Keboemen
16 février 1936
Mes bien
chers
A la bonne-heure,
cette semaine j’ai reçu deux lettres
en même temps, les 124 et 125 pour
lesquelles je vous remercie de tout cœur. Elles ont été lues avec plaisir et
avidité. L’une n’était pas affranchie, de sorte que je vais vous retourner les
timbres, vous pourrez les employer encore une fois. Une petite économie. Merci
aussi de tout cœur pour les Caotonic, mais hélas, l’expédition n’est plus à
renouveler, car l’expérience n’a pas été bonne. J’ai dû payer Frs. 1.35 par
paquet, plus le port, Frs. 0.80 que vous avez payé, cela revient à 2.15,
sûrement plus cher que le contenu. Non, à l’avenir je me contenterai de la
poudre de cacao hollandaise qu’on a ici. Peut être qu’à Batavia je les
trouverai aussi ces Caotonic. Merci pour l’envoi. Buby le trouve très bon et
moi aussi.
Alors vous
avez donc une nouvelle Ge ! Eh bien cela me fait bien plaisir et je
souhaite bien qu’elle réussisse un peu à me remplacer, ou pour m’exprimer de
façon plus juste, qu’elle réussisse à faire revivre pour vous un peu du temps
de la Ge…. Le bon vieux temps quand mon Father était fier de moi, hein, papali,
jusqu’au jour où la Ge… s’est laissé tourner la tête par des lettres d’une
espèce de zigue de Hollande !!! A partir de ce moment-là elle a eu le cœur
ailleurs qu’aux affaires du bureau ! C’est la vie, qu’est-ce qu’on veut.
Faaather, tu m’écris que les garçons doivent refaire du service, 3 mois, est-ce
bien possible ? N’ont-ils pas encore fini ? Maman ne m’en dit rien.
Papa
Woldringh nous a enfin écrit de nouveau, et nous dit qu’il avait eu la visite
des garçons who were on business and splendid looking. Cela m’a fait plaisir.
(Est-il besoin de le dire !!!)
Nous
pensons de plus en plus à Batavia. Je regrette que dans mes lettres
précédentes, je n’aie pas été assez claire et précise concernant notre
déplacement à Batavia. Il ne faut pas que ce soit un désappointement pour vous
si nous n’y allons que pour 9-10 mois. C’est déjà une belle chance ainsi qui
est offerte à Buby. Quant à nos meubles et mon trousseau que je laisse ici,
c’est Wies qui en prendra soin. Je
lui laisse le tout avec un inventaire et elle se charge de faire nettoyer
chaque semaine, et aérer. Pour cela je payerai une journée par semaine à un de
ses domestiques ou à mon ancien kebon qui est au courant des nettoyages. Ils se
chargeront aussi de l’emballage des meubles si nous ne revenons plus ici, pour
cela je leur nettoie leur maison maintenant et leur fais leur jardin pour que
tout soit bien et propre quand ils arriveront. Ici on est habitué à s’aider
ainsi. Je n’emballerai que ma vaisselle, l’argenterie, les verres, etc, toutes
ces choses qui ne gâtent pas. Mr. Bigot
est plus haut que Elout, c’est son
patron direct. Bigot est directeur d’une société de la Banque qui comprend l’administration
de la Mexolie, plus 7-10 autres entreprises industrielles. Bigot est en quelque
sorte le directeur industriel des entreprises de la Banque, sauf de celles du
sucre et du caoutchouc. Après ces 9 mois, si nous ne restons pas attachés au
bureau de Batavia, nous irons sur une des fabriques soit à Kediri, près de
Solo, Banjoewangi près de l’île de Bali, Rankgasbitoeng près de Batavia, ou,
ou…. Keboemen ! On ne sait jamais ! Visser approche bientôt de
nouveau son congé en Europe. S’il le prend, il se pourrait qu’ils mettent Buby
comme remplaçant de Visser à Keboemen. Mais vous savez, cela ne sont que de pures
suppositions de notre part, il ne faut pas vous faire des illusions et
surtout ne pas bâtir de châteaux en Espagne. N’est-ce pas? tu ne te laisseras
pas emporter sur les ailes de ton imagination ! D’ailleurs il me semble
que je vous ai tout bien raconté dans une de mes dernières lettres, avec tous
les détails possibles. Probablement tu n’auras pas pris le temps nécessaire
pour lire toutes ces nouvelles ! Enfin, je suis toujours à votre
disposition pour vous donner tous les renseignements que vous puissiez désirer.
Il y avait
hier soir, samedi, grande soirée à Keboemen, organisée par Koesnoen et
Engelhart dans la maison du A.R. (régent)
Ce devait être un bal pour la haute volée de Keboemen et environs, il fallait
payer Fl. 5.- d’entrée par famille et encore le reste. Buby a trouvé cela trop
cher pour le plaisir que cela nous aurait procuré. Moi aussi, du reste, mais si
j’y étais allée, cela aurait plutôt été pour Koesnoen et Englehart, mais comme
j’ai appris que l’affaire réussissait bien, qu’ils avaient assez d’argent pour
la musique etc, je n’ai pas insisté vers Buby pour y aller. C’était une drôle
d’organisation, il fallait payer ces Fl. 5.- trois semaines d’avance. C’était
aussi une raison pour ne pas vouloir y participer, car qui peut prévoir que dans trois semaines on ne
sera pas empêché d’y assister. Enfin, il faut dire que si nous restions à
Keboemen, nous y serions allés, mais comme on fichera bientôt le camp, on se
fiche aussi du reste. Nous ne tenons plus à faire connaissance avec qui que ce
soit ici, c’est tous des staufifres,
(expression suisse pour des gens pas
intéressants) ou alors des gens à la Rickshaw. Il n’y a que les Engelhart
qui nous soient sympathiques. Entre parenthèse, j’ai été chez la Rick porter ce
bon de benzine, ce n’est pas 5 l. que j’ai dû souscrire, mais 10 litres, sur
lesquels il y en a 4 de trop. Ils l’on accepté comme la chose la plus naturelle
du monde. Dans ma lettre précédente, je m’étais trompée, il nous fallait payer
6 litres, tout le voyage à Poerworedjo leur coûtait 12 litres, dont moi j’ai
payé 10 litres. Est-ce que ce n’est pas un peu fort ? Je sais maintenant
pourquoi les gens ne veulent jamais faire des arrangements avec eux.
Demain
nous allons à une réception donnée par le Prince
régent de Keboemen, à l’occasion de son entrée en fonction. Nous avons
maintenant un nouveau Regent, le frère du précédent qui a pris sa retraite. Ce
sera toute une cérémonie, les messieurs doivent être en grande tenue ou alors
en frac, les dames aussi font beaucoup de toilette. Moi j’ai préparé ma robe d’organdi avec mon grand chapeau de la Danioth. Ce chapeau
je ne l’ai mis qu’une fois depuis que je suis ici, demain ce sera la seconde
fois. Il ne m’allait jamais bien, et maintenant j’ai essayé de le mettre à
l’envers et il me va très, très bien. Tante Engel a dû rire quand elle a vu
cela. Mardi passé elle était ici alors nous avons tenu une revue de mode. C’est
elle qui m’a dit de mettre ma robe d’organdi, moi j’aurais mis celle en voile
que Hedy m’a fait de cadeau, mais tante Engel m’a dit que j’étais bête de ne
pas porter cette organdi Je lui ai prêté mes gants jaunes qu’elle mettra avec
sa robe de soie brune. Elle n’a pas de goût du tout pour s’habiller. Elle porte
bien des choses souvent jolies par elles-mêmes, mais elle ne sait pas les faire
accorder entre elles. Elle a presque toujours un détail qui gâte le tout.
J’essaie bien de la conseiller, mais elle n’écoute pas encore très facilement
et moi je n’insiste pas, car après tout, ce n’est pas mon affaire. Si elle
était une de mes vraies tantes, j’insisterais bien, car alors je l’aimerais
assez pour le faire, mais pour des simples connaissances, je ne me donne pas cette
peine. Vous comprenez la différence, mes Tantes ?
Les
Engelhart viennent de recevoir l’avis que leur départ est certain maintenant.
Ils quitteront donc au mois d’avril pour l’Europe, en faisant le tour du Cap de
Bonne Espérance. Ils retourneront par l’Amérique. Je leur ai dit de te prendre
avec, et ils en seraient enchantés. Donc Mamms, si… si… si… cela t’en
dit ! Ils repartiront d’Europe au mois d’octobre 1936. Naturellement ils
passeront aussi une fois par Bienne pour vous voir et … vous crier sur moi. Ils
prendront mes montres et pendulettes avec eux pour les rhabiller, Faaatherli.
J’ai également déjà acheté quelques petites nappes, tapis de table en dentelles
etc, comme petits cadeaux. Plus tard je t’écrirai à qui il te faudra les donner
Mamms. Si quelqu’un de vous a un désir spécial pour l’une ou l’autre chose
d’ici, dites le, car c’est une bonne occasion. Des objets en argent ou en
écaille etc. J’ai déjà ceux que je voulais donner à madame Voskuil pour prendre
avec, ce sera tante Engel qui les prendra maintenant.
Voilà
j’arrive au bout de mon bavardage. Les expériences de demain, je vous les raconterai
dans ma prochaine lettre.
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