jeudi 16 mars 2017




Kediri

5 avril 1939

A sa maman
Merci de toutes tes bonnes lettres auxquelles je veux vite encore répondre. J’ai pensé à toi au mois de mars et à votre départ pour l’Amérique, j’y pense toutes les années, et à beaucoup d’autres choses aussi. J’ai aussi pensé à Tatali le jour de sa fête, je ne l’ai pas oubliée. Je n’ai pas écrit à Max pour sa fête, mais je vais le faire une fois ou l’autre.
Buby trouve que tu te portes beaucoup mieux maintenant, il prétend qu’il le voit à ton écriture !
Je suis si terriblement contente que Charlot aille mieux, mais il faut au moins toujours qu’il se surveille et qu’il fasse régulièrement faire des photos (radio des poumons).
Merci de toutes les nouvelles de la Juliana (Princesse de Hollande), naturellement les journaux ici en ont aussi été tout pleins, et chacun louait la gentillesse de l’hôtelier qui avait mis à la disposition de la petite princesse ce grand St Bernard.
Oui, cet accident au Wildhorn était épouvantable, nous l’avons lu ici. Il y a aussi beaucoup d’accidents d’aviation ici. Je suis contente que Buby ne vole pas. Non, je confonds, l’accident dont je parle a eu lieu avant, c’était deux avions qui devaient traverser les Alpes.
Si ce Schnetz doit aller en Chine et qu’il reçoive Frs 3000 d’avance il te faut penser que ce n’est pas pour rien, car les risques qu’il va courir seront immenses. Enfin, tout de même il a raison, il verra du pays. Est-ce que Hedy (la couturière) l’accompagnera ?
 (Zut, voilà mon papier qui s’est de nouveau déchiré, c’est que j’écris sur les genoux et des fois je tiens la machine de biais.) Je n’ai plus vu ni entendu quoi que ce soit de tante Engel depuis plus d’un mois. Je pense qu’ils sont en train de déménager et je pense qu’elle n’a pas la vie trop rose avec son pflotschi-mocke de fille. Comme j’ai été malade moi-même, je n’ai naturellement pas donné de mes nouvelles non plus, mais je vais lui écrire. Il se peut aussi qu’elle ne soit plus venue ici à cause des Mogendorff. Je n’ai pas encore parlé français avec la Mies, j’ai peur de le faire, puisque cela vous a écorché les oreilles, et je n‘ai aucune envie de lui donner des leçons.
La Pflunze Mogendorff aura son enfant au mois de septembre. Elle se porte bien, maintenant, tu devrais voir comme elle a bonne mine, et pourtant elle cherche toujours à se dorloter comme une grand’mère. Madame Fraay se fâche toujours à cause d’elle. Ces deux femmes ne peuvent pas se voir, elles sont jalouses, plutôt, la Pflunze est jalouse de mon amitié pour madame Fraay, et quand madame Fraay vient chez moi, la Pflunze se mue en gazelle pour accourir pour au moins ne rien perdre de notre conversation. C’est tordant, oh, elle nous guette et elle n’est pas du tout gentille avec madame Fraay. Une vraie garde malade, quoi. Madame Fraay les connaît aussi, car elle a fait des expériences comme nous avec la Rossel dans le temps. Moi j’ai aussi discrètement enfermé toutes mes lettres et ma correspondance privée, car on ne sait jamais. Enfin, je t’ai déjà tout écrit dans ma lettre précédente. Mais n’aye pas peur, on s’entend bien ensemble, je suis assez diplomatique pour ne rien laisser paraître.
Merci de toutes tes informations concernant la mode de cet été. Le Hüteli (petit chapeau) de la Descoeudre, je le porte aussi maintenant, car on commence à les voir ici, et mes cheveux sont assez longs pour bien aller avec. 
Merci aussi pour les souliers que j’ai donc bien reçus. Je trouve les blancs merveilleux, ils chaussent comme un gant, mais ils me sont 2 cm trop grands, trop long. Cela me fait des pieds énormes, de vrais bateaux, maintenant qu’on n’est plus habitué à les porter ainsi, et vraiment je ne puis pas les porter pour joli. Les noirs non plus, est-ce que toi tu ne pouvais pas les mettre ? Ce sont absolument des souliers pour dame d’un certain âge, et je vais essayer de les vendre. Est-ce que Banely non plus ne pouvait pas les mettre ?
Pour le moment madame Fraay est en vacances, mais elle m’a justement écrit que quand elle reviendrait, elle m’aiderait à coudre pour que je ne me fatigue pas maintenant. Elle est gentille, et nous allons faire de jolies petites toilettes. Si Fanny te donne cette soie dont tu me parles, tu m’en enverras un petit échantillon stpl, mais pas trop petit tout de même afin que je puisse me rendre compte.
Hier je t’ai envoyé par bateau, donc tu recevras le paquet à la fin du mois d’avril, un petit peigne en écaille et argent que tu donneras à Fanny. C’est le cadeau de fête que je lui ai promis. En outre il y a un petit plat en argent avec ma carte de visite pour madame Dr. Huber. Tu iras le lui porter, et tu lui diras que je l’ai adressé à toi, à cause des formalités de douane. Dans le paquet il y a encore une paire de boucles d’oreilles, que tu pourras donner à Hedy, pour la remercier de son petit bouquet avec le costume sport. Stpl Mamms, tu feras exactement ce que je te demande avec ces choses-là, tu n’oublieras pas, Stink Rötteli.
Tu m’écriras si on voit beaucoup de ces bijoux comme ces boucles d’oreilles en Suisse. Si non, alors je t’en enverrai d’autres come petits cadeaux. C’est de la laque chinoise gravée.


Et maintenant j’ai encore un désir. J’aimerais que tu achètes chez Bouldoires ou chez Tschäppät une Tellerchrätze (égouttoir à vaisselle) en fil de fer, selon l’illustration incluse, et que vous me l’expédiiez au plus vite. Il me faut une nouvelle Tellerchrätze, et pour moi qui doit déménager si souvent, ces modèles-là me semblent pratiques. Ici j’en ferai faire d’autres pareilles, mais il me faut d’abord avoir un modèle.
Cela me fait plaisir que la Rötteli ait été la plus jolie à la réunion de classe. Heureusement que tu me l’as écrit sans cela je ne l’aurais pas su !!!





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