dimanche 17 janvier 2016






7 octobre 1934

Keboemen

Mes chers,
Il y a aujourd’hui, dimanche, une année que nous sommes arrivés à Batavia, au juste ce sera demain le 8. Il me semble presque que ce n’est plus vrai, que je sois une fois arrivée de Suisse je suis tant habituée à la vie et aux conditions de vie d’ici, des Indes, je m’y sens tant à la maison ! oui de même je n’oublie pas mys Schwytzerländli, n’ayez pas peur.
Lundi le 8 octobre. J’en étais là avec ma lettre hier quand Monsieur Buby a eu la fantaisie de vouloir écrire à John et naturellement il lui fallait la machine ! Parce que c’était dimanche, j’ai cédé et j’ai été faire un petit tour avec Tipsie, ensuite j’ai écrit une lettre à M. Mottet, et une au Pater Voorst tot Voorst, notre connaissance du bateau. Si cette lettre ne sera pas aussi longue que vous le voudriez, il faut vous en prendre à St Gall, car ayant reçu mon paquet de journaux, flûte pour la correspondance ! J’ai lu toute la matinée et une bonne partie de l’après midi, hier, fait la paresseuse quoi, et Buby aussi, l’après midi seulement. Mais en continuant ainsi je vais m’embrouiller, il vaut mieux commencer par le commencement. Voyons la chronique ! Lundi, mardi j’ai donc écrit, et tous les autres jours je me suis activement occupée de mon ménage.  Il était donc question que les Meyeringh logeraient chez nous. J’ai eu le cœur dans les culottes justement mardi, mais après j’ai pris la chose calmement et ne m’en suis plus fait. Voilà que mercredi tout d’un coup, les Visser nous annoncent que les Meyeringh pouvaient tout de même loger chez eux, qu’ils avaient demandé la permission au docteur. Bon, tant mieux pour nous. Mais au fond, cela nous a tout de même un peu blessé, c’était comme si les Visser avaient eu peur que les M. ne soient pas assez bien chez nous, mais en vérité, comme nous avons compris la chose par la suite, c’est que Visser tenait à avoir Meyeringh chez lui, pour des raisons bien compréhensibles du point de vue administrateur envers son supérieur. Mme V., m’a confié que Mme Meyeringh ne lui était pas sympa. J’avais l’impression que les V. se gênaient même un peu envers elle, vu qu’elle est tellement High-life. Enfin, les M. sont arrivés jeudi, et les Visser les ont gardés comme la prunelle de leurs yeux. Je sais bien qu’ayant les deux enfants au lit, ils ne pouvaient pas faire d’invitation, mais au moins ils auraient vite pu nous demander pour une tasse de thé, histoire de nous présenter Mme Meyeringh. Pendant 2 jours, les messieurs ont été ensemble en tournée et Mme M. est restée seule, dans son pavillon, n’allant que très peu vers Mme V. de peur de la déranger à cause des enfants, alors que moi je n’aurais pas demandé mieux que de passer mon temps avec elle. Enfin zut ! j’ai voulu faire un cake pour Mme Visser, vu qu’elle n’avait pas eu le temps de beaucoup préparer, et je l’ai raté. J’en ai fait trois en tout et tous plus ou moins ratés. Flûte ! Vendredi soir il y avait soir de tennis à Premboen, et nous tenions beaucoup à y aller. Malheureusement V. et M. ne sont revenus de tournée qu’à 7 1/2 h, alors qu’autrement ils reviennent toujours vers les 5 heures. Les Hartong sont venus nous chercher, mais comme Oscar a dû aller au bureau, prendre possession de l’argent, ils ont attendu pendant une heure, jusqu’à ce que Buby ait fini de compter. Pendant ce temps moi je leur racontais 1000 et une choses, pour qu’ils ne s’aperçoivent pas comme le temps passe. Nous ne sommes pas arrivé à souper, alors avant de sauter dans l’auto, j’ai vite pris deux pommes et quelques bananes. Nous avons mangé les pommes et oublié les bananes. En arrivant à Premboen vers 9 heures, Buby avait les bananes collées au derrière !!! Jugez de l’effet de ses pantalons blancs ! La soirée a été agréable, nous y sommes restés jusqu’à minuit. Le samedi matin a de nouveau passé en éclair, j’ai fait de tout un peu et les Meyeringh se sont annoncés pour le soir, à 6 heures environ. A 5 heures je n’ai pas voulu renoncer à ma partie de tennis, ensuite je suis vite rentrée, j’ai enfilé ma robe gamine pendant que Buby se mettait aussi en gris. Les M. ont d’abord été chez les Röhwer, ils y sont restés près de 3 quarts d’heure, ensuite ils sont venus chez nous. Comme Buby enfilait encore ses souliers, c’est moi qui les ai reçus. Je ne sais pas si c’était l’effet d’avoir passé la dernière demi-heure chez les Röhwer, avec ma chère Ricshaw, mais la sympathie de Mme Meyeringh pour moi a plutôt ressemblé  à un petit coup de foudre qu’à autre chose. Cela devait lui faire du bien de trouver une autre femme en moi. A moi aussi elle a tout de suite été sympathique, malgré son genre de femme de luxe, poupée de mode Une jolie femme, très élégante (une madame Sossich viennoise) tout à fait femme du monde bien soignée, exquisement fardée, femme riche, gâtée, et possédant un charme exquis. Elle a un charme fantastique. Elle est Viennoise, douce, et dame jusqu’au bout des ongles. Je vous dis, c’est Madame Sossich en noir et en viennois, mais malheureusement un peu bêbête. Enfin, bref, leur visite s’est bien passée très agréablement, et si Mr. Hartong n’était pas venu à l’improviste, je crois qu’ils seraient encore ici. Une chose étonnante, c’est que madame Meyeringh a exactement les mêmes rhumatismes que moi, aussi rhumatismes des nerfs, elle a les mêmes peines et douleurs que moi, elle a aussi de ces névralgies sur la peau que personne n’ose la toucher, bref, c’est exactement mon cas. Ce qui l’a presque complètement remise, ce sont des bains de boue, à Bentheim. Elle pense aussi qu’elle sera toujours sujette à ces rhumatismes, pourtant ces bains lui ont fait un bien énorme. 
Garoet/Bandung

Ce qu’il y a de joli, c’est qu’il y a des bains pareils ici à Java, dans les montagnes de Garoet, près de Bandoeng (Bandung). Ce sont des éruptions de boue chaude qui contient aussi du radium, un sol très volcanique. Près de ces bains se trouve un très bon hôtel, tenu par un Allemand, enfin on en dit un bien énorme. Cela fait que nos prochaines vacances sont déjà décidées, nous irons passer quelques semaines là-haut, comme c’est situé tout à fait dans les montagnes, ce sera aussi beau pour Buby, nous pourrons faire de jolies courses et bien nous reposer et respirer de l’air pur. Vous pouvez penser que nous sommes contents de savoir cela! Une chose dont j’ai été contente pendant cette visite, c’est encore d’avoir eu ma robe gamine, d’avoir pu être habillée convenablement. Cela m’a permis d’avoir de l’assurance, je me sentais autant qu’elle (cela comme que comme, mais j’entends pour la présentation extérieure !) et une fois de plus le proverbe Kleider machen Leute (on est ce qu’on a mis), s’est avéré juste.  Ah quand j’aurai mon charrette de buste, quand nous pourrons sortir une fois, alors je tâcherai aussi d’acheter de l’étoffe pour quelques petites robes. As-tu déjà eu l’occasion de sonder Hedy à ce sujet ? Ce que j’aimerais aussi beaucoup, c’est du piqué, impossible de l’avoir ici dans les alentours, et je pense qu’à Semarang etc, ce sera cher en diable.  Si tu peux en dénicher du pas trop cher, et assez beau, tu pourrais toujours m’en envoyer. Comme toujours 5 m. pour une robe sans manches, car avec les restes je pourrai faire de petits accessoires. Les étoffes d’ici c’est bel et bien, mais ce sont toujours les mêmes genres, et c’est tout de même trop bon marché pour me faire de petites robes habillées, pour la maison cela va, mais pas plus. Quand les Meyeringh sont partis et ensuite Mr. Hartong, la Ricshaw était postée devant sa maison comme un gendarme, à épier nos moindres mouvements. C’est même Buby qui l’a remarqué cette fois, il m’a dit regarde donc comme elle est jalouse. On a ri. Hier dimanche, je vous l’ai déjà dit, je n’ai rien fiché grâce aux Sie&Er et les Illustrés. Merci beaucoup à Tatali, je t’écrirai bientôt. Mais hier soir, j’étais justement où le roi va à pied, voilà les Röhwer qui s’amènent. Quelle barbe.  Pendant toute la visite nous avons dû écouter l’histoire de leurs vacances. Je crois même qu’ils nous ont décrit chaque chambre d’hôtel qu’ils ont eue. Il y a eu un avantage à toute la visite, c’est qu’ils ont justement aussi visité cet hôtel de boue et ont fait quelques photos dont nous allons recevoir des copies.

nouvel arrangement

Chouette, mes chers, vous ne savez pas ce que nous avons fait hier et ce matin ? Non, vous ne devinerez jamais. Nous avons … rechangé notre salon. Il a de nouveau complètement changé d’aspect, maintenant c’est tip-top, et Oscar fait des plans pour ma table à écrire. Quand tout sera prêt (le sera-ce jamais ?) je vous enverrai des photos. Vous savez, c’est chic, quand j’ai une idée, Buby est toujours tout de suite d’accord d’essayer. Mon kebon est encore toujours à l’hôpital, mais le remplaçant est très bon, cela ne me ferait rien de le garder. Quant à ma petite baboe, elle se donne de la peine, mais ce n’est pas l’ancienne,  je vais tout de même doucement en chercher une autre, une qui sache cuire, car c’est impossible de cuire soi-même ici.
Est-ce que je t’ai déjà remercié de ta lettre 54, je ne le crois pas. Faaather et Charlot, merci aussi pour les vôtres auxquelles je vais répondre à la prochaine occase. Oh ! alors pour cela je t’envie, mamali, d’avoir marché à Sombrepoule (traduction du nom allemand Finsterhenen village de la région). J’aurais bien voulu être de la partie, ce qu’il a dû faire beau !
Pourquoi me demandes-tu quelle langue je parle avec ces dames ? le hollandais, parbleu ! je le parle couramment maintenant, comme le Bärndütsch (dialecte bernois), je ne vois plus de différence. Quelque fois je fais encore une faute ici et là, ce qui fait bien rire les gens souvent, mais je ne m’en fais pas. Les livres que nous recevons toutes les semaines, sont la plupart en hollandais, je les lis sans peine. J’écris souvent des billets en hollandais, là je fais encore bien des fautes, mais cela viendra aussi. Maar moedertje wat denk je den van je meisje die is niet half zoo domm als ze er uitziet ! (ma petite maman, que pense-tu de ta fifille, elle n’est pas aussi bête qu’elle en a l’air !)
Je suis sûre que Mme Visser aurait du plaisir à une petite robe tricotée pour Hanny, mais il faudrait presque la faire en coton mercerisé. Toutefois je crois que cela demanderait encore plus de travail qu’en laine et je ne veux pas que tu te fatigues, compris ??  Si tu as tout de même une mauvaise tête, alors je te rappellerai que la petite Hanny est assez grande pour son âge, elle aura une année au commencement de décembre. Mais stpl ne fais pas la petite robe pour cette date-là, ne va pas te rendre malade de nouveau avec ce charrette de tricotage.
Si Banely a eu tant de succès avec son capeli, j’en voudrais aussi un, merci d’avance. Hier j’ai reçu l’avis de la dernière et 6ème chemise pour Buby, merci beaucoup, il en est très content, maintenant il est de nouveau bien équipé pour une année.
Et maintenant, mes chers, Schluss pour aujourd’hui. J’ai sommeil et Buby fume comme un turc en écrivant à Laren.
Ce pauvre diable, il a de quoi se fâcher de toutes les couleurs au bureau. Vous savez que depuis quelques mois, le chimiste Blockhuis, celui qui l’a déjà embêté au commencement, est aussi au bureau, à apprendre la comptabilité parce qu’il n’a rien à faire au laboratoire. Alors, en grosse gueule qu’il est, il se prend pour le patron, et quand Mr. Vissser est en tournée, il ne vient simplement pas au bureau des après midi ou des matinées entières. De plus il ne demanderait jamais à Buby s’il pouvait lui aider, il sait pourtant que le travail est là, mais cela ne le touche pas, il écrit des épitres à sa bonne amie. M. Visser ne l’a pas placé sous les ordres de Buby, par conséquent Oscar ne peut rien lui dire, et il ne veut pas non plus rapporter, mais gare quand Visser ou Meyeringh lui demanderont une fois son opinion sur B. Déjà Röhwer s’était fâché à cause de B. à la fabrique, il faisait le même coup, il était loin la moitié du temps. Un vrai voleur. Avec cela, il se voit et se croit déjà directeur, pour le moins. Enfin, Oscar ne se fâche pas précisément, mais cela le dégoûte, aussi il le fait bien sentir à B. A la fin du mois, quand il y a tant à faire, croyez vous qu’il ferait semblant de vouloir aider à Oscar ? Pour se mettre au courant, il dit : « oh, je verrai bien demain matin ce que tu auras fait ce soir ». Oscar dit souvent, ha, si je l’avais sous mes ordres, qu’est-ce que je lui en ferais voir, à celui-là. Si le type en valait la peine, il lui ferait une fois des remontrances amicales, mais cela ne vaut pas la peine, le type le prendrait seulement du mauvais côté, et Oscar veut éviter de se fâcher ouvertement avec lui. Cette fin de mois, j’étais au bureau avec Buby comme de coutume mais vers 11 h j’ai eu sommeil, et je me suis bien installée dans la chaise de Visser avec Tipsie sur les genoux et j’ai roupillé comme une bienheureuse, quand tout à coup les V. sont arrivés et m’on trouvée là. Ils ont bien ri.
à la main
Zut, j’ai oublié de vous raconter la fin de notre excursion, ce sera pour la prochaine fois, addio !



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