samedi 16 janvier 2016







30 septembre 1934

Keboemen

Ma chère Mamali
Merci de tout cœur pour ta bonne longue lettre no 53, ainsi que pour la 52 à laquelle je n’ai pas encore répondu.
Premièrement tu pourras te passer de m’envoyer des baisers à l’avenir. Un petit rond pareil (dessiné sur le papier) pour moi, cela ne vaut pas la peine. D’un côté je suis quand même contente que Buby soit aussi loin de toi, je n’aurais pas de vie entre vous deux !
Oui, c’est vrai la robe pour Nicki m’a beaucoup plu, je n’écris pas de blagues, le papier est trop cher pour cela.
Quant aux étoffes que je recevrai de St Gall pour Noël, c’est le moment qu’ils aient senti le fromage, diable, j’ai fait assez d’allusions dans mes lettres, hé ? Oui tu as raison de ne plus téléphoner si souvent, c’est ainsi que l’on s’entend le mieux, quand on est séparé !
Eh, mys Rötteli qui va ramasser des champignons ! Qui l’aurait cru, mais je t’approuve pleinement, tu sais. C’est sûr, essaie de m’en envoyer par échantillon sans valeur, mais il faut que les champignons soient bien séchés et bien emballés. Il me vient déjà l’eau à la bouche en pensant aux bonnes sauces que cela me donnera avec la viande. Je pense bien que la forêt devait être jolie, splendide, et cela fait tant de bien, pas ? D’ailleurs l’automne semble faire une grande impression sur vous tous, car chacun m’écrit ses impressions là-dessus, j’aime bien, ainsi je peux très bien me représenter le Chalet, je l’aimais tellement en automne.
Oui, c’est à peine croyable qu’il y ait déjà une année depuis que je vous ai quittés. On a bien pensé à vous et à tous nos adieux, pendant ces jours-ci. Merci de toutes les salutations de tout le monde, fais-en de même.
J’économise tout de même ce que je peux. Nous avons maintenant nos économies placées à la Mexolie, en carnet d’épargne, et nous recevons du 4%. Notre fortune s’élève à Fl. 366.--. après la première année de mariage, ce n’est pas si mal, qu’en penses-tu ?  et pas de dettes. C’est au moins toujours une réserve, même si ce n’est pas énorme.
Quant à Irma Hadorn, je ne sais vraiment pas ce qu’il faut en penser, une chose que je te conseille de toute force, ne te mêles pas trop de cette affaire. Ecoute tout ce qu’on te dit, cela fait du bien à ces femmes, la mère et la fille d’avoir quelqu’un à qui confier leurs pensées, je le comprends. Ecoute les donc, reçois toutes leurs confidences, mais ne promets pas à l’une de vouloir parler à l’autre etc. Ménage tes conseils, écoute seulement mais ne parle pas trop. C’est bien vrai, c’est une bonne occasion pour Irma, mais du moment que son cœur est encore plein de Hassler, elle verra toujours un tas de fautes dans Burri, dans sa belle-mère, etc. qu’elle ne verrait pas si elle était amoureuse de Burri. Cela, c’est une affaire qu’Irma devrait régler toute seule, sans demander conseil à qui que ce soit. Une affaire de cœur c’est une affaire qui ne doit se régler qu’entre les deux intéressés, exclusivement. Même que tu ne veux que son bien, tu ne peux ni te mettre dans la peau d’Irma, ni dans celle de Burri, c’est pourquoi tout ce que tu peux bien leur dire ne les concernera toujours qu’inexactement. Ce n’est pas seulement ainsi dans ce cas-ci, mais dans tous les cas analogues, partout. Rappelle-toi la sœur Martha, et bien d’autres cas où vous aviez cru bien faire. Vois-tu maman, chacun doit vivre sa vie. A juger depuis ici, l’attitude de Hassler est bête, s’il rend la parole à Irma, il doit la laisser libre, tout à fait libre, aussi en ville et s’il ne peut pas supporter de la voir ou de la rencontrer avec Burri, qu’il parte lui-même et cela ne doit plus concerner Irma du moment qu’elle est libre. Mais vois-tu, on ne sait pas ce qui s’est passé entre ces deux. Cela a aussi été une grande stupidité d’Irma de ne pas aller à ce rendez-vous de Burri qui voulait lui faire faire connaissance avec sa mère, bon sang, quelle stupide inconséquence. Vois-tu, moi je suis hors de tout, je puis donc juger indépendamment, avec l’esprit libre, et je t’assure que même si la chance est et reste bonne, ce sont les acteurs qui ne sont pas à la hauteur de la situation. Ne t’en mêle pas si tu veux rester bien et bons amis avec les Hadorn, ne t’en mêle pas c’est tout ce que je puis te dire.
Bah, ce que c’est que l’esprit d’une petite ville, c’est terrible. J’ai bien peur que je ne pourrais plus m’y sentir heureuse si je devais me refaire à cette atmosphère. Oh oui, je pourrais bien y vivre, on peut vivre partout mais j’ai bien peur que ces Biennois me jugeraient excentrique et…. avec des idées SPECIALES. Mais c’est bien cela qui me laisserait froide, car j’ai déjà bien appris à vivre indépendamment des gens, toutefois sans être insociable.
Mais enfin, ce sont des choses qui sont trop compliquées pour en discuter par lettre, ou plutôt cela prendrait trop de temps et de papier.
Que la Hanny soit enfin partie, eh bien, flûte alors. Mais c’est quand même triste, elle en est réduite à copier en tout une simple Näggeli Marchand. Qui est-ce qui allait à l’étranger pour ses vacances, il y a quelques années ? La Näggeli, et je pense que ce sont eux qui m’ont alors le plus critiquée. Maintenant ils ne savent rien de mieux que de laisser leur fille faire la même chose. C’est allé ainsi pour tout, les cheveux coupés, l’Angleterre, enfin tout. C’est assez monstre ce qu’ils sont bêtes.
Quant à ta visite ici, tu sais ce que j’en pense et tout le bonheur que nous en aurions mais stpl. n’amène pas la Vögeli. Si tu ne veux pas venir seule, viens avec papa ou Fanny (sœur cadette de Rose), mais tous les autres seraient d’affreux crampons. Oh oui, mon home, happy home, je sais bien l’évaluer et Buby aussi. Pense, je ne voudrais pas même avoir Flock ici dans les alentours. Comme c’est maintenant, je suis tout pour Buby et Buby est tout pour moi, et c’est seulement ainsi qu’un mariage peut devenir complet, dans toute sa signification. Oh et c’est si beau, le vrai mariage, le mariage des âmes. Non, je n’aurais jamais oser rêver que…. Oui, enfin, je te l’ai déjà écrit si souvent, mais vois-tu il n’y a qu’à toi que je puisse si bien causer de mon Buby. En ce moment, dimanche après midi, il travaille, c’est la fin du mois.
Je me réjouis d’avoir ta photo avec le Hüteli (bibi, petit chapeau) ! Tu vas aussi en recevoir de moi, de notre course, mais par bateau. Qu’est-ce que tu en dis, je me coiffe avec des chiens-chiens sur le front maintenant. Cela m’est venu tout d’un coup, par tous les jeunes cheveux que je reçois par mes massages avec la fameuse brosse. Oscar trouve que cela me va très bien, donc, il n’y a pas à redire. Je vais aussi me laisser pousser les cheveux un peu, et me faire la tête pleine de boucles, la prochaine fois que je ferai faire la permanente. Demande un peu à Marcel comment on doit prendre soin des boucles, qu’il me donne quelques « hints » comme il le faisait si souvent quand j’étais encore sa cliente. Mes bons vœux pour son second mariage. Je vais te quitter pour commencer la lettre « officielle » !!!









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