24 septembre 1934
Keboemen
Mes chers,
mon cher Macaroni
J’espère
que tu as eu un beau jour de fête (23.9.),
aussi beau que moi ! J’ai beaucoup pensé à toi, parce que pour deux jours,
j’étais très près de la Suisse, dans un pays merveilleux, de sorte qu’il
fallait me rappeler que j’étais aux
Indes (Néerlandaises) et non en
Europe. Nous avons donc fait cette course si longtemps projetée, avec les
Engelhart et monsieur Hartong. Nous n’étions que 5 personnes. C’était très très
beau, magnifique, merveilleux. Mais malheureusement je ne peux pas vous écrire
long aujourd’hui, car ma baboe m’a plaquée après une bonne eng…. de ma part. Je
viens pourtant d’en engager une toute jeune à laquelle je dois apprendre à
cuire. Il me reste donc beaucoup à faire ces prochains temps, et surtout
aujourd’hui, il faut que je me débrouille. Ne vous en faites pas, cela ira très
bien, et celle qui se trouvera volée de la nouvelle situation, cela ne sera pas
moi, car heureusement je sais encore travailler et pour quelques jours je puis
très bien faire mon petit ménage.
Mes chers,
je voudrais tant vous raconter notre excursion en détail, mais comme le temps
me manque, je vais adopter le style télégramme, ainsi j’espère vous donner,
dans le minimum de temps, une impression juste de ces deux jours grandioses.
Toute la
semaine je me suis tenue coite dans ma maison, faisant bien attention de me
remettre complètement pour au moins pouvoir y prendre part. Le jeudi soir
enfin, j’ai été demander la permission au dr. qui m’a dit d’y aller, mais
d’être prudente. Vendredi, grand jour de travail et de préparation. Le matin de
7 – 9 j’ai fait deux tourtes
glychschwär (4 quarts) une avec du rhum dedans et l’autre avec des raisins secs et des épices. A 10 heures
j’ai été chez mme Visser et ensemble nous avons fait un speckkouk, (gâteau hollandais
avec du lard) que j’avais raté. Cela m’a pris jusqu’à midi. Après dîné,
j’ai lavé mes cheveux, raccommodé mon manteau et trié tout ce que nous devions
prendre avec. A 5 heures Oscar rentre avec un fort rhume de nouveau et ne se sentant pas du tout bien de sorte
que la question se posait sérieusement si nous pouvions y aller. Je lui ai fait
avaler force grog, je l’ai frictionné et fourré au lit, bien emmitoufflé dans
le foulard de soie, système turban, pendant que je finissais d’emballer nos
habits, nos provisions. Il était convenu que je fournirais les cakes et les
œufs. Tout le reste c’est les E. qui l’apportaient. Enfin je me suis couchée
pour être réveillée à 4 heures, sans avoir dormi beaucoup et Oscar non plus.
Mais heureusement qu’il s’est senti beaucoup mieux au réveil de sorte que nous
avons décidé de risquer l’aventure. A 5 heures M. Hartong est venu nous
chercher pour aller à Premboen. J’ai donc fermé la maison, donnant congé aux
gens, sauf au kebon qui devait venir pour le chien et les canards.
Nous voilà
donc filant à toute allure dans le matin bleu et rose. A Premboen j’ai pris
place dans la voiture des E. plus grande et plus confortable, pendant que Buby
restait avec M. H. La route d’abord nous a conduit dans une immense plaine de plantations de tabac. Après une demi-heure nous avons commencé de grimper le long
d’une route bien entretenue, mais sinueuse au possible. Le chemin de Langen
dans le Vorarlberg avec tous ces contours est encore une autostrade en
comparaison. Pas 50 m de route droite et des virages !
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Mme Engelhart |
Cela a duré pendant
2 heures de temps, montées, descentes, montées, montées, des vues splendides
sur la plaine, sur d’autres montagnes, dans des vallées, le tout sous une
végétation fantastique.
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Mme E. et à droite Oscar |
Nous avons fait une courte halte en pleine forêt
vierge, des arbres immenses, des lianes, des fougères arborescentes, hautes
comme des palmiers, un silence impressionnant dans lequel les perroquets jetaient
leurs petits cris et leur
bavardage. Nous n’avons pas vu de singes, dommage. Enfin, nous arrivons
sur un haut plateau, une très large vallée, une plaine plutôt, très fertile et
ressemblant beaucoup à la vallée du Rhône.
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Bandjanegara, les "bidets" |
Le plateau de Wonosobo. A 10 h.
nous arrivons à Bandjanegara, point de départ pour l’excursion du jour
suivant. Nous allons directement faire visite au prince régent, une bonne connaissance de m. E. (ils sont les deux
de la loge !) Nous avons très bien été reçus par lui d’abord. Un homme à
l’air jeune encore, ayant fait ses études en Europe, très câlé, surtout en
histoire naturelle, etc. C’est lui qui a découvert ces gisements de marbre très
importants.
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marbre |
Du marbre très beau et d’une riche variété. Pour exploiter ces
gisements, il faudrait quelques centaines de mille florins pour bâtir une route
de transport jusqu’à la mer. Jusqu’à présent, personne ni aux Indes ni en
Hollande ne s’est trouvé, qui veuille prendre l’affaire en mains, sauf… Henry Ford qui a déjà demandé et obtenu
la concession d’exploitation du gouvernement. Je ne peux pas vous donner tous
les détails sauf qu’il soit très regrettable que toutes ces richesses passent
en mains étrangères. Je n’ai pas pu suivre toute la conversation sur ce sujet,
parce que la femme du régent étant venue, nous nous sommes entretenues avec
elle pendant que les hommes discutaient entre eux. Nous avons pourtant vu et
admiré la collection d’échantillons de marbres et… de la poterie de Thoune ! Non pas exactement, mais le régent
en homme d’initiative a créé une école professionnelle où ses jeunes sujets
peuvent apprendre à décorer leur poterie, car il s’en fait beaucoup ici. Il
nous en a montré quelques échantillons, c’était tout à fait les couleurs et les
décors de Steffisburg, ces jaspés comme nos fameuses pendulettes. Je n’ai pas
eu l’occasion de demander d’où il avait le procédé.
Mardi matin.
Voilà mes chers, je n’ai plus le temps de vous en dire beaucoup. Ma petite baboe
toute jeune travaille bien mais elle n’est pas exacte, il faut toujours que je
sois derrière elle, cela n’ira donc pas et je vais en chercher une autre. Il
m’en faut tout de même une qui sache cuire un peu, car à la longue c’est trop
pénible quand il faut courir à la cuisine pour chaque petite chose. J’ai été
bien gâtée par la première et je confesse qu’il m’est assez dur maintenant de
recommencer tout par le commencement, mais enfin, on s’y fera. Personne n’est
irremplaçable. En tout cas ce n’est pas moi qui ai eu tort et si c’était à
recommencer, je serais obligée d’agir la même chose. Enfin, zut !
Hier
soir, au lieu de pouvoir aller
nous coucher tôt, m. Visser est venu nous demander d’aller jouer au bridge, car
m. Fraay est ici, le conseiller technique, celui qui connaît bien la Suisse.
Moi je n’ai pas joué et Oscar a tâché de terminer le rubber aussi vite que
possible, pourtant il était passé minuit quand nous nous sommes couchés et nous
avons encore tellement sommeil du jour avant. Nous sentons nos jambes et notre
tralala, c’est affreux ! Pensez donc 5 heures à cheval, et moi pour la
première fois de ma vie ! Les premiers 500 m j’ai eu une frousse affreuse,
mais après j’en ai tout de même joui, sauf à la fin !!! Buby m’a dit que
mon pantalon n’était pas du tout mal, j’en suis toute fière. Des photos vous en
recevrez vraisemblablement par prochain courrier. Hier au soir j’ai reçu 2
chemises polo, je t’en remercie beaucoup. J’ai reçu votre carte du Chalet,
écrite avec oncle Hepner. Nous avons
aussi reçu une lettre de lui, disant comme il avait joui d’être au Chalet. Et
ton soldat des Rangiers, Faaather, il est si joli, nous allons l’encadrer.
J’ai donc
bien reçu ta lettre no 52, du 9
septembre. Merci beaucoup, mais j’y répondrai par prochain courrier, pas le
temps maintenant.
Il faut
aussi que je vous demande des excuses pour mes dernières lettres. J’avais écrit
si longtemps que j’étais terriblement en retard. Le djongos a juste eu le temps
de lancer les lettres dans le wagon et un postier les a attrapées au vol
presque. C’en était un cirque. Je
n’ai donc pas eu le temps de les fermer chacune séparément et cela m’embête un
peu, mais j’espère que vous ne m’en voudrez pas.
Cela y
est, nous avons la saison des pluies
qui commence, d’un côté c’est très chouette, et d’un autre, il faudra de
nouveau faire bien attention au moisi et toujours tout mettre au soleil.
![]() |
les pantalons d'équitation!!! |
![]() |
Nelly |
Nous avons tous attrapé de fameux coups de soleil, mais ne t’en
fais pas, mamali, j’ai été plus prudente que toi et j’ai bien mis de la crème.
Et maintenant, mes chers, il faut que je vous quitte. Flûte ! A Claude non
plus, je n’ai pas encore écrit, et à tant de gens encore ! Mais tant pis,
cette fois c’est la correspondance qui s’en ressentira. Mes chers, portez-vous
tous bien, all the best pour chacun de vous, et merci de vos lettres. Ne vous
en faites pas pour moi, je vais bien et mon Buby est si gentil. C’est un chou,
mais vous ne le direz à personne ! Si tu écris à Fanely dis-lui que je ne
l’oublie pas et que je répondrai à sa lettre et à sa carte depuis Engelberg. Je
voulais dire quelque chose à Tata mais maintenant je l’ai oublié, à la
prochaine, un bon muntschi à chacun de votre Ge…
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