5 novembre 1934
Käpumän (Keboemen…)
Merci pour
ta bonne lettre du 23 octobre, no 58.
Donc Papa et Chüggu sont à Londres ou peut être déjà de retour, ou peut être
Loulou est effectivement resté collé ! J’ai bien ri en lisant ses quelques
lignes ! Et bien, bonne chance !
C’est la
semaine prochaine que vraisemblablement je n’écrirai pas, puisque je pars jeudi
matin pour Djocja, là je ferai
quelques commissions et à midi je file à Solo.
Vendredi matin, Jans et moi irons à Semarang
pour toute la journée. Samedi vers le soir nous refilerons à Djocja pour chercher Buby. Dimanche
John nous conduira de Solo à Semarang
de nouveau, où nous rendrons visite aux
Warren. Mais je crois que je vous ai déjà raconté tout cela une fois.
Flûte, mon
ancien kebon vient de l’hôpital, il avait encore son vélo ici. Il y a quelques
temps je lui avais fait dire que je ne le voulais plus et en allant le voir
près de la cuisine, je m’attendais à le voir triste, ou que sais-je, mais non,
il m’a gentiment saluée, m’a dit qu’il allait mieux maintenant, et avec un
sourire il m’a demandée si je ne le voulais vraiment plus. J’ai répondu que
non, et avec un nouveau sourire il a répondu : très bien, Njonja (madame). J’ai quand même été prise de
pitié et je lui ai donné Fl. 1.50 desquels il doit rembourser 50 cents au kebon
des Röhwer chez qui il avait cette dette. En Europe un jeune homme ainsi
tournerait communiste ou essaierait de supplier son patron de le reprendre,
mais ici, bah ! pour quoi s’en faire pour des détails pareils dans la
vie ? Je suis sûre que maintenant dans mon dos, il se fout encore de moi,
d’avoir été si bonne et si bête de me défaire de mon argent encore. Mais que
voulez-vous, East and West shall never meet. A mon retour de Solo, ce sera au
tour du djongos de filer, cette fois-ci j’en ai mare avec ce bodoh (idiot). J’en ai déjà un autre en vue, un qui a aussi été chez la
Röhwertje mais qui ne s’entendait pas avec sa koki (cuisinière), à ce
qu’elle raconte, on ne sait jamais. Enfin, essayons. Le dernier tour qu’il m’a
joué, c’est quand je lui ai dit de frotter le tapis du salon, il a été prendre
la patte à relaver, alors qu’il en a plein une caisse, des autres pattes.
Maintenant que je sais un peu plus de malais, j’ai plus vite fait de les
dresser. Nom d’une pipe, je veux que ma maison marche, il faut que cela gaze,
car leur travail est maintenant organisé jusque dans les plus petits détails.
Par moment je me sentirais bien une vocation d’hôtelière. Ne riez pas !!
N’oublie au
moins pas de me donner la recette de ce thé
de céleri pour les Engelhart. Ils y tiennent.
La petite
Nicky Visser est de nouveau malade, un nouveau coup de froid, duquel elle a
toujours de la peine à se remettre. Moi je lui ai rendu visite hier soir, vite,
mais cela me fait pitié pour cette gosse, on l’élève tellement bêtement.
Premièrement elle ne mange que du riz avec du bouillon. Diable, ce n’est pas ce
qu’on donne à une enfant de 6 ans. De temps en temps, c’est très sain, je le
veux bien, mais pourtant pas tous les jours comme nourriture habituelle. Pas de
légumes, peu de fruits, mais par contre un tas de remèdes et de fortifiants, ou
alors des friandises comme du pâté de foie gras, des conserves, des conserves
et encore une fois des boîtes. C’est fou. Mais moi je ne dis plus rien, j’ai
essayé au commencement, mais on me prend pour une folle avec mes théories de
légumes et d’oignons. Quand à des oignons, voilà bien un conseil superflu de ta
part. Tu peux me conseiller sur
tout, mais pas sur cela, ni pour les légumes.
L’autre jour, n’ayant plus une bonne quantité d’un seul légume, car ma petite baboe n’est pas encore à la hauteur des quantités souvent, en faisant le pasar (marché, bazar), j’ai décidé de faire une minestra dont je voudrais bien que tu profites de la recette pour un jour d’hiver froid et pluvieux :
![]() |
Minestra |
L’autre jour, n’ayant plus une bonne quantité d’un seul légume, car ma petite baboe n’est pas encore à la hauteur des quantités souvent, en faisant le pasar (marché, bazar), j’ai décidé de faire une minestra dont je voudrais bien que tu profites de la recette pour un jour d’hiver froid et pluvieux :
des os à
moëlle avec des restes de viandes,
![]() |
haricots soya = mungo |
![]() |
soya = pois |
![]() |
pousses de soya |
Exquis, je
vous dis, on en a chacun eu une assiettée pleine jusqu’au bord. Ensuite on a eu
un petit château-briand avec des pommes allumettes, et puis plus rien. On n’en
pouvait plus. Il te faut compter une gousse d’ail par personne, cela donne
juste la bonne saveur !
Mes chers,
encore une nouvelle du ménage Woldringh. Pendant que j’étais malade, M. Visser
a souvent fait aller son radio très fort, pour que je l’entende aussi, de sorte
que j’avais toujours de beaux concerts. Depuis, nous avons une immense envie de
musique et de nouvelles, de contact avec le large monde pour autant que cela
soit possible ici. Enfin, vous aurez déjà deviné, la Näggeli et l’Oscarli ont
décidé de se payer un radio. En ce moment, Buby est en train de l’écrire à son
père aussi. Nous avons donc décidé d’en prendre un très bon, aussi bon que
celui des Visser, qui coûtera environ Fl. 225.--, nous le prenons contre
payements par accomptes qui dureront aussi peu que possible, mais environ une
année, si nous ne voulons rien changer à notre système d’économies, et
seulement un peu économiser plus sur la vie journalière. Après, si ce n’est pas
une poussette, ce sera une auto. Nous ne pourrons pas entendre
la Suisse, c’est dommage, mais par contre les stations anglaises et françaises
très bien, parce que celles-ci sont enregistrées aux Indes Britanniques et en
Indochine, qui les émettent à nouveau pour leurs citoyens qui n’ont qu’un petit
appareil ainsi. La Hollande aussi naturellement, et finalement les stations
d‘ici qui ne sont pas mal du tout, et au nombre de 6 je crois. Nous aurons
aussi très bien Moscou, Singapore, Calcutta, l’Australie et le Japon ainsi que
l’Amérique, mais pour cela il faut rester debout la nuit. Enfin, qu’est-ce que
vous en dites ? Nous nous réjouissons follement, surtout maintenant
pendant les pluies, quelles belles soirées nous aurons. Jusqu’à présent nous
pouvions toujours nous fâcher, quand Visser avait un beau morceau, ou quelque
chose d’intéressant, il n’était pas fichu de la garder, toujours il vagabondait
d’une station à l’autre. Il est comme mon macaroni en cela.
Je me suis
fini mon pyjama vert, je l’ai mis hier pour la première fois, Buby a poussé un
cri de surprise quand il l‘a vu, je crois qu’il est assez bien, à part quelques
détails techniques pas encore trop réussis et qui dénotent le home made.
Maintenant je suis en train de me faire une jupe culotte, aussi d’après un
patron de Chic et Pratique. Elle me va très bien. Elle est en reps mercerisé
brun chocolat. Je la porterai avec ma petite chemise polo jaune citron, et mon
jumper jaune, tu sais, celui que tu m’as donné pour ma fête une fois. Cela fera
un très bon ensemble pour aller en vélo avec Buby. A Solo et Semarang je vais
chercher un buste, si je ne trouve
pas, je t’écrirai et tu pourras m’en envoyer un. Mais ne le fais pas avant que
je te l’écrive formellement.
Hier soir
nous avons été chez les V. écouter le match
Suisse – Hollande (football) qui
se disputait à Berne. Les Suisses
ont perdu. A l’entendre ce n’était pas un match bien amical vers la fin, et
surtout le public a été odieux. Par radio, les Hollandais ont exprimé leur
étonnement du public suisse si peu sportif qu’il sifflait sa propre équipe
parce qu’elle n’était pas victorieuse. Cela m’a été désagréable d’entendre
cela, par contre j’ai bien ri quelques fois en entendant allez, allez, hue hue hop. Von Känel a bien joué, vive Bienne. Si
jamais il y a encore une manifestation de ce genre en Suisse et que l’un des
garçons y assiste, il faudra rechercher le microphone hollandais et crier aussi
fort que possible Hallo Nelly, et je l’entendrai. Hier soir j’ai bien écouté si
jamais Charlot avait assisté au match et que cela lui soit venu à l’idée…
Non, je
n’ai pas parlé en bon allemand avec Mme Meyeringh,
pour la simple raison que je ne le sais presque plus, il me sort toujours des
mots hollandais. Ce n’est pourtant qu’un manque d’habitude car je lis
régulièrement de l’allemand, comme dans toutes les autres langues du reste,
pour rester à la hauteur.
Et
maintenant voyons vite ma chronique de la semaine. Mercredi, jeudi rien de
spécial, les jours filent comme des
voleurs. Ce matin j’ai été à la cuisine, j’ai cousu un peu à ma jupe. Presque
pendant toute la semaine, il a plu. Samedi matin je voulais donner de l’huile
de foie de morue à Tipsie (ne riez pas mais les chiens, il faut les soigner ici
mieux qu’en Europe) et je m’approche de la table à desservir en dehors de la
salle à manger. Devant moi se trouvait le kebon avec un seau d’eau qui
s’approchait également de la table pour laver les vases de fleurs, son travail
du samedi. Nous étions les deux arrivés près de la table quand tout à coup il
pousse une exclamation, moi je lève la tête et je vois un long serpent ornant le bord de la table, juste à la place où
j’allais prendre l’écuelle de Tipsie. Quand il nous a vu il s’est mis en état
de défense, ne bougeant pas, mais attendant l’ennemi. J’ai vite envoyé le kebon
chercher un bambou pendant que je surveillais la bête, ensuite nous l’avons
assommé et je l’ai envoyé à l’hôpital pour savoir le nom et s’il était
venimeux. Il avait juste un mètre
de long et il est venimeux. Dimanche il a plu toute la journée, et fait
froid. Un bon dimanche pendant lequel il faisait beau se sentir chez soi. Oscar
a travaillé matin et après midi, et à 5 heures j’ai été le chercher et nous
avons pris le thé. Aujourd’hui j’ai écrit toute la journée.
Cette fois
c’est pas de ma faute si je vous écrit peu, mais ce soir Oscar rapporte du
bureau mon paquet de journaux.
Ach, je
dois encore te dire que cette semaine pour la première fois j’ai bien réussi
des rognons sautés, avec un peu de madère etc. Avant je donnais toujours des
explications à ma baboe, qui ne les suivait pas je pense, car on recevait des
morceaux de cuir à manger, et sans sauce presque. Cette fois-ci je les ai faits
entièrement toute seule et c’était excellent. Les rognons sont une des pièces
de viande les meilleurs marché. Aujourd’hui j’ai du foie, ce serait quelque
chose pour papa. Le dr. m’a dit de beaucoup en manger, car je pense qu’ici
j’aurai toujours un peu à combattre l’anémie, comme souvent à la maison aussi
d’ailleurs.
Et
maintenant mes chers, au bout de mon savoir, au bout de mon papier.
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