Tjilatjap
18 octobre 1938
A sa maman
Quelle
fête de recevoir ta lettre 192 et
les belles photos. Celle du déménagement m’a rappelé bien des souvenirs de
jours pareils dans le temps. C’est donc toujours encore la même chose,
hein ? La photo au bord du lac de Thoune est bien jolie aussi, mais sur
l’autre, où il y a des sapins derrière l’auto, tu es pourtant avec Banely et
Minna. J’ai vraiment eu de la peine à reconnaître Minna qui est très élégante
vraiment. Et la Banely aussi.
J’ai reçu
la lettre de madame Raball qui n’a vraiment pas changé pour deux sous. Elle
blague de tort à travers comme elle est heureuse, etc, et son grand logement et
sa peinture sur porcelaine etc. et la fin de l’histoire c’est qu’elle compte
que je revienne bientôt en congé, alors n’est-ce pas, c’est très intéressant
d’avoir à dire « mon amie de Java ». Non, elle peut aller se faire f…
elle ne me verra plus. Je vais répondre à sa lettre pour la politesse, mais
c’est tout.
Vraiment
la nouvelle au sujet de Max (veuf de Tata, tante de Nelly) m’a donné
un choc, (sa jeune et récente épouse est
morte). C’est presque pas croyable qu’il soit puni de la sorte. J’ai tout
de suite pondu une lettre, car vraiment j’ai pitié, mais je pense qu’il n’est
pas puni ainsi pour rien. Cela se peut très que cette jeune femme ait eu ma
maladie, vu que cette encéphalite (Nelly a eu une encéphalite à 15 ans)
est propagée par des microbes. Il se peut donc très bien que tes suppositions
ne soient pas justes.
Je suis
bien contente que tu aies ainsi joui de la Fiat. Merci encore de toutes les
belles cartes postales que j’ai reçues. Merci aussi encore mille fois pour les
beaux souliers. Ils sont ravissants et ils me vont comme un gant. Comment
fais-tu pour les choisir selon mon pied. As-tu quelqu’un pour les essayer ?
Dis-le moi. Ah, quel plaisir de les porter, d’être bien chaussée ! Plus de
souliers chinois pour moi, sauf pour les sandalettes.
Nasi-goreng veut dire du riz rôti, c’est un
plat spécial d’ici dont je t’ai donné la recette dans le temps, deux fois déjà.
Moi aussi
j’ai prié en ces jours de septembre, et j’ai lu dans ma bible bien des fois.
Bon sang ! j’avais si peur que je n’ai pas encore fini d’en rêver la nuit.
Depuis le
mois d’août nous n’avons plus eu de nouvelles de papa W. et Oscar est un peu
inquiet. Est-ce que Loulou ne pourrait pas nous donner un peu de nouvelles le
concernant ? Comment cela va-t-il avec la Auntie (deuxième épouse de papa W.), est-ce de ce côté là que papa W. a
des soucis ?
Je
tâcherai de te faire le plaisir avec les chemises aux garçons, mais je ne peux
pas promettre qu’elles soient à temps pour Noël. Je n’ai pas encore trouvé la
soie qui me plaît et peut être que j’attendrai d’être à Soerabaya pour les
faire faire. Enfin, je verrai.
Quant à un
costume de bain, oui, tu peux bien
m’en envoyer un autre, seulement cette fois-ci, tu n’en achèteras pas un trop fermé !!! J’ai mis le jaune
citron deux fois pour aller nager ici, mais il ne va pas, il se détend sur les
côtés de sorte que cela gonfle où il y a les bümeli (seins), et puis il est trop
court, il y a les füdlibacke (fesses) qui sortent comme des saucisses.
J’aimerais bien un costume de bain moderne, mais avec des bretelles sur les
épaules, et puis il te faut faire attention à une bonne coupe, prends une
marque connue telle que Jantzen, Goldfisch etc. Tweka ou n’importe quoi qui ait une bonne réputation en Suisse.
Dans un article pareil, il faut de la qualité. Comme déjà dit, tu n’auras pas
besoin d’en acheter un pour une nonne,
compris ?
J’aime
mieux avoir des bretelles au dos, parce que mon dos nu n’est pas joli, j’ai les
omoplates trop saillantes, alors des bretelles sont plus flatteuses, et aussi
cela permet une meilleure coupe du costume. Combien as-tu payé ce jaune
citron ? Je veux tâcher de le vendre. Dis-moi donc le prix stpl.
On a eu la
visite de Elout (le supérieur de Oscar à Batavia) la semaine passée. C’est donc en
ordre, nous allons à Kediri au
commencement décembre. Les Saayers, administrateur de Kediri, ne
partiront qu’en janvier, donc nous ne pourrons pas entrer dans notre maison
avant et serons sans toit pour Noël cette fois-ci. J’ai déjà dit à Buby que
nous tâcherons d’aller dans un hôtel dans la montagne, car nous préférons être
les deux seuls qu’avec des gens qui ne nous sont pas trop sympathiques. Elout
n‘était pas content cette fois-ci et a gueulé de tort à travers. Il voudrait
aussi que je laisse mes meubles ici pour que Saayers n’ait pas besoin de
déménager les siens de sa maison et pour que notre successeur ici, qui revient
de Hollande et n’a pas encore de ménage, puisse gentiment s’installer dans le
mien. J’ai répondu que j’étais toujours prête pour des combines pratiques, mais
qu’il fallait aussi que j’y aie mon
avantage et que dans ce cas-ci je ne pouvais pas voir d’avantage pour moi.
Je ne suis donc pas dupe, et je vais prendre mes meubles avec. Alors Elout m‘a
répondu que s’il voulait il pouvait me donner
l’ordre de laisser mes meubles ici ! A ces mots, Oscar s’est mis sur
ses éperons, nom d’une pipe, je ne l’ai jamais vu aussi fâché. Vraiment c’est une grande injustice de Elout. Nous sommes connus pour être très bon et
serviables, mais il ne faut pas profiter
de nous. Je pense que Elout a déjà promis aux Saayers que nous irions habiter
dans leurs meubles et qu’ainsi ils seraient bien soignés pendant leur absence,
et maintenant que je ne veux pas marcher dans la combine, il se trouve attrapé.
Il faut en faire de toutes sortes des expériences ! Enfin, on verra encore comment cela se terminera.
Ces Saayers sont des lèche-culs et Elout s’est laissé prendre à leur miel, mais
c’est pas la Näggeli qui en sera la dupe.
Seulement
il ne faut pas te faire de soucis à cause de cela, Mamms, nous saurons bien
nous tirer d’affaire, et nous ferons notre possible pour que tout aille bien à
Kediri. Heureusement que je me porte mieux à présent, ainsi c’est aussi plus
facile de surmonter des difficultés pareilles. Elout n’en revenait pas de me
voir si bonne mine.
Le dernier
soir qu’il était ici, j’ai tout de même donné un petit dîner avec une bonne bouteille de vin et j’ai invité les Oliemans.
C’était très gentil. Tu vois que la Näggeli n’est pas sans diplomatie !
Je te
quitte pour cette fois-ci, je tâcherai encore d’écrire une lettre de famille.
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