mercredi 28 octobre 2015






3 juin 1934

Keboemen

Ma chère Mamali

Vite ma petite lettre privée pour toi seulement, demain j’écrirai la lettre à circulation. Je crois que j’ai fin nez d’avoir adopté ce système, car d’après ce que mes photos semblent voyager, j’ai peur que cela soit un peu le cas pour les lettres aussi.

C’est dimanche après midi, nous venons de dormir, c’est-à-dire, Oscar était étendu sur le lit et lisait un livre intéressant. Maintenant il est bientôt 5 heures et nous irons peut être jouer au tennis dans un moment, sitôt que le soleil ne sera plus sur la place.
Merci pour ta bonne lettre et aussi pour les recettes. Je vais les essayer. Quant au poisson froid, je l’ai déjà fait, seulement comme je n’ai pas de forme de poisson, j’ai gentiment arrangé les morceaux en un petit tas et j’ai versé la mayonnaise par dessus. Je suis toujours intéressée si tu peux me donner de bonnes idées, surtout aussi des petits plats pour les jours d’été, du froid, de la cuisine froide, car des fois Oscar, après un jour bien chaud et fatigant, n’a pas envie de manger beaucoup, alors un de ces petits plats est le bienvenu pour le souper. 
Tu m’écris dans ta lettre 36, en réponse à la mienne du 6 mai, que tu feras le nécessaire pour m’envoyer le buste. Mynes Mamali, tu ne m’as pas bien comprise. Je voulais d’abord savoir le prix et ensuite je te donnerais l’ordre formel de m’en envoyer un, comme je l’ai d’ailleurs écrit dans une lettre précédente. Dans ma lettre du 6 mai, je vous écrivais que je n’avais toujours pas de nouvelles du buste, et ensuite je disais qu’il fallait absolument que je m’en procure un, car je ne peux pas travailler ainsi, mais je ne vous ai pas encore écrit d’en commander un, puisque je voulais d’abord comparer. Enfin, mes lettres depuis lors vous ont dit que peut être je pouvais en faire faire un à ma taille à Solo. J’espère bien que tu n’as pas encore fait partir la commande à Paris. Si jamais, tu l’avais fait, et que tu ne puisses plus la retirer, eh bien il faudra bien que je l’accepte, bien que cela sera très très cher. Mais encore une fois, Mamali, ne commande jamais rien définitivement avant que je te l’aie formellement demandé dans une de mes lettres, mais aussi il faudra les lire avec plus d’attention.  D’ailleurs tu te rappelles sûrement que j’ai toujours été ainsi avant d’acheter quelque chose, je m’informe de droite à gauche et de gauche à droite pour acheter aux meilleures conditions. Tata s’est assez moquée de moi pour cela, mais je m’en balance, avec ce système au moins, on en a pour ses sous tandis qu’elle…. !

Que tu ais encore dû mendier, ma photo envoyée à Tata, cela je me le pensais bien qu’elle se ferait prier. Je ne sais pas ce qu’ils ont ces deux, mais des fois ils sont terribles. Mais ne t’en fais pas, tu la recevras aussi puisque c’est comme cela. Je l’ai envoyée à St Gall seulement pour les flatter un peu, tu comprends. Il faut leur faire plaisir de temps en temps mais tu ne seras pas en manque. Seulement je m’arrange maintenant avec le photographe pour avoir une note d’environ Frs. 8.- par mois, pas plus, et tu sais cela compte vite, ainsi on ne peut pas faire faire de ces grandes photos en série, tu comprendras. Sur cette photo j’ai voulu faire une petite bouche, et alors cela me donne toujours une binette pareille. Je n’ai pas l’ennui, je peux même te le jurer. Avant de partir tu m’as fait promettre que je t’écrirais toujours tout et rien que la vérité, et jusqu’à présent j’ai tenu ma promesse. Tu sais, Rötteli, tu as une fille qui tient parole, elle n’est pas comme sa mère. Voilà pour ta pomme !
Quant à la Hanny, laisse là seulement m’écrire la première, tu peux lui dire à l’occasion que j’ai toujours tellement de lettres à répondre que je n’arrive presque pas à en écrire de nouvelles, tu comprends, à ouvrir de nouvelles correspondances. Si elle m’écrit la première, elle aura des nouvelles plus vite.
Donc, ce Pröbschtu, c’est quand même honteux. Qu’est-ce qu’elle dit, la Minna, de cette affaire ? Tu sais, moi je l’ai déjà longtemps pensé, d’ailleurs Minna aussi. Il a toujours regardé les garçons avec trop de gentillesse, tu n’as peut être pas remarqué, mais moi je le sentais, comme il leur donnait toujours des pommes…. Tu me raconteras la suite.
Oscar a travaillé presque toute la semaine le soir au bureau. J’allais m’asseoir vers lui des fois jusqu’à minuit. Pour qu’il puisse y tenir je lui donnais toujours un bol de bouillon avec un œuf battu dedans. C’est pourtant bon, n’est-ce pas, dans des occasions pareilles ? Maintenant il a pris son travail à la maison c’est plus heimelig. Mais vois-tu c’est fou comme on se sent bien ici les deux. C’est comme un roman

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