23 avril 1934
Keboemen
D’avance
il faut que je vous demande pardon de ce que cette lettre sera bien courte,
tout simplement je n’ai plus le temps d’écrire beaucoup. Et pourquoi est-ce que
je n’ai plus le temps ? C’est que Nelly a commencé un livre épatant mais
en hollandais, alors je n’ai pas pu le quitter avant qu’il soit fini et d’autre
part cela m‘a pris plus de temps que je ne pensais. Si cela avait été du
français, j’aurais été prête en un jour, mais diable avec du hollandais !
Enfin, n’est-ce pas, mes chers, vous ne m’en voudrez pas. Oscar non plus n’a
pas été fâché de me retrouver à 5 heures comme il m’avait quittée à 2 heures,
je n’ai pas dormi, je n’étais pas baignée, rien, une Schlampe, quoi ! je
vois Papali faire de gros yeux : Tonnerre, il ne faut pas qu’elle prenne
de ces habitudes, la gosse. Non, non, ne crains rien, je ne les prendrai pas,
seulement de temps en temps une petite exception (tu fais aussi la noce de
temps en temps !).
Cette
semaine Oscar a commencé définitivement au bureau. Il en revient tout étourdi
le soir, il a la frousse de ne jamais pouvoir retenir tous ces noms chinois des
clients et des fournisseurs, tels que Liem Song Tiang, Nam Hiem, Lee Gie Tien,
Khoc Sien Thay, Bang An, Ho’s, Shang Tiat Lie, etc, etc. Au moins « Die
Hung Tchiang und Tchanggu Hung » (termes
péjoratifs en suisse allemand), cela veut dire quelque chose, mais ceux
d’ici ! Les messieurs du bureau l’ont taquiné et lui ont dit qu’il devait
donner un slamatan, maintenant qu’il
venait travailler parmi eux, alors samedi à midi, Oscar a amené ces messieurs
donc Visser, Nieburg etc pour un apéritif, et j’avais préparé quelques
sandwichs avec les œufs, tu sais mamali, mais ils ne m’ont pas très bien réussi, je ne sais pas ce que
j’ai fait, j’étais pressée. Pourtant j’ai aussi la Worcester sauce. Enfin, cela
a bien été. Le soir nous avons fait un petit tour, Buby et moi, alors en rentrant
M. Visser nous a dit d’entrer. Il était environ 6 heures et nous sommes restés
jusqu’à 9 heures.
Madame V. a fait préparer de bons sandwichs aux crevettes, nous nous sommes bien amusés, nous avons ri etc, et les hommes ont joué aux cartes puis nous avons décidé de jouer au tennis le lendemain, dimanche matin donc, à 6 heures, ensuite Mme V nous a invités pour déjeuner chez elle d’un plat de riz, du nasi goreng, ensuite pour rire j’ai dit : et nous dinerons chez nous de rijsttafel. Ils ont accepté, je me trouvais un peu bête, mais enfin, j’ai dit au kebon de tuer le caneton plus une poule, et à la baboe j’ai donné 30 cents en plus pour qu’elle nous fasse un festin. En effet, nous avons excellemment mangé. Pour finir il y avait des glaces à la crème brûlée et du café noir. C’est si facile d’avoir des visites ici, je n’ai pas bougé le petit doigt, ni creusé trop profond dans le portemonnaie comme vous voyez. Le dimanche matin nous avons donc joué au tennis, puis mangé chez les V. au jardin, ensuite les hommes ont été au bureau et nous les dames nous avons fait une petite promenade en auto.
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jeu de cartes au jardin |
Madame V. a fait préparer de bons sandwichs aux crevettes, nous nous sommes bien amusés, nous avons ri etc, et les hommes ont joué aux cartes puis nous avons décidé de jouer au tennis le lendemain, dimanche matin donc, à 6 heures, ensuite Mme V nous a invités pour déjeuner chez elle d’un plat de riz, du nasi goreng, ensuite pour rire j’ai dit : et nous dinerons chez nous de rijsttafel. Ils ont accepté, je me trouvais un peu bête, mais enfin, j’ai dit au kebon de tuer le caneton plus une poule, et à la baboe j’ai donné 30 cents en plus pour qu’elle nous fasse un festin. En effet, nous avons excellemment mangé. Pour finir il y avait des glaces à la crème brûlée et du café noir. C’est si facile d’avoir des visites ici, je n’ai pas bougé le petit doigt, ni creusé trop profond dans le portemonnaie comme vous voyez. Le dimanche matin nous avons donc joué au tennis, puis mangé chez les V. au jardin, ensuite les hommes ont été au bureau et nous les dames nous avons fait une petite promenade en auto.
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joli chemin |
Madame V. m’a montré un chemin que je ne connaissais pas encore, un chemin, je
vous dis, un chemin à faire rêver. Après 10 min. d’auto on entre dans les
montagnes. Le chemin longe la rivière, une rivière aussi large que l’Aar à
Nidau, mais pas profonde avec des îles au milieu, plutôt des bancs de sable,
entièrement recouverts d’une sorte de liseron ou de capucines mauves. Vous
voyez cela, au milieu de l’eau tout à coup un bouquet, un tapis de fleurs
mauves dans des feuilles vertes. Fantastique, et les collines… d’abord comme la
Hole, le Chräiebärg (Sutz, lac de Bienne), puis le Jolimont, le Twannberg, je vous dis c’était
épatant. Et les petits sentiers qui montent, et les palmiers, et les fleurs et
les petits ponts sur les petits ruisseaux qui descendent, et les oiseaux, et
les couleurs, tout enfin, j’en suis paff
et tout cela près de Keboemen, à deux pas.
Gare quand nous aurons des vélos. Mais pour le mois prochain il n’y a encore rien de fait, j’ai de la peine à rappondre les bouts ce mois, je ne sais pas pourquoi, mais ne vous en faites pas, cela va toujours, nos économies du mois sont déjà à la poste ! A moi de me débrouiller avec le reste !
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plan de Keboemen, le point noir est la maison. En bas à droite, le nouveau chemin |
Gare quand nous aurons des vélos. Mais pour le mois prochain il n’y a encore rien de fait, j’ai de la peine à rappondre les bouts ce mois, je ne sais pas pourquoi, mais ne vous en faites pas, cela va toujours, nos économies du mois sont déjà à la poste ! A moi de me débrouiller avec le reste !
Mardi
passé nous avons été invités chez les Röhwer, c’était sa fête à lui. On y était
avec les V. On a eu un bon dindon, exquis je vous dis, mais comme ils venaient
à peine de faire la paix, l’église n’était pas encore bien solide au milieu et
lui trouvait à redire à tout, à tout. Il mangeait plus vite que nous et
réclamait toujours qu’elle ne savait pas faire aller le service, les pommes de
terre n’avais pas assez de sel, le dindon était mal coupé, la sauce était trop
grasse, le pudding n’avait pas de goût, le vin était trop mince (une bouteille
bouchée) que la couleur des pommes (de beaux fruits rouges d’Australie)
n’étaient pas naturelles, enfin tout, je vous dis, tout y passait. A la fin,
Mme V. s’est fâchée et moi aussi, car vraiment la petite Röhwer me faisait
pitié. Il faut que je les invite un de ces dimanches aussi pour une rijsttafel, mais
vraiment j’ai peur qu’il fasse des comparaisons après et qu’il trouve cela de
plus à redire à sa femme. Je vous dis, ils se valent bien l’un l’autre ces
deux. Samedi soir ils avaient été à Poerworedjo au cinéma, alors le dimanche
matin quand ils nous ont vu aller chez les V. et eux ensuite venir chez nous,
cela a dû les piquer, ils sont si vite jaloux. Demain j’irai leur faire une
petite visite et je serai bien gentille toujours pour conserver la fameuse
église. C’est ce qu’on entend par vie difficile, ici aux Indes. On est si peu
de monde et obligé de vivre les uns avec les autres. Ce n’est pas comme dans
une grande ville où l’on peut s’ignorer, enfin, on ne s’en tire pas mal, vous
savez, mais de plus en plus nous apprécions notre home et nous deux seuls
dedans. Naturellement qu’entre les V. et nous, cela va tout seul, mais je suis
contente, eux aussi font attention de ne pas blesser les Röhwer, pour cela on
s’entend bien. Dans quelques mois Oscar sera seul au bureau, Monsieur V. a fait
des allusions que Nieburg le comptable actuel, ira dans une autre fabrique et
ce sera à Oscar de remplacer V.
quand celui-ci sera en tournée. Pour le moment, nous restons encore à
Keboemen, nous ne demandons pas mieux, car ici nous savons ce que nous avons,
nous ne connaissons pas encore les gens des autres places, et enfin, on vit bon
marché dans ce patelin.
Cette
semaine, j’ai liquidé mon panier de raccommodages, encore environ 10 paires de
chaussettes et de bas à repriser. Ma santé va de nouveau très bien, ces pilules
m’ont remise comme toujours. Je ne me sens plus paresseuse ni fatiguée ni rien
du tout. Oscar aussi va bien quoiqu’il ait mauvaise mine justement aujourd’hui.
Diable,
j’allais oublier de vous remercier, toi mamali de ta lettre no 30 du 10/4.
Toutes tes nouvelles m’intéressent, j’attends avec impatience les prix du
buste. Est-ce que Hedy a reçu ma lettre par bateau avec des échantillons
d’étoffes, du 15/2 ? Je lui ai commandé une moulure un peu moderne pour me
faire de petites robes d’après le patron.
Papa W.
doit être à Meran en ce moment, peut être le savez-vous aussi. Je vais lui
écrire encore ce soir, c’est pourquoi schluss avec vous, mes chers. Inclus
enfin mon extrait de comptes. Je me demande ce que vous en penserez. J’ai tâché
de vous donner tous les détails
possibles, mais si vous voulez encore savoir quelque chose, demandez-le moi.
Merci pour les graines que vous m’envoyez, mes chers, mais ne m’envoyez pas ce
que je ne demande pas. Les oignons par exemple, ils ne poussent pas ici, et
d’ailleurs ils sont bon marché, les petites échalotes poussent ici. J’ai de
belles tomates, il fait bon mordre dedans sans les laver puisque je les cueille
moi-même.
Mes chers,
bon muntschi, encore un, spécialement à mes deux nouilles de
« CharLou »
Votre
Ge……
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