lundi 3 octobre 2016




Batavia

2 juillet 1937

Mes bien chers
Bon sang comme le temps passe. Nous voilà déjà presque au bout de l’année ! Et la Ge a toujours plus à faire.
Tout d’abord un grand et bon muntschi à mon unique Padre. L’autre jour j’ai reçu l’avis qu’un petit paquet postal m’attendait à la poste. Je n’avais aucune idée de ce que cela pouvait être et grand a été mon plaisir en découvrant la « machine à tire-bouchons capillaires » au nom de  Nelly. Ho, mon Padreli tu es unique, j’en ai eu un tel plaisir. Au moins tu ne m’as pas encore oubliée !!! Et tu sais que ce petit paquet n’aurait pas pu arriver plus à propos, car justement je me suis fait couper des cheveux devant pour faire des bouclettes. D’ailleurs je crois vous l’avoir écrit dans ma lettre précédente. Je l’emploie tous les matin, mon boucleur, malgré qu’un sale type près de moi se fiche à rire et se moque de moi chaque fois que je suis devant la glace ! Enfin, mon Padre, il n’y a qu’un Padre pour faire plaisir à sa Gmöntscht.
Vous savez qu’ils nous ont joué un sale tour à la Banque. La Mexolie a donné des gratifications à ses employés pour l’année 36, et les comptables ont entre autre reçu 2 ½ mois de salaire cadeau. Alors ils ont écrit depuis Amsterdam qu’ils n’avaient pas inclus Mr. Woldringh dans cette liste parce qu’ils admettaient que Mr. W. faisait maintenant partie de la AKOI. Maintenant, si nous faisons partie de la Akoi, comme nous n’y sommes que depuis 6 mois en 36, nous ne recevons que un demi mois de salaire. Alors cela ne nous va pas, d’ailleurs Elout et Witkoop ont immédiatement écrit à Amsterdam pour mettre les choses au point et proposer de donner au moins Fl. 500.- à Mr. W.  En attendant nous ne savons pas encore où nous en sommes, et c’est embêtant. Ils ont proposé à Buby de déjà prendre une avance de Fl. 200.- vu que chacun a reçu sa gratification et qu’il ne fait pas beau ne rien avoir du tout. Je ne parle pas de la paye régulière qui s’envole toujours comme de la fumée. Il nous fallait absolument cet argent, car depuis longtemps nous y comptions pour acheter un habit à Buby, le premier depuis que nous sommes ici.  Nous avons choisi une jolie étoffe anglaise, ni grise ni beige mais les deux. L’habit va bien aussi, et pendant qu’il y était, Buby a encore commandé une paire de pantalons blancs en cheviotte, de sorte qu’il est de nouveau bien équipé. Il manque encore quelques chemises que je lui achèterai petit à petit. On en a de très jolies maintenant ici, les Arrow shirts, anglaises, avec les cols fixes et demi rigides. Plus besoin de les amidonner, seulement laver et repasser et le col devient raide au repassage. Je les paye Fl. 5.- mais alors elles sont high-life. Pour aller au bureau je lui en ai fait faire chez un japonais qui vont très bien aussi. Oui, et voilà déjà Fr. 100.- d’envolés. Le reste on va le garder pour une auto, ou si on n’en trouve pas une bonne d’occasion, nous faisons retaper la nôtre pour une nouvelle année, car le moteur est encore bon. On pensait qu’on pourrait s’en payer une neuve, mais j’ai honte, je n’arrive plus à économiser un seul sou sur notre paye, au contraire il faut ajouter chaque mois. Jusqu’à présent nous pouvions toujours aller piocher dans le compte courant, mais maintenant il n’y reste que quelques florins qu’il faut vraiment y laisser pour la bonne façon. C’est terrible, je ne sais pas comment cela se fait. C’est sûr que la vie a augmenté en tout, mais peut être aussi nous nous habituons peu à peu à plus de luxe. Enfin, je sais que je suis sur la mauvaise pente maintenant et je fais attention, économisant  à droite et à gauche. On verra le résultat.
L’oncle Heintzen (un parent du côté de Oscar) est donc arrivé il y a une semaine. Il est arrivé seul et comme je ne le savais pas, j’ai été au bateau avec des fleurs pour la tante Mies, alors pendant toute notre visite sur le bateau, l’oncle avait la frousse que je lui présente ces fleurs pour la bienvenue ! Heureusement que j’ai eu plus de savoir vivre que cela. Il nous l’a raconté à sa visite chez nous, et nous avons bien ri. Il est venu un soir m’apporter un ravissant napperon en tulle de Bruxelles, que j’ai reçu de papa W. Samedi soir il nous a invité au cinéma et dimanche à midi il est venu manger la rijsttafel. Enfin, je vous  ai déjà raconté cela dans ma lettre à la main.
Samedi passé j’ai eu les Boese à diner ici pour du stock visch (morue). Je crois bien que tu connais cela depuis l’Amérique, Mamms. C’est du poisson séché qu’on cuit et mange avec des pommes de terre, du riz, des oignons et une sauce à la moutarde. On en a bouffé comme des fous, jusqu’à en devenir « gschlecht » comme dit Nöggu. Après nous nous sommes empilés dans la chiotte et avons été faire un tour dans la vieille ville. Boese travaille dans un bureau d’importation de la Banque, de sorte qu’il est bien connu partout et surtout connaît bien les Chinois. Nous avons donc été fouiner partout et tous ces tokos chinois et acheté un tas de saletés, que tu dirais mamms, mais en réalité c’était des spécialité chinoises. Des macaronis chinois, des champignons chinois séchés tels que des morilles, des poissons séchés, des poulpes séché etc. Aussi des fruits tels que les semences de lotus qu’on mange comme des noisettes chez nous. La petite madame Boese qui a travaillé comme secrétaire à l’ambassade de France à Saigon et Shanghai et aussi au Japon, connaît tout cela et sait bien cuire. Pour samedi prochain elle nous a invité à venir chez elle manger à la chinoise. Il y a 15 jours ils nous ont aussi offert un petit dîner chez eux qui était très bien, à la française et après nous avons été au dancing de l’Hôtel des Indes. Lui, Boese est très bon amateur de photographie il a gagné plusieurs premiers prix de Londres et du Japon aussi. Il m’a promis de nous prendre une fois, mais quand !!! Enfin, ne vous réjouissez pas d’avance. Les Boese vous les verrez sur la photo de la Banque.
Nous avons décidé d’aller avec eux faire du camping une fois. Il y a ici une société de camping qui met à notre disposition de gentilles cabanes comme nos cabanes de montagne dans différents très beaux endroits dans les montagnes. Alors nous irons là en bande. Ici on ne peut pas camper dans une tente, on peut bien, mais c’est assez risqué à cause des serpents et surtout des scorpions, sans parler des moustiques etc.
Buby a reçu l’avis qu’il devait prendre part à des exercices de tir à Madoera (île vis à vis de Soerabaya), zut je crois que je vous l’ai déjà dit.
Et voilà mes chers, j’arrive au bout de mes nouvelles.
Avant que l’oncle Heintzen arrive, j’ai nettoyé moi-même toute mon argenterie, avec de la craie dans l’amoniaque. Cela va très bien et les pièces deviennent très jolies. Jusqu’à présent je l’avais toujours fait faire avec le rouge, mais la petite baboe en prenait trop je crois, et surtout elle ne frottait pas assez, alors toutes mes pièces avaient une couleur rougeâtre qui n’était pas jolie à la longue. Imaginez-vous qu’il a fallu 2 semaines pour mettre mon flat en ordre pour la venue de la Tante Heintzen, ranger les armoires etc. et maintenant elle n’est pas venue. Elle arrivera vers le 11 août, mais elle ne fera que passer ici en allant rejoindre l’oncle à Bali, puis ils reviendront ici avant de s’embarquer pour l’Europe de nouveau.
Voilà, mes bien chers, je vous quitte pour cette fois. Jouissez du Chalet, soignez-le un peu et profitez-en. J’espère que vous vous portez tous bien. Je suis si contente que tu ailles mieux Charlot. Continue à te soigner et être prudent, à te fortifier surtout. Et quand Boy (Engelhart) sera là, parle hollandais. Je t’ai donc envoyé le rapport annuel de Buby, mais garde-le pour toi. Si tu ne comprends pas des mots tu pourras les demander à Boy E. Mais ne lui laisse pas lire le rapport !
Il faut maintenant que j’aille tirer Oscar du lit. Il a eu un téléphone de Elout ce matin, et il est retourné au lit avec un livre, il n’en sortira donc qu’après bien des semonces de ma part au dernier moment. Ah, les hommes c’est des vauriens.
Je pense toujours de tout cœur à vous. Votre Ge….. 99% et son  1%



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