Batavia
9 février
1937
Enfin, je
puis parler librement, comme j’en ai l’habitude. Mais tu es et tu restes une
sale femme.
Je ne me
rappelle plus si je t’ai jamais remerciée pour la brosse à cheveux, si belle, douce,
et dans laquelle se trouvaient encore quelques fils d’argent de la Rötteli.
Merci mille fois, j’en ai beaucoup de plaisir et me brosse régulièrement les
cheveux, toutefois très doucement, sans trop presser. J’ai aussi reçu en son
temps la petite chemise avec les pantalons. La qualité est bien bonne, mais la
coupe ne me plaît pas trop. Ce n’est pas assez décolleté, alors cela dépasse
toujours des robes, mais je pourrai bien l’employer quand il fera frais et que
je porterai l’une ou l’autre robe fermée, au cou. Les pantalons aussi seront
bon pour quand il fera plus frais, autrement j’aime mieux avoir le bi-ba-bu (le popotin) un peu aéré !!!
Dans ma
dernière lettre je ne t’ai pas écrit ce que j’aimerais que la jeune Huguenin
m’apporte. Je ne sais pas si cette lettre arrivera trop tard, parce que si elle
est ici en mars, il faut qu’elle soit presque partie de Bienne déjà. Entre
nous, je ne serais pas étonnée qu’elle vienne ici pour se trouver un mari, car son oncle doit aussi savoir qu’il y a
tellement de jeunes gens ici qui ne demanderaient pas mieux que de se marier,
surtout avec une jeune fille toute
blanche ! J’ai déjà souvent pensé, si seulement je pouvais avoir Flock
ici, mais cela ne va pas, et après tout je ne veux pas me mêler de ces
choses-là. Plus on cherche à se marier, moins on trouve.
Tu as
raison, va toujours te promener, cela change si bien les idées et c’est si
sain. Le docteur m’a aussi recommandé de beaucoup aller promener.
Je trouve
que c’est tellement dommage que tu ne puisses pas aller à Rome. Est-ce qu’elle
n’a pas écrit quand tu pourras y aller ?
Tiens, je
viens de m’apercevoir que c’est Carnaval
aujourd’hui. Est-ce que Bienne est en fête, ou bien est-ce qu’ils ne font pas
grand chose les gens ? Quand je reviendrai il me faudra des
fastnachschuechli (merveilles), Minna
ferait bien de s’exercer déjà maintenant à les faire, car toi, une fois que je
serai là, tu n’auras pas le temps de rien faire !!!
Oui, je
bois beaucoup de camomille et aussi du thé d’ici. Il y a tant de bonnes herbes
ici et des thés qu’on emploie aussi dans les remèdes en Europe. Je t’assure que
je me soigne bien.
Papa W. a donc bien vendu les Wilde Zwanen, mais avec
80% de perte, il semble furieux dans sa lettre, c’est à comprendre. Quoi
qu’il en soit, c’est encore mieux ainsi que d’avoir cette maison sur le dos,
cela coûtait trop d’impôts. Son logement permanent est à Bruxelles maintenant, il a loué un flat dans un hôtel. Son adresse
est : Quartier Clovis, 37B Residence Palace, rue de Loi 155, Bruxelles.
L’adresse
de Cunégode (surnom de Coen, le frère
cadet de Oscar) est : c/o The Theosophical Society, Adyar, Madras, Br.
India
Loulou
l’avait demandée en son temps, mais quand je lui ai écrit je ne l’avais pas
encore. Veuille la lui donner de ma part.
Ce soir je
me sens déjà bien mieux. Je vais encore me dorloter pendant quelques jours. Je
pense que je me suis trop fatiguée en allant faire des commissions avec Margot.
Oh, je me
fais un chapeau. Dans les patrons du
Jardin des Modes il y en avait aussi
un pour un chapeau, et moi, pas idiote, je l’ai directement acheté. Les dames
autour de moi (après la leçon de malais) étaient étonnées que j’ose ainsi me
lancer à faire un chapeau, mais ceux de Paris savent donner de si bons patrons.
Ce chapeau n’est qu’une petite toque, perchée sur la tête, pointue. Je la fais
en crêpe brun foncé, de la même couleur que mes cheveux, ainsi cela ira avec
tout. Tu sais ce sera un petit bibi, je l’ai coupé dans un vieux pyjama de Buby
pour essayer d’abord et il me va très bien. Hm ! Hm ! Avec ce béret
de Tatali, tu sais, ce bleu que tu m‘as envoyé, je ne l’ai encore jamais porté
parce que cette forme ronde ne m’allait pas, pourtant le béret est beau, on
voit qu’il était cher et je trouvais dommage de ne pas le porter. Maintenant
j’ai tout à coup eu une idée lumineuse, j’ai été le mettre sur mon modèle, j’ai
plié ici, donné un coup de poing là et maintenant c’est devenu une jolie petite
toque, vaguement modèle turban, tricorne. J’en suis très fière, Buby, quand je
le lui ai montré et fait croire que c’était un chapeau cher, l’a cru. Il le
trouve très bien. Chic ! Maintenant j’ai un joli chapeau pour mettre avec
cette robe bleue de Tatali, et les beaux gants de peau. Tu vois que cela me
fait un ensemble très bien. Oh, je te dis…
Je te
quitte pour ce soir, je vais vite aller coudre le chapeau avant qu’il ne se
déforme. Mille bons muntschi …..
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