Kediri
27 décembre 1938
Mes bien
chers,
Encore
vite un mot avant que 1938 soit tout à fait passé. J’ai reçu la lettre de
Charlot ce matin, avec les salutations et les bons vœux de Loulou aussi, merci,
merci de tout cœur, Mynes Mamms, m’a aussi gâtée avec les bas et la petite
chemise pour Oscar que j’ai reçu ensemble ce matin. Merci mille fois. La petite
chemise est bien telle qu’il les porte ici, mais alors sans manches. Je suis
justement en train de découdre les manches, alors cela lui fera un très bon
vêtement. Quant aux bas, ils sont un
peu trop épais, et puis la couleur n’est plus moderne en effet.
Tu sais, le matin je ne porte jamais de bas, il fait trop chaud, et puis c’est
plus sain et plus sportif d’avoir les jambes et souvent aussi les pieds nus. Et
le soir quand je veux faire du chiqué, je mets des bas, mais alors ils doivent
être jolis comme en Europe, tout à fait à la mode. Vois-tu, ne t’en fais plus
pour moi, étant près de Soerabaya, je n’ai plus aucune difficulté de me
procurer quoi que ce soit. Aussi pour ces petites chemises pour Buby, la tienne
est bien trop bonne, une qualité trop solide, trop comme il faut. Ici les
japonais en livrent de très bonnes pour 75 cents, et quand elles sont fichues,
on les met aux pattes, car on en met deux propres par jour alors ces lavages
abîment bien les choses, et j’ai peur que les articles de Suisse soient tout de
même trop chers pour l’usage qu’on en fait ici.
Et Noël,
l’avez vous bien passé ? Oscar est parti en tournée le 21 décembre alors
je suis allée chez tante Engel en même temps et je suis restée là. Le 24 Oscar
est revenu en même temps que Boy depuis Soerabaya. Nous n’avons rien fait de
spécial, c’était heimelig, on a fait des jeux le soir, etc. Le jour de Noël, nous avons préparé le
dîner le matin, 2 oies, et un aspic etc.
C’était assez difficile de composer ce menu de Noël, car oncle Engelhart est
aussi au régime, et moi aussi et tante E. voulait suivre les deux régimes à la
fois. Enfin, on y est tout de même arrivées, et ce qui m’a un peu fait rire,
c’est que tante E. ne faisait rien sans me consulter. C’est moi qui lui ai
donné les instructions pour farcir les oies, les rôtir avec des champignons,
etc et pour faire l’aspic aussi. N’es-tu pas fière de ta Furzi,
Mamms ? La pomme ne tombe pas
loin de l’arbre, hein ? Le soir on a allumé l’arbre, et les hommes ont
fait une photo. Si elle a réussi, vous en aurez une. Puis on a distribué les
cadeaux et j’ai vraiment été gâtée. J’ai reçu une belle cuillère en corne avec
des motifs en argent, pour le riz, quelque chose que je vais aussi une fois
vous envoyer pour vous servir votre riz le dimanche. J’ai aussi encore reçu un
immense sac à ouvrage que tante E. a brodé elle-même. Buby, lui, a reçu un
cendrier et un beau livre très intéressant. Moi je n’avais que des cigarettes
pour les hommes Engelhart, et un fichu pour tante E. Ils nous ont vraiment
gâtés, et elle avait fait venir un tas de bonnes choses depuis S’baya. Nous
sommes revenus hier dans l’après midi, Oscar avec un rhume terrible qu’il a
pris dimanche matin, le jour de Noël en jouant au tennis. Ce matin il avait un
peu de température, mais il a quand même été travailler, et à 1 heure ils sont
partis en tournée de 4 jours. Comme ils coucheront trois soirs à S’baya, j’ai
décidé d’y aller aussi, et demain matin
à 7 heures je vais prendre le train et je retrouverai Buby le soir à
l’hôtel. Je vais surtout pour aller au dentiste,
il y a mes deux dents de devant qui ont des trous.
Je vais
profiter d’être à S’baya pour choisir de l’étoffe pour nos chaises du salon.
Elles sont quand même trop vilaines pour encore les employer ici et comme nous
ne savons pas encore quand nous pourrons venir en Europe, nous avons décidé de
faire la dépense. J’espère que je trouverai quelque chose à mon goût et pendant
que nous sommes encore à l’hôtel, nous avons tout le temps de faire recouvrir
ces chaises. C’est le cadeau de Noël que nous nous donnons, les deux.
Quant à la
Mies (fille Engelhart), je ne sais
pas si elle viendra encore en Suisse. Pendant que nous étions là chez les E.
ils ont reçu une lettre d’elle où elle racontait qu’elle n’avait plus de ronds
et elle en demandait pour son voyage à Gênes, disant qu’elle ne pourrait même
pas aller en Suisse. Les parents lui ont fait envoyer de l’argent, mais je ne
sais pas ce qu’elle fera maintenant, ni si ce nouveau renfort suffira jusqu’en
Suisse !!! J’espère donc qu’elle ne vous causera pas une nouvelle
déception d’une manière ou d’une autre. Ce Boy, il m’a l’air assez gentil, mais
je n’ai pas pris la peine d’apprendre à le connaître très bien, je lui en veux
toujours de ce qu’il vous a fait quand il aurait dû venir au Chalet.
Naturellement j’attends une occasion pour mettre cela au clair, avant que cette
affaire soit au clair je ne tiens pas à son amitié.
Est-ce que je t’ai seulement remerciée
de ta 196, Mamms de mon cœur ?
C’est toujours si bon de recevoir tes lettres, et surtout autour de Noël etc.
Enfin, cette année j’ai été assez gâtée, la Bänggu, cette bonne âme, m’a aussi
écrit et moi je ne l’ai pas fait, n’ayant pas eu son adresse. Je vais le faire
pour sa fête. Aussi à la Giggerli, je n’ai pas écrit, mais je vais le faire
sous peu. Je veux encore profiter de liquider toute ma correspondance pendant
que je suis ici à l’hôtel et que je n’ai rien à faire. Maintenant les pluies
ont percé, il pleut tous les jours régulièrement et le climat est redevenu
normal et agréable. Je commence aussi à m’habituer à cette vie à l’hôtel et je
n’y plais bien mieux que les premiers jours qui étaient affreux.
Je pense
que nous irons de nouveau chez les Engelhart pour Nouvel An à moins qu’on reste
ici et qu’on aille se coucher, sans fêter. J’ai su me «blinder » pour
cette année-ci contre les fêtes et tous les sentiments qu’elles éveillent. Même
à Noël, avec l’arbre je n’ai pas pleuré
ou du moins je n’ai eu qu’une petite larme (de crocodile) au coin de l’œil.
Cela sera ainsi pour la nouvelle année aussi.
Ce soir
j’ai eu la visite de Hoekman, le
comptable de la Mexolie, qui aurait voulu avoir la place de Buby ici. Il
est venu m’apporter quelque chose, alors je l’ai invité à boire quelque chose
et j’ai parlé et j’ai été amicale, en me disant : attends Bibi, on
t’aura ! Il a déjà changé vis à vis de Buby et j’ai bon espoir qu’on
finira bien par s’entendre, une fois que ces Sayers seront loin, et si Elout ne
met pas trop les bâtons dans les roues. Oscar trouve qu’ici l’administration de
la fabrique, c’est beaucoup de bruit pour peu de chose, du moins quand ces
types se plaignent d’avoir tant de travail. Je ne sais pas encore s’il a raison, l’avenir le montrera,
mais en tous cas, il n’a pas peur qu’il ne puisse pas suffire à son travail. Je
ne sais vraiment pas dans quel but Elout m’a dit si sérieusement qu’il avait
peur que Buby ne soit pas capable de diriger Kediri. Nom d’une pipe, il y a des
machinations qui ne sont pas des plus claires dans toute cette affaire. Enfin, qui vivra verra. Mais on en a
des jaloux ! Il me semble même que le père Engelhart soit un peu jaloux de
Buby, car nous gagnons plus qu’eux, maintenant, et lui ne peut plus monter plus
haut, étant déjà trop vieux. Tu sais, il n’est pas jaloux méchamment, non pas
cela, mais un peu envieux quand même.
![]() |
Dodge 1939 |
Il y a aussi de quoi, quand on nous voit
rouler dans cette grande voiture, et le premier janvier elle sera échangée
contre une Dodge modèle 1939. Toutes
les années la fabrique les reprend contre une neuve, ainsi nous roulons toujours
aussi safe que possible.
Et voilà,
mes chers, vous êtes de nouveau un peu au courant de ce que je fiche, il me
reste plus qu’à vous souhaiter encore une fois mille et mille bons vœux pour la
nouvelle année et surtout la bonne santé à chacun de vous. Padre, mon cher
vieux Macaroni, je t’envoie un bon muntschi. Aux garçons également. Comment va
la main de Loulou ? Et toi, mynes Rötteli mia carissima, alias Mamms de
mon cœur et Sou-Frou (sale femme), un bon muntschi aussi qui contient tout le
cœur de votre Ge…. et son Buby
P.S. J’ai
reçu aujourd’hui une lettre de la meilleure amie de Linette (sœur décédée d’Oscar), qui est ici aux
Indes aussi. Je me réjouis de pouvoir la voir une fois.
J’ai répondu
aux Gassmann (propriétaires du Journal du
Jura)
Bien des
amitiés à Minna !
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