dimanche 12 février 2017




Kediri

27 décembre 1938

Mes bien chers,
Encore vite un mot avant que 1938 soit tout à fait passé. J’ai reçu la lettre de Charlot ce matin, avec les salutations et les bons vœux de Loulou aussi, merci, merci de tout cœur, Mynes Mamms, m’a aussi gâtée avec les bas et la petite chemise pour Oscar que j’ai reçu ensemble ce matin. Merci mille fois. La petite chemise est bien telle qu’il les porte ici, mais alors sans manches. Je suis justement en train de découdre les manches, alors cela lui fera un très bon vêtement. Quant aux bas, ils sont un peu trop épais, et puis la couleur n’est plus moderne en effet. Tu sais, le matin je ne porte jamais de bas, il fait trop chaud, et puis c’est plus sain et plus sportif d’avoir les jambes et souvent aussi les pieds nus. Et le soir quand je veux faire du chiqué, je mets des bas, mais alors ils doivent être jolis comme en Europe, tout à fait à la mode. Vois-tu, ne t’en fais plus pour moi, étant près de Soerabaya, je n’ai plus aucune difficulté de me procurer quoi que ce soit. Aussi pour ces petites chemises pour Buby, la tienne est bien trop bonne, une qualité trop solide, trop comme il faut. Ici les japonais en livrent de très bonnes pour 75 cents, et quand elles sont fichues, on les met aux pattes, car on en met deux propres par jour alors ces lavages abîment bien les choses, et j’ai peur que les articles de Suisse soient tout de même trop chers pour l’usage qu’on en fait ici.
Et Noël, l’avez vous bien passé ? Oscar est parti en tournée le 21 décembre alors je suis allée chez tante Engel en même temps et je suis restée là. Le 24 Oscar est revenu en même temps que Boy depuis Soerabaya. Nous n’avons rien fait de spécial, c’était heimelig, on a fait des jeux le soir, etc. Le jour de Noël, nous avons préparé le dîner le matin, 2 oies, et un aspic etc. C’était assez difficile de composer ce menu de Noël, car oncle Engelhart est aussi au régime, et moi aussi et tante E. voulait suivre les deux régimes à la fois. Enfin, on y est tout de même arrivées, et ce qui m’a un peu fait rire, c’est que tante E. ne faisait rien sans me consulter. C’est moi qui lui ai donné les instructions pour farcir les oies, les rôtir avec des champignons, etc et pour faire l’aspic aussi. N’es-tu pas fière de ta Furzi, Mamms ?  La pomme ne tombe pas loin de l’arbre, hein ? Le soir on a allumé l’arbre, et les hommes ont fait une photo. Si elle a réussi, vous en aurez une. Puis on a distribué les cadeaux et j’ai vraiment été gâtée. J’ai reçu une belle cuillère en corne avec des motifs en argent, pour le riz, quelque chose que je vais aussi une fois vous envoyer pour vous servir votre riz le dimanche. J’ai aussi encore reçu un immense sac à ouvrage que tante E. a brodé elle-même. Buby, lui, a reçu un cendrier et un beau livre très intéressant. Moi je n’avais que des cigarettes pour les hommes Engelhart, et un fichu pour tante E. Ils nous ont vraiment gâtés, et elle avait fait venir un tas de bonnes choses depuis S’baya. Nous sommes revenus hier dans l’après midi, Oscar avec un rhume terrible qu’il a pris dimanche matin, le jour de Noël en jouant au tennis. Ce matin il avait un peu de température, mais il a quand même été travailler, et à 1 heure ils sont partis en tournée de 4 jours. Comme ils coucheront trois soirs à S’baya, j’ai décidé d’y aller aussi, et demain matin à 7 heures je vais prendre le train et je retrouverai Buby le soir à l’hôtel. Je vais surtout pour aller au dentiste, il y a mes deux dents de devant qui ont des trous.
Je vais profiter d’être à S’baya pour choisir de l’étoffe pour nos chaises du salon. Elles sont quand même trop vilaines pour encore les employer ici et comme nous ne savons pas encore quand nous pourrons venir en Europe, nous avons décidé de faire la dépense. J’espère que je trouverai quelque chose à mon goût et pendant que nous sommes encore à l’hôtel, nous avons tout le temps de faire recouvrir ces chaises. C’est le cadeau de Noël que nous nous donnons, les deux.
Quant à la Mies (fille Engelhart), je ne sais pas si elle viendra encore en Suisse. Pendant que nous étions là chez les E. ils ont reçu une lettre d’elle où elle racontait qu’elle n’avait plus de ronds et elle en demandait pour son voyage à Gênes, disant qu’elle ne pourrait même pas aller en Suisse. Les parents lui ont fait envoyer de l’argent, mais je ne sais pas ce qu’elle fera maintenant, ni si ce nouveau renfort suffira jusqu’en Suisse !!! J’espère donc qu’elle ne vous causera pas une nouvelle déception d’une manière ou d’une autre. Ce Boy, il m’a l’air assez gentil, mais je n’ai pas pris la peine d’apprendre à le connaître très bien, je lui en veux toujours de ce qu’il vous a fait quand il aurait dû venir au Chalet. Naturellement j’attends une occasion pour mettre cela au clair, avant que cette affaire soit au clair je ne tiens pas à son amitié.
 Est-ce que je t’ai seulement remerciée de ta 196, Mamms de mon cœur ? C’est toujours si bon de recevoir tes lettres, et surtout autour de Noël etc. Enfin, cette année j’ai été assez gâtée, la Bänggu, cette bonne âme, m’a aussi écrit et moi je ne l’ai pas fait, n’ayant pas eu son adresse. Je vais le faire pour sa fête. Aussi à la Giggerli, je n’ai pas écrit, mais je vais le faire sous peu. Je veux encore profiter de liquider toute ma correspondance pendant que je suis ici à l’hôtel et que je n’ai rien à faire. Maintenant les pluies ont percé, il pleut tous les jours régulièrement et le climat est redevenu normal et agréable. Je commence aussi à m’habituer à cette vie à l’hôtel et je n’y plais bien mieux que les premiers jours qui étaient affreux.
Je pense que nous irons de nouveau chez les Engelhart pour Nouvel An à moins qu’on reste ici et qu’on aille se coucher, sans fêter. J’ai su me «blinder » pour cette année-ci contre les fêtes et tous les sentiments qu’elles éveillent. Même à Noël, avec l’arbre je n’ai pas pleuré ou du moins je n’ai eu qu’une petite larme (de crocodile) au coin de l’œil. Cela sera ainsi pour la nouvelle année aussi.
Ce soir j’ai eu la visite de Hoekman, le comptable de la Mexolie, qui aurait voulu avoir la place de Buby ici. Il est venu m’apporter quelque chose, alors je l’ai invité à boire quelque chose et j’ai parlé et j’ai été amicale, en me disant : attends Bibi, on t’aura ! Il a déjà changé vis à vis de Buby et j’ai bon espoir qu’on finira bien par s’entendre, une fois que ces Sayers seront loin, et si Elout ne met pas trop les bâtons dans les roues. Oscar trouve qu’ici l’administration de la fabrique, c’est beaucoup de bruit pour peu de chose, du moins quand ces types se plaignent d’avoir tant de travail.  Je ne sais pas encore s’il a raison, l’avenir le montrera, mais en tous cas, il n’a pas peur qu’il ne puisse pas suffire à son travail. Je ne sais vraiment pas dans quel but Elout m’a dit si sérieusement qu’il avait peur que Buby ne soit pas capable de diriger Kediri. Nom d’une pipe, il y a des machinations qui ne sont pas des plus claires dans toute cette affaire.  Enfin, qui vivra verra. Mais on en a des jaloux ! Il me semble même que le père Engelhart soit un peu jaloux de Buby, car nous gagnons plus qu’eux, maintenant, et lui ne peut plus monter plus haut, étant déjà trop vieux. Tu sais, il n’est pas jaloux méchamment, non pas cela, mais un peu envieux quand même.
Dodge 1939

 Il y a aussi de quoi, quand on nous voit rouler dans cette grande voiture, et le premier janvier elle sera échangée contre une Dodge modèle 1939. Toutes les années la fabrique les reprend contre une neuve, ainsi nous roulons toujours aussi safe que possible. 
Et voilà, mes chers, vous êtes de nouveau un peu au courant de ce que je fiche, il me reste plus qu’à vous souhaiter encore une fois mille et mille bons vœux pour la nouvelle année et surtout la bonne santé à chacun de vous. Padre, mon cher vieux Macaroni, je t’envoie un bon muntschi. Aux garçons également. Comment va la main de Loulou ? Et toi, mynes Rötteli mia carissima, alias Mamms de mon cœur et Sou-Frou (sale femme), un bon muntschi aussi qui contient tout le cœur de votre Ge…. et son Buby

P.S. J’ai reçu aujourd’hui une lettre de la meilleure amie de Linette (sœur décédée d’Oscar), qui est ici aux Indes aussi. Je me réjouis de pouvoir la voir une fois.
J’ai répondu aux Gassmann (propriétaires du Journal du Jura)
Bien des amitiés à Minna !










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