3
septembre 1934
Keboemen
Mes bien
chers
Merci,
merci de vos lettres du 21 août, qui nous ont fait grand plaisir comme
toujours. Ensuite, last but not least, Mamali, je t’embrasse mille fois pour la
petite merveille que tu m’as tricotée ! Le petit cape, que j’ai reçu mardi
passé, juste après l’expédition de mon courrier, me va comme un gant. J’en suis
simplement enchantée, et Oscar aussi le trouve très, très seyant et est content
que j’aie quelque chose d’aussi beau à mettre. Il est ravissant, c’est un petit
chef d’œuvre, je t’assure. Je vais me faire une robe blanche avec une ceinture
du même bleu, ce sera un ensemble parfait pour le tennis et même une petite
toilette. Ces deux couleurs sont parfaites ensemble. Je ne peux pas te dire
comme je suis contente. Nous en ferons une photo, je voulais déjà la faire
cette semaine mais notre Dawn Lite Studio ( !) n’a plus de petits films,
il va les recevoir cette semaine et alors gare la fête.
La
toilette de la Hanny aussi est parfaite, quelle élégance quelle « pomérance »
(jeu de mot avec l’allemand Pomeranz) !
Voyons
vite ma chronique
Mardi et
mercredi j’ai travaillé à ma robe d’après une des moulures de Hedy. C’est très
très bien allé, en deux jours la robe a été terminée, il ne me reste plus que
le fichu à ourler, ce que je dois faire à la main. Etant bon marché, cette robe
n’est rien de spécial, mais toutefois elle me va bien et me fait plaisir. Elle
sera très pratique pour mes promenades du matin. J’en fais toujours de plus
longues et plus jolies, j’en suis si contente. Jeudi matin, Mr. Hartong est
venu demander un livre à Oscar, et comme il se rendait à Premboen, j’ai profité
d’aller avec lui, pour faire une petite visite à Madame Engelhart. J’ai eu une
très belle matinée. J’avais pris Tipsie avec pour qu’elle puisse jouer avec sa
maman, pendant ce temps, nous avons visité le jardin. Il est merveilleux. Je
suis rentrée avec des fleurs plein les bras, des floc, des pétunia, des
orchidées, et un tas de fleurs des Indes que vous ne connaissez pas et donc je
ne sais pas encore bien les noms. J’ai aussi reçu d’immenses citrons, et des
têtes de chicorées immenses (tout est immense dans cette phrase) mais c’est
vrai. J’ai aussi reçu en plus un tas de plantons et de graines. C’est fou ce
qu’elle a bon cœur cette femme. Je lui ai dit que les fleurs qu’elle m’avait
données la fois d’avant, n’avaient pas pris (des boutures, pas des fleurs)
alors jeudi elle m’a montré un tas de boutures et de plantons qu’elle soignait
pour moi jusqu’au bon moment. Elle ressemble beaucoup à Fanely, je crois que je
vous l’ai déjà écrit, et aussi que nous avons décidé d’aller faire un pic nic
avec eux dans des carrières de marbre.
C’est donc décidé, nous y allons samedi matin à 5 heures départ de Keboemen.
Course en auto jusqu’à un certain point. Je ne sais pas encore les noms et vous
les dirai dans ma prochaine. Nous y arriverons aux environs de 9 heures,
prendre connaissance des lieux, et petites excursion à une plantation de
caoutchouc je crois. Retour à l’hôtel, lunch, et pendant toute l’après midi
grande course à pied sur une montagne quelconque pour voire quelque chose de
spécial. Passons la nuit à l’hôtel, et dimanche matin à 6 heures, départ,
chacun sur un bidet (petit cheval),
pour les grottes de marbre, à l’embouchure de la plus vieille rivière de Java.
Cela prendra 3 1/2 heures à cheval, rentrée dans l’après midi, à l’hôtel et
ensuite en auto à la maison. Mes chers, nous nous en réjouissons follement,
mais… mais, nous ou plutôt moi, j’ai encore énormément à faire cette semaine.
Je dois me faire des pantalons
d’équitation, car je ne peux pas monter à cheval en robe. Me voyez-vous sur
un bidet pendant 3 heures de temps ? gare à mon tralala !
Heureusement que nous aurons des guides. Nous monterons à 1300 m environ, peut
être un peu plus. Ce sera beau, nous traverserons un bout de forêt vierge.
Enfin, inutile de vous en raconter plus long cette fois-ci, j’aime mieux le faire quand j’aurai tout vu. Nous
ferons des photos, beaucoup de photos. Nous serons 10 personnes. Oscar s’est
fait faire un pantalon d’équitation également chez un chinois d’ici, il revient
à Fl. 4.--. Peut être que je ferai aussi faire le mien, si je ne m’y suis pas
encore décidée, c’est que tu y es pour quelque chose, maman !!! Les Visser
semblent très contents que nous nous payions ce plaisir et que nous sortions
une fois. (Y a pas d’quoi, diable !).
Si jamais
vous ne recevez pas de courrier une semaine après celui-ci, il ne faudra pas
vous étonner. Il se peut aussi que nous restions un jour de plus, pour une
raison ou pour une autre, mais enfin, je trouverai toujours moyen d’écrire une
carte.
J’ai
beaucoup travaillé cette semaine, et n’ai pas été dormir l’après midi voulant à
tout prix terminer ma robe, et vendredi et samedi, j’ai veillé au bureau avec
Oscar jusqu’à des minuits passés donc c’est pas étonnant que je sois fatiguée à
présent. Je dois aussi me faire un chapeau allant avec les pantalons, hui, j’ai
un travail fou. Le dimanche nous pic niquons là dans la carrière de marbre,
alors chacun doit apporter quelque chose moi, je me suis offerte à faire des
cakes, ne pouvant pas aller acheter des conserves, etc. Je vais donc faire
trois à quatre cakes différents, cela me prendra bien 2 matins. Au fond je ne
sais pas encore comment j’arriverai à faire tout cela. Cette semaine il n’y a
donc rien de fait pour la correspondance. C’est en Hollande que j’ai encore
beaucoup de lettres en retard, enfin, suffit, je ne suis pas encore au bout et
voilà bientôt Noël, avec les vœux de fin d’année. Brrr ! en voilà du
travail, et j’aimerais tant faire quelques coussins pour notre couch, ainsi que
des rideaux pour la chambre d’amis et notre salon, et des petits napperons pour
mes plateaux. Avec cela, la baboe est en train de remplir un second panier,
parce que le premier est rempli jusqu’au bord, de raccommodages. Est-ce que je
verrai jamais le moment où je puisse m’asseoir dans un des fauteuils et lire un
livre avec la conscience tranquille ? Oh ! il m’est arrivé une chose
affreuse cette semaine. Samedi matin après le déjeuner, madame Visser est venue
demander si j’allais avec elle faire les paiements. C’était le premier, date à
laquelle on va régler ses comptes et payer ses impôts Je venais d’avoir
déjeuné, et Buby était retourné au bureau, en me disant qu’il aimerait bien dîner à 11 ½ h. de façon à pouvoir
aller travailler entre midi et une heure, quand il n’y aurait personne au
bureau pour l’embêter avec toutes sortes de questions. Je le lui ai promis, et
j’ai été avec madame Visser. Nous avons fait les magasins, elle a de nouveau
acheté de la soie pour des robes, du truc par ici, du truc par là, bref toute
la matinée y a passé et elle m’a encore demandé d’aller chez elle parce qu’elle
avait reçu un envoi de robes d’un grand magasin de Semarang et qu’aucune ne lui
allait. Elle a voulu que je les essaye à mon tour et comme cela va avec les
femmes, on a fait les mannequins on a mangé des ice-cream, m. V. est venu, il a
embêté, j’ai répondu, à la fin j’ai dit que je devais rentrer, alors il
dit : oui, votre mari est à la
maison depuis 11 ½ heures. Il était 12
h. Une bombe explosant devant mes pieds, n’aurait pas fait plus d’effet que
ses paroles. Sans prendre la peine de dire au revoir, j’ai pris mes jambes à
mon cou et j’ai couru à la maison, où Oscar était assis à table avec un livre
attendant toujours son dîner pas
prêt, car je n’avais rien dit à la baboe.
Les
Rickshaw sont donc partis en vacances samedi matin, à Batavia via Bandoeng. Le
vendredi soir à 9 ½ h. ils sont venus nous dire adieu, Oscar était au bureau,
alors j’ai saisi l’occasion de les amener là, évitant ainsi de les avoir collés
chez moi. Et voilà, mes chers ma provision de nouvelles est épuisée, Oscar
vient de rentrer du bureau, il ne peut plus la dire, de sorte que c’est moi qui
vais écrire à Laren encore. C’est
aussi le temps qui nous chicane maintenant, nous entrons dans le kentering, la période entre le sec et
les pluies, le temps est lourd et agaçant, on ne sait s’il va faire un orage ou
quoi. Pourvu que nous ayons beau temps samedi.
Mes chers,
portez-vous bien, vos Ge…. et
Oscar
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