9 décembre 1934
Käpumän (Keboemen…)
Hip, hip,
Hurra ! pour mon Faaather avec ses canetons, oies etc. pour le succès
qu’il a eu. J’en suis très très contente, et souhaite de tout cœur que cela
rapporte. Mon Fatherli, je suis tellement contente et fière de toi aussi. Je
suis bien aise que tu aies eu du plaisir au timbre et naturellement que je
ferai mon possible pour t’en envoyer à toutes les occasions. Le deuxième
timbre, c’est Oscar qui l’a envoyé à son père qui a suivi toute la course à son
radio avec enthousiasme C’est aussi Oscar qui a tâché d’en avoir, de ces
timbres, car ils étaient très recherchés.
Mon
macaroni, écoute, est-ce que ces
diadèmes dont tu m’en as envoyé un exemplaire, sont terriblement
chers ? Vois-tu, ton idée a été excellente, le tien ne me quitte plus,
c’est si pratique, j’en suis ravie. Faaather, comprends-tu? S’ils sont trop
chers, c’est sûr je n’en veux plus, mais, mais… si le prix est abordable, comme
je crois me rappeler d’après ce que tu m’en a dit dans un de tes lettres, je te
serais très reconnaissante si tu, eh, oui, tu comprends bien, pas ? Vois-tu
cette barrette n’a pas besoin d’être magnifique. Achète seulement la plus
simple, la meilleure marché. Cela me rend tant de services ici où je marche
toujours sans chapeau, les cheveux au vent, et aussi parce que mes cheveux
voient si rarement un coiffeur. Avec cette barrette j’arrive bien à dissimuler
les défauts des mauvaises coupes. Maintenant je vais les laisser pousser, mes
cheveux, pendant 4 mois, pour ensuite pouvoir faire faire une permanente avec
boucles. Je pense que je la ferai faire en mai ou commencement juin. Jusque là,
je serai très contente des bigoudis de maman. Ach, mes chers, en partant je
m’étais bien promis de ne pas tomber dans l’habitude de vous demander un tas de
choses à tout bout de champ, et voilà que je le fais tout de même, mais je vous
promets de faire mon possible pour ne plus trop vous importuner à
l’avenir !!!
J’ai reçu
cette semaine la robe de Hedy pour laquelle je n’ai pas dû payer un sou de
douane. Je pense que cela provient de ce que la robe était bien chiffonnée et à ces yeux de douaniers, ne représentait pas
plus qu’une serpillère de fine qualité ! Heureusement que les douaniers ne
sont pas des femmes, car alors je
n’aurais pas passé entre les gouttes ainsi. Cette robe aussi me va très bien,
je n’ai qu’un petit changement à faire au buste, le reste est parfait et je
vais la terminer aussitôt que ma correspondance est au point pour ce
courrier-ci. Mais c’est fait comme exprès, maintenant que j’aurais des robes
pour les temps froids, il faut beau temps, grand soleil et assez chaud, de
sorte que ce sont des robes légères que je dois porter. J’ai été m’en acheter
une, c’est à dire l’étoffe pour une petite robe que je vais essayer de faire
sur mon buste. C’est une sorte de piqué voile avec un semis de fleurettes,
l’étoffe ne me plaît qu’à moitié, mais que voulez-vous, elle revient à Fl. -.40
le coude, ou la coudée (env.50 cm),
je ne sais plus comme on dit. Je veux tâcher de l’avoir pour samedi prochain,
la fête de Buby. Il est retourné au travail aujourd’hui, il est tout à fait
guéri.
Pendant
l’absence de Buby, le jeune Blockhuis,
un des jeunes gens, celui qui depuis quelques temps travaille au bureau avec
Buby et dont je vous ai déjà parlé, je crois, aurait donc eu la meilleure
chance du monde de montrer ce qu’il savait en remplaçant Oscar, etc. En tous
cas, c’est ce que tout autre jeune homme intelligent aurait fait en pareille
circonstance, occasion unique pour gagner des galons. Eh bien, non, qu’est-ce
qu’il fait ce nigaud, il en prend à ses aises. C’est donc lui qui devait
remplacer Visser quand ce dernier était en tournée comme Buby le fait. Voilà
qu’un après-midi V. téléphone depuis Djocja à trois heures environ, et on lui
répond au bureau que Mr. Blockhuis n’a pas encore paru. Un autre jour, V.
rentre avant 5 heures et veut déposer l’argent apporté dans le coffre-fort, pas
de Blockhuis, pas de clef. Monsieur avait filé en ville, au tennis. Il paraît
que V. l’a engueulé de la bonne manière et l’a prévenu que la direction serait
avisée de sa conduite. Bah, V. pense aussi que B. devra filer à la fin de
l’année, ou quand Mr. Voskuil viendra. Il a eu sa chance, il n’en a pas
profité, tant pis. Naturellement nous savons nous taire. Nous avions déjà
appris la chose par le petit chinois
Liang, le meilleur employé de bureau que nous ayons et depuis qu’Oscar lui
a aidé avec quelques sous dans une circonstance difficile, il y a quelques
temps, il lui est dévoué corps et âme, il
fait tout ce qu’il peut pour nous, Oscar lui aide aussi à apprendre la
comptabilité, l’ayant incité à suivre un cours par correspondance. C’est un
jeune qui veut avancer, il travaille comme un cheval, très intelligent. Il
gagne Fl. 50.--, par mois, avec cela il est marié,
il entretient sa mère et paye des études à son jeune frère qui est à Batavia.
Oscar l’aime beaucoup et vice-versa aussi.
Mes chers,
je suis assise au jardin, sous mon bel arbre de gedongdong, à l’ombre de son feuillage touffu et de mon pajong (parasol) multicolore, les
oiseaux chantent, les insectes ronronnent, les papillons butinent, le ciel est
bleu, le soleil brille, les fleurs fleurissent, mes trois bosquets de sureau
sont remplis de fleurs, c’est heimelig.
![]() |
pajong/parasol |
J’ai aussi un beau massif de zinnia de
toutes les couleurs qui fleurissent, c’est beau, c’est bon, c’est gai. Tipsie
qui veille sous ma chaise. Mais tout cela est bien loin de me rappeler que Noël est à la porte. Nous sommes tout à
fait dans une ambiance de Pâques. Mon sapin Wellington que je destine à mon
arbre de Noël a cru de 2m pendant cette année. N’est-ce pas fabuleux ? Il
y a 4 mois, j’ai dû lui faire couper le bout parce qu’il touchait les fils de
téléphone, non de lumière, et maintenant il les dépasse de nouveau au moins de
50cm minimum. Les branches de mon gedongdong aussi touchent par terre tout
autour, c’est comme un immense parasol, c’est chic.
Vous savez
donc que nous recevons un radio de
papa W. nous en sommes très contents. Vu qu’il nous fait ce cadeau nous lui
avons demandé si nous pouvions avoir celui de Fl. 275.-au lieu de celui de Fl.
250.--, que nous aurions acheté ! Nous n’attendons plus que sa réponse
pour faire de l’avant. Cela sera chic, gare ! Est-ce qu’il va encore le
vôtre à la maison ?
Le docteur
part donc de Keboemen le 17courant. Le 23 janvier il sera à Bâle, à l’Hôtel
Hofer. Hier soir nous lui avons encore une fois demandé sérieusement ce qu’il
pensait de nous ici, à cause de mes rhumatismes, etc. Il a dit que cela irait
très bien une fois que je serai mieux habituée et que j’aurai fait mes
expériences. Il m’a encore recommandé de ne pas prendre de remèdes, seulement
d’être prudente en m’habillant, et de vivre sainement, le moins de conserves
possible. Enfin, il nous a tout à fait tranquilisés et nous a dit que quand il
reviendrait, il voulait avoir du travail
de ma part !!! Avec cela il a été 5 ans ici avant d’avoir son premier
gosse ! Enfin, vous voyez que tout est pour le mieux. Il n’y a qu’une
chose dont je suis moins contente de lui, c’est qu’il a donné à Oscar la pleine
permission de fumer ! En
entendant cela j’ai fait de gros yeux, alors il a vite ajouté : oui, mais pas
exagérer !!!
Et
maintenant venons-en à tes lettres. Mon costume de ski, surtout les pantalons
de Amrein, fait du Kapoot militaire de mon Faaather, si ce n’est pas trop tard,
je ne veux pas que tu les vende. Oh non, je me réjouis tellement de
pouvoir les remettre quand nous viendrons en congé, stpl. si ce n’est pas trop
tard, ne le fais pas. Ou bien est-ce qu’il te faut absolument cet argent ?
Alors, fais-le, je ne veux pas m’y opposer. J’aimerais toutefois avant que tu
prennes de décision quant à mes choses, que tu m’écrives d’abord. Mes
livres aussi j’aimerais tellement les conserver, tous ceux que j’ai laissés en
Suisse, je regrette de ne pas les avoir pris avec. Ayez-en soin au moins, j’y
tiens tant.
Tu sais,
j’aimerais que tu gardes mes lettres un peu plus longtemps avec toi, au moins
jusqu’à ce que tu sois arrivée à me répondre, elles arrivent encore bien assez
tôt pour être lues à St Gall. Moi, cela m’embête, car souvent je te demande
quelque chose et je ne reçois jamais de réponse. Enfin, c’est pas du
tout pour te faire des reproches, oh non, seulement tu es toujours trop vite
prête à te sacrifier pour les autres, et ce que tu en as de plus, je puis bien
me le penser !
Demain,
dimanche, je vais essayer de faire un caneton au four, avec le four à charbon
qu’on a ici. Dommage qu’il ne soit pas pratique pour ouvrir et fermer souvent.
Tu sais, mon four ici, c’est simplement une grande marmite ronde en fer blanc,
posée sur 4 pieds. Alors on met des charbons
brûlants dessous et dessus le couvercle.
![]() |
aujourd'hui, au gaz.... |
Dedans on met la tourte, ou ce
qu’on veut rôtir ou cuire. Pour voir si c’est assez cuit, il faut enlever ce
couvercle avec une longue tige en fer ou en bambou, pour ne pas brûler à cause
des charbons posés dessus. Jans a un grand fourneau électrique, mais moi je ne
le voudrais pas, cela va trop long et c’est bien cher. D’ailleurs, comme je
vous l’ai déjà écrit, ces cuisines ici sont bonnes pour les baboes qui sont
très adroites avec ces feux de charbons et ne sauraient pas avoir assez soin
d’un beau fourneau.
Tu m’as
déjà demandé de t’envoyer des cartes postales. Oui, je le ferais avec grand
plaisir, mais le photographe qui les a prises n’en a plus. Quant aux photos que
Buby doit faire, elles viendront je ne les oublie pas mais il faut attendre le
bon moment. Surtout ces photos d’intérieur prennent beaucoup de temps et de
préparatifs, pour ajuster la lumière etc. Aussi ce mois-ci je ne peux pas trop
faire la bringue à Buby, il a déjà assez sur le dos, et le soir il rentre
fatigué et vite énervé. Il n’est jamais comme cela en temps normal, mais quand
il a du souci pour son travail, il faut le laisser tranquille. Je cesse aussi
de plaisanter en ces moments-là, car il n’a pas la patience. Au fond, cela ne
le gêne pas de beaucoup travailler, chacun doit le faire de nos jours, et si
longtemps que cela n’attaque pas sa santé, il n’y a pas à s’en faire. Seulement
ce que je regrette c’est qu’il n’a pas ces réflexes vifs, tels que nous les
connaissons. Après le travail au bureau nous sommes bien fatigués de la tête,
nous sommes énervés, nous sommes abattus, alors une bonne heure ou deux de
repos nous rend frais et dispos à entreprendre quoi que ce soit, une
distraction, une promenade, ou n’importe
quoi appartenant à la joie de vivre. Mon Buby, lui, quand il est fatigué
de la tête, il l’est aussi des jambes, après le thé, il n’y aurait pas moyen de
le bouger pour une petite promenade ou quoi que ce soit. Les soirées sont si belles
ici, et cela donne tant de belles impressions. Mais lui reste assis dans sa
chaise avec son livre et rien ne peut l’en tirer. Au commencement, j’essayais
quelques fois de le faire, mais maintenant je m’en vais seule jouir de la
nature. J’aime tant les étoiles ici, elles sont si grandes et si brillantes,
c’est merveilleux. Peut être qu’une fois à une autre place, avec plus de monde
qu’il se laissera aussi entrainer. C’est vraiment dommage que les gens soient
ainsi formidablement paresseux. Personne ne marche, John et Jans, les v. Tinteren,
pas moyen de les bouger pour faire quelques pas à pied. Ils sortent bien, ils
font des tours, mais toujours le derrière installé dans l’auto. Peut être
qu’une des autres fabriques, dans les endroits plus grands, je trouverai aussi
quelqu’un qui partagera mon goût. Oscar n’est à bouger que pour le tennis, ce
gamin ! Enfin, c’est la vie, il faut bien s’y faire.
C’est
samedi, ce soir, le jour du courrier par avion. Peut être que tout à l’heure je
recevrai une lettre de vous, je viens de voir le type du bureau aller à la
poste chercher les lettres.
Oui, le
courrier est bien arrivé avec ta lettre
77, grâce au padre. Bientôt tu
n’écriras plus que « gr.a.p. », pour ensuite tout à fait
oublier… enfin, méchante
taquineuse, va, mais enfin, je t’ai aussi taquiné et bien piqué la mouche avec
cela, hein ? Merci, merci de tout cœur pour vos bonnes lettres. J’ai aussi
reçu l’avis que mon béret est
arrivé, je pourrai le faire retirer lundi seulement. Je me réjouis et pourrai
encore te laisser savoir comment il me va. Je ne dois payer que 12 ½ cents, afleveringsrecht
(taxe de livraison).
Buby a dû
retourner au bureau, car M. Visser voulait téléphoner à 8 heures, mais Buby y
est resté une heure sans qu’un téléphone arrive. Maintenant il est de nouveau
assis ici vers son cher radio. Justement nous avons entendu une conférence de
Paris et aussi la Hollande que nous avons eue.
Je vous
avais écrit qu’Oscar avait demandé à la direction s’il devait essayer de
remettre son service à plus tard parce qu’il y avait si peu de personne à la Mexolie. Nous venons de recevoir la
réponse ce soir, que ce n’était pas
nécessaire. Donc c’est assez sûr que nous pourrons aller à Soerabaya en juillet, pour 3 semaines. Cela sera chic, car
en outre de sa paye ici, il recevra Fl. 10.---, par jour pour son entretien.
Nous allons chercher un petit hôtel bon marché, je prends ma bi-ba-boe avec
pour laver notre linge et ainsi nous aurons un bon temps j’espère.
Pour cette
époque-là, je dois encore coudre beaucoup, et m’y mettre fermement cette
fois-ci. Quand les collections d’été seront sorties, je te demanderai aussi de
me faire couper une à deux petites toilettes par Hedy. Peut être un organdi et
de la broderie. Tu pourrais peut être m’envoyer des échantillons. C’est sûr que
je ne voudrais pas du plus vieux stocks, il faut tout de même que ce soit
moderne, de l’année passée si cela se peut. Enfin, il faudrait alors que tu
puisses compter sur Hedy, qu’elle dise franchement si cela donnerait une belle
petite robe ou non.
Voilà
bonsoir, à demain la suite.
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