samedi 22 octobre 2016




Tjilatjap

19 octobre 1937

A sa maman

J’ai commencé la lettre pour toi hier soir, puis je l’ai continuée plutôt pour le Padre c’est pourquoi j’en recommence une pour toi.

Merci de tout cœur pour ta 171 à laquelle j’ai eu beaucoup de plaisir. Je suis contente de vous savoir en bonne santé et je pense que tu fileras bientôt à Nauheim (spa en Allemagne), mais comment tu fais avec le cumin (les finances), est-ce que tu en as ? Si seulement je pouvais t’aider et payer du bon temps, mais hélas…
 A propos tu sais ce que j’aimerais beaucoup ? de nouveau un petit Figarötli (liseuse pour les épaules), tu sais un simple comme d’habitude pour mettre au lit. Le mien que tu m’avais fait est fichu maintenant. Je l’ai donné pour frotter l’argenterie, car il est vraiment devenu une patte.
Depuis que Mily est là nous allons baigner tous les matins à 7 h. nous prenons notre déjeuner avec et mangeons après le bain. C’est chic et tellement sain, l’air est bon et tu devrais voir comme je me bronze et comme j’ai bonne mine. 

Plage Tjilatjap
Je suis la seule femme ici qui fasse cela, toute les autres femmelettes à Tjilatjap sont trop flemme ou aiment mieux se coudre des robes au lieu de consacrer une heure à leur santé tous les matins. Mily me rappelle beaucoup la Giggerli dans bien des choses, mais cela va bien, mieux que je ne pensais. Pendant son absence maintenant, son mari a profité pour prendre une autre chambre à l’hôtel et lui a écrit qu’elle pourrait s’en  louer une nouvelle de son côté si elle voulait revenir, mais qu’elle ferait mieux de rentrer à la maison (en Suisse…) directement. Naturellement moi je ne me mêle pas dans cette histoire, mais je tâche seulement de la remonter et de lui rendre du courage pour continuer à vivre seule de son côté. C’est une pauvre diable, elle l’aime encore toujours. Elle n’est pas perdue, elle peut rentrer chez ses parents, ils sont bien situés.
Vous êtes donc de nouveau à Bienne, je comprends que tu jouisses de nouveau de la salle à manger et du salon. Merci mille et mille fois pour les belles photos vers le lac. J’en ai eu un plaisir fou. Tu es très bien et vraiment tu as l’air en bonne santé. Tu as aussi l’air très jeune sur ces photos. 
cabane au bord du lac, Rose et Charlot
et les deux chiens

Je suis contente de savoir comment est ta cabane au bord du lac, je ne pouvais jamais bien me la représenter. Il ressemble aux cabanes que les javanais font dans les champs de riz pour se protéger du soleil quand ils surveillent la moisson. C’est tout à fait cela.
Oui, Nögg a raison s’il ne va pas perdre son temps avec la Mies pendant qu’il est à Londres. Je crois qu’elle aimerait revenir, qui est-ce qui n’aime pas revenir à Sutz quand ils y ont une fois goûté ? J’aurai aussi une fois la visite de tante Engel ici. Elle est toujours la même bonne âme. Avant que j’aie eu Mily, je lui avais écrit qu’ici c’était si difficile de se procurer des légumes. La population de Tjilatjap s’occupe de pêche, alors ils ne cultivent pas tant de légumes, de sorte qu’on ne peut presque rien acheter au « passar »(marché) et qu’il faut tout faire venir depuis Bandoeng. Moi je ne sais pas bien où il fallait m’adresser pour commander des légumes et maintenant tante Engel a demandé à sa belle sœur de m’en fournir régulièrement. Tu sais au moins tante Engel, elle ne me laisserait jamais en difficultés.
Traduction du bernois :
Ces derniers temps j’ai toujours un peu des histoires avec Buby. Ce coquin veut toujours aller au club, comme le Padre au Jura (bistrot à Bienne) et je fais la tête, ce qui le rend encore de plus mauvaise humeur jusqu’à ce qu’enfin dimanche dernier on se soit expliqué. Il m’a dit que je lui devais de le laisser être de temps à autre avec des copains, qu’il m’aimait quand même etc, ce dont je me suis bien rendu compte. La Rötteli m’aurait prêché la même chose, je l’entendais. Je vais me donner de la peine. J’ai été gâtée jusqu’à maintenant. Il y a quelques hommes plus âgés là, et il voudrait faire partie de leur groupe. Mais de temps à autre il rentre éméché, ce que je ne supporte pas.
D’autre part, j’aimerais tant avoir un enfant. Je ne comprends pas pourquoi cela ne fonctionne pas alors que tout va bien de ce côté là. Je ne comprends pas. Lui pense que j’avais très peur d’avoir un enfant, mais maintenant j’ai vu tant de femmes ici avec leurs bébés, ce n’est plus le cas. Enfin, laissons cela au bondieu, mais j’aimerais beaucoup avoir un bébé maintenant. Enfin, on verra.

Mily et moi allons faire des photos de la maison ici et tu en auras. Mily est folle de ma grande maison et de mon joli intérieur. Je pense qu’elle restera encore jusqu’à la fin du mois, elle ne me gêne pas, elle se retire dans le pavillon, cela va bien. Buby était à nouveau absent 3 jours la semaine passée et je suis contente de ne pas être seule.
Frank Elout a aussi été ici 3 jours. Il était gentil, il voulait venir voir comment on se trouvait ici et m’a demandé bien des fois si je me plaisais ici, naturellement que j’ai dit oui. Je pense que nous devrons bien rester plus longtemps qu’une année, enfin je n’en sais rien, mais je ne crois pas que nous puissions compter sur notre congé pour 1938, maintenant qu’Oscar est avancé ainsi. J’espère que cela ne te fait pas trop mal au cœur….

Bon, je dois aller voir à la cuisine ce que fait la koki. On fait de la daube (rôti mariné). Je ne l’ai jamais réussie avant et maintenant c’est Mily qui va surveiller que ce soit bien fait. On verra. Oh tu aurais dû voir ces zibele rösti (rösti aux oignons) qu’on s’est payé, les garçons auraient de nouveau pu futtere (râler) sur leur sœur qui aime tant les oignons.
Mily m’a apporté un très joli peigne de poche en argent et une poudrière, j’en ai beaucoup de plaisir. Maintenant elle apprend à se faire une robe sous ma direction. On peut bien rire, elle ne sait encore rien coudre. On se fait les deux la même. 
Nelly et Mily,
et le chien Alert

Oh tu sais on passe de bons moments ensemble, et surtout quand on bärnere (parle en dialecte) et qu’on chante tous nos chants. C’est la première fois depuis que je suis aux Indes que je pense tant à la Suisse et que je vis à la Suisse, mais aussi j’en jouis sans avoir l’ennui. Non, je suis heureuse ici avec mon Buby et je serais bien bête d’avoir l’ennui. La Suisse je l’aime bien et je ne l’oublie pas, mais j’aime aussi mon Buby et cela me remplit le cœur et me rend heureuse, alors qu’est-ce que je peux désirer de plus ? si longtemps que je vous sais tous en bonne santé, je suis tranquille ici.
Voilà, je dois terminer, sinon la poste s’en va sans ma lettre.
Tu ne dois surtout pas te faire de soucis quant à ce que je t’ai raconté. Tu sais que je t’écris toujours les choses comme elles sont. Je suis franche et tu dois l’être aussi.






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