jeudi 2 mars 2017




Kediri

20 février 1939

Je viens de recevoir ce matin les petits tableaux de l’île de St Pierre et celui du Egge de Terwey (voir who is who). Ils sont ravissants et je vous en remercie mille fois j’en ai un grand plaisir et je vais immédiatement les faire encadrer. J’ai également reçu le livre de Von Tavel (écrivain bernois qui écrit en dialecte), et les jolies photos qui comme d’habitude ont été les bienvenues.
Je n’ai pas encore eu le temps de lire ce petit livre, car j’ai eu un embêtement après l’autre ici à la maison. Nous y sommes bientôt depuis un mois et je ne suis pas encore arrivée à tout mettre en ordre et à organiser le roulement du ménage. J’ai un fantastique embêtement  avec les domestiques. Ils ne s’entendent pas entre eux, ensuite ils sont malades à tour de rôle, ensuite il  y a ceci et cela de sorte qu’ils n’ont pas encore été au complet une semaine de suite et avec cela j’ai toujours les Mogendorff ici encore. Partout j’ai encore du cheni qui traîne et que je n’arrive pas à ranger. Je n’ai encore jamais eu cela vraiment c’est décourageant.
Toute la semaine passée, Buby a été au lit avec une de ses fameuses bronchites de nouveau. Heureusement que maintenant il va beaucoup mieux, il est retourné au travail samedi et hier dimanche ils ont aussi passé la plus grande partie de la journée au bureau et dans la fabrique. Là, cela ne marche pas tout seul non plus. Enfin, vous voyez, je vous vide mon cœur, j’ai toujours du Gstürm et du gnusch. (stress et désordre)
Jeudi passé j’ai été à Soerabaya avec madame Mogendorrf. Elle a été au docteur et elle attend un bébé. Elle vomit tout le temps et ne mange pas de tout. On en rit, mais c’est aussi difficile pour moi de savoir toujours ce qu’il faut faire faire à dîner, enfin, heureusement que je ne m’en fais pas trop de ce côté là. Mais vous voyez bien que je n’ai pas la vie trop facile en ce moment. Il paraît que c’est très difficile d’avoir de bons domestiques ici, ils sont gâtés par toutes les industries qui fleurissent dans cette partie ci de Java. Ils volent, ils n’ont pas confiance les uns dans les autres, ils viennent rapporter les uns sur les autres, ils ne font pas ce que je leur dis, brrr ! Enfin, on en viendra bien à bout, et il ne faut pas t’en faire si je me vide un peu le gosier chez toi. Cela me semble déjà moins difficile parce que j’ai pu te l’écrire.
La maison que les Mogendorff veulent avoir n’est pas encore libre et maintenant ils ont décidé d’aller dans une autre maison en attendant, car ils voient eux-mêmes qu’ils ne peuvent pas rester 4 mois ici chez nous.  On s’entend bien et ils ne sont pas sans tact, justement ils trouvent aussi mieux que nous ne restions pas trop longtemps ensemble. On se l’est dit ce matin tout à fait amicalement, c’est la meilleure manière de rester bons amis.
Nous avons enfin reçu une longue lettre explicative de papa W. et sommes bien contents d’être au courant de tout maintenant.
Comment cela va-t-il avec Charlot ? j’espère que la grippe ne l’aura pas rendu trop malade, et qu’il est remis tout à fait.
Merci des vues de Bienne, je n’ai presque pas reconnu l’hôtel Elite au premier moment. Et la General Motors (usine de montage pour General Motors, 1935-1975 à Bienne) que je ne connais pas du tout.
L’autre jour, j’ai eu une courte visite de Mies et Tante Engel. Bon sang, le Totch (sa fille =bécasse…) n’a pas ouvert la bouche, sauf quand Tante Engel est allée au cabinet et que moi je n’ai fait aucun effort pour soutenir la conversation, alors elle a formé sa bouche et elle a pris un élan pour me dire qu’elle avait sollicité à plusieurs places et qu’elle espérait bientôt pouvoir partir. Je n’ai rien dit là-dessus, cela ne me regarde pas. Ensuite Oscar est rentré et elle est restée assise là, sans ouvrir le bec. Mais tu n’as pas besoin d’avoir peur qu’elle m’ait donné un choc de la voir, je ne suis plus si délicate !!!
Je ne suis pas encore arrivée à arranger le costume de Hedy de sorte que je ne peux pas encore le porter, vu qu’il m’est trop grand. Je me demande quand je pourrai de nouveau une fois me mettre à la couture tranquillement !
Les timbres suisses de l’Exposition (Expo Nationale, Zurich 1939) sont jolis et tout le monde veut me les chiper ici. Mais Father, tu pourrais en envoyer une série au vieux Engelhart, je crois bien que tu lui avais promis de lui en envoyer une fois et il n’a encore jamais rien reçu de toi. Fais-le, stpl.
Je suis contente que tu aies diminué de poids, tâche de rester ainsi. Vois-tu, moi non plus je n’ose plus boire d’alcool, et bien souvent j’aurais aussi envie d’un peu de bière, mais Buby me surveille comme un Häftlimacher (intraduisible = de très près) pour que je tienne mon régime et si toi tu ne peux pas t’empêcher de manger ce qui t’est défendu, alors tu ne pourras pas revenir avec moi aux Indes.
Mes chers, je ne vais pas faire long cette fois-ci. Dis-toi qu’il vaut mieux une lettre courte que rien du tout. Encore une fois, vous n’avez pas à vous faire du souci pour nous parce que j’ai vidé mon cœur. Non, nous avons bien des difficultés aussi bien Oscar à la fabrique que moi à la maison, mais le moral est bon, quand on a la paix à la maison, les choses de l’extérieur sont supportables quelles qu’elles soient.
J’ai de nouveau acheté de jolies petites cuillères à sel et à moutarde, tu les recevras une fois ou l’autre, et je n‘oublie pas madame Huber, non plus, mais ne vas pas le lui dire.
J’ai aussi reçu des Sie & Er de Banely. Comment fait-elle pour me les envoyer ? J’espère pourtant pas qu’elle les achète spécialement pour moi ? Il ne faudrait pas faire cela. Si tu lui écris, dis-lui que son petit cadeau a subi du retard, le type me l’a apporté mais ce n’était pas bien fait et je le lui ai rendu, maintenant il me faut attendre un mois de nouveau. Dans ma lettre à elle, je lui demandais des patrons de Vogue (couture), mais dis-lui que maintenant je n’en aurai plus besoin, vu que j’apprends à faire les patrons moi-même. J’ai déjà coupé une robe qui me va comme un gant, il reste encore à la coudre Je suis si contente que je puisse apprendre cela, si seulement j’avais un peu plus de temps pour m’y mettre.
Madame Mogendorff qui a été si longtemps garde malade, m’a donné le conseil de boire chaque soir avant de me coucher une cuillère d’huile d’olive pure, que cela ferait du bien à mes intestins. Je suis son conseil et vraiment je me sens déjà beaucoup mieux. Il paraît que l’huile d’olive guérit si bien les parois d’intestins rendus délicats par tous les remèdes. Elle sait beaucoup de choses et c’est bien pratique de l’avoir dans le voisinage.
Ce Hoekman est encore toujours en prison, on ne sait pas encore quand il devra comparaître, mais voilà, on s’habitue à tout, et déjà plus personne n’en parle. Elle va vite la vie !
Mes bien chers, …et toi ma Röttelina, toujours les bonnes pensées et le cœur de ta B….si.




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