Batavia
10 décembre 1936
A sa maman
Une fois
de plus je t’envoie, aussi de la part de Böili, du fond du cœur nos bons vœux pour ta fête. Many happy
returns, Mamali et mes prières pour ta santé et ton bonheur. …Je serai avec toi en pensées et je
souhaite que tu aies un beau jour de fête. Tu seras tellement entourée de mes
pensées que ta fille ne te manquera même pas, tu verras.
Buby aussi
t’envoie ses meilleurs vœux. Il n’aura pas le temps d’écrire lui-même, ayant de
nouveau terriblement à faire au bureau. Il passe de nouveau par un moment
difficile. Elout a été absent
pendant un mois et Buby a dû faire seul avec ce Wittkop, et tu comprends que
dans les conditions actuelles ce n’est pas trop facile de travailler avec ce
type. Maintenant Elout est revenu, mais c’est Bigot qui partira et nous aurons
vraiment un ami de moins. En général
cela ne va pas trop mal, mais Buby se donne beaucoup de peine pour satisfaire
son monde et se satisfaire lui-même aussi. Hier soir ils ont reçu du courrier
d’Amsterdam dans lequel on demandait des renseignements sur les capacités de Buby « en vue de son
placement à la Akoi ici à Batavia !!! » Heureusement que Bigot vient
de leur écrire et les deux courriers se sont croisés. Les renseignements que
Bigot a donnés je te les ai écrits dans ma lettre précédente, ils ne sont pas
mauvais, de sorte que nous avons des chances de pouvoir rester ici. Si Buby devait retourner dans une fabrique, il
pourrait devenir administrateur, comme Visser, et sa carrière s’arrêterait là.
C’est un assez bon poste, certainement pas à dédaigner, mais je trouve Buby
trop jeune pour être au haut de sa carrière dans quelques années. C’est
pourquoi je préfèrerais qu’il puisse rester ici, où l’échelle est plus longue
et certainement plus difficile à monter. Buby
has got the brains to do it et je crois que cela lui donnera plus de
satisfaction aussi. Seulement cela demande beaucoup de force et surtout
beaucoup de travail. D’un autre côté, quand un homme ne monte plus dans sa
carrière, il descend et je ne veux pas que cela arrive à Buby.
Si
seulement je pouvais aider mes frères
à grimper aussi. J’aimerais tant voir l’un d’eux dans une affaire comme celle de Stern, un grand commerce
sérieux avec des possibilités d’ascension très étendues.
Je viens
de recevoir les petites chemises pour Annie. Elle en aura sûrement beaucoup de
plaisir. Elle est de nouveau malade, la pauvre. Fransje a aussi eu une nouvelle
angine, et maintenant le docteur veut l’opérer dans le cou. Annie en est
presque devenue folle de chagrin parce que c’est une opération où l’on ne peut
pas endormir le malade. Ils ont une malchance formidable, ces pauvres.
Les Bigot
ont aussi eu un mauvais temps à passer, sa mère
à lui est morte. Elle était malade depuis longtemps mais il espérait encore
la revoir et si son congé n’avait
pas toujours été renvoyé il l’aurait encore revue. C’est dur une chose
pareille. Quand j’ai appris la nouvelle, j’ai immédiatement été vers eux pour
tâcher de les consoler un peu.
Nous avons
donc été attendre les Engelhart au
bateau dimanche matin. Nous étions avec des sœurs à monsieur et toute leur
famille, de sorte que nous n‘avons pas trop pu causer. Et puis une arrivée
pareille, ce n’est pas fait pour des confidences immédiatement. Il y a trop de
va et vient, il faut s’occuper des bagages etc. ensuite ils sont presque
immédiatement repartis pour Bandoeng. Nous avons maintenant décidé, Buby et
moi, d’aller à Keboemen. Le 15 et 16
décembre sont des jours de fête javanais. La Banque sera fermée et Buby va
tâcher d’avoir congé le lundi, ainsi
nous partirons ce samedi-ci et resterons jusqu’à mercredi prochain. Nous
pensons loger chez Tante Engel, je me réjouis tant de voir ce film du Chalet (au moins pas de toi, seulement le chalet, les
beaux arbres etc). Elle ne m’a encore rien dit de ce qu’elle m’a rapporté,
absolument rien, elle n’a fait que rire ! Alors je me méfie un peu. En
même temps nous profiterons d’aller à Keboemen voir notre maison. Wies m’a
écrit que les rats avaient
complètement bouffé mes deux beaux matelas
que j’avais fait refaire à neuf peu avant de partir. Cela me fiche malheur,
mais tant pis. Nous avons décidé de vendre nos meubles si nous en avons une
occasion. S’il y a des chances que nous restions ici, j’ai assez à mon flat
tant que nous sommes les deux seuls. Et si une fois il nous faudra louer une
maison à cause d’agrandissement de famille, eh bien, nous trouverons bien
d’autres meubles à acheter, plus modernes de nouveau. D’un côté cela me fait
bien un peu de peine de me séparer ainsi de tout ce qui a composé notre premier
nid, mais zut, ici on ne peut et ne doit pas s’attacher aux choses. Je ne dis pas encore que nous avons des
chances de rester ici, je donne seulement les
rats comme excuse de vouloir vendre. Personne n’ose encore le savoir que
nous avons cette perspective. Ce voyage à Keboemen nous coûtera assez cher,
mais c’est en même temps pour la fête à Buby et notre cadeau de Noël que nous
nous payons ainsi.
Je viens
de recevoir une carte que Hans a mis au monde un garçon, tu sais la jeune femme
van der Lee, l’ami de Buby à Pandalarang. Justement je suis en train de faire
une robe de bébé à ce cours de smock
que je prends chez Mimi. Je suis contente de savoir faire de jolies petites
robes maintenant, cela me sera utile souvent. Mimi attend toujours son bébé et
se porte merveilleusement bien.
Voici
réponse à ta lettre 148. Bien oui,
ils en font du joli tes chiens mal élevés. Ton éducation ne vaut rien, Mamms,
pour les petits chiens seulement, cela va sans dire !
Merci
beaucoup pour toutes les belles choses que tu veux m’envoyer, mais si tu ne les
as pas encore achetées, ne le fais pas. Vois-tu, ici je peux tout avoir
maintenant, sans difficultés et cela revient même meilleur marché que si tu
l’envoies, vu que tu as tous les frais de port etc. Des chemises polo on peut
les avoir aussi ici maintenant, mais Buby ne les porte plus si souvent, vu que
pour aller au bureau il doit porter des belles chemises à longues manches.
Merci aussi pour les bas, si tu les as déjà achetés et si tu ne les emploies
pas toi-même, merci de me les envoyer, mais si tu ne les a pas encore achetés,
ne le fais pas. Il y a ici plusieurs grands
magasins, Gerzon etc, qui
importent des Bemberg etc, très bon marché. Je viens d’en acheter de très jolis
et solides pour Fl. -.75 cela fait environ Frs.s. 1.50. Mamali, je ne voudrais
pas te faire de la peine, et ne crois surtout pas que je n’ai pas de plaisir
aux choses que tu m’envoies, mais si je t’écris de ne plus m’en envoyer, c’est
que je suis bien servie ici maintenant, et ainsi tu n’as pas tous ces frais de
port et moi quelquefois de la douane. A Keboemen c’était autre chose, là je ne
pouvais rien acheter, mais ici je suis sur place.
Elle ajoute en rouge : Continué
à la main, sans double
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