dimanche 12 juin 2016




Keboemen

16 février 1936

Mynes Mamms
Vite quelques lignes pour répondre en détail à tes deux lettres.
Je ne peux pas te dire combien je suis contente que tu aies Muriel (au pair, pour apprendre le français) pour quelques temps chez toi. C’est bien la meilleure chose que je puisse te souhaiter. Car j’ai souvent pensé que c’était dommage pour tous les samedis après midi que tu devais passer seule sans avoir le plaisir de faire un tour de ville, comme nous aimions le faire. Maintenant il te faut en profiter, surtout si tu oses de nouveau marcher. Je vous souhaite de beaux moments ensemble. Et tu sais, il ne te faudrait pas croire que je pourrais être un peu jalouse si vous aimez beaucoup cette fi-fille.
Chez qui est-ce que Muriel prend des leçons de français, chez la Henrietta ?
Tu remercieras J. Mottet de sa lettre. Ce pauvre, il me semble que je t’entends aller vers lui au  bureau, disant Hé, monsieur Mottet, j’ai encore de la place dans ma lettre pour Nelly, et je n’ai plus le temps de remplir la deuxième feuille, écrivez-vous, voir, quelques mots !
Lundi soir. Je n’ai pas pu finir ma lettre hier soir, dimanche, et me proposais de le faire ce soir, mais je suis si fatiguée que tu ne m’en voudras pas si je n’écris plus grand chose. Toute la journée nous avons été à cette réception. Il fallait rester debout pendant tous les discours, plus que deux heures de temps, nous les femmes, nous n’en pouvions lus. Dans ma prochaine lettre je vous décrirai tout. Maintenant je veux seulement te dire que tout a bien été, Ma robe était très jolie, en somme j’ai eu un grand succès, les femmes m’ont presque bouffée. Nous avons été la plupart du temps avec les Engelhart, mais je me suis amusée un peu avec tout le monde. Il y avait une bonne musique et nous avons dansé pendant le lunch. La cérémonie a été très, très High life, du grand cérémoniel, quoi,  une chose que l’on ne verrait jamais en Suisse.
J’ai reçu hier une longue lettre de Annie Elout, une lettre dans laquelle elle se laisse beaucoup aller, c’est à dire où elle m’écrit par trois fois comme elle se réjouit de me voir à Batavia qu’elle espère que nous serons beaucoup ensemble etc. Elle a son enfant souvent malade, et cela la déprime, j’ai l’impression qu’elle s’accroche déjà à moi. Cela ne me fait rien, je saurai bien m’en tirer, et d’ailleurs c’est un peu ce que je désirais, car ainsi c’est un bon moyen de rester en contact avec Elout. Je crois que j’ai  complètement gagné sa sympathie. Maintenant que Tante Engel sera loin, cela ne me fait absolument rien de quitter Keboemen, je n’ai plus rien qui m’y retienne, sauf mes leçons de javanais auxquelles j’ai vraiment du plaisir. Tante Engel m’a taquinée hier soir, disant qu’elle croyait que j’avais plutôt du plaisir à Koesnoen !!! On a bien rit. Au fonds c’est vrai, j’ai du plaisir, mais pas à Koesnoen, seulement à ce que je peux apprendre de lui. L’intérêt des leçons m’aide à tout surmonter.
Je te quitte pour cette fois.



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