samedi 1 octobre 2016




Batavia

14 juin 1937

A sa maman
Il y a bien longtemps que je n’ai plus gchnätschet (papoté) avec toi. J’ai donc bien reçu ta 163, mais la semaine passée j’ai enfin répondu à Charlot et j’espère que tu ne m’en veux pas d’avoir remis ma lettre pour toi à une semaine plus tard.
Quel dommage que le port des lettres avion en Suisse ait augmenté. Ici c’est justement le contraire, il a diminué de 10 cents, non, plus. Avant une lettre de 5 gr coûtait 45 cents, maintenant on peut envoyer une lettre de 10 gr pour 35 cents. Est-ce que ce n’est pas merveilleux ? Cette lettre sera la première à voyager bon marché. J’ai employé une enveloppe spéciale avec un timbre spécial qu’il faudra soigneusement garder. C’est qu’on inaugure un nouveau type d’avion qui marche encore plus vite et qui est beaucoup plus grand. Il a aussi été annoncé officiellement qu’à partir de 1941 le voyage en avion ne prendra plus que 2 ½ jours, parce qu’à cette date ils auront encore un nouveau type d’avion qui leur permettra de voler aussi la nuit. Est-ce que ce n‘est pas merveilleux ? Deux jours et demi, c’est presque pas croyable.
Je vous envoie une enveloppe qu’il faudra retourner à Buby avec le timbre spécial.
Maintenant revenons à ta lettre. Merci pour le baiser que tu m’as envoyé de la part du Padre. Je suis contente qu’il pense de temps en temps à moi, car j’aime toujours bien être sa Gmöntscht ! J’ai rêvé du Padre l’autre nuit, je l’avais rencontré en ville, (à Bienne) je revenais justement de la gare, il était avec Mottet, alors j’ai marché avec eux et j’avais un plaisir de marcher à côté de mon padre !
Oui, je crois que tu en as du plaisir à admirer la belle nature de Sutz, le beau printemps. Profites-en, c’est toujours un des plus beau spectacle qu’il soit donné à l’homme de voir et d’en jouir. Je suis si contente que tu te portes un peu mieux, que tu puisses au moins marcher. N’est-ce pas tu restes prudente, et tu ne te forceras jamais, pour quoi ou qui que ce soit.
Bien quels sales gens, ces Racker. Ils n’ont donc pas changé ! Comment peut-on ne pas payer sa servante quand elle nous quitte pour se marier. Cela c’est plus moindre et vulgaire que tout. Quelle Rackere pourtant, et nous nous sommes laissés embêter par ces gens-là ! On était bien bête, tu sais. Comme ils doivent être jaloux de nous tous. Tu sais, à mon avis, il faut t’y attendre à tous moments qu’elle te joue l’un ou l’autre tour, car elle est trop jalouse, surtout quand elle voit tes fils. Oui tu as raison, ne te lance pas dans les griffes de ce chacal, évite la autant que tu peux. J’aime bien le portrait que tu me fais de la Rackere, des yeux de grenouille et des pieds à la Stauffiffre en vacances. J’ai bien ri, tu as une sale langue, sale femme !
Dans la lettre à Charlot, je t’ai déjà fait écrire qu’il ne fallait pas accepter de prendre la Mies Engelhart pour me faire plaisir. Ne regarde pas du tout sur moi dans cette question, après sa visite, tu m’avais écrit qu’elle ne t’était pas du tout sympathique, alors à mon avis il ne faudrait pas l’accepter en vacances si cela ne t’est pas agréable. Il te faut penser à toi et pas toujours tergiverser. Hesch ghört, Du lumpe Rötteli  (tu as compris, sale femme)!
Je comprends bien qu’il te soit aussi agréable d’avoir de la jeunesse autour de toi, mais il ne faut en aucun cas que cela te porte préjudice à ta santé. Souviens-toi : toi d’abord, encore toi, toujours toi et encore une fois toi. Que tu prennes des Ersatz Girlies (fille de remplacement) pendant mon absence, cela ne me fait rien, car je sais bien que moi je Veni Vidi Vici quand le moment sera là ! Hein, la Ge… ne se prend plus pour la queue de la poire ! Tante Engel m’a fait téléphoner que Mies avait réussi son examen. Ils doivent être bien, bien heureux de ce succès, car cela leur était revenu très cher d’avoir Mies en Hollande, et Boy aussi naturellement. Nous irons passer le week-end chez eux depuis Soerabaya, ils se réjouissent déjà depuis longtemps, et nous aussi, nous irons avec plaisir.
Je pourrais de nouveau t’en écrire des pages et des pages sur le ménage consulaire. Cette Mily m’a enfin ouvert son cœur, car elle n’en peut plus de toujours tout avaler et elle n’ose pas écrire à ses parents, mais d’après tout ce qu’elle me raconte, je comprends qu’il l’a seulement mariée pour ses sous (elle ne s’en aperçoit pas) et maintenant il la maltraite comme un vieil ours grossier. Je ne dis rien mais essaie de lui faire comprendre qu’un homme doit apprendre à être marié, comme le mien aussi. Cela lui fait tant de bien à cette Mily, d’entendre cela. La Mily m’a dit qu’elle ne savait pas ce qu’elle ferait si elle ne m’avait pas. En la connaissant mieux, elle m’est devenue plus sympathique, elle n’est pas sans éducation et elle n’est pas mal élevée non plus à la fin du compte, mais connaissance de la vie, nulle. Alors  qu’est-ce que tu veux, les bons conseils de la Rötteli, ils vont maintenant chez Mily, ainsi tu vois, grâce à ton bon cœur, ton beau caractère et toutes tes expériences, ton influence s’étend par dessus les mers. Tu peux en être fière.
Maintenant chapitre Sossich. Je n’ai pas du tout été surprise de ce que tu m’écris, pour dire la vérité, je n’y attendais depuis le début de votre visite, non, déjà avant. Quand tu avais écrit la première fois aux Sossich que maintenant tu pouvais venir à Rome et qu’ils t’ont priée de remettre ton voyage parce que Ebetine devait se rendre à Como chez sa mère. Ensuite cette histoire de logement plus grand, Mamms, je ne peux pas m’y faire, mais ils l’ont pris pour vous et bien spécialement. Je crois que si tu pouvais aller voir comme ils vivent maintenant qu’ils sont seuls, tu serais étonnée. Pourtant je ne doute pas de Ebetine, je la crois sincère. Seulement je crois aussi qu’il y a plus de pauvreté cachée là qu’on ne s’en doute. Moi aussi je n’ai plus grande confiance en Sossich depuis le séjour de Loulou à Como. Loulou le connaît bien et Charlot maintenant aussi. Je ne dis pas qu’il soit mauvais, non pas du tout, mais il a une sale tête, il est impulsif et il a été gâté par la guerre qui, justement dans sa jeunesse l’a empêché de se former de se développer. Il ne faut pas lui en vouloir, mais mes chers, faites bien attention de ne pas le laisser venir en Suisse. Là le Padre n’ose pas se laisser attraper par n’importe quel beau mirage. Enfin, je n’ai pas besoin d’avoir peur, les Garçons sauront, j’espère, faire valoir leur bon sens si le Padre se mettait ce plan dans la tête. Tu sais, Sossich n’est pas bête et c’est un monsieur par son éducation, mais c’est sa sale tête qui lui gâte tout. Ho, ce serait une des plus grandes bêtises que vous pourriez faire, de vivre ensemble avec eux.  Même si Ebetine est si simple et bonne. C’est  une pauvre femme, mais c’est pas toi qui peux lui aider matériellement. Ecris-lui toujours souvent, cela lui fera du bien. Du côté du cœur tu peux déjà faire beaucoup pou elle, mais garde-toi de faire plus, cela vous mettrait dans de sales histoires. Je n’ai pas encore oublié High Life Watch Co. Et bien que Gabus ait été un filou, Sossich aurait pu s’en tirer autrement je crois. Oui, la vie n’est pas toujours bien drôle, hein Mamms. Toutefois il ne faut pas que cela te gâte ton beau souvenir de ton séjour à Rome. Si Ebetine est fâchée, ne t’en fais pas, elle se remettra, car elle a plus d’intérêt que toi à garder l’amitié entre vous. Je ne peux pas assez te dire combien je m’attendais à une chose pareille, surtout après avoir lu ton rapport de voyage avec tous ces beaux détails et tout le plaisir qu’ils vous ont fait. Mais tu sais, c’est comme cela dans la vie, on n’a rien pour rien, il faut payer pour tout. Dans ce cas-ci dis-toi que vous avez déjà bien payé par tout ce que nous avons fait dans le temps pour Sossich, donc, ne t’en fais pas et continue de jouir de tes souvenirs.
D’un autre côté je ne comprends pas que, quand Sossich parlait de son désir de vivre en Suisse plus tard, tu aies encore pu répondre que vous pourriez vivre ensemble. Tu aurais déjà dû sentir où il voulait en venir, enfin non, car tu ne connaissais pas Sossich comme nous au bureau. Enfin, skip it ! Don’t worry about it.
Go a accouché dans la nuit de lundi à mardi (mais fille ou garçon ?elle ne dit rien). Toute l’histoire n’a duré que de 2 heures du matin à 7 heures du matin, soit environ 5 heures, pour un premier enfant ! Ici on donne beaucoup d’injections pour faire venir les enfants plus vite une fois que les peines ont commencé. Je ne crois pas qu’on fasse déjà cela en Suisse, demande une fois à la Descoeudres. Peut être les docteurs en Suisse sont contre ces injections ? J’aimerais savoir. Il paraît que cela facilite énormément l’accouchement. Je viens de recevoir une belle lettre des van der Stock pour me remercier de tout le plaisir que j’ai fait à Go pendant qu’elle était enceinte. Ils en ont été très touchés et ils m’ont écrit une belle, belle lettre.
Dommage qu’elle soit en hollandais, sans quoi je te l’enverrais pour la lire. Là encore c’est l’influence bienfaisante de la Rötteli. Tu auras fait beaucoup de bien dans ta vie et j’espère te ressembler, God bless you.
Je vais te dire bonsoir et aller au lit.









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