mardi 17 janvier 2017



Tjilatjap

11 septembre 1938

Je t’ai écrit le premier septembre mais je ne trouve plus la copie de ma lettre de sorte que je ne me rappelle plus bien tout ce que je t’ai écrit.
D’abord merci bien pour la combinaison de Banely, que j’ai bien reçue ainsi que le joli costume de bain. Mais, tiens-toi bien, je n’ose pas le mettre, c’est à dire que l’Oscarli alias Buby alias mon mari, trouve qu’il est un peu trop décolleté et il n’aime pas que je me montre ainsi ! Tableau !  Tu comprends, il a été gâté toutes ces années de me voir dans celui que tu m’avais tricoté et qui était plus que comme il faut, alors c’est difficile de s’habituer à autre chose. Il est bien vrai qu’ici nous ne sommes pas sur une plage mondaine où l’on  voit des femmes nues à la douzaine et où cela ne se remarque plus. Je vais tout de même essayer de le mettre, mais si décidément cela ne lui va pas, alors j’en ferai venir au choix depuis Bandoeng.  Ce sera très cher, mais tant pis, c’est pas la peine de déplaire à Monsieur pour quelques florins, et t’en fais pas, je saurai bien en choisir un élégant aussi. La raison pour laquelle je n’en ai jamais acheté, c’est que je ne pouvais pas en pensant à toi et à tout ce que tu as souffert pour me faire ce costume de bain. Maintenant que toi-même tu m’en as envoyé un nouveau, que toi-même me dis d’en acheter un nouveau, alors j’y consens. Je ne sais pas bien si tu me comprendras, je crois bien que si. A Bandoeng j’en ai eu dans les mains bien des fois, des costumes de bain, mais chaque fois je suis ressortie du magasin les mains vides, j’avais le sentiment que je t’offenserais en en achetant un. Maintenant je le ferai. Je sais que je dois compter Fl. 12.-/13.- pour un beau costume, ce qui fait environ Frs. 35.-/40.-. C’est beaucoup, hein ? Mais je n’ose plus te demander de m’en envoyer encore un, je veux les choisir avec Buby.
Nous avons eu 4 jours de fêtes pour le jubilée de la reine. Ouf ! Je suis contente que ce soit passé c’était fatigant et embêtant aussi. Il y a eu un bal ici et j’ai mis ma robe de Max. Celle avec les rubans verts. Elle est ravissante et c’est une des robes qui me va le mieux de toutes celles que Hedy m’a faites. Elle me flatte beaucoup, surtout ces rubans sur les épaules. C’est tellement dommage que l’étoffe soit si mauvaise. Déjà maintenant après une seule nuit de danse, elle a perdu tout son aprêt autour de la taille et ce n’est plus que du voile chiffonné. Je ne veux même pas essayer de la repasser et encore moins la laver. Enfin tant pis, cela durera ce que cela dure.
Veuille aussi me dire le no de col des garçons ou la grandeur de leurs chemises, de préférence des mesures anglaises. J’ai l’intention de leur faire faire des chemises en soie chinoise qui est si bon marché ici. Si tu as l’occasion d’en faire faire des jolies à Bienne, alors je t’enverrai la soie seulement. Dis-moi ce que vous préférez, mais n’oublie pas, dans ta prochaine lettre. C’est de la soie pour chemises exprès, je m’en fais aussi souvent des robes et cela se lave tellement bien, seulement il ne faut pas les laisser devenir trop sales.
Du muesch nid angschgt ha, dass ids viel uusgibe, i cha scho rächne ! I ha vo dene ferie wieder a schübu hingere gheit, voor dure bin i gang arm aber me glaubt s jetze nümme so gärn, me seit mer gang : Hesch mi wieder bschisse ?! u de lacht me nütguetzig derzue. Me hets öppe wie gärn dass me so guet chas pare, drum berchumen i ou gang der ganz schübu jede monet u de frogt me mi für sackgäud ! !!
N'aie pas peur que je dépense trop, je sais compter! j'ai encore mis de côté un montant avant les vacances, par devant je suis toujours pauvre, on ne me le croit plus tellement, on redit: tu m'as eu de nouveau et il rit. On apprécie que je sache économiser raison pour laquelle je reçois tout le salaire du mois et ensuite on me demande de l'argent de poche!!!
Et maintenant la grande nouvelle ! Je ne sais pas si je te l’ai déjà écrite d’ailleurs ! Nous sommes placés à Kediri à la fin de l’année, probablement dans la deuxième moitié de décembre. Qu’est-ce que tu en dis ? Kediri est la plus grande fabrique de la Mexolie, et elle marche bien. Il y a des chances que notre salaire sera plus haut qu’ici, pas le fixe, mais le pourcentage des livraisons de la fabrique. C’est aussi la fabrique la plus difficile à administrer selon les dire d’Elout et Oscar n’aura pas aussi bon temps qu’ici. Mais cela ne le gêne pas, il est assez intelligent pour travailler. Pour le moment il est dit que nous y serons 6-8 mois, mais on ne sait jamais. Tu sais que tante Engel sera à une demi heure de là, ce sera bien gentil, surtout pour commencer quand je ne connaîtrai encore personne.
Kediri est beaucoup plus grand que Tjilatjap, il y a même 2 cinémas, mais c’est dommage que ce ne soit pas au bord de la mer. Moi, pour mon compte, je n’aime pas Kediri, c’est placé comme Keboemen au milieu des champs de sucre et la nature n’y est pas fantastique mais tant pis. L’avantage c’est que c’est à deux heures de chemin de fer de Soerabaya, je pourrai donc de temps en temps aller y passer une journée pour faire des commissions.
C’est une chose encore tout à fait secrète, ici personne ne le sait, sauf les Oliemans, pas même Engelenberg. Je ne fais donc pas de projets pour Noël, vu que nous serons peut être en plein déménagement. D’un côté je regrette encore de quitter Tjilatjap, je commençais à bien m’y plaire dans ma belle grande maison, mon jardin qui devient très beau et nos soirées de musique. Tant pis, espérons qu’à Kediri on trouvera quelqu’un qui sera aussi enthousiaste pour venir jouer soit du violon ou autre chose. Enfin, je pense que là je trouverai aussi des points positifs et négatifs comme partout. Je ne m’en fais pas du tout, à la fin on s’habitue à tout et je ne suis plus sans expérience.


Sans cela tout va bien ici. Nous jouons au golf, hier dimanche toute la matinée et le soir je vais régulièrement au tennis, Oscar aussi m’accompagne souvent et ainsi les jours passent seulement trop vite.
Je me réjouis de recevoir une prochaine lettre de toi. Merci aussi pour les Sie&Er que j’ai reçus il y a environ une semaine. Est-ce que tu as encore des nouvelles de Max ?
Je te quitte de nouveau, car la lettre doit partir.
Beaucoup de muntschi… Et mes meilleurs vœux de bonne fête pour Minna. Je ne l’oublie pas mais je n’ai jamais assez de temps pour écrire
Et maintenant schluss !



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