Quatrième partie et fin
Kediri, 13 mars 1939
Samedi
passé Hoekman a été libéré de
prison, ayant été jugé pas guilty. Il est abnormal, naturellement, mais cela ne
s’est pas passé avec des mineurs. Il était à Soerabaya
depuis une semaine pour le jugement, alors Dolf Mogendorff a été le chercher et
je lui ai dit de l’amener ici. Oscar était en tournée et ne revenait le soir
que très tard, alors j’étais seule avec les Mogendorff pour le recevoir.
C’était un moment très difficile, d’abord il n’osait pas sortir de la voiture,
ensuite il était assis dans un fauteuil wie nes hüfeli Eeländ (comme une petite crotte) et n’osait pas
me regarder. Moi, je l’ai reçu comme si rien ne s’était passé, et comme s’il
avait encore été chez nous le jour avant. Ensuite nous avons été souper et peu
à peu il est redevenu homme, mais je te garantis qu’il a fallu beaucoup du
tact. Le lendemain, je l’ai encore invité pour la rijsttafel et cela allait de
mieux en mieux. On attend maintenant une décision de Batavia pour savoir ce qu’il
doit faire. S’il reçoit sa dédite il retournera en Hollande probablement, si
non, il ira travailler dans une autre des fabriques, en tous les cas, il ne
peut pas rester à Kediri. Les Mogendorff prendront sa maison, mais comme on ne
sait pas encore ce que Hoekman fera, ils ne peuvent pas encore s’installer vu
qu’il a aussi ses meubles à lui. C’est pourquoi les Mogendorff sont encore
toujours ici. Pour Pâques c’est les van der Lee qui ont annoncé leur visite,
mais j’ai déjà dit à Boili que je ne pourrai pas les avoir, vu que je désire
être seule enfin. Depuis que je suis dans cette maison je n’ai été seule avec
Buby que pendant 8 jours, et malgré que j’ai des domestiques, il faut quand
même toujours s’occuper de tout, et surtout faire en sorte que les dîners
soient à l’heure sur la table etc. Par exemple, aujourd’hui aussi, Oscar est
parti en tournée, je pourrais bien me laisser aller, seule à la maison, ou
aller au bain et faire la paresseuse et manger quand cela me plaît, mais ainsi
il faut faire en sorte que le dîner soit bien soigné comme d’habitude etc.
Enfin, tu comprends bien comme je l’entends, hein Mamms ?
Et maintenant venons en au chapitre principal concernant Ceux (les Mogendorff) qui logent chez moi :
Lui est petit, un peu comme Mottet (comptable de Milex Elem), mais terriblement intelligent. Elle,
elle est grande et un gros morceau, toute en chair et toujours la bouche en
mouvement.
Il y a plus d’un mois que l’On est ici et On a encore pas
trouvé de maison. Et On ne m’aide en rien, pour midi ou le soir On vient
s’asseoir à table et On attend d’être servi. On est enceinte, raison pour
laquelle je ne dis rien, mais mon garçon s’étouffe presque parfois. Je n’ose
pas lui en parler, ni vider mon cœur, sinon il me sauterait à la tête et les ficherait
dehors, ce que je ne veux pas, à cause du mari qui aide beaucoup Boili.
Il y a 15 jours elle a presque eu une fausse couche, elle avait des saignements, je l’ai vite mise au
lit, j’avais peur moi-même. Mais une fois que c’était passé et que le dr a dit
qu’il n’y avait plus de danger, On a encore bien pris ses aises et s’est
laissée soigner. Je ne peux plus tout te raconter, mais je me suis énervée
plusieurs fois. Un soir le djongos était absent et j’ai préparé le souper
moi-même, mis la table, puis tout débarrassé sans que l’On ne lève le petit
doigt. On s’est laissée servir comme si je le lui devais. Maintenant qu’On va
mieux, je ne m’occupe plus d’elle, on ne se voit pas pendant des matinées
entières, ainsi cela va. C’est pour cela que j’ai eu tant de plaisir à avoir
cet homme en journée qui cousait, cela m’a un peu changé les idées. On est
rétablie mais On reste à ne rien faire.
Ils me paient
bien quelque chose pour la pension,
j’ai calculé combien cela me coûtait, mais le Bueb trouve que je n’ai pas
demandé assez. Tu sais, je ne veux pas faire de bénéfice sur leur dos, et
j’arrive à tourner avec ce que je leur demande, mais il y a tant de choses qui
ne sont pas payables avec de l’argent.
Buby comprend cela, mais pas comme toi, hein ? Je suis toujours aimable,
mais ce n’est pas facile. On est garde-malade, On est sûre de soi, tonnerre, je
n’ai pas besoin d’avoir peur pour Buby, mais toujours On sait tout, On fait des
manières, donc je fais attention. Autre chose que l’on ne peut pas me payer,
c’est que je dois partager les journaux.
A deux cela va bien, mais quand on est quatre il faut toujours attendre ou
faire vite. Ce sont tout des détails que l’on ne peut pas facturer. J’en ai
plein le dos, mais que veut-on. Pour le Bueb c’est très bien qu’il puisse
travailler avec le mari, c’est sa chance maintenant que l’autre est à Batavia.
Raison pour laquelle je me tais aussi longtemps qu’ils sont ici. Avec Lui cela
va bien, on s’entend bien, comme avec un petit Mottet…
A table, elle ne prend jamais d’égard sur lui, pourvu
qu’elle ait son assiette bien pleine et je suis celle qui passe le pain, etc.
Je te dis c’est une …jusqu’à la
gauche.
Voilà j’ai vidé mon sac chez ma Mamms qui est la seule qui
me comprend. Le Bueb me comprend aussi, mais si je dis quelque chose il se
fâche tout de suite contre eux et
il serait capable de le leur dire. Il est bon et gentil, ne ferait de mal à
personne, mais si je me plains de quelqu’un, il saute comme un tigre et leur
rentre dedans comme un taureau.
Il ne la trouve pas non plus à son goût et il faut toujours
que je lui rappelle de ne pas le laisser voir.
Bref, tu comprends bien tout cela. Tu as aussi passé par là
lorsque le Padre amenait des inconnus à la maison. Je pourrais encore en écrire
bien des pages, mais il est midi et il faut que j’aille voir à la cuisine si
tout est bien cuit pour la Plämpu. On doit toujours vomir beaucoup et On ne
veut pas manger de ceci ou cela, et si tu ne m’avais pas toujours fait la leçon
qu’il faut malgré tout être aimable, je me serais fâchée souvent. Mais je ne le
fais pas et je prends les choses comme elles viennent.
Et maintenant fini. J’écris depuis ce matin à 6 heures et il
est midi. J’espère que tout va bien chez vous et je réjouis de bientôt avoir de
vos nouvelles. Je resterai de nouveau quelques temps sans vous écrire, car j’ai
un tas de lettres à répondre, à Papa W, au Bigots, etc, des lettres qui ne
peuvent pas attendre plus longtemps, car il y a de l’intérêt à les faire
partir.
Finalement cette Pflunze n’est pas mauvaise, ni sans tact au
fond, et je n’ai rien contre elle,
j’en ai simplement assez.
Addie u furt !
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