dimanche 7 août 2016




Batavia

10 décembre 1936

A sa maman
Une fois de plus je t’envoie, aussi de la part de Böili, du fond du cœur nos bons vœux pour ta fête. Many happy returns, Mamali et mes prières pour ta santé et ton bonheur.  …Je serai avec toi en pensées et je souhaite que tu aies un beau jour de fête. Tu seras tellement entourée de mes pensées que ta fille ne te manquera même pas, tu verras.
Buby aussi t’envoie ses meilleurs vœux. Il n’aura pas le temps d’écrire lui-même, ayant de nouveau terriblement à faire au bureau. Il passe de nouveau par un moment difficile. Elout a été absent pendant un mois et Buby a dû faire seul avec ce Wittkop, et tu comprends que dans les conditions actuelles ce n’est pas trop facile de travailler avec ce type.  Maintenant Elout est revenu, mais c’est Bigot qui partira et nous aurons vraiment un ami de moins. En général cela ne va pas trop mal, mais Buby se donne beaucoup de peine pour satisfaire son monde et se satisfaire lui-même aussi. Hier soir ils ont reçu du courrier d’Amsterdam dans lequel on demandait des renseignements sur les capacités de Buby « en vue de son placement à la Akoi ici à Batavia !!! » Heureusement que Bigot vient de leur écrire et les deux courriers se sont croisés. Les renseignements que Bigot a donnés je te les ai écrits dans ma lettre précédente, ils ne sont pas mauvais, de sorte que nous avons des chances de pouvoir rester ici. Si Buby devait retourner dans une fabrique, il pourrait devenir administrateur, comme Visser, et sa carrière s’arrêterait là. C’est un assez bon poste, certainement pas à dédaigner, mais je trouve Buby trop jeune pour être au haut de sa carrière dans quelques années. C’est pourquoi je préfèrerais qu’il puisse rester ici, où l’échelle est plus longue et certainement plus difficile à monter. Buby has got the brains to do it et je crois que cela lui donnera plus de satisfaction aussi. Seulement cela demande beaucoup de force et surtout beaucoup de travail. D’un autre côté, quand un homme ne monte plus dans sa carrière, il descend et je ne veux pas que cela arrive à Buby.
Si seulement je pouvais aider mes frères à grimper aussi. J’aimerais tant voir l’un d’eux dans une affaire comme celle de Stern, un grand commerce sérieux avec des possibilités d’ascension très étendues.
Je viens de recevoir les petites chemises pour Annie. Elle en aura sûrement beaucoup de plaisir. Elle est de nouveau malade, la pauvre. Fransje a aussi eu une nouvelle angine, et maintenant le docteur veut l’opérer dans le cou. Annie en est presque devenue folle de chagrin parce que c’est une opération où l’on ne peut pas endormir le malade. Ils ont une malchance formidable, ces pauvres.
Les Bigot ont aussi eu un mauvais temps à passer, sa mère à lui est morte. Elle était malade depuis longtemps mais il espérait encore la revoir et si son congé n’avait pas toujours été renvoyé il l’aurait encore revue. C’est dur une chose pareille. Quand j’ai appris la nouvelle, j’ai immédiatement été vers eux pour tâcher de les consoler un peu.
Nous avons donc été attendre les Engelhart au bateau dimanche matin. Nous étions avec des sœurs à monsieur et toute leur famille, de sorte que nous n‘avons pas trop pu causer. Et puis une arrivée pareille, ce n’est pas fait pour des confidences immédiatement. Il y a trop de va et vient, il faut s’occuper des bagages etc. ensuite ils sont presque immédiatement repartis pour Bandoeng. Nous avons maintenant décidé, Buby et moi, d’aller à Keboemen. Le 15 et 16 décembre sont des jours de fête javanais. La Banque sera fermée et Buby va tâcher d’avoir congé le lundi, ainsi nous partirons ce samedi-ci et resterons jusqu’à mercredi prochain. Nous pensons loger chez Tante Engel, je me réjouis tant de voir ce film du Chalet (au moins pas de toi, seulement le chalet, les beaux arbres etc). Elle ne m’a encore rien dit de ce qu’elle m’a rapporté, absolument rien, elle n’a fait que rire ! Alors je me méfie un peu. En même temps nous profiterons d’aller à Keboemen voir notre maison. Wies m’a écrit que les rats avaient complètement bouffé mes deux beaux matelas que j’avais fait refaire à neuf peu avant de partir. Cela me fiche malheur, mais tant pis. Nous avons décidé de vendre nos meubles si nous en avons une occasion. S’il y a des chances que nous restions ici, j’ai assez à mon flat tant que nous sommes les deux seuls. Et si une fois il nous faudra louer une maison à cause d’agrandissement de famille, eh bien, nous trouverons bien d’autres meubles à acheter, plus modernes de nouveau. D’un côté cela me fait bien un peu de peine de me séparer ainsi de tout ce qui a composé notre premier nid, mais zut, ici on ne peut et ne doit pas s’attacher aux choses. Je ne dis pas encore que nous avons des chances de rester ici, je donne seulement les rats comme excuse de vouloir vendre. Personne n’ose encore le savoir que nous avons cette perspective. Ce voyage à Keboemen nous coûtera assez cher, mais c’est en même temps pour la fête à Buby et notre cadeau de Noël que nous nous payons ainsi.
Je viens de recevoir une carte que Hans a mis au monde un garçon, tu sais la jeune femme van der Lee, l’ami de Buby à Pandalarang. Justement je suis en train de faire une robe de bébé à ce cours de smock que je prends chez Mimi. Je suis contente de savoir faire de jolies petites robes maintenant, cela me sera utile souvent. Mimi attend toujours son bébé et se porte merveilleusement bien.
Voici réponse à ta lettre 148. Bien oui, ils en font du joli tes chiens mal élevés. Ton éducation ne vaut rien, Mamms, pour les petits chiens seulement, cela va sans dire !
Merci beaucoup pour toutes les belles choses que tu veux m’envoyer, mais si tu ne les as pas encore achetées, ne le fais pas. Vois-tu, ici  je peux tout avoir maintenant, sans difficultés et cela revient même meilleur marché que si tu l’envoies, vu que tu as tous les frais de port etc. Des chemises polo on peut les avoir aussi ici maintenant, mais Buby ne les porte plus si souvent, vu que pour aller au bureau il doit porter des belles chemises à longues manches. Merci aussi pour les bas, si tu les as déjà achetés et si tu ne les emploies pas toi-même, merci de me les envoyer, mais si tu ne les a pas encore achetés, ne le fais pas. Il y a ici plusieurs grands magasins, Gerzon etc, qui importent des Bemberg etc, très bon marché. Je viens d’en acheter de très jolis et solides pour Fl. -.75 cela fait environ Frs.s. 1.50. Mamali, je ne voudrais pas te faire de la peine, et ne crois surtout pas que je n’ai pas de plaisir aux choses que tu m’envoies, mais si je t’écris de ne plus m’en envoyer, c’est que je suis bien servie ici maintenant, et ainsi tu n’as pas tous ces frais de port et moi quelquefois de la douane. A Keboemen c’était autre chose, là je ne pouvais rien acheter, mais ici je suis sur place.
Elle ajoute en rouge : Continué à la main, sans double



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