dimanche 10 janvier 2016






3 septembre 1934

Keboemen

Mes bien chers
Merci, merci de vos lettres du 21 août, qui nous ont fait grand plaisir comme toujours. Ensuite, last but not least, Mamali, je t’embrasse mille fois pour la petite merveille que tu m’as tricotée ! Le petit cape, que j’ai reçu mardi passé, juste après l’expédition de mon courrier, me va comme un gant. J’en suis simplement enchantée, et Oscar aussi le trouve très, très seyant et est content que j’aie quelque chose d’aussi beau à mettre. Il est ravissant, c’est un petit chef d’œuvre, je t’assure. Je vais me faire une robe blanche avec une ceinture du même bleu, ce sera un ensemble parfait pour le tennis et même une petite toilette. Ces deux couleurs sont parfaites ensemble. Je ne peux pas te dire comme je suis contente. Nous en ferons une photo, je voulais déjà la faire cette semaine mais notre Dawn Lite Studio ( !) n’a plus de petits films, il va les recevoir cette semaine et alors gare la fête.
La toilette de la Hanny aussi est parfaite, quelle élégance quelle « pomérance » (jeu de mot avec l’allemand Pomeranz) !
Voyons vite ma chronique
Mardi et mercredi j’ai travaillé à ma robe d’après une des moulures de Hedy. C’est très très bien allé, en deux jours la robe a été terminée, il ne me reste plus que le fichu à ourler, ce que je dois faire à la main. Etant bon marché, cette robe n’est rien de spécial, mais toutefois elle me va bien et me fait plaisir. Elle sera très pratique pour mes promenades du matin. J’en fais toujours de plus longues et plus jolies, j’en suis si contente. Jeudi matin, Mr. Hartong est venu demander un livre à Oscar, et comme il se rendait à Premboen, j’ai profité d’aller avec lui, pour faire une petite visite à Madame Engelhart. J’ai eu une très belle matinée. J’avais pris Tipsie avec pour qu’elle puisse jouer avec sa maman, pendant ce temps, nous avons visité le jardin. Il est merveilleux. Je suis rentrée avec des fleurs plein les bras, des floc, des pétunia, des orchidées, et un tas de fleurs des Indes que vous ne connaissez pas et donc je ne sais pas encore bien les noms. J’ai aussi reçu d’immenses citrons, et des têtes de chicorées immenses (tout est immense dans cette phrase) mais c’est vrai. J’ai aussi reçu en plus un tas de plantons et de graines. C’est fou ce qu’elle a bon cœur cette femme. Je lui ai dit que les fleurs qu’elle m’avait données la fois d’avant, n’avaient pas pris (des boutures, pas des fleurs) alors jeudi elle m’a montré un tas de boutures et de plantons qu’elle soignait pour moi jusqu’au bon moment. Elle ressemble beaucoup à Fanely, je crois que je vous l’ai déjà écrit, et aussi que nous avons décidé d’aller faire un pic nic avec eux dans des carrières de marbre. C’est donc décidé, nous y allons samedi matin à 5 heures départ de Keboemen. Course en auto jusqu’à un certain point. Je ne sais pas encore les noms et vous les dirai dans ma prochaine. Nous y arriverons aux environs de 9 heures, prendre connaissance des lieux, et petites excursion à une plantation de caoutchouc je crois. Retour à l’hôtel, lunch, et pendant toute l’après midi grande course à pied sur une montagne quelconque pour voire quelque chose de spécial. Passons la nuit à l’hôtel, et dimanche matin à 6 heures, départ, chacun sur un bidet (petit cheval), pour les grottes de marbre, à l’embouchure de la plus vieille rivière de Java. Cela prendra 3 1/2 heures à cheval, rentrée dans l’après midi, à l’hôtel et ensuite en auto à la maison. Mes chers, nous nous en réjouissons follement, mais… mais, nous ou plutôt moi, j’ai encore énormément à faire cette semaine. Je dois me faire des pantalons d’équitation, car je ne peux pas monter à cheval en robe. Me voyez-vous sur un bidet pendant 3 heures de temps ? gare à mon tralala ! Heureusement que nous aurons des guides. Nous monterons à 1300 m environ, peut être un peu plus. Ce sera beau, nous traverserons un bout de forêt vierge. Enfin, inutile de vous en raconter plus long cette  fois-ci, j’aime mieux le faire quand j’aurai tout vu. Nous ferons des photos, beaucoup de photos. Nous serons 10 personnes. Oscar s’est fait faire un pantalon d’équitation également chez un chinois d’ici, il revient à Fl. 4.--. Peut être que je ferai aussi faire le mien, si je ne m’y suis pas encore décidée, c’est que tu y es pour quelque chose, maman !!! Les Visser semblent très contents que nous nous payions ce plaisir et que nous sortions une fois. (Y a pas d’quoi, diable !).
Si jamais vous ne recevez pas de courrier une semaine après celui-ci, il ne faudra pas vous étonner. Il se peut aussi que nous restions un jour de plus, pour une raison ou pour une autre, mais enfin, je trouverai toujours moyen d’écrire une carte.
J’ai beaucoup travaillé cette semaine, et n’ai pas été dormir l’après midi voulant à tout prix terminer ma robe, et vendredi et samedi, j’ai veillé au bureau avec Oscar jusqu’à des minuits passés donc c’est pas étonnant que je sois fatiguée à présent. Je dois aussi me faire un chapeau allant avec les pantalons, hui, j’ai un travail fou. Le dimanche nous pic niquons là dans la carrière de marbre, alors chacun doit apporter quelque chose moi, je me suis offerte à faire des cakes, ne pouvant pas aller acheter des conserves, etc. Je vais donc faire trois à quatre cakes différents, cela me prendra bien 2 matins. Au fond je ne sais pas encore comment j’arriverai à faire tout cela. Cette semaine il n’y a donc rien de fait pour la correspondance. C’est en Hollande que j’ai encore beaucoup de lettres en retard, enfin, suffit, je ne suis pas encore au bout et voilà bientôt Noël, avec les vœux de fin d’année. Brrr ! en voilà du travail, et j’aimerais tant faire quelques coussins pour notre couch, ainsi que des rideaux pour la chambre d’amis et notre salon, et des petits napperons pour mes plateaux. Avec cela, la baboe est en train de remplir un second panier, parce que le premier est rempli jusqu’au bord, de raccommodages. Est-ce que je verrai jamais le moment où je puisse m’asseoir dans un des fauteuils et lire un livre avec la conscience tranquille ? Oh ! il m’est arrivé une chose affreuse cette semaine. Samedi matin après le déjeuner, madame Visser est venue demander si j’allais avec elle faire les paiements. C’était le premier, date à laquelle on va régler ses comptes et payer ses impôts Je venais d’avoir déjeuné, et Buby était retourné au bureau, en me disant qu’il aimerait bien dîner à 11 ½ h. de façon à pouvoir aller travailler entre midi et une heure, quand il n’y aurait personne au bureau pour l’embêter avec toutes sortes de questions. Je le lui ai promis, et j’ai été avec madame Visser. Nous avons fait les magasins, elle a de nouveau acheté de la soie pour des robes, du truc par ici, du truc par là, bref toute la matinée y a passé et elle m’a encore demandé d’aller chez elle parce qu’elle avait reçu un envoi de robes d’un grand magasin de Semarang et qu’aucune ne lui allait. Elle a voulu que je les essaye à mon tour et comme cela va avec les femmes, on a fait les mannequins on a mangé des ice-cream, m. V. est venu, il a embêté, j’ai répondu, à la fin j’ai dit que je devais rentrer, alors il dit : oui, votre mari est à la maison depuis 11 ½ heures. Il était 12 h. Une bombe explosant devant mes pieds, n’aurait pas fait plus d’effet que ses paroles. Sans prendre la peine de dire au revoir, j’ai pris mes jambes à mon cou et j’ai couru à la maison, où Oscar était assis à table avec un livre attendant toujours son dîner  pas prêt, car je n’avais rien dit à la baboe.
Les Rickshaw sont donc partis en vacances samedi matin, à Batavia via Bandoeng. Le vendredi soir à 9 ½ h. ils sont venus nous dire adieu, Oscar était au bureau, alors j’ai saisi l’occasion de les amener là, évitant ainsi de les avoir collés chez moi. Et voilà, mes chers ma provision de nouvelles est épuisée, Oscar vient de rentrer du bureau, il ne peut plus la dire, de sorte que c’est moi qui vais écrire à Laren encore.  C’est aussi le temps qui nous chicane maintenant, nous entrons dans le kentering, la période entre le sec et les pluies, le temps est lourd et agaçant, on ne sait s’il va faire un orage ou quoi. Pourvu que nous ayons beau temps samedi.
Mes chers, portez-vous bien, vos  Ge…. et Oscar




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