Kediri
13 mars 1939
Première partie
Il y a
bien longtemps que j’aurais dû vous écrire. Même aujourd’hui a été le jour de courrier
et je ne l’ai pas fait, ce qui retarde cette lettre de deux jours. J’espère que
tu ne t’en feras pas trop. Mais je vais commencer tout de suite par tout vous
raconter, j’ai tant à vous dire que je ne sais presque pas par où commencer.
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perce-neiges |
Premièrement,
merci pour la Stämpere 204 qui m’est
parvenue ce matin, et les perce-neiges,
ce qu’elles sont jolies et comme elles sentaient encore bon J’ai eu un immense
plaisir et pour quelques instants j’étais si intensément à Sutz et je revoyais
notre beau Chalet dans sa parure de printemps.
Avant de
commencer à stämpere, je veux vous remercier pour tout ce que j’ai reçu. Les
Efficiency que Buby a lu avec beaucoup d’intérêt et le feuilleton de la
Henkerstochter von Biel (probablement un
livre, inconnu…), que je ne suis pas encore parvenue à lire, mais cela
viendra et je m’en réjouis
Il y a une
semaine j’ai reçu le joli figarötteli (liseuse)
saumon. Merci mille fois. C’est encore ce que j’aime le mieux pour mettre au
lit quoique j’aie mis le rose jusqu’ici. Il est encore toujours très joli et
toujours beaucoup admiré, aussi j’en ai bien soin.
Aujourd’hui
j’ai reçu le lamé. Il est très joli, seulement c’est dommage que vous ne l’ayez pas mieux emballé. Il est arrivé tout
taché, premièrement par la boîte qui, bien cabossée, a sauté, elle est arrivée
ouverte d’un côté et naturellement l’étoffe a été salie. Ensuite vous avez mis
des élastiques sur l’étoffe même, ce qui lui a fait de vilaines marques noires
tout partout où l’élastique l’entourait. A l’avenir il faudra mieux emballer
des choses aussi délicates. Vous n‘avez aucune idée ce qu’un voyage en mer
aussi long peut nuire et abîmer les
tissus, vous ne pouvez jamais prendre assez de précautions contre l’humidité et le sel de la mer dans vos
emballages.
Je prends
note que tu m’as expédié un soulier blanc et un soulier noir, Mamms. Sitôt que
je les aurai reçu je te dirai s’il faut m’envoyer les deux autres. Si je ne
peux pas bien les mettre alors je te les renverrai, car tu pourras sûrement
mieux les utiliser en Europe que moi ici, et ici ils se gâtent tellement vite.
Donc ne m’envoie pas le second soulier de ces deux paires, avant que je te les
demande. Vous ne penserez pas que je
suis gâtée et difficile, mais vraiment je fais mon possible pour toujours
rester bien habillée et aussi moderne que possible, alors je ne peux pas gâter
l’effet d’une robe par un soulier démodé.
Tu comprendras bien cela, hein ?
Il me
semble que je te vois te promener en ville avec un tas de chiens derrière toi.
Naturellement que tout le monde doit bien en rire et en bonne fille de ma mère
que je suis, j’ai aussi mon plaisir et je te l’accorde ! (en écrivant cela
je pense à tous les tours que tu m’as joués en son temps, tels que le pot de
chambre chez Tschäppät et les pantalons de ski !). Va te promener, cela te
fait du bien, Rötteli, et surtout en ville où tu peux faire des stämpere à tous
les coins de rues ! Une fois que tu en feras une longue et que tu seras
tellement occupée à bavarder…..Hä hä. Hä la Rötteli !
Tu as
l’air de rudement te plaire à ce Oxford (Mouvement
du réarmement moral), et ma foi, vas-y. Tu le prends aussi très au sérieux,
mais je n’ai pas peur que tu deviennes sectaire, seulement fais attention que
tu ne sois pas prise au piège par
l’esprit de secte, que tu ne trouves intéressant que les gens qui font partie de l’Oxford et plus rien d’autre.
Enfin, pourvu que cela te fasse du bien et te rende heureuse, après tout, je
n‘ai pas peur pour toi.
Alors, une
certaine Mamali est de nouveau bien fière de ses fistons !
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Charlot, le Padre, Loulou tous mesurent 2 m ! |
Et à tout
prendre elle n’a pas si tort que cela,
cette Mamms, et ce Padre, car je vois d’ici ses trous de nez !!!
quand il parle de ses officiers ! D’ailleurs vous avez bien raison et
aussi le droit de l’être, fiers comme des coqs !
J’ai enfin
acheté un très, très joli petit cadre pour madame Huber. Je vais te l‘envoyer à
toi, tu pourras le lui apporter toi-même, car je n’ai pas le temps d’écrire. En
même temps, je t’enverrai un petit peigne en écaille avec bordure en argent, un
cadeau de fête pour la Bänggu (Fanny).
Je ne veux pas le lui envoyer à elle, puisqu’elle va quitter là. Pourquoi
quitte-t-elle ? A cause de sa santé ? Car je croyais qu’elle était si
bien là. Dis lui aussi qu’il ne faut plus qu’elle m’envoie les Schweizer
Illustrierte, car nous les recevons maintenant toutes les semaines dans la
caisse des journaux du Lesezirkel (cercle
de lecture). Seulement les Sie & Er qui me feront toujours plaisir.
Remercie-la pour moi, car je n’aurai pas le temps d’écrire les prochains temps.
Que madame
Sossich prenne de l’huile d’olive pour son foie, cela me paraît faux, car pour
cette maladie-là, on a presque toujours une diète sans graisse. Si moi je
prends cette cuillère d’huile tous
les soirs, c’est pour guérir la paroi de mes intestins qui, par tous les
remèdes que j’ai dû prendre sont devenues, comment dire, un peu écorchées, et
alors quand je mange ou bois quelque chose d’un peu spécial, j’ai des crampes.
Maintenant après une seule semaine de cette huile, mes crampes ont déjà
disparu, c’est preuve que les parois de l’intestin sont déjà bien mieux. Mais
cette huile n’est nullement pour mon foie. Pour cela je prends un thé fait avec
des racines d’une plante d’ici (gingembre
ou ginseng ?), que mon docteur de Bandoeng m’a recommandé. C’est
une racine dont on fait aussi des remèdes pour le foie en Europe. Vois-tu il ne
faut pas vous en faire pour moi, je me soigne comme il le faut, mais le plus
important c’est de bien suivre mon régime.
Je te
comprends que tu désires être seule, une fois que Jean-André sera loin, bon
sang, comme je te comprends bien, car moi je suis dans le même cas. Mais de
cela je t’écrirai plus bas.
Je me
rends compte aussi par le Journal du
Jura que Bienne subit beaucoup de changements. On y bâtit beaucoup, je vois
cela dans les logements à louer. Par exemple il doit avoir une grande maison
moderne à la rue Vérésius que je ne connais pas, et bien d’autres encore, j’en
suis sûre.
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