Batoe
27 juin 1939
1ère partie
A sa maman,
Cette fois
je vais faire une bonne causette avec toi. Il est 8 ½ heures du matin, je suis
installée sur la belle terrasse, avec vue sur les montagnes, les champs de riz
au premier plan et la route qui monte depuis le village. C’est un matin
magnifique, ciel bleu, soleil et quelques nuages comme des plumes roses,
desquels surgit la pointe d’un volcan lointain. Et l’air, l’air pur et frais,
c’est délicieux. La Oma est allée à Malang chez le dentiste. Elle avait mis un
petit chapeau de feutre noir, tel que tu les portais il y a quelques années, et
une robe noire avec de petites fleurs blanches, j’ai été frappée comme elle te
ressemblait. Elle a aussi les cheveux tout blancs. Je suis si contente d’être
ici, ces deux vieux m’aiment beaucoup et me gâtent comme ils peuvent. Des fois
je dois bien rire, car chacun veut être le plus gentil avec moi. J’ai fait
cadeau à la Oma des souliers de satin noirs de Fanny j’espère que tu n’en sera
pas fâchée, mais vois-tu moi, je ne pouvais pas les porter, même à la maison,
car il faut toujours s’attendre à avoir des visites, et alors je n’aime pas me
montrer ainsi avec de si grands pieds. Du reste ils faisaient trop vieux pour
moi. Je porte les blancs. La Oma a beaucoup de peine à trouver des souliers,
car elle a quelque chose aux pieds, ainsi elle était très contente de les
recevoir, car ils sont bien coupés, et mous, et avec ses robes longues la forme
du soulier n’a pas autant à dire qu’avec moi, et elle a eu du plaisir. Elle m’a
donné un vieux drap en pur lin, encore du trousseau de sa mère pour en faire
une nappe. Tu sais, ici au ménage c’est moi qui règle tout, on ne mange que ce
que j’aime, je suis Hans oben im Dorf pour tout, comme à la maison quand tout
tournait autour de moi. Tu peux bien t’imaginer comme je suis gâtée ! Et
quand Boili vient la fête est double !
Le Boili,
ça c’est une autre histoire ! Je voulais donc venir ici pour le premier
juin déjà, mais toujours on trouvait une excuse. D’abord on est tombé malade,
un refroidissement pour lequel je l’ai gardé au lit pendant 3 jours, et je l’ai
gâté tant soit plus. J’ai fait de bons petits dîners, et j’ai choyé et bichonné
justement parce que je me disais qu’il serait seul pendant tout un mois. Quand
il allait mieux j’ai donc décidé de monter à Batoe à la fin de la semaine, mais
voilà que monsieur est venu me dire que Mogendorff et lui avaient l’intention
de faire l’ascension du Kloet !
Il savait bien qu’alors je resterais pour la faire aussi, cette excursion. Bon, je suis restée et alors enfin le lundi il m’a conduit ici, où nous avons encore dîné ensemble et puis il a continué de faire sa tournée. C’était convenu qu’il reviendrait pour le weekend, mais le jeudi soir, voilà un Boili qui s’amène pour embrasser sa Ge… Il a couché ici et est reparti le vendredi matin, pour retourner le samedi soir. Il est resté jusqu’au lundi matin. Pendant la semaine, il a repris froid et voilà que vendredi dernier Boili était de nouveau ici. C’est vrai qu’il n’en peut plus, il est absolument à bout, et le plus petit coup de froid lui amène un gros rhume ou une légère bronchite. Bref, je l’ai bien soigné et dorloté, car c’est surtout cela qui lui manquait à ce Boili, sa girl. Et tu sais Mamms, il n’a pas encore appris me flatter beaucoup, jamais de compliments ou quoi que ce soit, seulement quand on croit que je ne regarde pas, alors on me dévore des yeux ! Je te dis c’est un grand Boili baby. C’est naturellement seulement à toi que je raconte ces choses, car ici je ne fais jamais les semblants que je m’aperçois de quoi que ce soit.
![]() |
excursion au volcan Kloet |
Il savait bien qu’alors je resterais pour la faire aussi, cette excursion. Bon, je suis restée et alors enfin le lundi il m’a conduit ici, où nous avons encore dîné ensemble et puis il a continué de faire sa tournée. C’était convenu qu’il reviendrait pour le weekend, mais le jeudi soir, voilà un Boili qui s’amène pour embrasser sa Ge… Il a couché ici et est reparti le vendredi matin, pour retourner le samedi soir. Il est resté jusqu’au lundi matin. Pendant la semaine, il a repris froid et voilà que vendredi dernier Boili était de nouveau ici. C’est vrai qu’il n’en peut plus, il est absolument à bout, et le plus petit coup de froid lui amène un gros rhume ou une légère bronchite. Bref, je l’ai bien soigné et dorloté, car c’est surtout cela qui lui manquait à ce Boili, sa girl. Et tu sais Mamms, il n’a pas encore appris me flatter beaucoup, jamais de compliments ou quoi que ce soit, seulement quand on croit que je ne regarde pas, alors on me dévore des yeux ! Je te dis c’est un grand Boili baby. C’est naturellement seulement à toi que je raconte ces choses, car ici je ne fais jamais les semblants que je m’aperçois de quoi que ce soit.
Je vais
rester ici jusqu’au 12 juillet environ, car le 15 la Oma reçoit des visites, une
famille qui vient passer les vacances des enfants ici. Après le mois de
juillet, je pourrai de nouveau y venir quand je voudrai, car ils me disent tous
les jours que Boili et moi nous pouvons toujours venir, que nous serons
toujours les bienvenus. Je suis si contente, car ici je suis mieux que dans le
meilleur des hôtels, car tout ce que j’aime je le fais faire par la koki.
J’achète des tomates jusqu’à 100 et retour, et je bois le jus ainsi que du jus
d’orange, enfin toutes ces choses saines et fortifiantes, que je ne pourrais
pas demander dans un hôtel. Ou alors cela reviendrait si cher que je ne
pourrais pas me le payer. Et le plus beau, c’est que Boili puisse aussi en
profiter. C’est si beau d’être ici les deux ensemble !
Tu sais,
j’avoue que moi aussi j’en suis bien amoureuse de mon Boili, bon sang, j’ai
toutes les peines à ne pas trop le laisser voir, car… on ne se dit pas tout.
Mais à tout prendre, je trouve encore cette 6ème année de mon
mariage la plus belle et heureuse malgré tous les embêtements que nous avons
eus et que nous aurons probablement encore, mais tout cela ne compte pas, il
n’y a qu’entre Boili et moi où cela compte.
![]() |
Batoe (Batu) |
Après les
premiers jours de vacances ici, je sens comme je reprends des forces et tu
devrais voir quelle bonne mine je commence à avoir, cela me rajeunit de bien
des années. Je suis si contente que j’aie maintenant cette occasion de
reprendre des forces, cela me dispense de faire une nouvelle cure d’injections
de Leberextrakt et, ces piqûres qui m’ont fait des ennuis l’année passée. Je
préfère ce séjour à la montagne c’est plus naturel et puis, cela ne me revient
pas cher ici, on vit très simplement, les choses les meilleurs marché sont les
légumes et les fruits, juste ce qu’il me faut pour mon régime. Tu devrais voir
les saladiers de fraises que nous bouffons, c’est formidable et quand Boili
vient je fais chercher de la crème pour lui, ce que moi je n’ose pas manger,
c’est trop gras. Mais je me paye du bon beurre de Hollande, donc pas du beurre
en boîte mais du frais et comme ils ont du très bon pain ici, tu devrais voir
les Schnitteli que je bouffe. Tout est meilleur ici à cause du grand air.
Enfin, tu vois que je suis aussi bien qu’on peut l’être et j’en profite.
Merci pour
les belles photos du lac. Oui, notre lac est et reste très beau, et je me réjouis bien de le voir. Toutefois je
n’ai pas l’ennui, non, moi aussi je saurai attendre patiemment de pouvoir jouir
du Chalet. C’est Boili qui en
jouira, même plus que d’aller à Bruxelles chez son père. Il dit toujours, ce
qu’il va s’en ficher une bosse, paresser et dormir et jouir du Chalet. Et je le
lui accorde de tout mon coeur. En voilà aussi un qui se promènera en miston
tout le temps, je le vois déjà se chercher un joli petit coin et il passera ses
journées à lire à lire et à faire des photos. Si nous n’avons pas de place au
Chalet, eh bien, on mettra les garçons au weekend huusli, (petite maison sur la rive du lac à 100 m du chalet) mais moi je veux rester au Chalet même
et le matin pouvoir me promener au jardin en pyjama. Si seulement il n’y aura
pas trop de visite, surtout de ces invasions Racine, avec cette vieille guinche
on n’est presque pas sûre de sa vie. Lui, le vieux passe encore, je l’aimais
bien lorsque j’étais encore au bureau, les filles je ne les connais pas assez,
mais s’il faut encore supporter une de ces hystériques et surtout qu’on ne peut
pas la ficher à la porte quand elle vient ! ouf ! Enfin, je ne me
fais pas encore de soucis pour cela maintenant, ce sera déjà assez tôt quand on
y sera, et s’il n’y a pas de solution, alors nous irons bien dans le weekend
huusli, pour avoir la paix au moins pendant ce congé, car ici nous devons aussi
en supporter de pareilles, de femmes. Mon Boili, je vais le gâter et le
dorloter de toutes les manières une fois qu’on sera en congé car il le mérite
bien et il faut qu’il reprenne une grande quantité de forces, il en a tellement
besoin. Pour le moment, c’est son état d’épuisement qui me donne le plus de
soucis. Quand je serai de retour à Kediri, je vais demander au docteur si Boili
ne peut pas avoir quelques une de ces injections pour le remonter un peu, car
c’est fou le travail qu’il doit fournir, et surtout encore dans ce climat.
Tu me
demandes si Mr. Dunlop n’est pas le parrain de Boili ? Non, son parrain
c’est l’oncle Hepner. Mr. Dunlop est seulement l’ami de papa W. et le directeur
actuel de la Banque.
Comment
est-ce que Nögg (son frère Louis) fume des
cigares ? Des cigarettes, passe encore, mais des cigares !!! Je ne
peux pas me le représenter. Et la prochaine fois qu’il en fumera un, tu le
photographieras. Oui, « vient vieux », comme dit le Padre ! Mes
petits frères qui fument des cigares ! Depuis que Boili ne fume plus, je
n’ai plus touché une cigarette non plus, quoique ce n’est pas l’envie qui m’en
manque, mais je ne trouve pas correct de fumer sous son nez quand lui fait
l’effort de s’en abstenir.
Les
premiers jours que j’étais ici, il y avait donc encore ce Hoekman (voir who is who). Maintenant
il est parti, il a reçu son congé et de très belles conditions, voyage en
Europe payé et bien des mois de salaire, et il ne semblait même pas trop
content, le muffle. Il va s’embarquer demain ou alors la semaine prochaine s’il
n’a pas de place sur ce bateau. Nous l’avons vu partir sans regrets ici, en ce
moment il loge dans mon pavillon à Kediri, vu qu’il n’a plus de meubles et que
les Mogendorff n’ont pas de chambre de visite non plus. Je suis bien contente
de ne pas être à Kediri en ce moment, ainsi je n’ai pas à lui offrir un dîner
d’adieu comme c’est la coutume ici quand quelqu’un part en Europe.
Je suis
bien contente que ce Oxford (Groupe
d’Oxford = Réarmement moral, Caux) te donne encore toujours satisfaction
quoique je puisse bien me représenter que tout ne soit pas toujours comme cela
devrait, tel que ces femmes qui ne s’entendent pas entre elles. Vois-tu c’est
partout ainsi, les hommes sont avant tout humains, malgré toutes les belles
théories.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire