Batavia
2 juillet 1937
Mes bien
chers
Bon sang
comme le temps passe. Nous voilà déjà presque au bout de l’année ! Et la
Ge a toujours plus à faire.
Tout
d’abord un grand et bon muntschi à mon unique Padre. L’autre jour j’ai reçu
l’avis qu’un petit paquet postal m’attendait
à la poste. Je n’avais aucune idée de ce que cela pouvait être et grand a été
mon plaisir en découvrant la « machine
à tire-bouchons capillaires » au nom de Nelly. Ho, mon Padreli tu es unique, j’en ai eu un tel
plaisir. Au moins tu ne m’as pas encore oubliée !!! Et tu sais que ce
petit paquet n’aurait pas pu arriver plus à propos, car justement je me suis
fait couper des cheveux devant pour faire des
bouclettes. D’ailleurs je crois vous l’avoir écrit dans ma lettre
précédente. Je l’emploie tous les matin, mon boucleur, malgré qu’un sale type
près de moi se fiche à rire et se moque de moi chaque fois que je suis devant
la glace ! Enfin, mon Padre, il n’y a qu’un Padre pour faire plaisir à sa
Gmöntscht.
Vous savez
qu’ils nous ont joué un sale tour à
la Banque. La Mexolie a donné des
gratifications à ses employés pour l’année 36, et les comptables ont entre
autre reçu 2 ½ mois de salaire cadeau. Alors ils ont écrit depuis Amsterdam
qu’ils n’avaient pas inclus Mr.
Woldringh dans cette liste parce qu’ils admettaient que Mr. W. faisait
maintenant partie de la AKOI.
Maintenant, si nous faisons partie de la Akoi, comme nous n’y sommes que depuis
6 mois en 36, nous ne recevons que
un demi mois de salaire. Alors cela
ne nous va pas, d’ailleurs Elout et Witkoop
ont immédiatement écrit à Amsterdam pour mettre les choses au point et proposer
de donner au moins Fl. 500.- à Mr. W.
En attendant nous ne savons pas encore où nous en sommes, et c’est
embêtant. Ils ont proposé à Buby de déjà prendre une avance de Fl. 200.- vu que
chacun a reçu sa gratification et qu’il ne fait pas beau ne rien avoir du tout.
Je ne parle pas de la paye régulière qui s’envole toujours comme de la fumée.
Il nous fallait absolument cet argent, car depuis longtemps nous y comptions
pour acheter un habit à Buby, le premier depuis que nous sommes ici. Nous avons choisi une jolie étoffe
anglaise, ni grise ni beige mais les deux. L’habit va bien aussi, et pendant
qu’il y était, Buby a encore commandé une paire de pantalons blancs en
cheviotte, de sorte qu’il est de nouveau bien équipé. Il manque encore quelques
chemises que je lui achèterai petit à petit. On en a de très jolies maintenant
ici, les Arrow shirts, anglaises, avec les cols fixes et demi rigides. Plus
besoin de les amidonner, seulement laver et repasser et le col devient raide au
repassage. Je les paye Fl. 5.- mais alors elles sont high-life. Pour aller au
bureau je lui en ai fait faire chez un japonais qui vont très bien aussi. Oui,
et voilà déjà Fr. 100.- d’envolés. Le reste on va le garder pour une auto, ou
si on n’en trouve pas une bonne d’occasion, nous faisons retaper la nôtre pour
une nouvelle année, car le moteur est encore bon. On pensait qu’on pourrait
s’en payer une neuve, mais j’ai honte,
je n’arrive plus à économiser un seul sou sur notre paye, au contraire il faut
ajouter chaque mois. Jusqu’à présent nous pouvions toujours aller piocher dans
le compte courant, mais maintenant il n’y reste que quelques florins qu’il faut
vraiment y laisser pour la bonne façon. C’est terrible, je ne sais pas comment
cela se fait. C’est sûr que la vie a
augmenté en tout, mais peut être aussi nous nous habituons peu à peu à plus
de luxe. Enfin, je sais que je suis sur la mauvaise pente maintenant et je fais
attention, économisant à droite et
à gauche. On verra le résultat.
L’oncle
Heintzen (un parent du côté de Oscar) est
donc arrivé il y a une semaine. Il est arrivé seul et comme je ne le savais
pas, j’ai été au bateau avec des fleurs
pour la tante Mies, alors pendant toute notre visite sur le bateau, l’oncle
avait la frousse que je lui présente ces fleurs pour la bienvenue !
Heureusement que j’ai eu plus de savoir vivre que cela. Il nous l’a raconté à
sa visite chez nous, et nous avons bien ri. Il est venu un soir m’apporter un
ravissant napperon en tulle de Bruxelles, que j’ai reçu de papa W. Samedi soir
il nous a invité au cinéma et dimanche à midi il est venu manger la rijsttafel.
Enfin, je vous ai déjà raconté
cela dans ma lettre à la main.
Samedi
passé j’ai eu les Boese à diner ici
pour du stock visch (morue). Je crois bien que tu connais
cela depuis l’Amérique, Mamms. C’est du poisson séché qu’on cuit et mange avec
des pommes de terre, du riz, des oignons et une sauce à la moutarde. On en a
bouffé comme des fous, jusqu’à en devenir « gschlecht » comme dit
Nöggu. Après nous nous sommes empilés dans la chiotte et avons été faire un
tour dans la vieille ville. Boese travaille dans un bureau d’importation de la
Banque, de sorte qu’il est bien connu partout et surtout connaît bien les
Chinois. Nous avons donc été fouiner partout et tous ces tokos chinois et
acheté un tas de saletés, que tu dirais mamms, mais en réalité c’était des
spécialité chinoises. Des macaronis chinois, des champignons chinois séchés
tels que des morilles, des poissons séchés, des poulpes séché etc. Aussi des
fruits tels que les semences de lotus qu’on mange comme des noisettes chez
nous. La petite madame Boese qui a
travaillé comme secrétaire à l’ambassade de France à Saigon et Shanghai et aussi au Japon,
connaît tout cela et sait bien cuire. Pour samedi prochain elle nous a invité à
venir chez elle manger à la chinoise. Il y a 15 jours ils nous ont aussi offert
un petit dîner chez eux qui était très bien, à la française et après nous avons
été au dancing de l’Hôtel des Indes. Lui, Boese est très bon amateur de
photographie il a gagné plusieurs premiers prix de Londres et du Japon aussi.
Il m’a promis de nous prendre une fois, mais quand !!! Enfin, ne vous
réjouissez pas d’avance. Les Boese vous les verrez sur la photo de la Banque.
Nous avons
décidé d’aller avec eux faire du camping
une fois. Il y a ici une société de camping qui met à notre disposition de
gentilles cabanes comme nos cabanes de montagne dans différents très beaux
endroits dans les montagnes. Alors nous irons là en bande. Ici on ne peut pas
camper dans une tente, on peut bien, mais c’est assez risqué à cause des
serpents et surtout des scorpions, sans parler des moustiques etc.
Buby a
reçu l’avis qu’il devait prendre part à des exercices de tir à Madoera (île vis à vis de Soerabaya), zut je crois que je vous l’ai
déjà dit.
Et voilà
mes chers, j’arrive au bout de mes nouvelles.
Avant que
l’oncle Heintzen arrive, j’ai nettoyé moi-même toute mon argenterie, avec de la
craie dans l’amoniaque. Cela va très bien et les pièces deviennent très jolies.
Jusqu’à présent je l’avais toujours fait faire avec le rouge, mais la petite
baboe en prenait trop je crois, et surtout elle ne frottait pas assez, alors
toutes mes pièces avaient une couleur rougeâtre qui n’était pas jolie à la
longue. Imaginez-vous qu’il a fallu 2 semaines pour mettre mon flat en ordre pour la venue de la Tante Heintzen, ranger les
armoires etc. et maintenant elle n’est pas venue. Elle arrivera vers le
11 août, mais elle ne fera que passer ici en allant rejoindre l’oncle à Bali,
puis ils reviendront ici avant de s’embarquer pour l’Europe de nouveau.
Voilà, mes
bien chers, je vous quitte pour cette fois. Jouissez du Chalet, soignez-le un
peu et profitez-en. J’espère que vous vous portez tous bien. Je suis si
contente que tu ailles mieux Charlot. Continue à te soigner et être prudent, à
te fortifier surtout. Et quand Boy (Engelhart)
sera là, parle hollandais. Je t’ai donc envoyé le rapport annuel de Buby, mais garde-le pour toi. Si tu ne comprends
pas des mots tu pourras les demander à Boy E. Mais ne lui laisse pas lire le
rapport !
Il faut
maintenant que j’aille tirer Oscar du lit. Il a eu un téléphone de Elout ce
matin, et il est retourné au lit avec un
livre, il n’en sortira donc qu’après bien des semonces de ma part au
dernier moment. Ah, les hommes c’est des vauriens.
Je pense
toujours de tout cœur à vous. Votre
Ge….. 99% et son 1%
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