’où elle a pris l’idée, mais enfin c’était bon) et une fricadelle de volaille, excellente. La Ric m’a envoyé du gros bouillon bien gras avec de la moelle, du céleri, des carottes et de gros macaronis qui flottaient par dedans comme des anguilles. Ce matin j’ai reçu un beau bouquet de géraniums rouges, joli. A propos de céleri, dis-moi comment tu faisais le thé que papa ou toi ou grand-maman buvaient. J’en ai parlé à madame Engelhart, lui disant que c’était bon pour les rhumatismes, alors elle voudrait savoir comment on le boit, si c’est des racines ou des tiges ou encore de feuilles, et comment on fait ce thé. Ecris-moi bien tout en long à propos de cela. Il y a déjà longtemps que j’aurais dû te le demander et j’ai toujours oublié, alors quand madame E. est venue me demander si je n’avais pas encore reçu de réponse, j’ai dit que non, que c’était vous qui aviez oublié de m’écrire à ce sujet !!! Les absents ont bon dos et j’espère bien que vous ne m’en voudrez pas.
Et maintenant encore une chose. Charlot ou Loulou, est-ce que vous connaissez un hôtel Fedir à Andermatt ? (Hotel Fedier, note à la main dans la marge, (n’existe plus) ) C’est là que Dr Vonk échoue, finalement. Et dites-moi encore si Andermatt est bien abrité des vents froids, car il a peur que ce soit trop froid pour ses enfants. Est-ce qu’il y a beaucoup d’hôtels à Andermatt ? Ce n’est pas du tout un lieu pour étrangers, ou bien ? Il ne veut pas rester trop longtemps en Suisse et surtout pas aller dans un lieu mondain, parce qu’il vient de perdre son frère ici dans un accident de voiture. Il laisse une veuve et 4 enfants petits encore. Il ne passera pas par Bienne, c’est dommage, mais tant pis. Autrement il est très très sympathique et si simple, si simple.
Jeudi j’aurai John et Jans qui passeront la nuit ici en se rendant à Batavia. Peut être que Jans restera ici, je ne sais pas. En tous cas moi je dois encore rester au lit trois jours sans température, et je ne me lève pas pour eux. Je serais contente si Jans pouvait rester un peu. Autrement je me porte de nouveau très bien, mais je dois encore transpirer tous les jours. Cela c’est embêtant car il faut toujours changer tout le lit. Je vous garantis que ma petite baboe doit bien turbiner, laver tout cela, faire mon service de chambre et cuire encore. Je ne veux pas dire que ses dîners soient des gourmandises, mais c’est mangeable et pour le reste je m’enf… Oscar ne dit jamais rien et bouffe tout. Quant à moi, elle me soigne bien, elle est très obligeante et très attentive, j’en suis très contente, mais c’est encore une gosse malgré qu’elle soit mariée déjà.
J’ai 36.7 ce matin cela va donc bien. Vous ne pouvez pas vous imaginer ce que mon Buby a été bon et gentil, et comme il m’a gâtée ces jours-ci.
Mes chers, j’ai mauvaise conscience envers vous, mais j’ai perdu tout mon temps hier à lire un beau livre. Vous savez comme cela va, on ne peut pas le lâcher et le temps passe et la lettre ne s’écrit pas. Ce que j’ai été contente de ton cape, c’est incroyable, les services qu’il m’a rendus. Oh ! tu sais, je ne le ménage pas, je le porte au lit maintenant aussi, il me donne bon chaud et il est si joli, tu comprends !
Merci beaucoup pour ta bonne longue lettre, lettre 55. Est-ce qu’il faut aussi te remercier pour les photos ? Je n’en suis pas trop sûre, car elles sont presque toutes « usées » je ne sais pas d’où cela peut venir !!! 


Tu es tout simplement un petit diable avec ton petit chapeau ! C’est fou ce que tu me plais. Ton petit ensemble est très très bien. Oh ! j’ai encore eu le plus de plaisir c’est de te voir dans ta robe chaudron avec ce nœud si coquettement noué. Et dire que tu fais cela sans moi. Mais une chose qui me fâche bien, c’est que maintenant que je suis loin, tu peux bien mettre tes chapeaux de côté un peu sur l’œil et laissant voir de côté tes beaux cheveux argentés, mais j’en suis heureuse. Tous ces jours-ci, au lit, j’ai eu vos photos étalées en une ligne comme des soldats que je passais en revue à tout bout de champ. Et mon Faderli aussi me plaît, tu es redevenu l’ancien, bien gras. Eh, ce que je suis contente de vous voir, de bien pouvoir vous regarder pour une fois. Merci, merci de tout cœur pour ces photos… et pour celles qui vont suivre ! J’éprouve fortement le besoin de d’écrire, mais c’est la question si j’y arrive, car à peine levée, il faut me mettre à la couture, cette fois c’est la priorité. Vous ne m’en voudrez pas si je vous délaisse un peu, je ne le fais pas en pensées, diable non, mais seulement en lettre, et vous m’aimez assez pour me pardonner cela, pas ?

Pour vous dédommager de ma lettre courte, je vous envoie inclus un agrandissement d’une des petites photos faites pendant notre course. 
admirez!
Je suis en train de regarder un vieux Javanais couper ses feuilles de tabac qu’il sèche et livre ensuite aux fabriques d’ici. Je vous prierai d’admirer la coupe de mes pantalons svpl. ! Oh, il a fait si beau à cette course ! Et elle nous revient seulement à Fl. 26.--, pour les deux, tout, tout y compris, hôtel, chevaux, coolies, boire et manger. Mr. Engelhart a été parfait comme organisateur. Toute la série de photos va suivre sous peu, par bateau.
Maintenant je dois vous quitter. La semaine prochaine, un peu plus j’espère…


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