samedi 28 janvier 2017





Tjilatjap

18 octobre 1938
A sa maman

Quelle fête de recevoir ta lettre 192 et les belles photos. Celle du déménagement m’a rappelé bien des souvenirs de jours pareils dans le temps. C’est donc toujours encore la même chose, hein ? La photo au bord du lac de Thoune est bien jolie aussi, mais sur l’autre, où il y a des sapins derrière l’auto, tu es pourtant avec Banely et Minna. J’ai vraiment eu de la peine à reconnaître Minna qui est très élégante vraiment. Et la Banely aussi.
J’ai reçu la lettre de madame Raball qui n’a vraiment pas changé pour deux sous. Elle blague de tort à travers comme elle est heureuse, etc, et son grand logement et sa peinture sur porcelaine etc. et la fin de l’histoire c’est qu’elle compte que je revienne bientôt en congé, alors n’est-ce pas, c’est très intéressant d’avoir à dire « mon amie de Java ». Non, elle peut aller se faire f… elle ne me verra plus. Je vais répondre à sa lettre pour la politesse, mais c’est tout.
Vraiment la nouvelle au sujet de Max (veuf de Tata, tante de Nelly) m’a donné un choc, (sa jeune et récente épouse est morte). C’est presque pas croyable qu’il soit puni de la sorte. J’ai tout de suite pondu une lettre, car vraiment j’ai pitié, mais je pense qu’il n’est pas puni ainsi pour rien. Cela se peut très que cette jeune femme ait eu ma maladie, vu que cette encéphalite (Nelly a eu une encéphalite à 15 ans) est propagée par des microbes. Il se peut donc très bien que tes suppositions ne soient pas justes.
Je suis bien contente que tu aies ainsi joui de la Fiat. Merci encore de toutes les belles cartes postales que j’ai reçues. Merci aussi encore mille fois pour les beaux souliers. Ils sont ravissants et ils me vont comme un gant. Comment fais-tu pour les choisir selon mon pied. As-tu quelqu’un pour les essayer ? Dis-le moi. Ah, quel plaisir de les porter, d’être bien chaussée ! Plus de souliers chinois pour moi, sauf pour les sandalettes.

Nasi-goreng veut dire du riz rôti, c’est un plat spécial d’ici dont je t’ai donné la recette dans le temps, deux fois déjà.

Moi aussi j’ai prié en ces jours de septembre, et j’ai lu dans ma bible bien des fois. Bon sang ! j’avais si peur que je n’ai pas encore fini d’en rêver la nuit.
Depuis le mois d’août nous n’avons plus eu de nouvelles de papa W. et Oscar est un peu inquiet. Est-ce que Loulou ne pourrait pas nous donner un peu de nouvelles le concernant ? Comment cela va-t-il avec la Auntie (deuxième épouse de papa W.), est-ce de ce côté là que papa W. a des soucis ?
Je tâcherai de te faire le plaisir avec les chemises aux garçons, mais je ne peux pas promettre qu’elles soient à temps pour Noël. Je n’ai pas encore trouvé la soie qui me plaît et peut être que j’attendrai d’être à Soerabaya pour les faire faire. Enfin, je verrai.
Quant à un costume de bain, oui, tu peux bien m’en envoyer un autre, seulement cette fois-ci, tu n’en achèteras pas un trop fermé !!! J’ai mis le jaune citron deux fois pour aller nager ici, mais il ne va pas, il se détend sur les côtés de sorte que cela gonfle où il y a les bümeli (seins), et puis il est trop court, il y a les füdlibacke (fesses) qui sortent comme des saucisses. J’aimerais bien un costume de bain moderne, mais avec des bretelles sur les épaules, et puis il te faut faire attention à une bonne coupe, prends une marque connue telle que Jantzen, Goldfisch etc. Tweka  ou n’importe quoi qui ait une bonne réputation en Suisse. Dans un article pareil, il faut de la qualité. Comme déjà dit, tu n’auras pas besoin d’en acheter un pour une nonne, compris ?
J’aime mieux avoir des bretelles au dos, parce que mon dos nu n’est pas joli, j’ai les omoplates trop saillantes, alors des bretelles sont plus flatteuses, et aussi cela permet une meilleure coupe du costume. Combien as-tu payé ce jaune citron ? Je veux tâcher de le vendre. Dis-moi donc le prix stpl.

On a eu la visite de Elout (le supérieur de Oscar à Batavia) la semaine passée. C’est donc en ordre, nous allons à Kediri au commencement décembre. Les Saayers, administrateur de Kediri, ne partiront qu’en janvier, donc nous ne pourrons pas entrer dans notre maison avant et serons sans toit pour Noël cette fois-ci. J’ai déjà dit à Buby que nous tâcherons d’aller dans un hôtel dans la montagne, car nous préférons être les deux seuls qu’avec des gens qui ne nous sont pas trop sympathiques. Elout n‘était pas content cette fois-ci et a gueulé de tort à travers. Il voudrait aussi que je laisse mes meubles ici pour que Saayers n’ait pas besoin de déménager les siens de sa maison et pour que notre successeur ici, qui revient de Hollande et n’a pas encore de ménage, puisse gentiment s’installer dans le mien. J’ai répondu que j’étais toujours prête pour des combines pratiques, mais qu’il fallait aussi que j’y aie mon avantage et que dans ce cas-ci je ne pouvais pas voir d’avantage pour moi. Je ne suis donc pas dupe, et je vais prendre mes meubles avec. Alors Elout m‘a répondu que s’il voulait il pouvait me donner l’ordre de laisser mes meubles ici ! A ces mots, Oscar s’est mis sur ses éperons, nom d’une pipe, je ne l’ai jamais vu aussi fâché. Vraiment c’est une grande injustice de Elout. Nous sommes connus pour être très bon et serviables, mais il ne faut pas profiter de nous. Je pense que Elout a déjà promis aux Saayers que nous irions habiter dans leurs meubles et qu’ainsi ils seraient bien soignés pendant leur absence, et maintenant que je ne veux pas marcher dans la combine, il se trouve attrapé. Il faut en faire de toutes sortes des expériences !  Enfin, on verra encore comment cela se terminera. Ces Saayers sont des lèche-culs et Elout s’est laissé prendre à leur miel, mais c’est pas la Näggeli qui en sera la dupe.
Seulement il ne faut pas te faire de soucis à cause de cela, Mamms, nous saurons bien nous tirer d’affaire, et nous ferons notre possible pour que tout aille bien à Kediri. Heureusement que je me porte mieux à présent, ainsi c’est aussi plus facile de surmonter des difficultés pareilles. Elout n’en revenait pas de me voir si bonne mine.
Le dernier soir qu’il était ici, j’ai tout de même donné un petit dîner avec une bonne bouteille de vin et j’ai invité les Oliemans. C’était très gentil. Tu vois que la Näggeli n’est pas sans diplomatie !
Je te quitte pour cette fois-ci, je tâcherai encore d’écrire une lettre de famille.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire