Kediri
18 janvier 1939
Je réponds
vite à ta lettre 198, je viens de la
recevoir hier soir. Merci pour tous les bons vœux et toutes les belles choses
que tu m’annonces. C’est vrai, je m’en réjouis beaucoup et je suis contente de
pouvoir y rêver aussi longtemps à l’avance. Mais tu me gâtes trop. Ce n’est pas
permis, tu le sais bien. Si tu veux encore me faire un bon gros plaisir, c’est
de me dire ce que coûte ce costume de sport que tu as fait faire chez Hedy. Je
serai très contente de l‘avoir et je veux le payer moi-même. Les petits
chapeaux et leurs accessoires tu pourrais me faire cadeau, mais le costume et
les souliers, j’estime que c’est à moi de les payer. Donc stpl dis-moi ce que
cela coûte.
Avant que
j’oublie : je t’ai donc remerciée pour tout ce que j’ai reçu, et je m’aperçois
que le jumper de Buby ne nous est pas parvenu. Il faudrait donc faire faire des
recherches à la poste, de votre côté, et par retour du courrier fais-moi savoir :
Où tu as
adressé le paquet
Quand tu
l’as expédié
Quel no il
porte, puisqu’il est chargé (recommandé/enregistré).
Quand
j’aurai ces indications, je pourrai faire faire des recherches de mon côté et
il y aura moyen qu’on puisse le retrouver. Je regretterais énormément si je ne
le recevais pas, car c’est pourtant un jumper que toi, tu as tricoté ? Ou
est-ce un pullover acheté ? Quoi qu’il en soit, on ne va pas faire cadeau
de cela à la poste. Ecris-moi donc aussi vite que possible à ce sujet stpl.
Cadeau
Huber : mais oui, j’avais bien l’intention de lui envoyer une
petite chose en argent, mais ensuite je l’ai de nouveau oublié. Mais Rötteli,
comment est-ce que tu es arrivée à le
lui raconter, voyons, tu aurais dû garder
cela pour toi et lui laisser la surprise. Si tu fais des choses pareilles,
je n’ose plus tout t’écrire... Le mois prochain, je vais lui envoyer quelque
chose, car ce type de Djocja (Yogjakarta)
a déjà été ici ce mois et je n’ai rien acheté que je puisse faire cadeau à
madame Huber. Mais je ne vais pas l’oublier, t’en fais pas. Et ne va pas croire
que je sois fâchée parce que tu l’as dit et que cela m’oblige à le faire. Non,
non, j’allais le faire comme que comme une fois ou l’autre, seulement à l’avenir ne va pas raconter les
choses trop vite et surtout ne raconte
pas trop aux gens, sans quoi je n’ose plus tout t’écrire dans mes lettres.
Chapitre Mies : tout ce que tu m’écris
confirme en quelque sorte mon pressentiment et mes appréhensions (est-ce que
c’est du français, ce mot-là ?) de ce côté-là. Tu as eu bien raison de
m’avertir, c’est à dire, je le sentais déjà tout seule, mais je suis contente
de savoir à l’avance que je ne me suis pas trompée. La tante Engel aura du fil
à retordre avec elle. Si elle est « hotche » (étroite d’esprit, pas très intelligent) c’est
qu’elle l’a hérité. Toute la famille Engelhart, donc du côté de lui, sont
hotche, tous, sans exception, ses sœurs, ses nièces et neveux, enfin tous ceux
que je connais, sauf tante Engel et sa famille à elle, donc ses frères etc.
Mais tu te trompes si tu as peur que je vais me charger de la changer, ah, bien
non, la Näggeli ne s’appelle pas Rötteli. N’est-ce pas, chère ? «pense-te !
si une jeune fille n’est pas arrivée à quelque chose avec toutes les occasions
qu’elle a eues d’apprendre et de se perfectionner, elle ne l’apprendra plus.
D’ailleurs, j’ai déjà pensé que ce ne sera pas sans difficultés quand cette
Mies sera là, il me faudra être très diplomatique, bon sang ! Aussi je ne
vais pas aller trop souvent chez eux, mais je laisserai plutôt tante Engel
venir vider son cœur vers moi, et je prévois qu’elle en aura besoin. Je
comprends aussi qu’ils m’aiment bien ces deux, je suis tout de même autrement,
nom d’une pipe ! Que la Mies n’ait pas admiré les Alpes quand elle se
promenait avec toi, cela je peux le comprendre. Elle ne pourra pas bien se
donner, et elle aura probablement trouvé que toi tu étais trop expansive dans
ton admiration. Buby aussi ne peut pas s’exprimer ainsi non plus, et si nous
vivions près de vous, tu me dirais souvent : pourquoi est-il si
tranquille, pourquoi ne dit-il rien, n’a-t-il pas de plaisir ? pourquoi
est-il ainsi, etc etc. et à la fin, moi, je penserais aussi, eh oui, pourquoi
est-il ainsi ? Tandis que maintenant je le prends comme il est, je l’aime
comme il est et je t’assure qu’il est souvent encore meilleur que je ne
pense ! Pour en revenir à la Mies, donc ne t’en fais pas pour moi, je
saurai très bien me tirer de cette affaire-là ! Je vais m’arranger pour
encore aller chez tante Engel avant que la Mies arrive, après m’aurai toujours
l’excuse que je ne veux pas les déranger dans leur joie de se revoir !!!
De cela, elles ne pourront jamais m’en vouloir et ainsi je pourrai rester à
l’écart, car tu penses bien que je ne veux pas non plus me mêler dans leurs
chicanes, qui j’en suis sûre, seront nombreuses. Pauvre tante Engel. Bon sang,
elle n’est pas sans défaut non plus, elle n’a pas de goût, ni pour ses habits,
ni pour son intérieur, mais elle a beaucoup de bonne volonté pour chacun, et
elle a un très bon cœur. Cela je ne
l’oublie pas, mais il y a aussi bien des choses que je ne voudrais pas lui
dire. Encore une fois, il faut prendre chacun comme il est et surtout il faut
traiter chacun d’après sa propre mesure.
Et
maintenant, Rötteli sale femme que tu es, dis-moi une fois si tu veux encore de
ces petites cuillères, et quel genre ? Je t’ai déjà demandé souvent, car
je voulais te compléter l’envoi. A présent je ne me rappelle plus bien combien
je t’en ai envoyées et quel genre. Raconte-moi cela au plus vite. J’ai encore
l’occasion d’acheter de ces choses-là ici à Kediri et il faut en profiter. Je
trouve ces petites cuillères en écaille très distinguées, pas toi ?
Mais
maintenant, il faut encore que je te gronde, et cela sérieusement à cause de
Nauheim. Voyons, cela, c’était intelligent de t’en faire tellement parce que
cela coûtait tant. Puisque tu avais décidé de faire cette cure alors qu’il
fallait en profiter 100%. Maintenant tu as dépensé l’argent et cela ne t’a pas
fait de bien, alors qu’autrement tu aurais dépensé cet argent, avec profit.
Maintenant il faudra que j’économise encore plus, et quand je viendrai en
Suisse, il faudra que je prenne ma Rötteli pour aller avec elle faire une cure,
mais alors gare ! Chaque matin je vais te sermonner pour t’apprendre à
jouir de ta cure. Car il faut absolument que tu sois en santé pour venir ici.
Je sais déjà quel lit je t’achèterai quand tu viendras ici, pour que tu puisses
bien dormir !!!
Quant à
cette petite opération qu’il faut
que je fasse faire, je ne peux pas la faire faire avant que mon docteur de
Bandoeng m’y autorise, et il ne le fera que quand il sera tout à fait satisfait
de moi. Donc ne t’en fais pas, en Hollande les docteurs font très attention que
les femmes n’aient pas d’enfant quand elles ne sont pas tout à fait en santé,
du moins quand c’est en leur pouvoir, et ce dr. van Leeuwe ne me permettra pas
de faire faire cette opération avant qu’il puisse prendre cette responsabilité
sur lui, et Bernard (le mari de Ir, à
Bandoeng) lui obéira en tout. Je te dis, c’est tellement bien d’avoir ce
docteur en qui nous puissions avoir toute confiance. Mais il m’a bien dit que
le plus vite ce serait, le mieux ce serait, car je vais avoir 32 ans et il ne
faudrait plus trop attendre, surtout pour le premier.
Chapitre Sayers : je
pourrais de nouveau t’en raconter des tas, mais ce sera pour une autre fois, je
veux que cette lettre parte et je dois la donner à Buby tantôt. Nous avons été
au Soos hier soir, il y avait un cabaret français. C’était pas mal, ce qui me
plaisait le mieux, c’est que nous avons tout de suite été salués et entourés
par les membres du Rotary. Adieu la solitude je ne crois pas qu’elle existera
ici à Kediri.
Oui, ce
Max, il commence par être puni, à chacun son tour, hein ? Je vais encore
lui écrire pour sa fête, et dis-lui seulement qu’il n’a pas besoin de répondre
à mes lettres, seulement qu’il m’envoie de temps en temps de l’étoffe !!!
Tu n’iras pas le lui dire, mais entre nous, c’est bien ce que j’espère !
Réponds à tout ce que je te demande dans mes lettres, gäll ? La semaine
prochaine on prend possession de notre maison, je n’écrirai donc plus si
souvent les prochains temps. Tu comprends, hein ? Et après je commencerai
de nouveau ….. pas terminée
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