mercredi 22 février 2017




Kediri

2 février 1939
A la main

Mes bien chers,
Vite quelques mots pour vous dire que nous allons bien et j’espère qu’il en est de même pour vous. Je suis entrée dans notre maison le 23 janvier et le jour après j’ai de nouveau eu une attaque de foie. Je suis restée au lit 2 jours, c’était pas gai dans tout ce cheni, mais je n’en faisais pas et maintenant la maison est presque en ordre.

Je continue à la machine, cela va quand même plus vite. Donc, quand tout me faisait mal ainsi, j’ai fait venir le docteur qui a bien constaté une nouvelle de ces crises. Je pense qu’elle provenait de ce que la nouvelle koki (baboe cuisinière) a employé trop de graisse pour la rijsttafel, et aussi parce que j’étais très fatiguée. Enfin, Buby qui devait partir en tournée a fait tous les soirs 100 km de plus pour revenir coucher à la maison, afin de ne pas me laisser trop seule dans la nouvelle maison. Maintenant cela va de nouveau bien, et je suis heureuse de pouvoir enfin avoir ma diète et d’avoir une bonne koki sous mes ordres.
L’emménagement dans la maison n’a pas été sans peine. La madame Sayers l’a laissée dans un état épouvantable, malgré que je lui aie dit plusieurs fois que je voulais avoir le salon tout à fait vide, elle ne pouvait pas se résoudre à ranger ses meubles. A la fin elle est partie, disant que son mari règlerait tout. Le lendemain de son départ, je vais voir la maison : rien n’était rangé. Dans la chambre à coucher traînaient encore de vieilles pantoufles, des fleurs artificielles, les jouets de la petite fille n‘étaient pas rangés, tout traînait là, c’était dégoûtant et j’ai été bien fâchée. Comme Mr. van Mastwyk (de la direction de Batavia) était justement là et logeait à l’hôtel avec nous, je ne me suis pas gênée pour lui en dire quelques mots. Il m’a donné raison en ce sens que j’avais bien le droit d’entrer dans une maison vide et en ordre. A la cuisine, madame S. m’avait demandé si je voulais avoir les tablards. J’ai dit que je voulais bien les employer puisqu’ils étaient fixés et que moi j’avais laissé les miens à Tjilatjap. Je pensais que c’était une chose bien comprise et liquidée, mais voilà quand je vais voir à la cuisine après son départ, ces tablards étaient pleins, mais archi pleins de vieux cheni, des vieilles lampes, des vases, enfin un tas de choses qu’on conserve et que certainement je ne me sentais pas le droit de jeter. Alors la Näggeli n’a pas fait long procès, elle a demandé à Mr. Sayers de venir avec elle vérifier si tout était en ordre, elle l’a conduit à la cuisine et lui a dit : Là, Monsieur, il a été convenu que j’aurais l’emploi de ces tablards et pour cela il faut qu’ils soient vides. D’un autre côté je n’ai aucune envie et ni le droit de jeter toutes ces choses qui vous appartiennent, veuillez le faire vous-même. Alors vous auriez dû voir ce Sayers qui s’est mis à faire de l’ordre tout en jurant tant et plus pendant que moi je restais plantée à côté à le regarder. Oscar lui, se gênait pour Sayers, aussi il n’est pas resté avec nous mais se promenait dans le jardin, aber ds Näggeli hets düre gstieret (la Nägeli s’est imposée). Comme cela il y a un tas de choses qui ne jouaient pas, ils nous ont trompés dans mille et une petites choses.
A l’instant, je reçois ta Stämpere 199, et j’en suis si contente, merci, merci de tout cœur. Tu aurais dû voir comme je l’ai arrachée des mains de la baboe ! Mais je vais vite continuer à écrire tout ce que j’ai sur le cœur car je n’ai pas beaucoup de temps.
Dans mes lettres précédentes, je vous ai souvent parlé de Hoekman, le bras droit de Buby ici et je vous ai dit comme Elout l’avait prévenu contre nous, mais que nous avions réussi à le tourner de sorte qu’il est devenu aimable et amical. C’est un type que nous aimions bien, Oscar et moi, il m’était aussi sympathique et tout laissait prévoir que l’entente serait bonne entre nous. Au bureau aussi, cela allait bien, les deux hommes s’entendaient bien pour le travail. Hier il est rentré avec Buby à midi pour boire un verre de bière, nous avons causé et ri jusqu’à 1 ½ heure, ensuite il est rentré pour dîner. Hier soir Oscar rentre du bureau blanc comme un linge et tout à fait dérangé. Vers trois heures, Hoekman avait reçu un téléphone, paraît-il qu’il devait se rendre chez le juge et… ils l’ont gardé là, en prison, directement, pour la même chose (il est homosexuel) que le frère à mademoiselle Probst. Ce Hoekman est un homme instruit, développé, distingué et il en souffre terriblement. Nous en sommes tous malades, nous n’en avons pas dormi toute la nuit. Hier soir j’ai été fermer sa maison qui est si jolie bien propre et en ordre, et de penser que lui passait la nuit à la prison. Il ne peut naturellement plus rester à la Mexolie et maintenant c’est Mogendorff qui viendra ici, celui qui était notre successeur à Tjiltjap. Il arrivera cette nuit déjà, car Oscar ne peut en aucune façon diriger seul la fabrique. C’est naturellement un scandale terrible, c’est un procès monstre à Batavia qui dure déjà depuis plusieurs mois. Il y a des hautes personnalités qui sont accusées et des hommes desquels on le croirait le moins.
3.2.39 Hier soir Oscar a été voir Hoekman en prison, il paraît que c’est affreusement triste. Tout le monde ici en a eu un coup terrible et Hoekman avait beaucoup de très bons amis. Nous sommes encore sous le coup comme tous ses amis du reste. Ce matin est arrivé Mogendorff de Tjilatjap, lui aussi a eu un coup terrible, car c’était un bon ami à Hoekman également. Mogendorff loge ici chez moi jusqu’à ce qu’il ait sa propre maison. Sa femme est encore à Tjilatjap pour tout emballer ce qu’elle vient de déballer il y a quelques semaines !
Je viens de déballer une de mes dernières caisses, celle qui contenait nos lettres à Oscar et à moi, plus quelques livres et les papiers militaires de Buby. Bien, presque plus de la moitié a été mangée par les fourmis blanches. C’est une sorte de fourmi qui bâtit ces hautes tours, je crois qu’on les appelle les termites. La moitié de nos lettres sont rongées et certains livres reliés avec du carton très épais pourtant, sont mangés jusqu’à la moitié des pages, soit par le haut soit par le bas, c’est affreux à voir et j’en a beaucoup de chagrin, surtout à cause de nos lettres. Dans la même caisse se trouvait aussi ton livre de cuisine, par miracle il n’a pas été attaqué !
Maintenant vite réponse à ta lettre, je n’ai pas le temps d’écrire beaucoup cette fois-ci et vous ne m’en voudrez pas, hein ?
Ce lamé de Banely (Fanny), envoie-le moi tel qu’il est sans le faire laver chimiquement, je le ferai nettoyer ici, car pendant le voyage il y a bien des risques qu’il se salisse de nouveau. Toutefois il faudra l’envoyer emballé dans un boîte en fer blanc (boîte de cigarette etc) fermée avec du leukoplast ou quelque chose de pareil, ceci pour le voyage en mer qui gâte toutes les étoffes. Merci d’avance et aussi pour toutes les autres choses. J’y reviendrai quand je les aurai reçues. Si jamais Banely reçoit encore d’autres restes d’étoffes pour des robes, je me recommande si elle ne les emploie pas pour elle. Il y a longtemps que j’aimerais me faire un manteau du soir en velours mais je trouve que c’est encore trop cher, car un manteau du soir est vraiment du luxe. Toutefois si Fanny reçoit du velours qu’elle ne peut employer pour elle, alors hein, vous savez où l’envoyer.
Dimanche 5 février nous allons manger la rijsttafel chez tante Engel pour faire connaissance avec la Mies et moi pour recevoir mes jolies choses. J’espère qu’elle les aura avec elle, pas que je doive encore attendre  que ses malles soient arrivées. Je lui ai fait envoyer un panier de roses en guise de bienvenue ! Si je l’ai fait, c’est pour les ¾ pour tante Engel et un quart parce qu’elle m’apporte des choses de vous. Je suis bien contente que tu m’aies avertie, je serai quitte d’avoir une déception.
A la main dans les marges
Je répondrai plus tard au reste de ta lettre. Mlle Gétaz m’a remerciée pour le petit plat en métal ! Mais c’est de l’argent, bon sang ! Pourrais-tu lui donner un signe dans ce sens ? Je ne veux pas lui écrire pour lui dire que je lui ai fait un cadeau beaucoup plus cher qu’elle ne croit !!! C’est en argent 800. J’ai aussi reçu une lettre de Max !
Au revoir mes chers, votre Ge….


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