Tjilatjap
19 octobre 1937
A sa maman
J’ai
commencé la lettre pour toi hier soir, puis je l’ai continuée plutôt pour le
Padre c’est pourquoi j’en recommence une pour toi.
Merci de
tout cœur pour ta 171 à laquelle
j’ai eu beaucoup de plaisir. Je suis contente de vous savoir en bonne santé et
je pense que tu fileras bientôt à
Nauheim (spa en Allemagne), mais
comment tu fais avec le cumin (les finances), est-ce que tu en
as ? Si seulement je pouvais t’aider et payer du bon temps, mais hélas…
A propos tu sais ce que j’aimerais
beaucoup ? de nouveau un petit Figarötli (liseuse pour les épaules), tu sais un simple comme d’habitude pour
mettre au lit. Le mien que tu m’avais fait est fichu maintenant. Je l’ai donné
pour frotter l’argenterie, car il est vraiment devenu une patte.
Depuis que
Mily est là nous allons baigner tous les matins à 7 h. nous prenons notre
déjeuner avec et mangeons après le bain. C’est chic et tellement sain, l’air
est bon et tu devrais voir comme je me bronze et comme j’ai bonne mine.
![]() |
Plage Tjilatjap |
Je suis
la seule femme ici qui fasse cela, toute les autres femmelettes à Tjilatjap
sont trop flemme ou aiment mieux se coudre des robes au lieu de consacrer une
heure à leur santé tous les matins. Mily me rappelle beaucoup la Giggerli dans
bien des choses, mais cela va bien, mieux que je ne pensais. Pendant son
absence maintenant, son mari a profité pour prendre une autre chambre à l’hôtel
et lui a écrit qu’elle pourrait s’en
louer une nouvelle de son côté si elle voulait revenir, mais qu’elle
ferait mieux de rentrer à la maison (en
Suisse…) directement. Naturellement moi je ne me mêle pas dans cette
histoire, mais je tâche seulement de la remonter et de lui rendre du courage
pour continuer à vivre seule de son côté. C’est une pauvre diable, elle l’aime
encore toujours. Elle n’est pas perdue, elle peut rentrer chez ses parents, ils
sont bien situés.
Vous êtes
donc de nouveau à Bienne, je comprends que tu jouisses de nouveau de la salle à
manger et du salon. Merci mille et mille fois pour les belles photos vers le
lac. J’en ai eu un plaisir fou. Tu es très bien et vraiment tu as l’air en
bonne santé. Tu as aussi l’air très jeune sur ces photos.
![]() |
cabane au bord du lac, Rose et Charlot et les deux chiens |
Je suis contente de
savoir comment est ta cabane au bord du lac, je ne pouvais jamais bien me la
représenter. Il ressemble aux cabanes que les javanais font dans les champs de
riz pour se protéger du soleil quand ils surveillent la moisson. C’est tout à
fait cela.
Oui, Nögg
a raison s’il ne va pas perdre son temps avec la Mies pendant qu’il est à
Londres. Je crois qu’elle aimerait revenir, qui est-ce qui n’aime pas revenir à
Sutz quand ils y ont une fois goûté ? J’aurai aussi une fois la visite de
tante Engel ici. Elle est toujours la même bonne âme. Avant que j’aie eu Mily,
je lui avais écrit qu’ici c’était si difficile de se procurer des légumes. La population de Tjilatjap s’occupe de pêche, alors ils ne cultivent pas
tant de légumes, de sorte qu’on ne peut presque rien acheter au
« passar »(marché) et qu’il
faut tout faire venir depuis Bandoeng. Moi je ne sais pas bien où il fallait
m’adresser pour commander des légumes et maintenant tante Engel a demandé à sa
belle sœur de m’en fournir régulièrement. Tu sais au moins tante Engel, elle ne
me laisserait jamais en difficultés.
Traduction du bernois :
Ces
derniers temps j’ai toujours un peu des
histoires avec Buby. Ce coquin veut
toujours aller au club, comme le Padre au Jura (bistrot à Bienne) et je fais la tête, ce qui le rend encore de plus
mauvaise humeur jusqu’à ce qu’enfin dimanche dernier on se soit expliqué. Il
m’a dit que je lui devais de le laisser être de temps à autre avec des copains, qu’il m’aimait quand
même etc, ce dont je me suis bien rendu compte. La Rötteli m’aurait prêché la
même chose, je l’entendais. Je vais me donner de la peine. J’ai été gâtée jusqu’à maintenant. Il y a quelques hommes plus âgés
là, et il voudrait faire partie de leur groupe. Mais de temps à autre il rentre éméché, ce que je ne supporte
pas.
D’autre
part, j’aimerais tant avoir un enfant.
Je ne comprends pas pourquoi cela ne fonctionne pas alors que tout va bien de
ce côté là. Je ne comprends pas. Lui pense que j’avais très peur d’avoir un
enfant, mais maintenant j’ai vu tant de femmes ici avec leurs bébés, ce n’est
plus le cas. Enfin, laissons cela au bondieu, mais j’aimerais beaucoup avoir un
bébé maintenant. Enfin, on verra.
Mily et
moi allons faire des photos de la maison ici et tu en auras. Mily est folle de
ma grande maison et de mon joli intérieur. Je pense qu’elle restera encore
jusqu’à la fin du mois, elle ne me gêne pas, elle se retire dans le pavillon,
cela va bien. Buby était à nouveau absent 3 jours la semaine passée et je suis
contente de ne pas être seule.
Frank Elout a aussi été ici 3 jours. Il était
gentil, il voulait venir voir comment on se trouvait ici et m’a demandé bien
des fois si je me plaisais ici, naturellement que j’ai dit oui. Je pense que
nous devrons bien rester plus longtemps qu’une année, enfin je n’en sais rien,
mais je ne crois pas que nous puissions compter sur notre congé pour 1938, maintenant qu’Oscar est avancé ainsi. J’espère
que cela ne te fait pas trop mal au cœur….
Bon, je
dois aller voir à la cuisine ce que fait la koki. On fait de la daube (rôti mariné). Je ne l’ai jamais réussie avant et maintenant c’est Mily
qui va surveiller que ce soit bien fait. On verra. Oh tu aurais dû voir ces zibele
rösti (rösti aux oignons) qu’on s’est
payé, les garçons auraient de nouveau pu futtere (râler) sur leur sœur qui aime tant les oignons.
Mily m’a
apporté un très joli peigne de poche en argent et une poudrière, j’en ai
beaucoup de plaisir. Maintenant elle apprend à se faire une robe sous ma
direction. On peut bien rire, elle ne sait encore rien coudre. On se fait les
deux la même.
![]() |
Nelly et Mily, et le chien Alert |
Oh tu sais on passe de
bons moments ensemble, et surtout quand on bärnere (parle en dialecte) et qu’on chante tous nos chants. C’est la
première fois depuis que je suis aux Indes que je pense tant à la Suisse et que
je vis à la Suisse, mais aussi j’en jouis sans avoir l’ennui. Non, je suis heureuse
ici avec mon Buby et je serais bien bête d’avoir l’ennui. La Suisse je l’aime
bien et je ne l’oublie pas, mais j’aime aussi mon Buby et cela me remplit le
cœur et me rend heureuse, alors qu’est-ce que je peux désirer de plus ? si
longtemps que je vous sais tous en bonne santé, je suis tranquille ici.
Voilà, je
dois terminer, sinon la poste s’en va sans ma lettre.
Tu ne dois
surtout pas te faire de soucis quant à ce que je t’ai raconté. Tu sais que je
t’écris toujours les choses comme elles sont. Je suis franche et tu dois l’être
aussi.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire